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que Vanbéver ne lui a remis que la copie de l'acte constitutif de la pension, alléguant que, le titre étant commun aux deux pensionnaires, lui Vanbéver devait en rester dépositaire.

Ces deux faits out été confirmés par la déclaration de ce dernier, dans une enquête, à laquelle Deglimes a été admis par arrêt de la cour d'appel.

Mort du prince donateur, à Vienne, en 1797.

M. Charles-Alexandre de Gavre, aujourd'hui comte de l'empire, chambelan de S. M. l'impératrice, et préfet du département de Seine et Oise, est son héritier.

Après diverses démarches inutiles pour être payé des arrérages de la pension annuelle de vingt-quatre louis, Deglimes exerce ses droits en justice; son action est intentée devant le tribunal civil de Paris, où le demandeur est repoussé par un déclinatoire.

Mieux conseillé, il se pourvoit devant le tribunal civil de Charleroi, auquel ressortit la commune du Monceau, lieu de l'ancien domicile de monsieur de Gavre. Il y conclut au paiement de la somme de 753 francs et 76 centimes, pour arrérages échus, et à ce que M. de Gavre soit condamné à s'en libérer à l'avenir chaque année pendant la vie du donataire. Sa demande est appuyée sur l'acte du 20. juin 1794, qui est une obligation du feu prince de Gavre, que celui en faveur duquel elle est créée accepte suffisammeut, dès qu'il en réclame l'effet.

Le comte de Gavre dénie d'être le débiteur de Deglimes en vertu de cet acte; il développe les motifs suivans :

1o. Un intendant étant chargé de tous les papiers d'une maison, l'écrit dont il s'agissait était censé être demeuré entre les mains du prince, et ainsi resté dans les termes d'un simple projet, d'autant plus que Vanbéver n'avait cessé d'en être dépositaire, et qu'on ne voyait pas que le prince eût jamais donné l'ordre de le remettre à Deglimes.

2o. Supposâton que Vanbéver eût été chargé de payer la pension de trois en trois mois, cet ordre n'était qu'un mandat qui était devenu caduc, pour n'avoir pas été exécuté durant la vie du commettant.

3o. Si l'acte du 20 juin est une donation, elle est nulle, pour n'avoir pas été acceptée par écrit.

4o. Nulle encore, parce que, suivant l'ancienne jurisprudence de ce pays, toute donation, même rémunératoire, dont l'original est resté au pouvoir du donateur, est sans effet, d'après la maxime: donner et retenir ne vaut.

5o. Enfin cette prétendue donation n'a jamais été exécutéc, vu que l'objet du procès consiste dans toutes les échéances depuis sa date jusqu'à l'introduction de l'action.

Le tribunal de Charleroi adopta cette défense et débouta le donataire de sa demande.

Deglimes, pour faire réformer ce jugement, a établi

Que les donations rémunératoires ne sont pas soumises à la formalité de l'acceptation par écrit, comme les donations sans cause; que, pour qu'elles soient

parfaites, il suffit d'un fait quelconque qui prouve l'intention, par le donataire, d'accepter:

Que, le prince de Gavre ayant déclaré, par le sousseing privé du 20 juin 1794, d'avoir accordé une pension, l'acte est parfait par lui-même, et qu'il n'exige pour son complément d'autre condition que celle inhérente aux obligations ordinaires, le concours de la volonté de l'autre partie :

Que si le donataire était tenu de prouver qu'il en a eu connaissance, et que l'effet en a été par lui réclamé du vivant du donateur, il serait admissible à prouver ce fait par témoins, d'autant plus que l'acte contient, en sa faveur, un commencement de preuve par écrit :

Que l'intendant Vaubéver n'est pas ici un simple mandataire, mais une personne interposée pour l'exécution de la promesse; et que, le droit ayant été acquis à un tiers pendant la vie dn commettant, il est faux que le mandat ait fini par sa mort:

Que, dans l'espèce, la remise de la copie du titre, faite par le mandataire, équivaut à la remise du titre lui-même.

Premier moyen.

Le droit romain fourmille de lois qui mettent la proposition en évidence.

La loi 19, § 5, de donat. dit: sed et hæ stipulationes quæ ob causam fiunt, non habent donationem.

Le paragraphe suivant donne l'exemple de la règle tracée par celui-ci.

Dans l'espèce, la cause est exprimée; c'est une dette contractée par de bons et longs services, comme l'affirme le prometteur dans l'acte obligatoire.

La loi 27 2 ff, de donat, a beaucoup d'analogie avec notre cas. En voici l'analyse :

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« Un jeune homme, nommé Aquilius - Régulus avait écrit à son maître de rhétorique qu'en reconnaissance de ce qu'il l'avait formé, par son éloquence et par ses soins, il lui faisait don d'un appartement, lui permettant de l'habiter et d'en faire l'usage qu'il trouverait bon. Le jeune homme vint à décéder avant son ancien professeur. Celui-ci éprouve des difficultés de la part des héritiers. Papinien répondit qu'on pouvait soutenir que la donation n'était pas pure et simple, et que, par cette raison, le professeur devait continuer de jouir de l'appartement. »

La cour d'appel de Colmar a fait une juste application de cette loi dans un cas semblable au nôtre. Voyez la jurisprudence du Code - Napoléon, tome XII, page 112.)

Les héritiers du sieur Arbogast, mort subitement, vaient par acte sous seing privé, du 27 germinal an I, fait à sa cuisinière la donation d'une rente en rains, pour reconnaître les services qu'elle lui avait endus.

Ils vinrent s'opposer ensuite à ce que cette rente i fût payée, d'abord parce que la donation n'était as contenue dans un acte notarié; en second lieu, arce qu'elle n'avait été ni acceptée ni transcrite.

Cette indélicatesse ne leur réussit pas la cour de Colmar déclara « que l'acte du 27 germinal an 1 était une dette morale que les contractans ont regardée comme sacrée, et qu'ils ont voulu acquitter pour la récompenser des services qu'elle avait rendus au défunt ». C'est, ajoute la cour, une sorte de dation en paiement.

Concluons qu'une donation rémunératoire, dont la cause git dans des services réels, n'est que la reconnaissance d'une dette, un pacte libératoire, une dation en paiement.

Tous les auteurs belges et ceux des contrées voisines ont professé cette doctrine: nous pouvons citer Vanleeuwen, cens. for. liv. IV, chap. xii, No. 22; Julius-Clarus, § donat. quæst. xxI, No. 4; Brunneman, dans son commentaire, ff, de donat.; Tiraqueau, Mynsingère et autres.

De tous les services, ceux des anciens et fidèles domestiques méritent le mieux d'être reconnus; ils ont un titre respectable à une pension dans leur vieillesse, ces serviteurs qui ont consacré leurs belles années, et pour aiusi dire toute leur vie, à remplir avec zèle et exactitude les devoirs de la domesticité: le sieur Deglimes compte trente ans de services dans la maison de Gavre.

La certitude qu'ils ont d'obtenir une pension de retraite dans les grandes maisons, en se conduisant bien, influe d'ailleurs sur la fixation des gages; cette récompense que le maître est dans l'usage d'accorder et dont il donne lui-même la perspective, est aussi un stimulant pour l'attachement qui tourne au pro

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