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La substance. C'est-à-dire les principales dispositions qui caractérisent l'obligation, et sans lesquelles elle n'existerait pas. Si l'on veut confirmer une vente, par exemple, il faut désigner le prix et la chose vendue. Ceci est nécessaire, en effet, pour qu'on ne puisse se méprendre sur l'obligation que les parties ont voulu confirmer.

Mention du motif. Afin d'éviter les surprises que pourrait pratiquer le créancier, en demandant une ratification en général et sous un prétexte frivole. Il faut donc que celui qui ratifie connaisse et désigne le motif de rescision auquel il renonce. Exemple: Je ratifie une vente que vous m'avez faite pendant ma minorité, et je renonce au motif de rescision résultant de mon incapacité. Postérieurement à cette ratification, je m'aperçois qu'il y a, dans cette vente, lésion de plus des sept douzièmes; ma première ratification ne m'empêchera pas de demander la nullité du contrat pour ce motif, auquel je n'ai jamais renoncé. (MODÈLE d'acte de confirmation ou de ratification, form. No 23.) Mais un acte nul de nullité absolue, ne peut se valider par aucun consentement, et sa ratification ne serait qu'une illégalité de plus. (Cass., 5 juin 1832.)

Après l'époque. Par exemple, si un homme parvenu à sa majorité a exécuté un acte qu'il avait passé étant mineur, cette exécution est, sans aucun doute, une renonciation tacite au moyen de rescision, et bien qu'il n'y ait aucune mention du motif; car celui qui exécute, abandonnant la chose, ne peut le faire légèrement.

Du droit des tiers. C'est-à-dire que si des tiers sont intéressés à faire valoir les moyens de nullité qui vicient l'acte, leurs droits ne pourront être détruits par la ratification, Exemple: pendant votre minorité, vous avez vendu à Paul une maison qui vous appartenait ; devenu majeur, vous m'avez fait une donation de cette même maison; mais postérieurement à votre donation, vous renoncez au moyen de nullité que vous aviez contre la vente, et vous livrez la maison à Paul: cette ratification ne m'enlèvera pas le droit d'attaquer la vente, et de demander que la maison me soit délivrée, parce que j'en suis donataire.

1339. Le donateur ne peut réparer par aucun acte confirmatif les vices d'une donation entre-vifs; nulle en la forme, il faut qu'elle soit refaite en la forme légale.

En la forme légale. Parce que la donation est un acte solennel qui ne peut être fait qu'avec les formalités voulues par la loi. (Art. 931.) Si ces formalités sout omises, l'acte est radicalement nul, et ne peut recevoir aucune confirmation. QUESTION. L'exécution d'une donation nulle en la forme est-elle aussi impuissante pour la rendre valable que la ratification? La cour de cassation a consacré l'affirmative: « Attendu que

(1) Les principes de cet article sont applicables aux testaments. (Brux., 23 mai 1822.)

l'art. 1338, concernant la confirmation, ratification ou exécution volontaires des obligations, lesquelles, aux termes dudit article, emportent la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre ces acles, est inapplicable aux donations entre-vifs, dont l'art. 1339 ne permet aux donateurs de réparer les vices par aucun acte confirmatif, et exige absolument qu'elles soient refaites en la forme légale; attendu que la confirmation ou ratification dont est question en cet article, s'entend aussi, et à bien plus forte raison, de l'exécution, qui n'est qu'une confirmation tacite, bien moins formelle, par conséquent, que l'acte même de confirmation ou ratification, avec les énonciations prescrites par la loi; et que c'est ce qu'explique clairement l'article 1340, qui admet la confirmation, ratification ou exécution volontaire de la part des héritiers ou ayants cause du donateur, seulement après son décès, lorsqu'elle procède de leur fait, après qu'il a été exigé par l'article précédent, à l'égard du donateur, que la donation soit refaite en la forme légale; rejette, etc. » (Arrêt du 6 juin 1821.)

1340. La confirmation, ou ratification, ou exécution volontaire d'une donation par les héritiers ou ayants cause du donateur, après son décès, emporte leur renonciation à opposer, soit les vices de forme, soit toute autre exception.

