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2209. Le créancier ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués, que dans le cas d'insuffisance des biens qui lui sont hypothéqués.

= Que dans le cas d'insuffisance. Ces biens formant son gage spécial, il est juste qu'il épuise d'abord tous ses droits sur ce gage avant de pouvoir exercer des poursuites contre les autres immeubles.

2210. La vente forcée des biens situés dans différents arrondissements ne peut être provoquée que successivement, à moins qu'ils ne fassent partie d'une seule et même exploitation.Elle est suivie dans le tribunal dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de l'exploitation, ou, à défaut de chef-lieu, la partie de biens qui présente le plus grand revenu, d'après la matrice du rôle..

=Successivement. Comme la procédure en expropriation doit être portée devant les tribunaux de la situation des biens, il en résulte qu'il doit y avoir autant de saisies que de biens situés dans divers arrondissements. Or, si la loi avait permis de faire toutes ces saisies ensemble, c'eût été permettre de ruiner le débiteur en frais, lors peut-être que la vente d'un seul de ses immeubles suffit pour acquitter la dette.

Exploitation. Dans ce cas, il n'y a plus lieu qu'à une seule saisie: le motif de la disposition précédente n'existe donc plus.

2211. Si les biens hypothéqués au créancier, et les biens non hypothéqués, ou les biens situés dans divers arrondissements, font partie d'une seule et même exploitation, la vente des uns et des autres est poursuivie ensemble, si le débiteur le requieri; et ventilation se fait du prix de l'adjudication, s'il y a lieu.

=Ensemble, si le débiteur le requiert. Parce que si les biens étaient, dans ce cas, divisés, ils pourraient être vendus à un prix très-inférieur à la valeur réelle qu'ils ont lorsqu'ils font partie d'une même exploitation. Et ventilation, Voir l'article 1601.

2212. Si le débiteur justifie, par baux authentiques, que le revenu net et libre de ses immeubles pendant une année, suffit pour le paye. ment de la dette en capital, intérêts et frais, et s'il en offre la délégation au créancier, la poursuite peut être suspendue par les juges, sauf à être reprise, s'il survient quelque opposition ou obstacle au payement (1).

Ou obstacle au payement. Si, par exemple, un tiers prétendant avoir un droit de propriété sur l'immeuble, le revendiquait, le créancier, troublé dans la jouissance de l'immeuble, ne pourrait plus parvenir au payement de sa créance, et la faveur accordée au débiteur devrait cesser.

être poursuivie qu'en vertu d'un titre authentique et exécutoire, pour une dette certaine et liquide. Si la dette est en espèces non liquidées, la poursuite est valable; mais l'adjudication ne pourra être faite qu'après la liquidation.

=

Authentique. Parce qu'un acte aussi important ne peut avoir lieu en vertu d'un titre aussi peu certain qu'un acte sous seing privé.

Exécutoire. C'est-à-dire revêtu de la formule d'exécution portant mandement aux officiers publics d'exécuter. La saisie, en effet, ne peut avoir lieu que par le ministère d'officiers publics qui ne doivent obéir qu'à l'autorité suprême.

Certaine. Si, par exemple, une personne déclarait devoir un compte, la dette ne serait pas certaine; car, par le résultat du compte, il pourrait arriver qu'elle ne dût rien.

Liquide. Dont le montant est fixé.

La poursuite est valable. Parce qu'il n'y a que l'adjudication qui consomme l'expropriation.

2214. Le cessionnaire d'un titre exécutoire ne peut poursuivre l'expropriation qu'après que la signification du transport a été faite au débiteur.

= Qu'après que la signification du transport. Le débiteur, en effet, n'a pu payer au cessionnaire tant qu'il a ignoré sa qualité; c'est donc seulement après la signification qu'il peut être saisi.

2215. La poursuite peut avoir lieu en vertu d'un jugement provisoire ou définitif, exécu toire par provision, nonobstant appel; mais l'adjudication ne peut se faire qu'après un jugement définitif en dernier ressort, ou passé en force de chose jugée. La poursuite ne peut s'exercer en vertu de jugements rendus par dé faut durant le délai de l'opposition.

