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fait par les familles elles-mêmes dans l'intérêt de leurs affections ou de leur sécurité, et celui où il est prescrit par l'administration.

Elle introduisit enfin quelques dispositions nouvelles relatives à tous les aliénés et concernant leurs droits civils, leurs intérêts matériels.

Les discussions auxquelles le projet a depuis été soumis, soit à la Chambre des Pairs, soit à la Chambre des Députés, n'ont apporté à ce nouvel ordre de dispositions que de légères modifications.

Ainsi la loi est divisée en trois titres : le premier a pour objet les établissemens des aliénés ; le second s'occupe des placemens; il se divise en quatre sections: la première traite des placemens volontaires; la seconde, des placemens ordonnés par l'autorité publique; la troisième, des dépenses du service; la quatrième contient les règles communes aux deux modes de placemens. Des dispositions gé. nérales forment le titre troisième.

Cette loi est éminemment protectrice de la liberté individuelle; elle veille constamment à ce que nul individu ne puisse, sous prétexte d'aliénation mentale, être privé de la libre disposition de sa personne ; et cependant, elle laisse à l'adminis tration tout le pouvoir qui lui est nécessaire. Mais il faut convenir qu'elle présente des dispositions un peu compliquées et qu'elle multiplie sans utilité les agens à qui elle confie les intérêts des aliénés.

Peut-être eût-il été préférable de ne pas confondre dans une même loi des mesures de police, des dispositions protectrices de la liberté individuelle et des règles sur les droits civils des aliénés. Tout ce qui est relatif à celles-ci offre la trace d'une certaine précipitation, et n'est pas toujours en harmonie parfaite avec les dispositions du Code civil.

Qu'il me soit permis de reproduire ici les réflexions qui terminent le rapport de M. Barthé lemy à la Chambre des Pairs. Elles m'ont paru aussi justes qu'élevées; il est bon qu'elles soient répandues; car notre législation est en général trop exclusivement occupée du mal moral ou matériel lorsqu'il s'est développé; elle ne tend pas assez à le prévenir; elle ne voit que les effets, elle ne recherche pas assez les causes.

« En adoptant, a dit M. Barthélemy, toutes les mesures qui tendent à procurer aux malheureux aliénés des asiles plus nombreux, un traitement plus rationnel; en faisant disparaître de nos codes des prescriptions dont l'accomplissement pourrait nuire à leur guérison; en entourant leur personne et leurs biens de toute sa sollicitude, le projet de loi acquitte la dette de l'humanité; mais il ne suffit pas à la société de s'occuper des soins qu'elle doit aux aliénés déclarés, s'il est en son pouvoir d'en diminuer le nombre. Tous les auteurs s'accordent à dire qu'il s'accroît avec la dépravation des mœurs, et que les passions les plus viles et les plus basses sont celles qui en développent les principes avec le plus d'énergie. On a remarqué que le nombre des fous est généralement en rapport, dans chaque pays, avec celui des criminels, et que la folie se

établissement public ou privé, soit de ce département, soit d'un autre département.

Les traités passés avec les établissemens publics ou privés devront être approuvés par le ministre de l'intérieur (1).

2. Les établissemens publics consacrés

déclare avec le plus d'intensité et d'énergie au même âge que le crime. C'est donc à l'éducation à diminuer, en cherchant à les prévenir, les ra vages que cause une maladie aussi dégradante pour l'espèce humaine.

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Efforçons-nous d'appuyer cette éducation sur les principes de religion et de morale, qui seuls peuvent donner à l'homme la force nécessaire pour réprimer ses mauvaises passions et les écarts de son esprit ; nous procurerons ainsi à ceux de nos concitoyens que de malheureuses prédispositions soumettraient à l'influence fâcheuse de cette cruelle maladie, le meilleur préservatif que l'expérience et l'opinion presque unanime des auteurs aient pu indiquer jusqu'à ce jour.

On verra plus tard dans les notes sur les arti cles les conséquences singulières qu'on cherchait à tirer de ces paroles pleines de sagesse.