Emporte leur renonciation. QUESTION. Pourquoi la ratification du donateur ne peut-elle produire aucun effet, tandis que celle des héritiers en produit un? C'est que, si le donateur, par sa ratification, avait pu rendre valable une donation nulle en sa forme, il aurait fait ainsi réellement une donation sans les formalités qu'exige la loi. Mais ses héritiers, par leur ratification, ne font point une donation. Celle qu'avait faite leur auteur était nulle entièrement; ils avaient le droit d'opposer cette nullité par leur ratification, ils renoncent à ce droit, comme le dit notre article: Unicuique licet juri in favorem suum introducto renuntiare. Il est de principe que la disposition de l'article actuel s'applique aux testaments comme aux donations.

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SECTION II. De la preuve testimoniale.

La preuve testimoniale est celle qui résulte de la déclaration des personnes présentes au fait que les juges cherchent à éclaircir. Les législateurs ont toujours dû se défier de cette preuve; car l'expérience a démontré combien il est facile de trouver des gens qui ne craignent pas d'attester faussement des faits qu'ils ignorent.

1341. Il doit être passé acte devant notaires ou sous signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de cent cinquante francs, même pour dépôts volontaires; et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre de cent cinquante francs ; — Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.

= Il doit être passé acte. C'est une obligation que la loi impose, sous peine, pour ceux qui ne s'y conformeraient pas, de voir leur demande rejetée en justice; et cette obligation n'est pas imposée pour les conventions seulement, mais pour toutes choses; par exemple, pour faire preuve d'un payement.

De cent cinquante francs. La preuve testimoniale n'est pas reçue toutes les fois que la demande excède 150 fr., de peur que le demandeur ne trouve, dans le gain de sa cause, un profit suffisant pour acheter de faux témoignages.

Contre et outre. Contre le contenu, si l'on voulait prouver qu'une chose énoncée dans l'acte est fausse. Par exemple, lorsque l'acte renferme la clause que la dette portera intérêt, si l'on voulait prouver par témoins qu'il n'en a pas été convenu. Outre, si l'on veut ajouter à l'acte une clause qu'il ne contient pas, ou augmenter celles qu'il contient : par exemple, si l'on veut prouver que des intérêts ont été convenus, quoique l'acte n'en fasse pas mention.

Moindre de cent cinquante francs. Parce que, lorsque les parties ont passé un acte sur leurs conventions, il est à présumer que toutes y ont été insérées, et l'on doit s'en rapporter à cet acte, plutôt qu'à des preuves testimoniales.

Relatives au commerce. La faveur que la loi attache au commerce, dont la bonne foi est l'âme, a permis d'admettre la preuve testimoniale, même au-dessus de 150 fr. (Art. 109 du C. de comm.) (Cass., 24 mars 1825.)

1342. La règle ci-dessus s'applique au cas où l'action contient, outre la demande du capital, une demande d'intérêts qui, réunis au capital, excèdent la somme de cent cinquante francs.

=

Si, par exemple, je demande un capital de 140 fr., et 20 fr. d'intérêts, en tout 160 fr.: comme je dois retirer du gain de ma cause un bénéfice excédant 150 fr., le motif de refuser la preuve testimoniale existe toujours.

1343. Celui qui a formé une demande excédant cent cinquante francs ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, même en restreignant sa demande primitive.

Même en restreignant. J'ai formé contre vous une demande de 200 fr.: on la rejette, parce que je n'offre que des preuves testimoniales; je la restreins alors à 150 fr.: on devra la rejeter encore. Il est vrai que le bénéfice de ma cause n'excédera pas 150 fr.; mais je n'ai pas rempli l'obligation que m'imposait la loi, puisque je n'ai pas passé acte d'une chose de 200 fr., et je dois en être puni par le rejet de mademande. (Art. 1341.) D'ailleurs en faisant preuve pour 150 fr., je ferais indirectement preuve pour tout le reste, et j'obligerais ainsi le débiteur naturellement à me payer toute la somme pour échapper au blâme: or la loi n'a pas dû permettre qu'on obtint indirectement ce qu'elle refuse directement.

1344. La preuve testimoniale, sur la demande d'une somme mème moindre de cent cinquante francs, ne peut être admise lorsque cette somme est déclarée étre le restant ou faire partie d'une créance plus forte qui n'est point prouvée par écrit.

=Étre le restant. Même motif que pour l'acticle pré

cédent.