= Exécutoire par provision. Comme le jugement peut être réformé sur l'appel, on a pu permettre la poursuite, mais non l'adjudication.

Le délai de l'opposition. Parce que le jugement peut être réformé sur l'opposition. Mais il semble qu'il y a contradiction entre notre article et l'art, 159 du C, de pr., qui porte que, si la partie n'a pas d'avoué, l'opposition ne peut plus avoir lieu quand le jugement a été exécuté, et qu'il est censé l'avoir été lorsque les immeubles out été saisis; d'où l'on conclut qu'on peut saisir avant l'expiration des délais de l'opposition. La contradiction n'est qu'apparente; car il y a deux sortes de jugements par défaut : l'un contre une partie ayant avoué; l'autre contre une partie qui n'en a pas : dans le premier cas, la loi fixe le délai de l'opposition à huit jours; et c'est à ce cas que s'applique l'art. 2215.

2216. La poursuite ne peut être annulée sous prétexte que le créancier l'aurait commencée pour une somme plus forte que celle qui lui est due.

2217. Toute poursuite en expropriation 2213. La vente forcée des immeubles ne peut d'immeubles doit être précédée d'un comman

(1) Le juge ne peut suspendre la poursuite en expropriation à la demande du curateur à une succession vacante, par le motif qu'il est tenu, avant tout, d'en faire constater l'état par un inventaire. Le curateur n'est point fondé à demander la conversion. La loi belge du 22 juin 1816 n'est pas applicable à cette matière. (Br., 8 mai et 2juill. 1817.)

La poursuite ne doit pas être nécessairement suspendue;

l'office du juge en ce cas n'est pas forcé. (Brux., 22 mai 1821.) Le juge peut ordonner de surseoir aux poursuites d'expropriation, lorsque le débiteur délègue un fermage suffisant à son créancier, bien que le bail soit susceptible d'être annulé parce qu'il a été consenti par le débiteur après la dénonciation de la saisie. Art. 681 C. de pr. (Liége, 15 avril 1826.)

dement de payer, fait à la diligence et requête du créancier, à la personne du débiteur ou à son domicile, par le ministère d'un huissier. Les formes du commandement et celles de la poursuite sur l'expropriation sont réglées par les lois sur la procédure.

D'un commandement. C'est seulement trente jours après que les poursuites peuvent commencer. (Art. 674 du C. de pr.)

Sur la procédure. Ces formes sont celles de la saisie immobilière. (Art, 673 et suiv, du C, de pr.)

CHAPITRE II.

De l'Ordre et de la Distribution du Prix entre les Créanciers.

L'ordre est la procédure par laquelle un tribunal règle le rang dans lequel le prix d'un immeuble saisi et vendu sera distribué entre les créanciers : l'ordre a lieu à l'égard des créanciers hypothécaires et privilégiés (art. 749 et suiv. du C. de pr.): entre les créanciers chirographaires il y a lieu à distribution par contribution. (Art. 656 et suiv. du C. de pr.)

2218. L'ordre et la distribution du prix des immeubles, et la manière d'y procéder, sont réglés par les lois sur la procédure.

TITRE XX.

De la Prescription.

CHAPITRE PREMIER.

Dispositions générales.

La prescription, qui peut quelquefois offrir à la mauvaise foi un moyen de spoliation, est cependant, de toutes les institutions sociales, la plus nécessaire à l'ordre public elle met un terme aux actions et consolide la propriété; c'est à cause des services qu'elle rend sous ces rapports à la société, que d'anciens auteurs l'ont appelée la patronne du genre humain. Il y a deux espèces de prescriptions, l'une à fin d'acquérir, l'autre à fin de se libérer. La prescription à fin d'acquérir, du moins celle de trente ans, est fondée sur la présomption d'une convention primitive, dont le titre, qui n'est que la preuve du contrat, s'est perdu; celle à fin de se libérer repose sur la présomption que le créancier qui est resté si longtemps sans poursuivre a reçu son payement, mais que le temps en a effacé les traces. La première sert à acquérir, parce qu'elle supplée par la possession à l'absence du titre ou de la bonne foi (art. 2262); ou bien s'il y a titre, elle couvre le vice résultant de ce que le titre n'est pas émané du véritable propriétaire (art. 2265); la seconde sert à se libérer, parce qu'elle supplée à l'absence des quittances.