(1) On aurait de la peine à croire que la loi sur les aliénés ait pu devenir l'objet d'un dissentiment politique. Cependant les opinions opposées y ont trouvé le prétexte d'une lutte assez animée. Plusieurs pairs, s'emparant des paroles qui terminent le rapport de M. Barthéleiny, voy. suprà, ont soutenu qu'entre les établissemens destinés à recevoir et à soigner les aliénés, la préférence devait être accordée à ceux qui sont desservis par des congrégations religieuses, ou plutôt que tous de vaient être confiés à leurs soins pieux. Cette sympa. thie exagérée pour une classe d'établissemens suffi sait pour leur créer des adversaires également passionnés, et qui ont revendiqué pour les établissemens laïques des faveurs, si ce n'est un privilége absolu et exclusif. M. le ministre de l'intérieur s'est sagement posé entre ces opinions extrêmes. « De ce que la religion, at-il dit, peut être in voquée comme une sauvegarde de la raison hu maine, suit-il qu'il y ait une préférence à accorder aux établissemens laïques ou aux établissemens religieux? Nous ne le pensons pas. Là où existent des établissemens laïques, où toute la science est prati. quée, où l'ordre subsiste, nous pensons qu'il est bon de les soutenir, de les protéger. Existe-t-il, au contraire, des établissemens dirigés par des con grégations religieuses autorisées par les lois, si l'ordre y existe, si la science y est bien pratiquée, si on ne lui ferme pas la porte de l'asile des aliénés, comme à une sorte d'invention mondaine, nous nous empresserons aussi de protéger, de maintenir ces établissemens. Qu'il me soit permis de le dire, ce serait peut-être dans un mélange de ces deux sortes d'établissemens, dans un mélange de ce qu'il peut y avoir de bon et de pratique quant à la science dans les établissemens laiques, avec ce qu'il peut y avoir de bon, de pratique, d'actif, de secourable dans les établissemens religieux, c'est dans ce mélange qu'on pourrait trouver le juste milieu qui peut servir à former un établissement modele pour les aliénés.

«Ceci n'est pas seulement une opinion théo rique; c'est une opinion basée sur des observations. Je pourrais citer tel établissement dont la direction est confiée à des administrateurs laïques, el daus

lesquels il y a des frères servans subordonnés aux laïques, dans lesquels l'ordre est le plus parfait en même temps que la science y est pratiquée dans des vues de progrès. Ne rien proscrire, telle a été l'opinion du gouvernement, lorsqu'il s'est occupé de rédiger le projet de loi qu'il vous a soumis, pour lequel, d'ailleurs, il s'est presque toujours réuni à votre commission; car il n'a pas échappé à la Chambre que nous avons admis la plupart des améliorations que votre commission avait proposées l'année dernière, et une grande partie des améliorations qu'elle a proposées cette année, »

La rédaction de cet article appartient à la commission de la Chambre des Députés. Le meilleur commentaire qui en même temps explique la disposition de l'art. 25 se trouve dans le rapport de M. Vivien du 27 mars 1838.

... En plaçant, y est-il dit, les secours à donner aux aliénés au rang des dépenses ordinaires des départemens, auxquelles il est pourvu à l'aide des centimes votés par la loi de finances, elle les a 'élevés au rang des dépenses générales de l'Etat, placées sous l'autorité du gouvernement et dans le vote des Chambres...

Cependant l'engagement contracté par l'Etat, et qui sera accompli en son nom, a des limites que l'intérêt public ordonne de poser et qui ne sauraient être franchies sans compromettre nos finances, sans contrevenir à d'impérieuses règles d'économie publique.

Votre commission a pensé qu'il convenait d'introduire, à ce sujet, quelques règles précises dans le projet de loi; elle les a consignées dans l'art. 24 (actuellement 25), dont je dois vous entretenir dès à présent, parce qu'il forme le com. mentaire et le complément de l'art. 1o.

«Tout aliéné dangereux, dont la séquestration sera ordonnée par l'autorité publique, doit être reçu et traité aux frais du département, s'il ne possède personnellement aucune ressource. C'est principalement en vue de cette classe que sont fondés les établissemens publics; et l'autorité qui, dans un intérêt de sûreté générale, dispose de la personne de ces infortunés, est tenue de pourvoir leur bien-être physique toujours, et à leur guérison, quand elle est possible.

Le devoir du gouvernement ne s'arrête pas là. Il est des aliénés dont la condition est trop déplorable, quoiqu'ils ne menacent point la sécurité des citoyens, pour que la société ne leur vienne pas en aide; tous ceux aussi qui sont en proie au premier accés d'un mal que l'art peut dissiper, doivent être admis à recevoir les secours de la science; et, quand sur tous les points du territoire des hôpitaux sont ouverts aux diverses maladies qui affligent l'humanité, la plus cruelle ne saurait être privée de ce bienfait.

