Page images
PDF
EPUB

où ses père et mère se sont mariés, l'expression décédé ne saurait le concerner; d'autant mieux que la mort civile n'est jamais synonyme du mot décès.

Sous le seul prétexte du défaut de représentation de l'acte de célébration. Ainsi leur légitimité pourrait étre contestée sous tout autre prétexte; par exemple, si l'on rapportait la preuve du mariage de leur père avec une autre personne que leur mère. Ces présomptions, sur lesquelles repose leur légitimité, s'évanouiraient alors devant la preuve incontestable de leur illégitimité.

Possession d'état. De la part de leurs père et mère, comme époux légalement mariés; de la part des enfants, comme enfants légitimes. L'énonciation dans l'acte de naissance que les père et mère étaient mariés ne pourrait dispenser l'enfant de faire la preuve de la possession d'état dont il s'agit. (Cass., 12 juillet 1823.)

Contredite. Comme si l'acte de naissance les déclarait enfants naturels.

198. Lorsque la preuve d'une célébration légale du mariage se trouve acquise par le résultat d'une procédure criminelle, l'inscription du jugement sur les registres de l'état civil assure au mariage, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants issus de ce mariage.

= Une procédure criminelle. Par exemple, si les époux font condamner criminellement les auteurs du délit, lorsque le feuillet contenant l'acte de célébration a été suprimé, lacéré, ou lorsque l'officier civil l'a écrit sur une feuille volante qu'il a ensuite fait disparaître. (Art. 173 du C. pén.)

L'inscription du jugement. Elle remplace alors l'acte de célébration du mariage, puisque le jugement a eu pour objet d'établir l'existence de cette célébration et le crime qui en a fait disparaître la preuve.

199. Si les époux, ou l'un d'eux, sont décédés sans avoir découvert la fraude, l'action criminelle peut être intentée par tous ceux qui ont intérêt de faire déclarer le mariage valable, et par le procureur du Roi.

=Tous ceux qui ont intérêt. Par exemple, les enfants, ou tous autres héritiers des époux, ou de l'époux prédécédé.

Et par le procureur du Roi. Car un crime, dans ce cas, a été commis, et il est de son devoir d'en poursuivre la vengeance.

200. Si l'officier public est décédé lors de la découverte de la fraude, l'action sera dirigée au civil contre ses héritiers, par le procureur du Roi, en présence des parties intéressées, et sur leur dénonciation.

L'officier public. Le maire, par exemple, qu'on accuse du délit.

Dirigée au civil. Pour se faire payer les dommagesintérêts résultant du crime, et obtenir une preuve du mariage. Quant à l'action criminelle, elle est éteinte, puisque le coupable est décédé.

Par le procureur du Roi. Et non par les parties, qui pourraient s'entendre avec les héritiers d'un officier public, prouver contre eux un délit supposé, et se créer ainsi la preuve d'un mariage qui n'a jamais existé. Cette collusion n'est pas à craindre de la part de l'officier public; car il s'exposerait aux poursuites criminelles.

Et sur leur dénonciation. L'action étant éteinte par la mort de l'officier public qui a commis le crime, le miDistère public ne pouvait agir d'office.

201. Le mariage qui a été déclaré nul, produit néanmoins les effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants, lorsqu'il a été contracté de bonne foi.

Les effets civils. Les époux, en se séparant, régleront leurs intérêts d'après les conventions de leur contrat de mariage; les enfants seront légitimes, et jouiront de tous les droits de légitimité, par exemple, des droits de succession.

Contracté de bonne foi. On le nomme mariage putatif. (De putare, croire.) La bonne foi se présume toujours; c'est à celui qui veut empêcher ses effets à prouver qu'elle n'a pas existé. Pour qu'elle soit parfaite, il faut, 10 que les époux aient célébré leur mariage avec les solennités exigées; 2o qu'ils aient ignoré les vices qui le rendaient nul; 30 que leur ignorance soit excusable. Deux personnes se marient devant un officier autre que celui du domicile de l'une d'elles; le mariage est attaqué et déclaré nul; les époux allèguent leur ignorance sur la loi qui exige l'officier du domicile : cette ignorance n'est pas excusable; car tout le monde est censé connaître la loi, Ignorantia juris neminem excusat. Mais il ne suffit pas que la bonne foi existe au moment du mariage; dès qu'elle cesse, les effets qu'elle produisait cessent aussi. Les enfants conçus pendant la bonne foi auraient donc les droits d'enfants légitimes; les enfants conçus après ne pourraient pas les réclamer.

202. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des deux époux, le mariage ne produit les effets civils qu'en faveur de cet époux et des enfants issus du mariage.

=

Exemple. Un homme cache son premier mariage, et épouse une deuxième femme qui l'ignore; cette union est déclarée nulle: la femme était de bonne foi, elle jouira des droits civils d'une épouse légitime, tant à l'égard de ses enfants qu'à l'égard de son mari; les enfants jouiront des droits d'enfants légitimes, tant envers leur père qu'envers leur mère; mais l'époux de mauvaise foi

n'aura sur la femme, ou sur les enfants, aucun des droits produits par le mariage. QUESTION. Le mariage contracté par un mort civilement avec une personne qui ignorait la mort civile dont il était frappé, peutil produire les effets civils à l'égard de la personne qui ne connaissait pas l'état de son conjoint, et à l'égard des enfants issus du mariage? La question ne peut, en général, se présenter que dans le cas où le mort civilement s'étant évadé, ou ayant prescrit sa peine, se serait marié dans une province autre que celle où il a été condamné. Pour soutenir que le mariage ne peut produire absolument aucun effet civil, on peut dire que l'époux qui pouvait se marier ne saurait aux yeux de la loi, invoquer sa bonne foi, l'exécution donnée au jugement étant une espèce de notification, faite à la société, de la mort civile encourue; notification dont tous les membres de la société sont supposés légalement avoir connaissance, comme ils sont supposés connaitre la promulgation des lois. L'opinion contraire réunit cependant plus de partisans, parce qu'elle était admise dans l'ancien droit, et qu'il résulte aussi de la discussion au conseil d'Etat, que l'intention du législateur moderne a été de l'admettre l'équité et la faveur qui entourent un conjoint trompé souvent par une invincible erreur, et les enfants issus du mariage, doivent, en effet, prévaloir sur toutes autres considérations. Mais il faut bien remarquer que les enfants ne peuvent, dans ce cas, succéder à celui des deux conjoints frappés de la mort civile, par la raison que tous les biens acquis depuis sa mort civile encourue appartiennent à l'État par droit de déshérence (art. 33); sauf les dispositions que le Roi jugerait à propos de faire en leur faveur. (Ibid.) Mais,

comme la légitimité est indivisible, ces mêmes enfants peuvent succéder dans la famille de celui des conjoints mort civilement.

CHAPITRE V.

Des Obligations qui naissent du Mariage.

203. Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants.

= Les époux. Le père et la mère contractent celle obligation conjointement. Si donc ils étaient séparés de biens, chacun d'eux en serait tenu sur ses biens propres.

Et élever. Leur donner une éducation capable de leur procurer un état.

Leurs enfants. Et, en général, tous leurs descendants; mais il faut observer qu'un petit-fils doit s'adresser d'abord à ses père et mère; à leur défaut, à ses aïeuls et aïeules, et ainsi de suite, en remontant graduellement. Au reste, pour que cette obligation existe, il faut que les enfants ne puissent trouver dans leur travail, leur éducation et leur position sociale, des ressources suffisantes pour subvenir à leur subsistance. (Paris, 13 avril 1855.) Mais les aliments sont dus encore que enfants se soient mariés contre la volonté des père et mère, cette circonstance ne détruisant pas les obligations qui résultent de la loi naturelle. (Caen, 15 avril 1828.)

Cette obligation pèse aussi sur le père et la mère naturels en faveur de l'enfant qu'ils ont reconnu. Le Code ne l'exprime pas; mais elle est fondée sur la nature, et se déduit, à fortiori, des droits d'aliments accordés aux enfants incestueux par l'article 762.

204. L'enfant n'a pas d'action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement.

Pas d'action. C'est-à-dire qu'il ne pourra pas s'adresser aux tribunaux pour forcer son père à remplir cette obligation purement naturelle.