1345. Si dans la même instance une partie fait plusieurs demandes dont il n'y ait point de titre par écrit, et que, jointes ensemble, elles excèdent la somme de cent cinquante francs, la preuve par témoins n'en peut être admise, encore que la partie allègue que ces créances proviennent de différentes causes, et qu'elles se

soient formées en différents temps, si ce n'était que ces droits procédassent, par succession, donation ou autrement, de personnes diffé

rentes.

N'en peut être admise. Parce que le demandeur retirera toujours du succès de sa demande un bénéfice excédant 150 fr. Il ne peut argumenter de ce que les créances se sont formées en différents temps, car il est en faute de ne pas avoir exigé un acte de la dernière dette du moment où il a vu que, réunie aux autres, elle allait former une somme excédant 150 fr.

Des personnes différentes. Parce qu'ayant trouvé ces différentes dettes dans diverses successions ou donations, ni le demandeur, ni ceux de qui il tient ses droits ne sont en faute.

1346. Toutes les demandes, à quelque titre que ce soit, qui ne seront pas entièrement justifiées par écrit, seront formées par un même exploit, après lequel les autres demandes dont il n'y aura point de preuve par écrit ne seront pas reçues.

Ne seront pas reçues. Lors même que le demandeur prétendrait que ces créances ont été contractées postérieurement à la première demande, et que, par conséquent, il n'a pas pu les y comprendre; car il n'est pas probable que celui qui, ayant contracté avec une personne sans billet, s'est vu forcé de poursuivre en justice son débiteur, consente depuis à contracter encore avec lui sans garantie.

1347. Les règles ci-dessus reçoivent exception, lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit. On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Tout acte par écrit. La loi n'exige pas qu'il soit signé et daté par la personne dont il émane. (Arrêt du 3 décembre 1818.)

Et qui rend vraisemblable. Par exemple, si je vous demande 200 fr. pour marchandises que je vous ai livrées, et que je ne présente pour preuve par écrit qu'un billet portant: je promets payer 160 fr. pour marchandises qu'un tel me livrera, il y a déjà une certitude que la convention a existé entre nous, et une présomption qu'elle a été exécutée de ma part; on ne doit plus se défier autant de la preuve testimoniale. Il en est de même lorsque je ne puis présenter le titre original de notre obligation, mais que je présente une copie (art. 1335), ou bien la transcription du titre au bureau de l'enregistrement, avec le répertoire du notaire, contenant mention de l'acte. (Art. 1336). La cour suprême a décidé que des juges avaient pu voir un commencement de preuve par écrit dans un interrogatoire sur faits et articles. (Arrêt du 22 août 1832.)

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qualité des personnes et les circonstances du fait ; 3° Aux obligations contractées en cas d'accidents imprévus, où l'on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit; - 4o Au cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit, imprévu et résultant d'une force majeure.

Qu'il n'a pas été possible. Lorsque les circonstances ont empêché le créancier de se procurer une preuve littérale de sa créance, on ne peut lui reprocher aucune contravention à la loi, puisqu'il n'a pas été en son pouvoir d'y satisfaire.

Quasi-contrats. Pendant mon absence, pour ne pas laisser périr la moisson d'une de mes terres, vous la faites couper, vous récoltez les blés, et vous les vendez; à mon retour, vous me devez compte de cette administration. Si vous niez vous en être occupé, on devra me permettre la preuve testimoniale; car je n'ai pu me procurer une preuve littérale d'une chose que vous avez faite à mon insu, et pendant mon absence. (Art. 1372.)

Délits ou quasi-délits. Mon voisin tue mon cheval; je lui demande des dédommagements: il nie le fait : on doit me permettre la preuve testimoniale, car je n'ai pu me procurer une preuve par écrit de l'obligation qu'il a contractée par son fait.

La qualité des personnes et les circonstances. Les juges doivent se guider là-dessus pour voir si la personne qui prétend avoir déposé tels objets qu'elle ne trouve plus mérite qu'on lui permette la preuve testimoniale, et si d'ailleurs les circonstances rendent le fait vraisemblable.

D'un cas fortuit. Par exemple, le feu prend à ma maison, mon secrétaire est consumé avec les papiers qu'il renferme, et entre autres les quittances de mes créanciers. Si ces derniers me poursuivent, je dois être admis à prouver par témoins que je les ai payés, soit en présentant des personnes qui ont connaissance du payement, ou des personnes qui ont vu les quittances en ma possession.

