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en conformité des ordres de l'autorité compétente, la prescription commence-t-elle a courir dès cette époque au profit du nouveau possesseur ou de ses héritiers?

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JB 5 avril 1727, les sicurs Despa, Engelberg, Delanaye et autres, cèdent, transporteut et délaissent par engagère, à faculté de rachat perpétuel, à l'ho pital S. Nicolas de Nivelles, différens biens immeubles désignés dans l'acte qui en fut rédigé le même jour par-devant notaire.

-Les contractans répètent, à plusieurs reprises dans le cours de l'acte, les expressions d'engagère, d'engageans, et évitent soigneusement celle de vente.

On y remarque aussi plusieurs clauses peu compatibles avec une cession du droit de propriété, comme par exemple, la faculté accordée à l'hôpital de Nivelles de faire, à l'égard des biens, plusieurs choses qui sont par elles-mêmes, et saus stipulation, inhérentes au droit de propriété.

En 1742, le procureur général ayant envisagé ce contrat comme renfermant une vente réelle, déguisée sous le titre d'engagère, pour éluder les lois prohibitives concernant les gens de main - morte, présenta un réquisitoire au conseil souverain de Brabant, pour faire ordonner que l'hôpital remettrait les biens en main vivante.

22 Février 1742, apostille du conseil de Brabant conforme au réquisitoire.

L'année suivante, l'hôpital de Nivelles se mit en devoir d'exécuter la disposition du conseil de Brabant, en exposant en vente ou arrentement absolu

les immeubles mentionnés en l'acte du 5 avril 1727, et tels qu'il les avait acquis par engagère.

Pendant que les enchères étaient publiquement ouvertes, le chapitre de Nivelles, en sa qualité d'in. tendant de l'hôpital S. Nicolas, exposa au conseil privé son étonnement au sujet de la résolution prise par le conseil de Brabant t;

Que l'hôpital n'avait pas cru contrevenir aux lois en contractant par voie d'engagère ;

Que la mesure ordonnée lui serait préjudiciable, la difficulté de trouver dans le prix un moyen par de mettre ses intérêts à-couvert.

Il demandait qu'au moins l'hôpital fût autorisé à retenir les biens jusqu'au remboursement de la somme de 20,200 florins dont il restait créancier, ou qu'on lui accordât un délai de quelques années pour satisfaire à l'apostille du conseil de Brabant.

Le conseil privé répondit à cette requête, le 18 septembre 1743, que ce que le chapitre demandait ne pouvait être obtenu, et cependant accorda, par grace, un terme de six mois. pour exécuter l'ordon nance du 22 février 1742. (*)

En conséquence de ces dispositions, les biens mis en vente furent définitivement adjugés, le 5 mai 1744, au sieur Brion et à demoiselle Jeanne Jasme, son épouse, aux prix, clauses et conditions portés dans

(*) Les héritiers des engageans ont cependant observé que, do l'ordre, donné à l'hôpital de Nivelles, de remettre en mains vivantes, il ne résultait pas que les autorités de ce temps-là eussent envisagé l'acte comme une vente à réméré, vu que déjà, à cette époque, il existait des édits, ont-ils dit, qui défendaient généralement aux mainsmortes de posséder des biens-immeubles de-manière à s'en approprier Pémolument entier le réquisitoire du procureur général n'a pu êtrereprésenté.

le procès-verbal de vente, où il est dit que les biens sont vendus par l'hôpital tels qu'il les à acquis en engagère par contrat du 5 avril 1727.

On y prévient même certaines difficultés en cas que Despa et autres viennent à dégager les immeubles.

Les acquéreurs possédèrent paisiblement les biens dont s'agit pendant toute leur vie.

Leurs enfans procédèrent, en 1762, au partage de la succession, et les biens compris dans l'adjudication tombèrent dans le lot des père et mère de la dame Lavary; Jean-Baptiste Lejuste, et Agnès Brion.

L'acte de partage ne fait aucune mention du contrat du 5 avril 1727, ni de l'adjudication du 5 mai 1744.

Le sieur Lavary et la dame son épouse, née Le. juste, possesseurs, par droit de succession, des immeubles qui ont fait la matière du contrat du 5 avril 1727, se croyaient sans doute à-couvert de toute recherche, lorsqu'au mois de mai 1809, ils furent attaqués au tribunal de Nivelles, à l'effet de remettre en la possession des représentans de Delanaye les fermes et bâtimens compris dans l'acte du 5 avril 1727, moyennant la restitution des sommes dues, offertes, refusées et ensuite consignées.

Lavary opposa la plus vive résistance, et ses efforts furent d'abord suivis d'une victoire complète.

Nous ne pouvons mieux faire ressortir l'état de la contestation, qu'en rapportant les motifs de la dé

cision du tribunal de première instance de Nivelles et son jugement, ainsi qu'il suit:

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Vu les pièces, et notamment,

« 1°. L'acte de 1737 qui sert de base aux conclusions des demandeurs et qu'ils ont présenté comme contrat d'engagère ;

3o, L'acte de 1744, par lequel les biens récla més au procès sont passés dans les mains des défendeurs.

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En ce qui touche le premier de ces actes,

« Attendu qu'il n'offre point un ensemble d'expressions capables de faire connaître, par la seule inspection des termes, sa véritable nature;

« Qu'il est de principe, dans ce cas, que pour apprécier la convention, le juge doit chercher à pé. nétrer la commune intention des parties contractantes.

« Attendu que, dans l'espèce, la commune intention des parties doit avoir été de former un contrat de vente avec faculté de rachat;

«Que cette volonté des contractans sort évidem. ment des considérations suivantes :

« 1°. Que l'engagère, dans la Belgique, se rapprochait de la vente, avec faculté de rachat, plutôt que de l'antichrèse des Romains, parce que ce dernier contrat avait pris naissance dans un temps où les principes sur l'usure n'étaient pas aussi rigoureux que quand nos usages ont introduit l'engagère. Que

le mot d'engagère dont on se servait, au lieu d'an tichrèse, prouve que l'on voulait faire une différence entre l'antichrèse et notre engagère; que l'antichrèse n'était même pas toujours permise chez les Romains, qu'elle ne l'était que lorsque les fruits ne donnaient pas un intérêt qui eût excédé celui fixé par la loi. L. 8, ff in quib. caus. pig. vel hyp. tacitè cont.

,

Que le droit canon plus rigoureux sur cette matière, prohibait l'antichrèse comme un pacte usuraire s'il n'y avait point de titre suffisant, damni emergentis, lucri cessantis vel periculi sortis: cap. decret. de usuris.

« Que le droit canon servait, à cet égard, de règle en Brabant, où l'on mettait l'antichrèse au rang des contrats usuraires et illicites, comme l'atteste Stockmans, décis. 90, no. 3.

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Que le droit belgique ayant réprouvé l'antichrèse des Romains, il a paru un nouveau contrat sous le nom d'engagère, qu'on a mis en harmonie avec les lois du pays, en lui appliquant les principes de la vente avec faculté de rachat, afin que l'aliénation du fond par l'engageant, pût donner un titre pour la perception des fruits, à-peu-près de la même manière que dans les constitutions de rente, où l'on pouvait toucher les intérêts en aliénant le capital.

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Que, dès qu'il est établi que l'antichrèse était un pacte usuraire, on doit croire que les parties ont consenti une vente à réméré, d'après la règle d'interprétation qui veut que l'on soit présumé avoir agi licitement.

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