2219. La prescription est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la

loi.

= Un moyen d'acquérir ou de se libérer. Ainsi, il y a deux espèces de prescriptions bien distinctes, l'une afin d'acquérir, l'autre afin de se libérer. Souvent les mêmes règles les régissent toutes deux; mais d'autres fois aussi elles sont essentiellement différentes.

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2220. On ne peut, d'avance, renoncer à la prescription: on peut renoncer à la prescription acquise.

= On ne peut d'avance. La prescription est établie dans l'intérêt général, elle est conséquemment de droit public, et l'on ne peut d'avance y renoncer (art. 6); cette renonciation serait devenue de style dans les contrats parce que le créancier eût toujours eu intérêt qu'elle y fût insérée, et dès lors le but d'utilité que la loi se proposait eût été manqué; mais lorsque la prescription est acquise, c'est un droit privé auquel on est toujours maître de renoncer.

2221. La renonciation à la prescription est expresse ou tacite : la renonciation tacite résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis.

=Expresse, C'est-à-dire consentie formellement dans un acte. (MODÈLE d'acte de renonciation à la prescription acquise, form. No 54.)

Résulte d'un fait. Si, par exemple, après la prescription acquise, le débiteur demande terme et délai pour payer; si le possesseur d'un héritage prescrit le prenait à loyer de l'ancien propriétaire,

2222. Celui qui ne peut aliéner ne peut renoncer à la prescription acquise.

= Ne peut aliéner. Cette renonciation est une véritable abdication d'un droit, et conséquemment il faut être capable d'aliéner pour la faire ainsi, un mineur, un interdit, ne le pourraient pas.

2223. Les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.

=Suppléer d'office. De ce qu'on peut expressément ou tacitement renoncer à la prescription, il suit que le juge ne doit pas d'office en suppléer le moyen ; celui qui ne l'oppose pas peut être dominé par le cri de sa conscience. Il est de jurisprudence, au contraire, qu'elle doit être suppléée par les tribunaux en matière criminelle. (Cass., 26 fév. 1807.)-QUESTION. La prescription des arrérages d'une rente se trouve-t-elle comprise dans l'exception de la prescription du titre ? La cour suprême a admis l'affirmative: « Attendu qu'il est constaté, par le jugement attaqué, que le demandeur a opposé devant les premiers juges que le titre de la rente, dont on lui réclamait des arrérages, était prescrit; que la prescription des arrérages est nécessairement comprise dans l'exception de prescription du titre en lui-même, puisque les arrérages se trouveraient prescrits, si le titre l'était; que, dès lors, la fin de non-recevoir que l'on voudrait tirer de ce que le moyen de la prescription des arrérages n'aurait pas été proposé, ne saurait être adoptée par la cour; rejette, etc. » (Arrêt du 26 fév. 1822.)

2224. La prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour royale, à moins que la partie qui n'aurait pas opposé le moyen de la prescription ne doive, par les circonstances, être présumée y avoir renoncé.

En tout état de cause. Le silence à cet égard pendant une partie du procès a pu être déterminé par la pensée que les autres moyens suffiraient pour repousser l'action, et le droit acquis par la prescription n'en conserve pas moins toute sa force, jusqu'à ce que l'autorité de la chose jugée ait fixé le sort des parties.

2225. Les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit

acquise, peuvent l'opposer, encore que le débiteur ou le propriétaire y renonce (1).

Les créanciers. Ils exercent tous les droits de leur débiteur. (Art. 1166.)

Ou toute autre personne. Un usufruitier, par exemple.

2226. On ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce.

= Dans le commerce. Telles que les chemins, rues, routes à la charge de l'Etat, etc. (art. 558), les églises et chapelles consacrées au culte. (Cass., 1er déc. 1823.)