Les règles qu'il faut suivre pour faire la preuve testimoniale sont tracées par le C. de pr., au titre des Enquêtes, art. 252 et suivants.

SECTION III. Des Présomptions.

1349. Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu.

Que la loi ou le magistrat. De là découle la division que le C. fait des présomptions, en présomptions légales (art. 1350), et en présomptions abandonnées aux lumières des magistrats. (Art. 1553.)

D'un fait connu. Par exemple, un mur est sur la limite de deux propriétés ; il a un chaperon d'un seul côté :

(1) Les juges doivent suppléer d'office l'exception de chose jugée. (La Haye, 16 juill. 1824.)

L'exception de chose jugée est une exception péremptoire à laquelle on ne peut facilement être présumé avoir renoncé, de telle sorte que la renonciation à cette exception doit être expresse ou résulter au moins d'un concours de circonstances qui ne permettent pas d'interpréter autrement le silence ou la conduite de celui qui pourrait l'opposer. Ainsi, la simple omission d'avoir proposé ce moyen en première instance, ne peut suffire pour rendre non recevable à le faire valoir en cause d'appel. (Br., 27 avril 1831; J. de Br., 1831, 2e, p. 23.)

Il y a chose jugée, lorsqu'il s'élève, entre les mêmes personnes, la même question de droit, quoiqu'à l'égard d'un autre immeuble, mais dont la réclamation est l'exercice d'une action faisant partie de la même succession. (Br., 9 juill. 1823; J. de Br., 1823, 20, p. 169.) Les jugements rendus sur les questions d'état peuvent avoir le caractère de chose jugée à l'égard de ceux qui n'y ont pas été parties. (Br., 9 déc. 1815.)

Lorsqu'une demande contient plusieurs objets distincts et que le juge appelé à en connaître dispose seulement sur l'un de

voilà le fait connu; on en tire la conséquence qu'il appartient à celui du côté duquel se trouve le chaperon ( article 654): voilà le fait inconnu.

SI. Des Présomptions établies par la Lot.

Ces présomptions se nomment légales. On les divise en deux classes: les présomptions juris et de jure, contre lesquelles la loi n'admet pas de preuve contraire. Par exemple, le créancier qui remet volontairement à son débiteur l'acte sous seing privé constatant l'obligation, ne pourrait prouver que le débiteur n'était pas libéré. (Art. 1282.) Les présomptions juris tantum, contre lesquelles la preuve contraire est admise: exemple, si le créancier n'a remis que la grosse du titre, il est présumé avoir voulu remettre la dette: cependant il pourra prouver que telle n'était pas son intention. (Article 1283.)

1350. La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits; tels sont: 1° Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité;

2o Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées; - 3o L'autorité que la loi attribue à la chose jugée;-4° La force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment.

=

D'après leur seule qualité. Une donation faite au père d'un incapable (art. 911 ): c'est une présomption juris et de jure.

De certaines circonstances. La présomption de mitoyenneté. (Art. 654.) C'est une présomption juris tantum.

A la chose jugée. Elle est présumée vraie sans qu'on puisse être admis à prouver le contraire; autrement les procès n'auraient point de fin: Res judicata pro veritate habetur. Mais il faut qu'elle soit jugée irrévocablement, et que les voies qu'on peut employer pour faire réformer les jugements ne puissent plus être suivies.

1351. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité (1).

= L'autorité de la chose jugée. La loi romaine porte: Inspiciendum est an idem corpus sit, quantitas eadem, idem jus, eadem causa petendi, et

ces objets, sans entrer dans le mérite des autres, il n'a pas épuisé sa juridiction sur le tout, de telle sorte qu'il ne puisse plus connaitre des autres objets faisant aussi partie de la demande. (Br., 4 avril 1831.)

Un arrêt, contre lequel un pourvoi a été dirigé en temps utile, n'a pas acquis la force de chose irrévocablement jugée. Ainsi rien n'empêche que l'effel rétroactif attaché à l'interprétation de législation ne détruise l'interprétation de doctrine donnée dans semblable arrêt. (Br., 25 juill. 1823.)

Un arrêt rendu au profit d'un Belge, avant les événements de 1814, par une cour de France, qui a continué à faire partie de ce dernier royaume, n'a pas acquis force de chose jugée en Belgique, après la séparation des deux pays, s'il a été casse par la cour de cassation de Paris. (Br., 4 mars 1830.)

