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civil disparu ou détruit; pourquoi n'aurait-il pas la même valeur que l'acte lui-même ? Serait-ce protéger la partie intéressée que de lui rendre en partie seulement la position que lui aurait faite l'acte de l'état civil? en conséquence, tout fait que l'acte de l'état civil, s'il eût été produit, aurait pu prouver, le jugement intervenu sur l'article 46 l'établira; par exemple la filiation légitime, la reconnaissance inscrite dans l'acte de naissance etc. (Renvoi pour les détails au titre de la paternité et de la filiation.)

Appendice. - Étude de quelques lois réccentes sur les actes de l'état civil et sur la reconstitution des actes de l'état civil de la ville de Paris.

210. Les actes de l'état civil sont les actes dressés conformément à la loi par les fonctionnaires publics chargés de ce soin, et qui fournissent la preuve des naissances, mariages et décès. Si les actes de l'état civil venaient à être dressés par une personne sans qualité pour le faire, ils seraient radicalement nuls et ne pourraient produire aucune preuve des faits constatés.

Malheureusement des circonstances se sont souvent produites pendant lesquelles des gens, sans qualité légale, ont usurpé les fonctions d'officier de l'état civil: quelle est la valeur des actes dressés par eux ? La loi du 19 juillet 1871 (promulguée au Journ. offic. du 23 juillet) décide (art. 1): Les actes de l'état civil reçus depuis le 18 mars 1871 à Paris et dans les autres communes du département de la Seine, les mentions inscrites depuis la même époque en marge des registres, par tous autres que les officiers publics compétents, seront bâtonnés. Il ne pourra en être délivré aucune expédition. Mention de la présente loi sera faite en marge des actes bâtonnés. »

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 s'occupent d'assurer la preuve des faits constatés par les actes de l'état civil ainsi bâtonnés, et la reconstitution de ces actes; l'article 7 détermine la procédure en la rendant aussi simple et aussi peu coûteuse que possible.

Une autre loi, en présence d'événements analogues, a préféré donner rétroactivement pleine validité, à des actes de l'état civil, émanés de personnes sans qualité. (Loi du 6 janvier 1872, Jour. offic. du 11 janv. 1872): Art. 1: Les actes inscrits sur les registres de l'état civil, depuis le

› 4 septembre 1870 jusqu'à ce jour, ne pourront être annulés à raison › du seul défaut de qualité des personnes qui les ont reçus, pourvu › que ces personnes aient eu, à ce moment, l'exercice public des fonc› tions municipales, ou de celles d'officier de l'état civil, à quelque ti› tre et sous quelque nom que ce soit. »

Ces deux lois, bien que donnant chacune une solution différente, n'en

consacrent pas moins le principe que l'acte émané d'une personne sans qualité est entaché d'une nullité radicale.

211. Dans les cas où les registres d'une commune ont été détruits par quelque cas fortuit, le législateur ne se borne pas à laisser aux parties, le soin de faire les procédures autorisées par l'article 46, mais il prend les mesures nécessaires à la reconstitution des registres perdus. A diverses époques, le législateur a pris ainsi des mesures générales : par la loi du 2 floréal an II, par ordonnance royale du 9 janvier 1815 pour la reconstitution des registres de la ville et de l'arrondissement de Soissons.

De même après les incendies de la Commune, qui avaient détruit en grande partie les doubles registres de l'état civil de la ville de Paris à la préfecture de la Seine et au greffe du tribunal, une série de lois ont été rendues pour assurer la reconstitution des actes de l'état civil.

La loi du 10 juillet 1871 (Offic. 12 juillet 1871) dans ses articles 1, 2, 3, s'occupe de la manière de suppléer aux actes détruits, en vue du mariage. L'article 4 Provisoirement et jusqu'à ce que les actes de l'état civil › du département de la Seine aient été reconstitués, les procédures in‣ tentées aux termes de l'article 46... seront dispensées des frais d'en› registrement et de timbre. Le ministère d'un avoué ne sera pas obli› gatoire. Dans le cas où le tribunal croirait devoir faire comparaître les parties intéressées ou les témoins, le greffier les appellera par simple lettre chargée. »

La loi du 12 février 1872 (Offic. du 25 fév. 1872) fixe la manière dont seront reconstitués les actes détruits. Art. 3: Ceux dont l'authenticité » aura été reconnue auront toute la valeur probante que leur attribue ⚫ le Code civil; les actes rétablis par la commission feront foi jusqu'à preuve contraire. » La loi n'assimile pas les actes reconstitués aux actes primitifs, parce qu'elle craint des fraudes et des surprises auprès de la commission de reconstitution.

Les délais donnés par cette loi pour mener à bonne fin la grande opé ration de reconstitution ont été prorogés par une série de lois (loi des 13 février, 2 mars, 5 juin 1875). Signalons la loi du 3 août 1875, interprétative de la loi du 12 février 1872, qui rend plus facile le travail de reconstitution, en autorisant de le faire sur la déclaration des parties ou des tiers, confirmée par celle d'autres personnes entendues comme témoins, et qui, dans l'article 3, autorise les particuliers à ne pas remettre à la commission les extraits d'actes qu'ils ont en leur pouvoir à la charge d'en délivrer sur papier libre une copie certifiée conforme, pratique qui, d'après le Droit commun, ne saurait être permise (art. 45, C. civ.)