« Mais, si la loi ouvrait indistinctement les établissemens créés ou subventionnés par les départemens à quiconque se prévaudrait du titre d'aliéné, elle faciliterait les plus ruineux abus. L'imbécilité, l'idiotisme touchent de près à l'aliénation mentale, et pourraient aisément se confondre avec elle. Les communes, pour se dégager du fardeau de leurs pauvres, les familles, pour se soustraire à leurs charges domestiques, ne manqueraient pas d'imposer au département, comme atteints d'aliénation mentale, tous les indigens incapables de subvenir à leur existence, et chez lesquels le moindre défaut d'intelligence pourrait

servir de prétexte. Les établissemens seraient bientôt encombrés, et les départemens placés dans la pénible alternative de laisser s'accroître indéfini. ment une dépense onéreuse ou de refuser des sccours aux nouveaux malades, le plus souvent mieux disposés que les autres à profiter des secours de l'art, tandis que toutes les places seraient occupées par des incurables.

Des mesures doivent être prises pour que tous les aliénés dont la raison n'est pas irrévocablement détruite obtiennent un traitement immédiat et complet. Après avoir pourvu à cette nécessité, les ધ départemens pourront admettre dans leurs établissemens les autres aliénés, avec toutes les restrictions propres à empêcher que leur nombre ne soit un obstacle à l'admission des malades en traitement.

« Telle est la règle qui nous a paru devoir être admise. Elle n'était pas de nature à trouver place dans la loi ; c'est aux conseils généraux qu'il appartiendra de prendre, à ce sujet, toutes les disposi tions convenables, et de régler les formes et les conditions des admissions, de manière à pourvoir, dans de justes limites, à tous les besoins.

Ainsi, les établissemens ouverts, aux termes de l'art. 1', devront recevoir tous les aliénés dangereux dont l'autorité publique aura ordonné la séquestration, et, en outre, tous ceux dont les conseils généraux, sous l'approbation du ministre, auront autorisé l'admission.

"

Tel est le sens de l'article introduit par votre commission.

«La faculté accordée aux départemens de traiter avec des établissemens publics ou privés, situés sur leur territoire ou sur celui d'un autre département, prouve que chacun d'eux n'est pas tenu de posséder un établissement en propre. Certains dépar temens renferment trop peu d'aliénés, pour qu'il y ait lieu de leur consacrer une maison; dans d'autres, une création nouvelle serait nécessaire, et elle donnerait lieu à une dépense excessive, comparée aux besoins en vue desquels elle serait faite; enfin l'expérience prouve que les grands établissemens sont préférables aux autres. Les moyens curatifs, le personnel nécessaire, la disposition spéciale des localités peuvent plus facilement y être obtenus, et les soins d'une bonne administration, d'une gestion économique concourent avec les enseignemens de l'art pour les conseiller.

« Votre commission a donc maintenu la faculté, pour les départemens, de traiter avec des établis semens publics ou privés, sans être obligés d'en

élever à leurs frais.

Les traités qu'ils passeront seront soumis à l'approbation du ministre de l'intérieur; cette garantie a été introduite dans la loi par la Chambre des Pairs, qui ne l'a néanmoins appliquée qu'aux traités passés avec les établissemens privés. Nous sommes d'avis que l'approbation ministérielle doit intervenir, mais nous la croyons nécessaire pour les traités passés avec tous les établissemens, quels qu'ils soient, publics ou privés. A la vérité, les premiers ont des tarifs réglés par l'autorité, et seront soumis à des réglemens particuliers qui garantiront leur bonne tenue; mais l'approbation du ministre n'a pas seulement pour objet les conditions relatives aux prix et au régime intérieur, elle comprend tout ce qui rentre dans l'intérêt départemental, tout ce qui se rattache à l'orga

aux aliénés sont placés sous la direction de l'autorité publique (1).

3. Les établissemens privés consacrés

aux aliénés sont placés sous la surveillance de l'autorité publique (2).