2227. L'État, les établissements publics et les communes, sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer.

-

Sont soumis aux mêmes prescriptions. Pourvu toutefois qu'il s'agisse de biens susceptibles de propriété privée, tels que les biens vacants et sans maître, de l'art. 539 mais non, comme nous venons de le voir, les -biens de l'art. 538. QUEST. Les biens appartenant autrefois à la couronne, et à ce titre, inaliénables, mais engagés anciennement moyennant finance, sont-ils prescriptibles par dix ans vis-à-vis de l'État depuis les nouvelles lois? La cour suprême a admis cette opinion, en se fondant sur ce que, d'après l'art. 2227, l'État est soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et que, selon l'art. 2265, celui qui acquiert de bonne foi, et par juste titre, un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans entre présents; que, par une suite, celui qui a acquis, depuis la publication du Code, de bonne foi, et par juste titre, des domaines engagés, en a prescrit la propriété s'il les a possédés pendant dix ans, sans être troublé dans sa possession; qu'on ne peut excepter de cette prescription les domaines de cette nature, sous prétexte qu'avant le Code ils n'y étaient pas assujettis, puisqu'en ce point il est formellement dérogé à ces lois par les articles précités, qui disposent, d'une manière expresse, absolue et sans exception, que l'État est soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et que celui qui acquiert des immeubles de bonne foi et à juste titre, les prescrit par dix ans, ce qui comprend nécessairement les domaines engagés comme les autres biens domaniaux, etc. (Arrêts du 8 mai 1832, et du 9 juin 1834.)

CHAPITRE II.

De la Possession.

La possession est le fondement de la prescription à fin d'acquérir; car, comme nous le verrons, la prescription à fin de se libérer n'a besoin que du laps de temps.

2228. La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom (2).

= La détention ou la jouissance. Ainsi, par exemple, un dépositaire a la détention, un fermier a la jouis

sance.

(1) Lorsqu'il a été stipulé dans un bail que le preneur supporterait a la charge du bailleur les contributions mises et à mettre sur l'immeuble loué, le preneur peut opposer la prescription acquise du chef du bailleur nonobstant sa renonciation, et meme se refuser à rembourser au bailleur celles prescrites qu'il aurait payées. (Br., cass., 11 juill. 1832.)

(2) Une possession de plus de trente ans, qui réunit tous les

2229. Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

= Continue. C'est-à-dire qu'on use de la chose par une série d'actes certains de possession. La possession peut être discontinue quoique non interrompue, s'il y a pendant longtemps omission de toute possession naturelle, de tout acte qui l'atteste; si, par exemple, une servitude qui s'acquiert par la prescription (art. 688, 690), comme un droit de vue, est discontinuée au moyen de la suppression de la fenêtre qui attestait ce droit : mais c'est aux juges à décider s'il y a eu une discontinuité suffisante pour empêcher la prescription.

Et non interrompue. Une citation en justice, par exemple, interrompt la prescription. (Art. 2244). Or, bien que je ne cesse pas pour cela de faire des actes depossession, et que, sous ce rapport, la possession soit continue, comme elle s'est trouvée interrompue, la prescription ne peut avoir lieu.

Paisible. C'est-à-dire acquise sans violence; car la violence est un obstacle à la prescription. (Art. 2233.)

Publique. Afin qu'elle ait pu être connue de celui contre qui on prescrit, pour qu'il soit supposé avoir reconnu la juste détention du possesseur.

Non équivoque. La possession équivoque est celle qui laisse douter si le détenteur d'une chose en jouit pour lui-même ou pour autrui.

Et à titre de propriétaire. Parce que ceux qui possèdent pour autrui ne peuvent prescrire. (Art. 2236.)

2230. On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre.

= S'il n'est prouvé. Tant qu'on n'apporte pas la preuve que je ne suis pas propriétaire, ce titre est supposé m'appartenir; car la possession est un fait qui accompagne ordinairement la propriété : la présomption est donc en ma faveur.

2231. Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire.

=Toujours présumé. La possession ne peut être à la fois pour soi et pour autrui. Celui qui tient pour autrui perpétue et renouvelle à chaque instant la possession de celui pour lequel il tient. La présomption est donc contre lui.