Par mariage. Dans les pays de droit écrit, c'est-àdire régis autrefois par le droit romain, les filles avaient une action pour obliger leur père à les doter.

Ou autrement. Par exemple, si un fils voulait forcer ses père et mère à lui acheter un fonds de commerce. Conserver de pareils droits aux enfants, c'eût été avilir la puissance paternelle, déjà fort affaiblie par le Code. Un arrêt de la cour de Bordeaux du 6 juillet 1832 (Sirey, 33, 2, 78), semble contrarier cette doctrine; mais nous pensons qu'il doit être renfermé dans l'espèce à laquelle il s'applique.

205. Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin.

Des aliments. Les aliments comprennent tout ce qui est nécessaire à la vie : le logement, la nourriture, les vêtements. L'obligation de fournir des aliments à quelqu'un s'acquitte ordinairement par une pension fixée par les parties, à l'amiable, sinon par le tribunal. QUESTION. Suffit-il que les ascendants prouvent que leurs revenus sont insuffisants pour avoir droit à des aliments? La cour de Bordeaux a consacré l'affirmative: «Attendu que les dispositions de nos lois nouvelles n'exigent point que l'ascendant qui demande des aliments à ses enfants ait consommé ses capitaux, ou leur en fasse l'abandon; qu'elles ne considèrent que les besoins de l'ascendant, et la fortune de celui auquel les aliments sont demandés; que si les capitaux que possède l'ascendant sont insuffisants pour produire des revenus

capables de le faire subsister, il y a lieu à lui accorder un supplément à titre d'aliments, comme il y aurait lieu à lui accorder des aliments s'il ne possédait ancune ressource, etc.» (Arrêt du 16 février 1828.)

Et autres ascendants. Mais l'aïeul doit s'adresser à son fils avant de recourir à son petit-fils, à moins que le petit-fils ne fût issu d'un fils prédécédé; car, dans ce cas, le petit-fils, succédant aux droits de son père, succède aussi à ses obligations envers son grand-père. Voyez cependant un arrêt d'Amiens, qui juge que la disposition actuelle étant générale et sans limitation, les petits-enfants, si leur père est hors d'état de contribuer au secours demandé, peuvent être poursuivis par l'aïeul, concurremment avec les autres enfants en état de fournir des aliments. (Arrêt du 11 décembre 1821.)

206. Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère; mais cette obligation cesse, 1o lorsque la belle-mère a convolé en secondes noces; 2° lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants issus de son union avec l'autre époux, sont décédés.

A leurs beau-père et belle-mère. Car la parenté d'alliance imite la parenté du sang. C'est à raison de cette parenté qu'ils doivent des aliments; aussi la loi ne distingue-t-elle pas si les gendres ont ou non reçu une dot.

En secondes noces. C'est à son époux à fournir à ses besoins. Si c'est le beau-père qui convole à de secondes noces, il en est tout différemment; car le mari ne passe pas, pour ainsi dire, dans la famille de sa femme celle-ci entre plutôt dans la famille de son mari, et c'est lui qui contracte l'obligation de subvenir à ses besoins. (Art. 214.)

Sont décédés. Il ne reste aucune trace de l'affinité civile produite par le mariage.

207. Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.

208. Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit.

=Du besoin. Qui se calcule sur l'âge, la santé, même le rang de la personne. Si elle possède quelque chose pour fournir en partie à sa subsistance, on ne lui accordera qu'un supplément.