Les décisions du ci-devant conseil d'État de France, dans les affaires administratives contentieuses dont la connaissance lui était attribuée, ne peuvent être invoquées par d'autres que ceux en faveur de qui elles ont été rendues, et relativement à d'autres points que ceux sur lesquels elles ont spécialement statue. (Br., cass,, 29 mai 1826.)

eadem conditio personarum. QUESTION. Est-ce violer la chose jugée que d'interpréter un arrêt? La cour de cassation a consacré la négative: «Attendu que cette décision ne contient que l'interprétation d'une disposition d'arrêt conçue en des termes qui pouvaient donner lieu à des doutes raisonnables, et non pas la violation de la chose jugée. » (Arrêt du 10 juill. 1817.)-QUESTION. L'exception de la chose jugée peut-elle être suppléée d'office par les juges? La négative est incontestable. (Cass., 26 déc. 1808.) Mais cette exception pourrait être prononcée par les juges, si on s'en était rapporté à la sagesse de la cour royale sur les demandes formées devant elle.

Sur la même cause. Je vous demande 10,000 fr. pour prix d'une maison que je prétends vous avoir vendue; les tribunaux rejettent ma demande. J'en forme une nouvelle de la même somme pour un prêt que je vous ai fait; vous ne pourrez pas m'opposer le premier jugement, les causes sont différentes.-QUESTION. Le moyen nouveau diffère-t-il de la cause qui constitue la chose jugée ? La cour de cassation a embrassé l'affirmative: Attendu que, lors du premier arrêt du 14 décembre 1814, Erhard se refusait à l'accomplissement de son obligation, sur le motif qu'elle était nulle; que, lors du second, aujourd'hui dénoncé à la cour, c'est sur le même motif qu'il y résistait, et demandait par suite l'annulation des poursuites dirigées contre lui; qu'à la vérité, lors du premier arrêt, Erhard fondait la nullité alléguée sur la minorité du témoin Kauffmann, tandis que, lors du second, il la fondait sur la qualité d'étranger non naturalisé de l'autre témoin instrumentaire de l'acte (Mathias Eble); que ce n'était point là une cause différente, mais seulement un nouveau moyen qu'Erhard faisait valoir lors de l'arrêt dénoncé; d'où suit que l'une et l'autre action ont eu évidemment le même objet et la même cause, qui était la nullité de l'obligation, et que toutes deux s'étant successivement agitées entre les mêmes parties, ayant été formées par elles et contre elles en la méme qualité, l'arrêt dénoncé, loin de violer les art. 1351 et 1352 du C. civ., et l'art. 480 du C. de pr., en a fait au contraire la plus juste application; rejette, etc.» (Arrêt du 3 février 1818.)

Entre les mêmes parties. Car la chose jugée ne peut ni nuire ni profiter à des tiers: Res inter alios judicata alteri neque nocere neque prodesse potest. Exemple: Paul m'attaque en revendication d'une maison que je possède, le tribunal décide que je dois garder la maison, et que Paul n'y a aucun droit. Postérieurement vous m'attaquez pour la même maison, que vous revendiquez je ne pourrai pas vous opposer le premier jugement, qui a décidé que je devais la garder. En effet, de ce que Paul n'y avait pas de droit, il ne suit pas que vous n'en ayez aucun.

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En la même qualité. Vous possédez une maison ; je la revendique comme m'appartenant je suis débouté. Postérieurement j'hérite de mon oncle, et je revendique cette même maison comme lui appartenant; vous ne pourrez pas m'opposer le premier jugement, car alors j'ai demandé la maison en mon propre nom; je la demande aujourd'hui comme héritier de mon oncle. Au reste, le moyen consistant dans la violation de la chose jugée ne peut être proposé devant la cour de cassation, qu'autant qu'il a été invoqué devant la cour royale. (Cass., 7 juin 1830.)

1352. La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire, et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires.

SII. Des Présomptions qui ne sont point établies par la Loi.

1353. Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes; et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.

=Graves, précises et concordantes. Graves: il faut que le fait connu sur lequel repose la présomption fasse tirer la conséquence presque nécessaire du fait inconnu. Précises: faut que la présomption ne soit pas vague, et susceptible de s'appliquer à bien des circonstances. Concordantes les présomptions ne doivent pas se détruire les unes les autres.

