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2.o Le protêt fait en temps utile, d'après le code de commerce qui était devenu la loi et la règle de cet acte, consommé depuis qu'il était obligatoire.

« Le refus de paiement doit être constaté le len« demain du jour de l'échéance, par un acte que « l'article nomme protêt faute de paiement.

« Si ce jour est un jour férié légal, le protêt est « fait le jour suivant ». (Article 162 du code de commerce.)

L'échéance de la traite était au 19 août; le lendemain était un dimanche: elle a donc été utilement protestée le 21 suivant.

Or c'est la loi actuellement en vigueur qui règle la forme des actes. Un protèt n'est autre chose que le moyen de constater le refus de paiement; ce n'est pas à une loi abolie. que l'on doit recourir pour savoir quand et comment la preuve de ce refus doit être acquise.

L'ordonnance de 1673 avait à cet égard une dis position exorbitante du droit commun et sujette aux plus graves inconvéniens; car celui qui doit a pour loi la totalité du jour de l'échéance de l'obli gation.

Le code de commerce, en corrigeant cet écart de droit, n'a fait que rétablir les choses dans l'ordre naturel.

D'ailleurs la propriété de la traite n'a été transmise au défendeur que depuis le code de commerce,

Tome II,

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qui règle la forme de l'endossement et ses effets : circonstance de plus pour juger que le protét a été fait en temps utile par le porteur qui tient tous ses droits de l'endossement.

Jugement qui écarte les deux exceptions du défendeur, et le condamne à restituer la somme de 11,200 francs, et accessoires.

Les motifs de ce jugement sont ainsi conçus :

<«< Considérant que le défendeur a, par sa lettre du 21 août 1809, annoncé à la dame veuve Hiquette que l'effet dont s'agit était sous protèt; que cependant il n'y a pas joint l'acte de protêt, et que, par suite, la dame veuve Hiquette n'a pu voir si le protêt avait été fait dans les délais utiles et dans les formes de la loi ;

« Que, par suite, la dame veuve Hiquette, en envoyant le 22 du même mois des remises au défendeur pour lui faire le remboursement de cet effet, ne peut être censée avoir renoncé aux droits et exceptions qui devaient lui appartenir dans le cas que le protét n'aurait pas été fait en règle, ni dans les délais de la loi, puisqu'on ne peut être censé avoir renoncé à ces moyens aussi long temps que l'irrégularité du protêt était inconnue.

« Considérant que l'effet dont s'agit ayant été fait le 19 août 1807, à vingt-quatre mois de date fixe, a dû écheoir, et à défaut de paiement, être protesté le 19 août 1809, conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1673, sous l'empire

de laquelle l'effet a été créé, et les obligations qui en résultent sont nées et commencées.

« Considérant que l'effet n'a été protesté pour défaut de paiement que le 21 du même mois, qu'il a été ainsi protesté à tard;

Que, par suite, la dame veuve Hiquette avait contre le défendeur l'exception de déchéance de son action en recours contre elle;

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Que par- tant elle a induement fait parvenir avec sa lettre du 22 août des remises pour lui servir de remboursement du même effet ».

Le premier juge, disait Depaepe, appelant, a erré dans ses deux motifs.

En matière de lettre de change, le vendeur ga rantit non seulement l'existence de la dette nomen verum mais aussi la solvabilité nomen bonum.

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Il est vrai que le porteur s'expose à perdre sa garantie s'il ne remplit pas les formes dictées par la loi; mais l'obligation de l'endosseur, étant essentiellement attachée à la nature du contrat, n'est pas éteinte par l'inaccomplissement des devoirs de l'acheteur, elle donne seulement lieu à une exception à laquelle le vendeur renonce par le remboursement volontaire. La déchéance de l'action est une rigueur de formes, contraire à l'équité.

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La répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement « acquittées ». (Article 1235 du Code - Napoléon.)

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L'obligation de la veuve Hiquette était légitime ; elle était dans la nature du contrat; elle a payé volontairement; à quel titre aurait elle donc droit de répétition? La loi la lui refuserait quand elle aurait eu une exception fondée sur la nullité de l'acte à plus forte raison si elle n'oppose qu'une sorte de prescription de quarante-huit heures.

L'appelant n'a reçu ni par erreur ni sciemment ce qui ne lui était pas dû; il n'a point agi de mauvaise - foi; il a donné avis du protêt; c'était à la veuve Hiquette à se faire informer plus particulièrement des faits; elle a mieux aimé acquitter son obligation en payant ce qu'elle devait.

Ainsi Depaepe n'a réellement reçu que ce qui lui était dû, et la veuve Hiquette ne trouve, ni dans les anciennes lois, ni dans le Code-Napoléon, au chapitre des quasi-contrats, aucune disposition qui puisse fonder l'action condictio indebiti.

Depaepe persistait au surplus à soutenir la régularité et l'efficacité du protêt, tant parce que l'acte devait être régi par la loi existante que parce que l'endossement avait été passé sous le code de commerce. Or l'endossement est le seul contrat intervenu eutre lui et le mari de la veuve Hiquette.

Selon les syndics des créanciers de la veuve Hiquette qui avait fait faillite dans le cours de l'instance, l'action en garantie de la solvabilité du débiteur est une faveur introduite contre le droit commun, et pour l'avantage du commerce; car en droit le cédant ne garantit que l'existence de la dette, si le contraire n'est expressément stipulé.

Cette faveur n'est accordée qu'à des conditions formellement imposées au porteur. Il doit pour ac quérir l'action récursoire exécuter en temps et lieu ce que la loi lui prescrit; s'il est négligent, il encourt la déchéance de la garantie qu'il n'a droit d'exercer qu'autant qu'il a fait tout ce qu'il a dù faire pour la conserver.

Si donc après avoir perdu l'exercice de l'action récursoire, il en exige l'effet, il reçoit ce qui ne lui est pas dû, n'ayant aucun titre pour le réclamer, et dès lors il y a lieu à répétition; car il n'y avait pas même d'obligation naturelle, et c'est en quoi l'appelant fait une fausse application de l'article 1235 du Code Napoléon, qui suppose une obligation naturelle, mais que l'on peut écarter par une exception du droit civil.

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C'est par erreur et dans la croyance que le sieur Depaepe avait utilement fait protester que la veuve Hiquette a remboursé, et quoique le succès de la répétition de la veuve soit indépendant de la bonne ou mauvaise-foi du sieur Depaepe, il est cependant difficile de ne pas reconnaître dans sa lettre d'avis une réticence astucieuse qui approche du dol.

Le premier juge a donc eu raison de rejeter la fin de non - recevoir.

Il a également bien décidé en déclarant que le protêt aurait dû être fait le 19 août 1809.

Il ne s'agit pas ici des formes de l'acte l'époque du paiement et celle de l'exigibilité font partie du

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