De la fortune. — QUESTION. L'obligation de fournir des aliments est-elle solidaire ou seulement indivisible? La cour de Nancy nous semble avoir parfaitement résolu cette question dans le sens de l'indivisibilité : « Considérant qu'il est dans les principes de la loi naturelle et de la loi civile, que tous les enfants doivent contribuer à fournir une pension alimentaire à leurs père et mère qui sont dans le besoin, mais que leur quote-part peut varier selon le plus ou le moins de fortune de chacun d'eux; de telle sorte que ceux qui seraient euxmêmes dans le besoin pourraient être affranchis de cette obligation, tandis que celui qui se trouverait dans une grande aisance en resterait chargé seul; que c'est seulement en ce sens qu'on peut dire que l'obligation est indivisible et solidaire entre tous les enfants; mais qu'il serait contraire à l'esprit de la loi d'accorder au père ou à la mère le droit d'agir en vertu d'une action solidaire pour obtenir d'un de ses enfants le payement intégral de la pension alimentaire, lorsque les autres présentent à peu près la même solvabilité; car la quotité des aliments ayant été réglée, tant sur les besoins de celui à qui ils sont dus que sur les facultés réunies de ceux qui les doivent, il pourrait souvent arriver que les avances que devrait faire celui des enfants qui serait poursuivi, ex

[ocr errors]

céderaient de beaucoup les moyens qu'il aurait de satisfaire à cette obligation, et que le recours qu'il pourrait exercer ensuite contre ses coobligés ne l'indemniserait pas du préjudice qu'il aurait souffert, etc.» (Arrêt du 20 avril 1826.)

209. Lorsque celui qui fournit, ou celui qui reçoit des aliments, est replacé dans un état tel, que l'un ne puisse plus en donner ou que l'autre n'en ait plus besoin, en tout ou en partie, la décharge ou réduction peut en être demandée.

La décharge. C'est-à-dire l'extinction totale de l'obligation.

210. Si la personne qui doit fournir les aliments justifie qu'elle ne peut payer la pension alimentaire, le tribunal pourra, en connaissance de cause, ordonner qu'elle recevra dans sa demeure, qu'elle nourrira et entretiendra celui auquel elle devra des aliments.

Justifie. En règle générale, on n'a pas voulu forcer celui à qui sont dus des aliments à venir prendre son logement, sa nourriture, et tout ce qui est nécessaire à son entretien, dans la maison du débiteur. Cette sujétion lui eût paru souvent humiliante ; il aurait été exposé à ne pas rencontrer tous les égards dus à son malheur, peutêtre même à essuyer de mauvais traitements. Aussi, tous ceux qui doivent des aliments à quelqu'un, excepté le père et la mère, ainsi que nous le verrons dans l'article suivant, sont obligés d'acquitter leur dette par le payement d'une pension alimentaire. Pour qu'il en soit autrement, ils doivent justifier qu'il leur est impossible de payer cette pension. Le tribunal, alors, pourrait les autoriser à loger, nourrir et entretenir chez eux celui auquel ils doivent des aliments; mais il ne doit l'ordonner qu'en connaissance de causé, c'est-à-dire après avoir examiné si ce dernier n'a rien à craindre chez eux.

211. Le tribunal prononcera également si le père ou la mère qui offrira de recevoir, nourrir et entretenir dans sa demeure, l'enfant à qui il devra des aliments, devra dans ce cas ètre dispensé de payer la pension alimentaire.

=Le père ou la mère. Lorsqu'ils doivent des aliments à leurs enfants, ils ne sont pas obligés de s'acquitter par une pension alimentaire; ils peuvent les recevoir et les entretenir chez eux; rien de plus naturel que le fils soit nourri dans la maison de son père. Aussi, dans ce cas, le juge n'a-t-il pas à examiner si le père ou la mère sont en état de payer cette pension, mais seulement si l'enfant ne recevra chez eux ni mauvais traitements ni mauvais exemples. Bien entendu qu'il s'agit ici de l'enfant devenu majeur.-QUESTION. L'obligation de fournir des aliments s'éteint-elle par le convol du père? Non; cette obligation se modifie, au contraire, de telle sorte que ses enfants ne peuvent demander qu'ils viennent chez eux recevoir les aliments qu'ils lui doivent, parce que ce serait le réduire à la dure nécessité d'abandonner sa femme, de violer les devoirs imposés au mari par l'article 214 du C. civ., ou de succomber sous le poids de la plus affreuse misère. (Poitiers, 25 novembre 1824.)

CHAPITRE VI.

Des Droits et des Devoirs respectifs des Époux.

212. Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.