Admet les preuves testimoniales. Parce que ces présomptions sont aussi incertaines que la preuve testimoniale, et ne doivent être admises que lorsque cette preuve est reçue.

De fraude ou de dol. Parce qu'il est rare, dans ce cas, qu'il y ait des preuves écrites du dol ou de la fraude. QUESTION. Les présomptions sont-elles admissibles pour établir la violence? La cour suprême a consacré l'affirmative. « Sur le moyen fondé sur une prétendue fausse application de l'art. 1353 du C. civ.; attendu qu'aux termes de cet art. 1353, la preuve testimoniale et les présomptions de la nature de celles y énoncées sont admissibles dans le cas où un acte est attaqué pour cause de dol ou de fraude; que le dol n'est pas toujours accompagné de violence; mais que la violence exercée pour arracher un consentement a toujours le caractère de dol, et qu'ainsi, dans l'espèce, où des faits de violence étaient articulés en grand nombre, la cour royale de Toulouse était autorisée à apprécier les faits de violence, d'après les présomptions abandonnées aux lumières et à la prudence des magistrats, et qu'elle n'a fait qu'une légitime application dudit art. 1353. » ( Arrêt du 5 février 1828.)

QUESTION. La fraude doit-elle nécessairement être imputable à la partie contre laquelle la preuve doit être faite, pour que les présomptions soient admissibles? La cour suprême a adopté l'affirmative : « Considérant que la prétendue fraude à la loi ne peut être un moyen d'admissibilité à la preuve testimoniale puisque, d'une part, le sieur Lapeyre, seule partie dans l'acte, en serait seul l'auteur, et que, d'ailleurs, l'art 1553 du C. n'entend par l'exception y apportée que les cas de dol et de fraude imputables à la partie contre laquelle les faits sont articulés; casse, etc. » (Arrêt du 29 mai 1827.)

SECTION IV. De l'Aveu de la Partie.

L'aveu est la déclaration par laquelle le débiteur reconnaît l'obligation qu'il a contractée, ou un fait qui s'y rapporte.

1354. L'aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire.

=Extrajudiciaire. Lorsque la déclaration a été faite hors justice.

Judiciaire. Lorsqu'elle a été faite devant la justice, et dans le cours d'un procès.

1355. L'allégation d'un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu'il s'agit d'une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible.

Est inutile. Parce que cet aveu, étant purement

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Que fait en justice. Il peut arriver que cette déclaration soit faite, soit dans des écritures présentées au procès, soit dans un interrogatoire fait par le juge. (Article 324, C. de proc.) (2).

Il fait pleine foi. Observez cependant que dans les affaires qui intéressent l'ordre public, l'aveu d'une partie ne doit pas faire pleine foi et décider la contestation. Ainsi, lorsqu'une femme poursuit son mari en séparation de corps pour sévices ou injures graves, l'aveu du mari ne doit pas suffire pour faire prononcer la séparation. (Art. 870, C. de proc.) Ainsi, encore, si je fais l'aveu d'une dette de 6,000 fr., par exemple, en faveur d'une personne incapable de recevoir de moi, on ne doit pas se confier entièrement à cet aveu, qui peut cacher une donation déguisée.

Il ne peut être divisé. Vous m'attaquez en payement de 4,000 fr. J'avoue que je vous les ai dus, mais que j'en ai déjà payé la moitié. Vous ne pouvez pas diviser mon aveu, en prendre la première partie et rejeter la seconde (3).

D'une erreur de fait. Je devais une somme de 140 fr. à votre oncle. Vous m'en demandez le payement, et j'avoue en justice que je vous la dois, parce qu'en effet je vous crois le plus proche parent et par conséquent l'héritier de mon créancier. Je pourrai révoquer mon aveu quand j'aurai appris que vous ne l'êtes pas (4).

D'une erreur de droit. Parce que tout le monde est présumé connaître la loi, et qu'en avouant une obligation dont on était tenu naturellement, mais dispensé par la loi civile, on est censé avoir voulu renoncer au bénéfice de cette loi. Ainsi, vous me poursuivez pour le payement d'une somme de 4,000 fr.; j'avoue en justice que je vous en dois 3,000, et l'on me condamne à payer je ne pourrai plus rétracter mon aveu en disant que cette somme vous est due depuis plus de trente ans, qu'ainsi elle est prescrite; que si je l'ai avouée, c'est seulement parce que j'ignorais que la possession pendant trente ans pût me libérer (5).