4. Le préfet et les personnes spéciale

nisation générale du service des aliénés; ainsi, le ministre devra rechercher si le traité soumis à son approbation est la meilleure manière dont le département puisse venir au secours de ses aliénés; si l'on ne doit par plutôt former un établissement spécial; il devra se rendre compte de l'importance de l'établissement, s'assurer qu'il est en état de répondre aux engagemens contractés, et faire en sorte, enfin, que les aliénés des divers points de la France soient répartis entre les établissemens publics et privés, de maniere qu'aucun de ceux-ci ne soit chargé au-delà de ses facultés.

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On a proposé à la Chambre de Députés de substituer au deuxième paragraphe de l'article un amendement portant: Les traités passés avec les établissemens publics ou privés préparés par les préfets, adoptés par les conseils généraux, devront être approuvés par le ministre de l'intérieur. »

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M. le rapporteur a fait observer qu'il est bien évident que les traités seront passés de l'aveu des conseils généraux; c'est le conseil général qui vote la dépense, et nécessairement il délibérera sur le traité. D

La proposition a été rejetée,

Il est bien entendu, a dit le Ministre, dans son discours de présentation du projet à la Chambre des Pairs, que le droit d'approbation réservé pour le ministre n'a pas pour but de nuire aux établissemens privés, de frapper d'une espèce d'interdit les maisons de santé fondées par des laïques ou des associations religieuses; toutes seront également admissibles à recevoir et soigner les malheureux aliénés, si elles sont régulièrement établies et constituées, et s'il est évident que les conditions pécuniaires proposées par elles ne sont pas dictées par un pur esprit de spéculation mercantile, le plus déplorable en ceite matière, nous dirons même le plus coupable. ■

On lisait à la suite du paragraphe 2: 11s (les traités) ne seront valables que si le chef de cet établissement s'est soumis à n'employer que des médecins agréés par le préfet. D

MM. Pelet de la Lozère et Mounier ont fait remarquer que cette précaution, qui est utile dans certains cas, ne devait pas être insérée dans la loi, et qu'il fallait laisser aux réglemens d'administration publique dont parle l'art. 6, le soin d'établir de semblables règles.

M. le ministre de l'intérieur a consenti au retranchement.

On voit, au surplus, que les départemens qui ne pourront pas former seuls un établissement, sont obligés de traiter avec celui d'un autre départe ment. Il vaudrait encore mieux que deux ou plusieurs départemens s'unissent pour fonder et entretenir un établissement commun. Certainement, les termes de la loi ne s'opposent pas à une pareille combinaison, et sans aucun doute le gouvernement devrait la favoriser; car si les départemens s'isolent, chacun ne pourra former que des établissemens qui n'offriront, ni les ressources, ni les développemens convenables. Mais s'ils cher. chent à s'associer, des difficultés nombreuses ne manqueront pas de s'élever. Chacun, disait M. Billault à la Chambre des Députés, voudra avoir la suprématie et le bénéfice d'être le département

central. L'on s'entendra difficilement de conseil général à conseil général; même par l'intermé diaire du préfet, les négociations ne seront pas aisées. L'esprit de localité s'en mêlera, et le but de la loi ne sera pas atteint. En conséquence, M. Billault demandait qu'une disposition expresse arimát l'autorité supérieure de la puissance néces saire pour amener les départemens à préférer les bienfaits de l'association aux résultats fà cheux de L'esprit de rivalité et d'isolemení. Je crois que per. sonne n'a songé à contester la sagesse de ces vues, et sans doute, si la Chambre n'a point inséré une disposition propre à les réaliser, c'est parce qu'elle a considéré l'influence de M. le ministre de l'inté rieur comme suffisante. Il a d'ailleurs promis lui même d'employer tous les moyens de persuasion, pour arriver au résultat indiqué. Au demeurant, ce n'est pas la seule occasion où les départemens comme les communes sont, par le pen d'étendue de leur territoire et l'exiguité de leurs ressources, hors d'état de subvenir convenablement à leurs besoins et à l'accomplissement des services et des travaux qui les intéressent. Nous voyons que pour les frais de l'instruction primaire, pour certains travaux, notamment pour la confection des routes, l'association entre plusieurs est indispensable. Des changemens dans la circonscription, qui donne raient à chaque département une plus grande étendue, un meilleur choix des chefs-lieux, une plus grande réunion de ressources financières, rendraient faciles beaucoup de choses qui aujour d'hui présentent de graves difficultés.

L'établissement de Charenton a un caractère tout spécial. Il n'est, ni communal, ni départemen tal, ni privé. M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il appartient à l'Etat, et qu'il est entretenu à ses frais; et il a ajouté que si, pour mettre son régle ment intérieur en harmonie avec la loi actuelle, quelques modifications étaient nécessaires, elles seraient faites.

