Page images
PDF
EPUB

JOTHER

LORD PALMERSTON,

L'ANGLETERRE

ET LE CONTINENT.

1.

Les annales de l'Europe n'auront jamais eu à enregistrer des événements d'une nature aussi générale, aussi violente et aussi extraordinaire que l'ont été ceux de l'année 1848. Il y avait un pressentiment presque universel que des événements graves se préparaient. On voyait l'agitation, on en connaissait les causes, les moyens, on en signalait le but; et cependant tout le monde fut pris comme à l'improviste. Il n'y a pas eu d'imprévoyance, mais il y a eu irrésolution. Il y a eu ce manque d'appréciation du danger qui fait que, sans le méconnaître, on ne sait cependant pas se préparer à le combattre.

Je ne ferai pas l'honneur aux partis qui se proelament hautement révolutionnaires de leur attri

buer exclusivement les bouleversements qui menacent d'une destruction totale l'ancienne organisation politique et sociale de l'Europe. C'est un ennemi qui, depuis longtemps, avait fait sa déclaration de guerre et s'était mis en campagne. S'il a eu des succès aussi décisifs que l'ont été ceux de l'année 1848, n'est-ce pas parce qu'on lui avait laissé choisir son champ de bataille tel qu'il voulait l'avoir; qu'on lui avait laissé prendre tous les ouvrages avancés des positions qu'il fallait défen dre; qu'on avait laissé ses agents, les uns secrets, les autres connus, s'introduire dans toutes les places? N'est-ce pas parce qu'on n'a su opposer à la hardiesse, à la vivacité et à la persévérance de ses attaques qu'une résistance passive; au déluge de ses paroles que le silence d'une dignité mal comprise; ou bien à ses sophismes que des armes émoussées par le temps? Les théories de l'erreur peuvent sans doute varier à l'infini; tandis que la vérité a des limites nécessaires : mais les moyens de faire valoir et de défendre les droits de la vérité ne sont pas enfermés dans ces limites. L'intelligence doit savoir prendre et varier les formes qui la feront pénétrer plus avant dans l'esprit et dans la conscience de ceux à qui elle s'adresse: mais ce n'est que dans la vérité seule que doivent être prises ces formes. Peut-on désarmer l'erreur, quand soi-même on emploie des armes qui lui sont empruntées? Il est difficile d'entrer dans notre époque la plume à la main. Elle est si agitée, si confuse, qu'il faut craindre de ne pas en parler avec clarté ou avec justice. Quand les événements sont plus forts que

les hommes; quand des peuples entiers sont emportés sans l'avoir voulu et sans le savoir, l'homme isolé ne doit-il pas craindre de l'être aussi? Pourrat-il continuer à marcher dans la direction qu'il a choisie? Pourra-t-il ne dire que ce qu'il veut dire? Les paroles ne s'entraînent-elles pas elles-mêmes, encore avec plus de facilité que les choses? Serat-il possible de parler avec calme d'un mouvement auquel rien n'a pu résister, au centre duquel on se trouve placé? Et, si l'on peut voir les résultats qu'il a produits comme on voit les dégâts après un orage, sera-t-il facile d'en saisir les causes? Il y a toujours des accusateurs après de pareils malheurs; ou plutôt tout le monde est accusateur; car personne ne veut reconnaître ses fautes. On se dit victime pour se faire innocent. Mais, si les difficultés sont si grandes, pourquoi ne pas laisser au temps le soin d'écrire l'histoire? Ne lui léguons-nous pas assez de faits et de matériaux ? Laissons-lui le soin de les mettre en ordre. Auteurs du mal ou ses victimes, le devoir le plus pressant que nous ayons à remplir n'est-il pas celui de le réparer et d'en prévenir le retour? Je veux souscrire à cet acte de bon propos.

Mais comment travailler à cette réparation? L'orage est-il apaisé ? Les passions sont-elles éteintes? Le feu qu'elles ont allumé peut-il cesser, tant qu'on lui livre du combustible? Comment sauver ce qui reste encore de notre édifice, si nous le laissons se consumer de fond en comble? Pour agir en réparateur, il nous faut donc étudier les ruines qu'a déjà produites l'incendie. Il nous faut

MOTHER

NUSITI

BODI

« PreviousContinue »