· ≈ Fidélité. L'infidélité de la femme est punissable

dans tous les cas, parce qu'elle peut introduire dans la famille des enfants étrangers: celle du mari ne l'est que lorsqu'il a entretenu sa concubine dans la maison conjugale, parce qu'alors l'outrage se joint à l'adultère. Mais la peine est toujours différente: pour la femme, un emprisonnement de trois mois au moins, et deux ans au plus; pour le mari, une amende de 100 fr. à 2,000 fr. (Art. 337 et 339 du C. pén.) On ne prononce pas contre lui un emprisonnement, parce qu'il a paru inconvenant que la femme pût faire emprisonner celui auquel elle doit obéissance, et priver ainsi la famille de son chef légitime. Secours. Pécuniaires. L'époux qui est dans l'aisance doit la faire partager à son conjoint.

Assistance. Soins, en cas d'infirmités, de malheurs ou accidents.

213. Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari.

Obéissance. Cet hommage, rendu par la femme au pouvoir qui la protége, est une suite nécessaire de la société conjugale, qui ne pourrait subsister si l'un des époux n'était subordonné à l'autre.

214. La femme est obligée d'habiter avec le mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider: le mari est obligé de la recevoir, et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état.

-Est obligée. QUESTION. Le mari peut-il réclamer le secours de la force publique, pour contraindre la femme à remplir cette obligation? Pour l'affirmative, qui a de nombreux partisans, on dit que les époux s'étant donnés l'un à l'autre, et le but du mariage étant principalement la procréation des enfants, le contrat n'existerait réellement plus s'il était possible à l'un des époux de se soustraire à la cohabitation commune; mais, dans l'opinion contraire, on observe qu'aucune loi ne permet, dans le cas dont il s'agit, l'exercice d'une contrainte personnelle, et que cette contrainte, quelle qu'elle soit, se trouve, par suite, proscrite par les termes généraux de l'article 2063; que cette contrainte est d'autant plus odieuse, qu'elle sera toujours illusoire, puisque la femme ramenée manu militari dans la maison conjugale pourra toujours s'en échapper, à moins qu'on ne la retienne en charte privée, ce qui n'est pas admissible; que, dès lors, il faut reconnaître que les seuls moyens qui puissent appartenir au mari pour forcer sa femme à rentrer dans le domicile commun, sont le refus d'aliments et la saisie des revenus des biens de la femme. (Colmar, 10 juillet 1833. ) La cour de cassation semble cependant avoir adopté la première opinion, mais en distinguant bien le genre de contrainte qu'il est permis d'employer: « L'emploi de la force publique ne doit aucunement être confondu, a dit cette cour, avec l'exercice de la contrainte par corps; par celle-ci, l'on s'empare de la personne pour lui enlever la liberté, en l'emprisonnant (art. 2059 et suiv. du C. civ., et 790 et suiv. du C. de pr. civ.); cellelà ne fait qu'accompagner la personne pour la mettre en état de rempir ses devoirs et même de jouir de ses droits, toujours en pleine et entière liberté. » La cour ajoute que « pour l'exécution du jugement qui, en vertu de la disposition formelle de l'article 214, oblige la femme à rentrer dans le domicile conjugal, on doit, dans l'extrémité fâcheuse où tous les autres moyens moins rigoureux sont restés sans effet, employer encore la force publique, pour ne pas faire dépendre du caprice, et quelquefois même du crime de l'épouse, un nouveau genre de séparation de corps subversif tout à la fois, et des droits particuliers de l'époux, et des droits généraux du corps social.» (9 août 1826, ch. des req.)

Où il juge à propos de résider. Même en pays étranger, puisqu'elle lui doit obéissance.

De la recevoir. Ce ne serait pas remplir le vœu de l'article actuel, que de recevoir sa femme dans son domicile, mais en fermant par une barre de fer la porte de communication de la chambre coucher de la femme avec l'appartement du mari. (Cass., 20 janvier 1830.)