(1 et 2) Ces articles indiquent tout le système qui devra présider à la mise à exécution de la loi.

M. le rapporteur de la commission de la Chambre des Pairs en expliquait le sens dans la séance du 9 février 1838.

« De ce que les établissemens publics, disait-il, sont placés sous l'autorité du Gouvernement, il en résulle qu'il a le droit de fixer le mode d'adminis tration et le régime de ces établissemens par des or donnances, ainsi que le porte l'article 6, quant aux établissemens privés, le droit de l'autorité se borne à une simple surveillance, c'est-à-dire by faire de fréquentes inspections pour s'assurer qu'ils ne s'écartent pas des prescriptions de la loi et que tout chez eux.se passe convenablement; là s'arrête le pouvoir du Gouvernement: il n'a qu'un droit de police et non un droit de direction absolue.

Le rapport de M. Vivien en 1837 explique aussi en quoi consiste la différence des droits de l'auto rité sur les établissemens publics et sur les établis sement privés; après avoir parlé des améliorations qu'on peut introduire dans les premiers il ajoute:

Quant aux établissemens particuliers, l'action de l'administration ne peut être la même qu'à l'égard des établissemens publics. L'industrie privée a des droits qui doivent être respectés; mais les considé

ment déléguées à cet effet par lui ou par le ministre de l'intérieur, le président du tribunal, le procureur du roi, le juge de paix, le maire de la commune, sont chargés de visiter les établissemens publics ou privés consacrés aux aliénés.

Ils recevront les réclamations des personnes qui y seront placées, et prendront,

-rations que nous venons d'exposer prouvent que si l'intervention du Gouvernement offre un caractère différent, elle doit néanmoins tendre au même but. Nous pourrions dire qu'elle doit être plus étendue : car aux inconvéniens graves qui résulteraient d'une administration vicieuse et qui doivent être évités dans tout établissement, les entreprises particuliéres peuvent en ajouter qui leur sont spéciaux. De coupables connivences pourraient donner la facilité de disposer de la liberté d'un parent incommode ou ennemi ; une lâche cupidité, une méprisable indifférence, pourrait prolonger une captivité qui doit cesser avec la démence et qui devient un crime dès qu'elle dure plus que sa cause. La loi ne peut se mettre trop en garde contre ces abus, et le projet propose avec raison divers moyens de les prévenir. Ainsi aucun établissement privé ne pourra se former sans une antorisation préalable, et un réglement d'administation publique déterminera les conditions auxquelles les autorisations seront accordées, les cas où elles pourront être retirées et les obligations imposées aux établissemens. Par ce moyen, le gouvernement pourra prescrire toutes les mesures d'ordre public et toutes les précautions d'intérêt privé.

En Angleterre, de semblables autorisations sont exigées. La loi a fait plus; elle leur donne une durée d'une année seulement. Nous aurions craint, en adoptant cette disposition, de créer un obstacle à la formation d'entreprises qui exigent des capitaux considérables, pour répondre convenablement à leur but. Nous laissons au réglement d'adminis tration publique le soin de déterminer la durée des autorisations; nous nous sommes bornés à rédiger l'article 3 de inanière à indiquer que l'autorisation sera donnée au chef de l'établissement et non à l'établissement. Il est nécessaire en effet qu'aux conditions matérielles, propres à assurer le succès et la durée de l'entreprise, se joignent les garanties personnelles du caractère, des habitudes et de l'expérience du directeur. Le pouvoir qu'il doit exercer, la confiance dont il faut qu'il soit digne, ne permettent pas que ces fonctions soient librement exercées par tous ceux que l'esprit de spéculation pourrait engager à s'en revêtir.»

Au surplus, les mots autorité publique ont été substitués aux mots gouvernement et autorité administrative qui se trouvaient dans le projet, et qui manquaient d'exactitude, comme l'a fort bien fait remarquer M. le rapporteur de la Chambre des Pairs, puisque les établissemens d'aliénés sont soumis aussi à l'autorité judiciaire.

(1) Cet article a été l'objet de vives critiques dans les deux chambres. Le grand nombre des visiteurs ou inspecteurs aura pour effet, a-t-on dit, d'abord, de révéler ce que les familles ont intérêt à tenir dans le secret ; en second lieu, de retarder peut-être la guérison des malades.