(1) Les principes consacrés par cet article ne concernent que l'aveu judiciaire. (Cass., Brux., 8 oct. 1833.)

(2) L'aveu non accepté ni décrété n'est point obligatoire. (Cass., Brux., 30 mai 1823.)

L'aveu fait devant le juge de paix est un aveu judiciaire. (Liége, cass., 26 fév. 1818.)

(3) Lorsque la livraison d'une chose n'a pas été constatée, on ne peut, sous prétexte de l'indivisibilité de l'aveu, prétendre qu'elle n'a eu lieu qu'à titre de donation. (Brux., 13 avril 1829.) (4) Les faits posés par une partie pour arriver à une preuve qui fui incombe, ne doivent pas être considérés de sa part comme un aveu de ces mêmes faits. (Brux.. 5 déc. 1827.)

La reconnaissance d'un fait contesté, faite à l'audience par l'avocat, dans le cours de sa plaidoirie, sans avoir de son client aucun pouvoir pour la faire, et sans être assisté à cet effet, soit de celui-ci, soit de son avoué, ne profite pas à la partie adverse et ne peut être prise par le juge pour base de sa décision. (Brux., 1er fév. 1827.)

(5) Celui qui devant le premier juge a reconnu comme vrai, dans le cours des plaidoiries, un point de jurisprudence ou de coutume, d'où peut dépendre en droit la décision de la cause, est encore recevable à mettre de nouveau ce même point en contestation devant le juge d'appel. (Brux., 29 mars 1826.)

On peut révoquer en cause d'appel un consentement donné

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Décisoire. Parce que la partie qui le défère consent à ce que le serment décide la contestation, et se soumet à tenir pour vrai le fait attesté sous serment par la partie adverse. Aussi les juges pourraient-ils refuser de l'ordonner si le fait sur lequel une partie le déférerait à l'autre, n'était pas décisif. (Cass., 6 mai 1834.)

D'office par le juge. On le nomme serment supplétoire, parce que le juge ne le défère que pour acquérir une conviction plus forte, et pour en tirer un supplément de preuve.

SI. Du Serment décisoire.

1358. Le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit.

= Sur quelque espèce de contestation. Parce qu'il doit toujours être libre à une partie de terminer la contestation, en se rapportant entièrement pour un fait à 'ce que la partie adverse voudra affirmer. Cependant on ne peut déférer le serment sur une demande à laquelle on oppose une exception qui tend à la détruire, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'obligation a existé ou non : par exemple, la prescription de trente ans ; car pour les prescriptions courtes, la loi, par exception, admet le serment. (Art. 2275.) On ne le peut non plus sur une delte de jeu. (Art. 1965.) (6).

1359. Il ne peut être déféré que sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère.

=Sur un fait personnel. Parce que le fait peut exister sans que celui auquel on défère le serment puisse

en première instance, s'il n'a été que l'effet d'une erreur de fait ou même de droit. (Brux., 29 mai 1817.)

(6) Le serment décisoire peut être déféré nón-seulement pour en faire dépendre la décision de la cause au fond, mais aussi sur tous incidents qui peuvent s'élever entre les parties dans le cours de l'instance, et sur lesquels il doit être préalablement statué. (Brux., 22 avril 1830.)

Celui contre qui l'on poursuit l'exécution d'une obligation, peut, lors même qu'il en existe une reconnaissance écrite de sa propre main, déférer à son adversaire le serment déci.oire sur la réalité de cette obligation. Lorsque celui qui a créé un effet soutient qu'il ne l'a fait que par complaisance, sans en avoir reçu la valeur de celui au profit de qui il l'a souscrit, on ne peut considérer comme décisoire le serment déféré par lui sur le point de savoir si ce dernier en a fourni la valeur en espèces. (Brux., 2 mai 1829.)

Le serment décisoire déféré par une partie à son adversaire doit porter uniquement sur le point à décider, sans qu'on puisse y entremêler des faits et circonstances non décisifs dans la cause. (Brux., 7 mars 1829.)

La partie, à laquelle a été déféré le serment décisoire par l'autre, peut le faire avec des modifications, si ces modifications n'altèrent pas ce qui en fait l'objet, (Brux, 25 avril 1822.)

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