2232. Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.

De pure faculté. Pendant trente ans je n'ai pas bâti sur mon terrain: si je veux y bâtir, mon voisin ne pourra pas m'en empêcher en prétendant qu'il a prescrit le droit de prospect; car bâtir ou ne pas bâtir sur mon terrain sont des actes de pure faculté. Je laisse paître pendant quarante ans les bestiaux de mon voisia sur une terre en friche, c'est un acte de tolérance qui ne peut fonder une prescription. Si une servitude qui peut s'acquérir par la prescription s'annonçait par des ouvrages extérieurs, on ne pourrait plus, dans ce cas, supposer une simple tolérance: ces ouvrages attesteraient un arrangement primitif qui permettrait de prescrire.

caractères requis pour la prescription acquisitoire, peut être considérée comme un véritable titre de propriété, à reflet de revendiquer les biens qui en font l'objet et qui ont dé usurpés par un tiers. Cette possession peut être prouvée par témoins, lors surtout qu'il existe des actes écrits qui y sont relatifs. (Br., 27 juill. 1827.)

2233. Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d'opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé.

= Les actes de violence. Car celui qui est dépouillé par violence n'entend pas se dessaisir.

A cessé. Mais comme il y a toujours mauvaise foi, il ne pourra invoquer que la prescription dans laquelle la mauvaise foi ne peut être opposée, c'est-à-dire celle de trente ans. (Art. 2262.)

2234. Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire.

Qui prouve. Il pourra prouver le fait de sa possession ancienne par des baux consentis par lui, par l'acquittement des contributions, etc., et même par la preuve testimoniale.

Sauf la preuve contraire. Mais il faudra prouver que dans le temps intermédiaire, la chose a été possédée par une autre personne, ou qu'on a abandonné réellement la possession; car l'intention suffit pour retenir la possession, solo animo retinetur, bien qu'il faille le fait et l'intention pour l'acquérir, corpore et animo.

2235. Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

Celle de son auteur. Mais avec quelques distinctions: si le titre de l'auteur était précaire, le successeur universel non-seulement ne pourrait pas joindre à sa possession celle de son auteur, mais il ne pourrait pas même prescrire parce qu'il n'a pas plus de droit que son auteur. Par exemple, l'héritier d'un fermier ne pourrait pas davantage prescrire que lui ne l'a pu. (Art. 2237.) Au contraire, le successeur particulier, tel qu'un acheteur, a une cause de possession qui lui est propre; il pourra donc prescrire. Mais s'il a acheté d'un possesseur à titre précaire, un fermier, par exemple, il ne pourra pas non plus joindre à sa possession celle de son auteur. (Art. 2239.)

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2237. Les héritiers de ceux qui tenaient la chose à quelqu'un des titres désignés par l'article précédent, ne peuvent non plus prescrire.

Les héritiers. Nous avons déjà eu occasion d'observer qu'ils n'avaient que les droits de leurs auteurs. (Art. 2235.)

2238. Néanmoins les personnes énoncées dans les articles 2236 et 2257 peuvent prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant d'un tiers, soit par la contradiction qu'elles ont opposée au droit du propriétaire (1).

=Se trouve interverti. C'est-à-dire si celui qui possédait d'abord à titre de fermier, de dépositaire, etc., vient à posséder à titre de propriétaire. Il commence alors une possession nouvelle, telle que l'exige l'art. 2229, qui peut lui servir à prescrire.

Par une cause venant d'un tiers. Exemple: Vous m'avez loué une maison; je la détiens ainsi à titre de locataire. Mais une personne se présente, elle se dit propriétaire de cette maison et me la vend. De ce moment je cesse de vous en payer les loyers; je la possède à titre de propriétaire de ce moment je commence à prescrire.

Par la contradiction. Je possède à titre de fermier une terre qui vous appartient; vous m'assignez en payement des fermages; et je vous signifie que je ne vous dois aucun fermage, parce que la terre que je possède m'appartient. Si vous ne faites contre moi aucune poursuite, et que je cesse de vous payer les fermages, je pourrai prescrire depuis la signification que je vous ai faite, parce que depuis ce moment j'ai possédé comme propriétaire.