On empruntait ce dernier reproche à une brochure de M. Esquirol, dans laquelle il s'exprime

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faites

Ajoutez encore les visites qui doivent être qui suivent l'admission de chaque malade. des délégués du préfet dans les trois jours par

Que de visites! que de visiteurs! Prisons d'Etat, prisons criminelles furent-elles jamais soumises à de plus nombreuses inspections? Que d'individus admis dans le secret d'une maladie que tout le monde cherche à cacher!

Avant d'apprécier l'utilité de ces visites, il est bon de signaler le mal qu'elles feront.

Il est d'expérience que la visite journalière du médecin provoque une sorte d'excitation générale parmi les aliénés, surtout parmi les femmes, quelque habituées que soient ces malades à ces visites.

a

Lorsque les administrateurs, les membres des commissions de surveillance, visitent les établisseinens d'aliénés, ils sont témoins de l'excitation que leur présence provoque. Il en est de même lorsque les autorités supérieures se rendent dans ces établissemens.»

On a répondu à ces reproches, qu'il est bien vrai qu'il faut avoir égard à la malheureuse situation des familles; mais qu'on ne saurait entourer de trop de garanties la liberté individuelle.

De quoi se plaint-on ? a dit M. le ministre de l'intérieur, de ce qui a toujours eu lieu. Suivant une loi de 1769, l'autorité publique en cette matière

exerçait d'une manière différente, dans quelques parties de la France. Il y avait tel département où le dépôt des aliénés se faisait d'après un arrêté du préfet, et dans d'autres, dans celui du Nord, par exemple, il fallait un jugement d'interdiction, précédé d'une enquête. La loi a pour but d'abord, de faire disparaître ces différences dans l'application de la législation; et, en second lieu, de faire disparaître cette enquête préalable et cette véritable enquête judiciaire qu'on appelle jagement, par suite desquels on dépose l'aliéné dans une maison particulière.

Eh bien! le projet a pour but de régulariser cet état de choses. Vous verrez, en jetant les yeux sur l'art. 7, qu'il suffira d'un certain nombre de conditions imposées aux membres de la famille pour que le dépôt puisse avoir lieu. On a donc pourvu, autant qu'il a été possible, d'après le pro. jet, à ce que l'on demandait avec raison tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on tient compte de ce qu'il

5. Nul ne pourra diriger ni former un établissement privé consacré aux aliénés sans l'autorisation du gouvernement.

peut y avoir de pénible dans la situation des familles.

« Une autre observation qui a été faite, c'est qu'un trop grand nombre de personnes auraient le droit de visiter ces établissemens.

« On a tracé des limites à cet égard; car si, d'une part, il faut cacher autant que possible la situalion de santé d'un membre d'une famille, d'un autre côté il faut donner à la liberté individuelle toutes les garanties. Eh bien ! qu'a-t-on fait ?

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On a dit que le préfet et les personnes qu'il aura déléguées à cet effet, le président du tribunal, le procureur du roi, le juge de paix, le maire de la commune, seraient chargés de visiter ces établissemens. Il faut bien donner l'entrée de ces maisons à l'autorité judiciaire, pour écouter les plaintes contre l'autorité administrative, s'il y avait lieu. C'est un contrôle particulier placé à côté de l'autorité administrative. Le maire est chargé de cette visite. En effet, le maire est le représentant d'un pouvoir électif, mais il est le délégué de ses concitoyens, et on a trouvé juste de mettre à côté de l'autorité administrative, un magistrat qui ressort à la fois de la couronne et de l'élection populaire. On a voulu mettre tous les degrés de garanties pour contrôler l'action administrative. Il fallait bien donner aussi au préfet le droit de désigner un ou plusieurs médecins pour avoir un rapport sur la situation des aliénés. Mais enfin il y a des limites à toutes choses, et la loi ne pouvait avoir la prétention de tout définir. Il faut s'en rapporter au bon sens et à la raison des préfets sur l'application de la loi. »

Malgré ces raisons, ce n'est pas sans quelque répugnance qu'on a laissé subsister une disposition qui aura pour résultat nécessaire de multiplier les visites, et la discussion dans les deux Chambres a révélé la pensée que l'on devrait exécuter la loi, sous ce rapport, avec beaucoup de réserve et de précau

tion.