De lui fournir tout ce qui est nécessaire. Puisqu'il lui doit protection, secours et assistance (art. 212), même hors du domicile conjugal, si, par le fait de son mari, elle ne pouvait y habiter avec sûreté, et bien qu'elle n'eût pas formé préalablement demande en séparation de corps. (Montpellier, 23 déc. 1830.) — QUESTION. Le mari qui veut obliger sa femme à venir habiter avec lui doit-il être en état de la recevoir convenablement? « Attendu qu'en déclarant le sieur Testu, quant à présent, non recevable dans sa demande tendante à ce que sa femme fût condamnée à le suivre et à venir habiter avec lui, par la raison qu'il n'avait ni logement ni moyens pour la recevoir convenablement, l'arrêt, loin de violer la loi, n'a fait qu'une juste application d'un principe fondamental posé par les articles 212, 213 et 214 du C. civ.; rejette, etc. » (Cass., 9 janvier 1826.)

215. La femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique, ou non commune, ou séparée de biens.

=

La femme qui se marie perd la faculté d'exercer seule la plupart de ses droits civils. L'intérêt de l'association conjugale, la déférence qu'elle doit à son mari, l'obligent à ne jamais faire d'actes importants sans son autorisation.

Ester en jugement. C'est-à-dire se présenter devant le juge, soit en demandant, soit en défendant ( stare in judicio.)- Au reste, la cour de Grenoble a jugé : « Qu'il suffit que son mari et elle procèdent conjointement dans la même instance, même avec des intérêts distincts, pour que l'autorisation soit réputée accordée. » (21 fév. 1832.)

Non commune, ou séparée de biens. Des époux, dans leur contrat de mariage, peuvent faire différentes conventions relativement à leurs biens: 10 ils peuvent se marier sous le régime de la communauté, qui a été expliqué sous l'article 124. Sous ce régime, on dit que la femme est commune. 2o Sous le régime exclusif de communauté, le mari a bien l'administration et la jouissance des biens de sa femme, mais il ne peut les aliéner; à la dissolution du mariage, la femme doit les retrouver tous. On dit alors qu'elle est non commune. (Art. 1550 et suiv.) 30 Avec la clause de séparation de biens; dans ce cas, la femme conserve l'administration de ses biens et la jouissance entière de ses revenus: on dit qu'elle est séparée de biens. (Art. 1556.) Mais, dans tous les cas, il lui faudra toujours l'approbation de son mari pour intenter une action civile, comme pour y défendre, par les raisons cidessus énoncées.

216. L'autorisation du mari n'est pas nécessaire lorsque la femme est poursuivie en matière criminelle ou de police.

Car le refus du mari ne pouvant arrêter la vindicte publique, il faut bien qu'elle ait le droit de repousser l'accusation qu'on fait peser sur elle.

217. La femme, même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l'acte ou son consentement par écrit.

=Aliéner, hypothéquer. Voir l'explication de l'article 128.

Acquérir, à titre gratuit. C'est-à-dire acquérir sans rien donner en échange. La libéralité pourrait être faite sous des conditions onéreuses que la femme serait incapable d'apprécier, et d'ailleurs les bonnes mœurs sont intéressées à ce qu'un mari connaisse et approuve les dons qui sont faits à sa femme.

Ou onéreux. C'est-à-dire en s'obligeant à donner ou à faire quelque chose en retour (art. 1106), comme dans la vente; mais il est de principe que le mari serait obligé d'acquitter les fournitures faites de bonne foi, pour sa maison, par les soins de sa femme. Dans ce cas, elle est censée avoir agi en vertu du mandat tacite de son mari. Voir aussi l'art. 1449.

Sans le concours. Quand le mari concourt dans l'acte, son autorisation est tacite, et produit le même effet qu'une autorisation expresse. (Cass., 22 mars 1831.)

Ou son consentement par écrit. Antérieurement à l'acte, ou au moins au moment de la passation de l'acte, comme cela résulte des art. 210 et 224 du Code. (Rouen, 18 nov. 1825.)

218. Si le mari refuse d'autoriser sa femme à ester en jugement, le juge peut donner l'autorisation.

Le juge. C'est-à-dire le tribunal : la partie est prise pour le tout.

Peut donner l'autorisation. Sans demander l'avis du mari, quand la femme défend à l'action, parce que son refus ne doit pas paralyser les droits des tiers: mais si c'est la femme qui veut intenter l'action, comme cette raison n'existe plus, on doit appliquer l'art. suivant. Cette distinction résulte de l'art. 861 du C. de pr.

