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A la mort du comte de Zichy, un autre Hongrois, le comte de Nadasdy, lui avait succédé dans le ministère des finances. Il ne quitta cette place, après l'avoir occupée plusieurs années, que pour prendre la présidence de la section des finances, au conseil d'État. I siégeait dans ce conseil avec le titre de ministre d'État et des conférences.

Il y avait pour collègue un autre Hongrois, le comte Cziraky.

Ils étaient les deux seuls ministres d'État et de conférence qui fissent partie du conseil d'État.

Un autre Hongrois était, dans ce conseil, conseiller référendaire des affaires financières de la Hongrie.

Pendant que des Hongrois étaient appelés aux postes les plus élevés de l'administration des autres parties de la monarchie, la chancellerie aulique de Hongrie, exclusivement composée de Hongrois, résidait à Vienne, pour y faire les affaires de la Hongrie. Elle était le seul intermédiaire entre le roi et le pays.

Des hommes affranchis de tout impôt en Hongrie étaient appelés, non par le roi, mais par l'empereur, à diriger les finances des autres parties de l'empire. Et c'est de la Hongrie que vient l'accusation de perfidie! Ne sont-ce pas bien plutôt les autres sujets de l'empereur qui auraient eu à se plaindre d'un pareil degré de confiance? Et si les Hongrois ne veulent pas attribuer de pareils procédés à de la confiance, de quels autres moyens fallait-il donc se servir pour leur en inspirer? Quel motif oseraientils donc prêter à ces procédés s'ils ne veulent pas

les reconnaître comme une preuve du désir qu'avait la maison impériale de les rapprocher d'elle?

La cour de Vienne avait quatre places d'ambassadeurs. Pendant une longue série d'années, trois de ces ambassades furent occupées par des grands seigneurs hongrois. Plusieurs autres missions de second ordre, en tête desquelles il faut nommer celle de Berlin, étaient également confiées à des Hongrois.

Ce sont trois comtes d'Esterhazy qui occupent encore aujourd'hui les missions de Rome, d'Espagne et de Munich. Singulière perfidie, en vérité, qui donnait à sa victime une si grande part d'influence sur la direction des affaires étrangères de l'empire!

Mais rien ne pouvait changer l'opinion qu'avait la Hongrie relativement à l'indépendance de sa position politique. La Hongrie ne voulait que son roi parce qu'il n'était question que du roi dans la constitution. Que ce roi fût empereur, ce n'était pour elle qu'un incident historique. Elle avait souvent trouvé dans cet incident une puissante protection, mais sans y trouver jamais une obligation de plus.

Quand la révolution vint à envahir Vienne, c'est avec enthousiasme que la Hongrie eût reçu son roi, s'il eût voulu déserter le trône impérial pour n'occuper que celui de la Hongrie. N'est-ce pas en invoquant la fidélité que les Hongrois devaient à leur roi qu'on leur fit prendre les armes pour combattre l'empereur? Et, si tous, il est vrai, ne le combattirent pas, combien cependant est petit le nombre de ceux qui vinrent se ranger à ses côtés!

Pour ceux qui se donnèrent plus tard le titre de vieux conservateurs, le roi restait cependant toujours séparé de l'empereur; c'est-à-dire qu'ils voulaient conserver le principe qui devait nécessairement finir par rompre le lien qui unissait la Hongrie à l'empire.

Les Hongrois auraient voulu arriver à rompre ce lien par des voies que les révolutionnaires modernes appellent légales.

Comme il n'y a pas d'idée plus contraire à la raison que celle que l'on veut consacrer par le mot de révolution légale, et que le but que je me suis proposé est de prouver que les malheurs de nos temps ont été amenés par les fautes de tous les partis, il sera utile de montrer que c'est le masque de la légalité qui a jeté la Hongrie dans les voies de rébellion, suite inévitable de l'obstination qu'elle mettait, depuis si longtemps, à vouloir conserver une position politique, position, qui, manquant absolument de vérité, après avoir été longtemps défendue par la plus astucieuse hypocrisie, devait finir par lui mettre les armes à la main.

Il suffira, à cet effet, de signaler le moment qui la vit entrer dans cette voie.

La révolution de Vienne venait d'éclater le 13 mars. La diète hongroise siégeait à Presbourg. Le 16 mars arriva à Vienne une députation des états hongrois, pour solliciter du roi la concession d'un ministère hongrois indépendant. Cette députation présenta au roi la formule de cette concession. Quelques jours après l'empereur fit assembler une conférence particulière sous la présidence de l'héritier pré-

somptif de la couronne. Ce conseil était composé de plusieurs des sommités de l'administration hongroise et de deux ministres autrichiens, qui y furent appelés comme des hommes de la confiance particulière de l'empereur, mais non pas en qualité de membres du nouveau conseil des ministres, déjà institué alors, qualité qui d'aucune manière ne leur aurait donné le droit d'intervenir dans les affaires de la Hongrie, car la révolution de Vienne n'avait encore changé aucune des formes du gouvernement impérial, relativement à la Hongrie. Les affaires de ce royaume étaient restées dévolues sans partage à la chancellerie hongroise. La question soumise à ce conseil était de savoir si la concession d'un ministère hongrois, telle qu'elle était demandée, ne séparait pas entièrement la Hongrie de l'empire.

Outre la concession d'un ministère indépendant, les Hongrois demandaient encore que, dans l'absence du roi hors de la Hongrie, l'exercice des attributions les plus importantes, réservées à la couronne, fût donné au palatin, qui à ce titre devait joindre encore celui de gouverneur lieutenant du roi (statthalter). De ces deux concessions, l'une aurait annulé le roi, l'autre le gouvernement. Il était donc impossible de les accorder.

Il y eut un compromis passé entre les ministres hongrois et autrichiens rassemblés dans ce conseil, en vertu duquel toutes les attributions qui ne pouvaient être abandonnées sans annuler le roi, seraient conservées à la couronne. Ceux des ministères qui devaient nécessairement former le

lien entre l'empire et la Hongrie seraient réservés à la nomination de l'empereur, et les titulaires seraient destinés à résider près de sa personne comme ministres de l'empire.

Ces ministères étaient ceux des affaires étrangères, de la guerre et des finances.

Ces réserves ayant obtenu la sanction de l'empereur, la chancellerie de Hongrie rédigea un rescrit souverain qui en contenait les motifs et les détails. Il fut adressé, en date du 28 mars, et porté le même jour aux états, à Presbourg, par le conseiller Zsédényi faisant fonction de vice-chancelier. La délibération des états hongrois, réunis en séance, les conduisit à refuser la réception du rescrit souverain, et ils déclarèrent que l'empereur avait donné sa parole à la députation de concéder les demandes qu'elle lui avait soumises. La discussion fut violente et ne se calma que lorsque le palatin eut promis de se rendre sur-le-champ à Vienne et d'intervenir, pour que Sa Majesté Impériale accordât la concession entière telle qu'elle lui avait été demandée. Après quelques heures passées à Vienne, le palatin apporta aux états un second rescrit, qui, sans faire mention du premier, accordait tout ce qu'exigeait la Hongrie.

La négociation du palatin s'était faite, dans des voies strictement et exclusivement hongroises, par son influence directe; la chancellerie de Hongrie ayant été seule appelée à y intervenir.

L'homme qui veut chercher à se faire une opinion juste des graves événements qui ont renversé les anciennes formes sous lesquelles la Hongrie

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