M. l'ivien disait dans son rapport en 1837.

Le préfet pourra déléguer des inspecteurs spéciaux chargés de visiter les établissemens. Il choisira, pour leur donner ce caractère, les citoyens les plus capables d'imprimer à ce service une direction utile et salutaire. Ces délégués le remplaceront toutes les fois que d'autres soins le distrairaient, et leur concours aura pour résultat de rendre la surveillance active et vigilante.

«Nous espérons qu'elle s'exercera réellement ; nous n'entendons pas prononcer une oiseuse prescription. Il sera du devoir du gouvernement de donner sur ce point les instructions les plus précises; il engagerait gravement sa responsabilité s'il négligeait d'user de l'autorité que la loi va lui con. fier, et s'il laissait ses agens s'oublier dans une molle indifference.

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«Abusera-t-on de cette faculté (celle de visiter les établissemens)? disait M. le ministre de l'intérieur à la chainbre des pairs. Messieurs, chacun sentira qu'il y a là une question d'humanité et de nécessité pour le traitement de la maladie. Des instructions ministérielles rappelleront d'ailleurs aux préfets ce qu'ils auront à faire. Ces paroles s'adressaient à un membre de la Chambre des Pairs

Les établissemens privés consacrés au traitement d'autres maladies: ne pourront recevoir les personnes atteintes d'aliénation

qui demandait qu'il ne pût y avoir qu'un seul délégué.

Au doute exprimé par le même membre, sur le point de savoir si la délégation du préfet sera permanente ou accidentelle et renouvelée pour chaque visite, M. le baron Feutrier à répondu :

Le préfet désignera, d'une manière permanente, le sous-préfet qui est le chef de l'administration, dans l'arrondissement, afin qu'il s'assure, par des visites fréquentes, de l'exécution des prescriptions de la loi, dans les établissemens dont il s'agit, si l'ordre y est complet, si les soins sont donnés avec exactitude. Sous ce rapport, il y aura déléga tion permanente. Il pourra ensuite y avoir des délégations spéciales pour des visites accidentelles, dans des cas et pour des causes accidentelles, relativement à telle ou telle disposition à introduire dans le régime de l'établissement, dans la construction même des établissemens publics directement par l'administration, ou à imposer aux directeurs des établissemens privés. D'ailleurs l'article emploie le mot délégation, et il n'est pas à craindre que le préfet puisse, sous prétexte de délégation, céder aux désirs de personnes qui ne seraient mues que par un sentiment de curiosité, a

Ni le ministre, ni le préfet ne doivent choisir des délégués qui soient parens des personnes intéressées dans l'établissement.

Il est vrai qu'un paragraphe exprimant cette prohibition a été supprimé dans le projet adopté par les Chambres, mais les motifs de suppression n'ont porté que sur le caractère absolu que cette disposi tion tirait de sa présence dans la loi; en sorte que, quoiqu'elle ait disparu du texte, elle est restée dans l'intention.

Les motifs qu'a donnés M. le ministre de l'inté rieur pour qu'elle fût retranchée de la loi, confirment cette interprétation. Après avoir fait remarquer que la prescription serait inexécutable par le ministre, puisque dans le cas où il s'agirait d'un inspecteur-général, il serait dans la nécessité de prendre des renseignemens complets sur la situation des personnes intéressées dans tous les établissemens publics de France pour n'être pas pris en défaut, opération qui serait extrêmement difficile et dont le résultat ne serait jamais certain, M. le ministre de l'intérieur a ajouté : « Sans doute, pour le préfet, la mesure serait moins impraticable; mais ce sera au préfet à y porter la plus grande attention. Le ministre aura soin, dans ses instructions, de recommander que les personnes déléguées pour inspec ter n'aient point de rapports de parenté ou d'amitié, ou même, autant que possible, d'affaires avec les personnes qu'il s'agira d'inspecter. Cela ne pourrait pas être mis dans la loi; mais le gouvernement aura égard aux recommandations qui lui ont été présentées, et le ministre y fera droit selon les cir

constances. »

On demandait que le juge de paix fût remplacé par un ministre du culte; cette proposition n'a pas été accueillie, mais il a été reconnu que celui-ci pourrait être délégué par le préfet,

Au membre de la Chambre des pairs qui voulait qu'il ne pût y avoir qu'un délégué, M. le ministre répondait : « Il peut être quelquefois utile de délégner un certain nombre de personnes. A Paris, par

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