219. Si le mari refuse d'autoriser sa femme à passer un acte, la femme peut faire citer son mari directement devant le tribunal de première instance de l'arrondissement du domicile commun, qui peut donner ou refuser son autorisation, après que le mari aura été entendu ou dûment appelé en la chambre du conseil.

A passer un acle. Ou intenter une demande. Faire citer. Elle doit préalablement faire sommation à son mari de consentir, et, sur son refus, présenter une requête au président, qui permet de citer. (Art. 861 du C. de proc.)

Entendu. Pour qu'il explique les motifs de son refus. Dúment appelé. C'est-à-dire par une signification donnée par un huissier: il suffit qu'il soit régulièrement appelé; son refus de comparaître ne saurait empêcher la femme d'exercer une action utile.

En la chambre du conseil. Pour éviter la publicité de ces débats domestiques : la chambre du conseil est une chambre placée à côté de la salle d'audience, et dans laquelle les juges se retirent pour délibérer ou pour d'autres causes le public n'y est jamais admis.

220. La femme, si elle est marchande publique, peut, sans l'autorisation de son mari, s'obliger pour ce qui concerne son négoce; et, audit cas, elle oblige aussi son mari, s'il y a communauté entre eux. Elle n'est pas réputée marchande publique, si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari, mais seulement quand elle fait un commerce séparé.

= Marchande publique. Comme elle ne peut l'être sans l'autorisation de son mari, il a consenti tacitement à ce qu'elle pût agir par elle-même, dans tout ce qui regarde son négoce ainsi elle peut vendre, acheter les marchandises, louer des ouvriers, donner, endosser des lettres de change ou des billets. Elle ne pourrait pas ester

[blocks in formation]

S'ily a communauté. Le mari, comme maître de la communauté, profite des gains du négoce; il doit donc en supporter les charges.

Un commerce séparé. Lorsque les tribunaux décident ce point, ils font une appréciation de fait qui échappe à la censure de la cour suprême. (Cass., 27 mars 1832).

221. Lorsque le mari est frappé d'une condamnation emportant peine afflictive ou infamante, encore qu'elle n'ait été prononcée que par contumace, la femme, même majeure, ne peut, pendant la durée de la peine, ester en jugement, ni contracter, qu'après s'être fait autoriser par le juge, qui peut, en ce cas, donner l'autorisation, sans que le mari ait été entendu ou appelé.

= Pendant la durée de la peine. Pendant ce temps, en effet, il est frappé d'interdiction légale (art. 29 du C. pén.); mais l'infamie ne s'effaçant pas par l'expiation de la peine, et se perpétuant jusqu'à la réhabilitation (article 635 du C. d'instr. crim.), des auteurs ont pensé que, même après l'expiration de la peine, et jusqu'à la réhabilitation, le mari ne pouvait autoriser sa femme; que cela résultait de ce que le législateur enlevait ce droit au mari, soit qu'il fût frappé d'une condamnation à peine afflictive, soit qu'il fit frappé d'une condamnation infamante; d'autres auteurs soutiennent l'opinion contraire ils se fondent sur le texte de la loi, qui est positif, et aussi sur cette considération, que l'infamie qui frappe le condamné, même après qu'il a subi sa peine, ne le prive pas d'ailleurs de la puissance maritale; car cette incapacité n'est pas au nombre de celles dont il est atteint par l'art. 28, C. pén., combiné avec l'art. 34.

Entendu ou appelé. Il eût été dérisoire d'exiger qu'un homme qui cherche à se dérober à la peine prononcée contre lui fût entendu ou appelé.

222. Si le mari est interdit ou absent, le juge peut, en connaissance de cause, autoriser la femme, soit pour ester en jugement, soit pour

contracter.

= Absent. Ou présumé absent. (Art. 863 du C. de pr.) On pense également que si le mari est trop éloigné pour donner son autorisation aussi promptement qu'il le faudrait, le tribunal peut la donner l'intérêt de la femme, et souvent de l'association conjugale, semble l'exiger ainsi.