2239. Ceux à qui les fermiers, dépositaires et autres détenteurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de propriété, peuvent la prescrire.

=Peuvent la prescrire. Il est vrai qu'ils ont acheté d'une personne qui ne jouissait pas comme propriétaire, à non domino; mais eux n'ont acheté et n'ont possédé la chose qu'à titre de propriétaire, animo domini. Leur possession est donc conforme à l'art. 2229. Il y a cette différence entre le successeur à titre universel et le successeur à titre singulier, que ce dernier ne tient point son droit du titre primitif de son prédécesseur, mais du titre qui lui a été personnellement consenti. La possession prise en conséquence de ce titre est un fait absolument différent de la possession au nom d'autrui, et qui, conséquemment, peut servir de base à la prescription. Nous avons déjà signalé cette différence sous l'art. 2255.

2240. On ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens, que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession (2).

= Se changer à soi-même. Ainsi, le fermier ne pourra pas prétendre qu'il ne s'est pas regardé comme fermier, mais bien comme propriétaire; que c'est dans cet esprit qu'il a possédé, animo domini, et qu'ainsi

passage avec chariots, chevaux, etc., la route a été tracée sur le fonds asservi, le propriétaire de l'héritage dominant peut, par la prescription trentenaire accomplie avant la publication du Code civil, acquérir le droit de changer la direction qui avait été primitivement déterminée par le titre même de la concession. (Brux., 7 avril 1814.)

il doit avoir prescrit. Quand même il resterait longtemps sans payer, il ne prescrirait ainsi que les fermages et non la propriété, parce qu'il ne détient la chose qu'au nom du propriétaire, et à titre de possesseur, à moins toutefois qu'il n'eût interverti son titre par une contradiction formelle. (Art. 2238.)

2241. On peut prescrire contre son titre, en ce sens que l'on prescrit la libération de l'obligation que l'on a contractée.

Contre son titre. Je me suis obligé, par écrit, à vous payer une somme de 1,000 fr.; vous négligez de m'en demander le payement, et j'échappe à mon obligation pendant trente ans je suis libéré, j'ai prescrit contre mon titre. Ainsi, on ne peut prescrire contre son titre à fin d'acquérir; mais on le peut, à fin de se libérer.

CHAPITRE IV.

Des Causes qui interrompent ou qui suspendent le cours de la Prescription.

Qui interrompent ou qui suspendent. Il y a cette différence entre l'interruption et la suspension, que l'interruption efface entièrement la possession antérieure, qui est considérée comme n'ayant jamais eu lieu, tandis que la suspension empêche seulement la prescription de courir pendant un certain temps. Mais on peut joindre la possession antérieure à la possession qui à suivi.

SECTION PREMIÈRE. Des Causes qui interrompent la Prescription.

2242. La prescription peut être interrompue ou naturellement ou civilement (1).

2243. Il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers.

Pendant plus d'un an. Si le possesseur privé de la chose qu'il possédait s'en est ressaisi ou a réclamé avant l'expiration d'une année, on ne considère sa privation momentanée que comme un trouble qu'on a apporté à sa jouissance, mais qui n'a pu détruire sa possession; car, comme il faut un an pour acquérir une possession qui donne le droit d'intenter l'action possessoire (art. 23 du C. de pr.), il faut ce temps pour perdre la possession acquise.

Même par un tiers. Si le possesseur avait seulement cessé de jouir de la chose sans qu'un tiers s'en fût emparé, il n'y aurait point interruption; car la possession se conserve par la seule intention, animo tantum; mais après un laps de temps considérable, les juges pourront déclarer que la possession n'a pas été continue.(Art.2229.)

2244. Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui

(1) L'interruption de prescription ou la renonciation à l'opposer ne peuvent s'établir par de simples indications. (Rejet, 15 déc. 1829.)

La production dans un ordre par un créancier inscrit pour un capital produisant intérêts n'a pas pour effet d'interrompre, quant aux intérêts échus antérieurement aux deux dernières années et à l'année courante, la prescription de cinq ans établie par l'art. 2277. (Br., 28 nov. 1829.)