223. Toute autorisation générale, même stipulée par contrat de mariage, n'est valable que quant à l'administration des biens de la femme.

N'est valable. On ne peut déroger, par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public. De ce nombre sont celles qui règlent la puissance maritale; ainsi, toute convention qui tendrait à en libérer la femme ne pourrait jamais la rendre capable, en général, d'ester en jugement, d'aliéner ses immeubles, etc. Il faut une autorisation particulière pour chaque acte; mais elle peut recevoir du mari le pouvoir général d'administrer ses propres biens, aux termes de notre article. Le mari peut aussi donner à la femme une procuration générale pour administrer et même aliéner ses biens, à lui, ou ceux de la communauté; car, pouvant accorder cette confiance à une femme étrangère (art. 1990), il peut, à plus forte raison, l'accorder à la sienne, qui agit alors comme mandataire.

ROGRON. C. CIV.

224. Si le mari est mineur, l'autorisation du juge est nécessaire à la femme, soit pour ester en jugement, soit pour contracter.

Est mineur. Puisqu'il ne pourrait pas, lui-même, donner, aliéner, hypothéquer ses propres immeubles; mais, pour les actes qui lui sont permis comme mineur émancipé, c'est-à-dire ceux de l'administration (art. 481), il peut autoriser sa femme à les faire. La femme qui veut se faire autoriser doit s'adresser au tribunal de son domicile, s'il s'agit de contracter ou d'intenter une action, et s'il s'agit de répondre à une demande, au tribunal où cette demande a été portée. Elle présente une requête au président (art. 861 et suiv. du C. de pr. civ.), en y joignant le jugement de condamnation, d'absence, d'interdiction, selon que le mari est condamné à une peine infamante, absent ou interdit; s'il est mineur, son acte de naissance.

225. La nullité fondée sur le défaut d'autorisation ne peut être opposée que par la femme, par le mari, ou par leurs héritiers.

Que par la femme. Le défaut d'autorisation entraîne la nullité des actes ou des procédures faites par la femme qui en avait besoin, mais cette nullité est relative. L'autorisation étant exigée dans l'intérêt seul de la femme ou du mari, eux seuls pourront réclamer. Quant aux tiers, ils doivent se reprocher d'avoir contracté avec une femme qui n'était pas capable; ils sont d'ailleurs présumés avoir voulu abuser de cette incapacité ; ils ne pourraient même pas objecter que la femme a caché sa qualité de femme mariée; c'était à eux à s'informer de son état. (Art. 1124 et 1125.) Mais la nullité ne pourrait plus être invoquée si le mari et la femme avaient ratifié expressément (c'est-à-dire par un acte formel) ou tacitement (c'est-à-dire en exécutant) l'acte consenti par la femme sans l'autorisation de son mari. (Art. 1338.)

226. La femme peut tester sans l'autorisation de son mari.

Peut tester. Car son testament n'aura d'effet qu'à la mort, quand la puissance maritale n'existera plus; et d'ailleurs il doit être l'expression libre de sa volonté.

CHAPITRE VII.

De la Dissolution du Mariage.

227. Le mariage se dissout,

·

[ocr errors]

-1° par la mort de l'un des époux; -2° par le divorce légalement prononcé; 3° par la condamnation devenue définitive de l'un des époux à une peine emportant mort civile (1).

Par la condamnation. Cette rédaction est vicieuse, car la mort civile, qui dissout le mariage, ne commence pas du jour de la condamnation, même définitive, mais seulement du jour de l'exécution ou de l'expiration des cinq ans de grâce, dans le cas de condamnation par contumace. (Art. 26 et 27.) Nous avons même vu, art. 30, que, dans ce dernier cas, beaucoup d'auteurs pensaient que le mariage était dissous vingt ans seulement après la condamnation par contumace, cette condamnation n'étant définitive qu'après ce laps de temps. - Par la mort civile le mariage est dissous, mais seulement quant à ses effets civils (art. 25); le lien naturel et religieux subsiste toujours. Il n'y a donc que la mort naturelle qui brise entièrement tous les liens du mariage.

(1) En Belgique, la mort civile est abolie par la constitution.

4

« PreviousContinue »