(2) Les payements d'arrérages mentionnés dans des registres privés, ne peuvent servir à prouver l'interruption. (Liége, il mars 1829.) Cela est vrai au moins en général. (Br., cass., 28 janv. 1833.)

qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile (2).

Une citation en justice. Le possesseur appelé à venir se défendre devant la justice ne peut pas s'en dispenser sans être de mauvaise foi, et sa possession, de ce moment, est interrompue civilement.

Un commandement. C'est un acte par lequel on ordonne à quelqu'un d'exécuter un jugement ou un titre exécutoire cet acte donne au possesseur connaissance suffisante des droits de celui qui réclame, et le constitue en mauvaise foi.

:

Une saisie. C'est un mode d'exécution par lequel un créancier met les biens de son débiteur sous la main de la justice, afin de les faire vendre pour être payé sur le prix: un tel acte ne permet pas au débiteur ou au possesseur d'invoquer son ignorance. On voit d'après cet.. article qu'il faut, pour interrompre la prescription, des actes judiciaires, qui sont émanés de l'autorité de la justice, ou qui servent à traduire en justice: un acte extrajudiciaire, tel qu'une simple sommation par huis sier, ne suffirait pas. Celui auquel on le signifie peut se dispenser d'y répondre, car un pareil acte ne peut avoir d'effet qu'autant qu'il est suivi de poursuites judiciaires. - QUESTION. L'interruption de la prescription quinquennale la convertit-elle en prescription trentenaire? Celte question est vivement controversée entre les auteurs. La cour de Toulouse a adopté l'affirmative. Voici en quels termes elle s'exprime, après avoir rappelé les nombreuses autorités favorables à son opinion : « Attendu qu'on ne saurait méconnaitre que c'est sous l'influence de ces principes et d'un corps de doctrine si imposant qu'ait été rédigé l'art. 2244 du C. civ., qui ne l'a modifié qu'en ce qu'il attribue le même effet à l'interrup tion judiciaire, au commandement et à la saisie, tandis que plusieurs des auteurs précités étaient muets sur les effets des commandements et de la saisie, et ne s'attachaient qu'à ceux de l'interpellation judiciaire; altendu qu'on objecterait vainement que l'article précité, n'attribuant aux actes qu'il indique, que l'effet d'interrompre et non de faire cesser la prescription d'après la défioition de l'interruption, telle qu'elle est donnée par le Répertoire, vo Prescription, section 1re § 7, l'art, 11, son cours doit recommencer immédiatement après l'acte interruptif pour s'accomplir dans l'espace de cinq ans, soit parce que la plupart des auteurs précités appellent actes interruptifs ceux à qui cependant its attribuent l'effet d'étendre l'action à trente ans, soit parce que le Code luimême, ainsi que le prononce le § 2 de l'art. 2274, n'entend point dans un sens différent l'une et l'autre de ces expressions, soit enfin parce que dès qu'un des actes énoncés dans l'art. 2244, a eu lieu, il constitue un droit qui ne peut cesser que par le laps de temps qui éteint tous les droits en général; qu'au reste, l'interprétation, dans ce sens, de cet art., a déjà été sanctionnée par la cour de cass. le 19 avril 1831, dans une espèce qui présentait des rapports très-importants avec celle actuellement soumise à l'examen de la cour, d'où suit que c'est sans nul fondement que les premiers juges ont proserit l'action de l'appelant. » (Arrêt du 20 mars 1833.)

2245. La citation en conciliation devant le bureau de paix, interrompt la prescription,

La simple signification faite au débiteur, du transport de la créance, même avec défense de payer à d'autres qu'au ces sionnaire n'interrompt pas la prescription de la créance. La compensation opposée dans une instance par conclusions subsidiaires, sur laquelle il n'a pas été besoin de statuer, est interruptive de la prescription. (Br., 15 mars 1821.)

Le cours de la prescriplion n'est pas interrompu par cette circonstance que le débiteur a fait partie d'une commission administrative chargée de gérer les affaires de l'administra tion créancière.

(Liége, 20 avril 1826.)

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