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212. Il peut arriver que dans les actes de l'état civil se soient glissées des erreurs, des irrégularités; que ces actes présentent des omissions; les parties n'ont-elles aucun moyen pour arriver à leur régularisation? Dans le projet du Code civil, la rectification des actes pouvait être faite d'une double façon : ou bien d'office par le ministère public, en dehors des parties intéressées, ou bien à la requête des parties et sur leur demande, par une procédure en rectification dont elles seraient libres de prendre, quand elles le voudraient, l'initiative.

On fit remarquer qu'il était grave de toucher aux actes en dehors des parties, et on supprima la rectification d'office par les soins du ministère public; on ne laissa subsister que la procédure en rectification à la requête des parties, se ralliant ainsi aux principes posés dans un avis du Conseil d'État du 13 nivôse an X.

Sur cette matière de la rectification des actes, nous aurons à traiter les points suivants :

1o Cas dans lesquels il y a lieu à rectification;

2o Quelles personnes peuvent la demander;

3o Devant quel tribunal la demande est portée;

40 Quels sont les effets du jugement de rectification.

1° Cas dans lesquels il y a lieu à rectification.

213. En matière d'actes de l'état civil, le législateur a indiqué les règles et les formes suivant lesquelles les actes doivent être dressés, mais sans attacher la sanction de la nullité à aucune de ces dispositions. D'où il résulte que les juges saisis du point de savoir si un acte de l'état civil doit être maintenu se décideront suivant les circonstances.

Mais lorsque des actes de l'état civil ont été dressés et présentent des irrégularités, les parties intéressées peuvent arriver à leur rectification, de façon à se procurer un titre remplissant les conditions légales.

Les principaux cas dans lesquels il y a lieu à rectification sont: ceux dans lesquels les actes n'ont pas été signés des témoins, des déclarants ou de l'officier de l'état civil;

Lorsque ces actes contiennent des énonciations qu'ils ne devaient pas contenir;

Lorsque l'indication des parties, leurs noms, prénoms, professions sont mal reproduits, de sorte qu'il peut y avoir du doute sur l'identité de la personne à laquelle l'acte s'applique ;

Lorsqu'un acte devait être inséré sur les registres et ne l'a pas été dans les délais voulus par la loi, ce qui s'applique aux déclarations tardives de naissance (art. 56 et 57, C. civ.), aux déclarations de décès tardi

vement faites (art. 77 et 171, C. civ., avis du Conseil d'État des 8-12 brumaire an XI). Il en serait de même si un acte avait été inscrit sur feuille volante;

Enfin toutes les fois que l'acte ne contient pas toutes les mentions qu'il devait donner; par exemple, on constate la naissance de X, comme né de père et mère inconnus, tandis qu'il est né de telle personne, femme mariée; il peut y avoir lieu à demander de ce chef la rectification de l'acte.

214. Les principaux cas indiqués, on peut les diviser en deux grands groupes le premier comprend les cas dans lesquels on demande simplement la réparation d'erreurs matérielles; le second, ceux dans lesquels, sous les apparences d'une rectification d'acte de l'état civil, se dissimule une action en réclamation d'état. Nous aurons à revenir plus tard sur cette distinction.

215. Mais une règle générale qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que toute rectification d'acte doit être poursuivie en justice par les parties intéressées et ne peut être ordonnée que par jugement: principe de nature à sauvegarder les droits de la famille. Cependant, pour éviter aux parties des frais considérables, et en vue de faciliter le mariage, le législateur permet dans certains cas de suppléer à la rectification par d'autres justifications (Comp., avis du Conseil d'État du 30 mars 1808).

2o Qui peut former la demande en rectification?

216. La formule à poser dans notre matière est la suivante: toute personne qui a un intérêt direct ou indirect à ce que l'acte soit rectifié, que cet intérêt soit un intérêt pécuniaire ou un simple intérêt moral, peut introduire l'action devant les tribunaux.

Par exemple, un acte de naissance dressé à la requête d'un docteur ou d'une sage-femme constate la filiation naturelle et contient le nom du ⚫prétendu père, l'enfant comme le père a le droit de demander la rectification de l'acte de naissance; un acte de décès ne se borne pas à constater la mort, mais mentionne que la personne est décédée dans un établissement d'aliénés, dans une prison, a été exécutée ; tout membre de la famille a le droit de provoquer la rectification de cet acte, qui, tel qu'il est, entache l'honneur de la famille.

De même le nom porté dans les actes est mal orthographié, n'est pas le nom patronymique, n'est pas précédé de la particule de ou du, ne porte pas les titres nobiliaires, etc., dans tous ces cas, la personne à laquelle l'acte s'applique a le droit de demander la rectification de l'acte de l'état civil; de même que toute personne dont le nom aurait été usurpé peut poursuivre la rectification des actes de l'état civil, relatifs à l'usurpation.

217. En dehors des parties intéressées, le ministère public ne peut-il pas agir et provoquer un jugement de rectification des actes irréguliers ? C'est là une question célèbre par les controverses qu'elle a soulevées (1). Aujourd'hui on ne la discute plus et on reconnaît le droit d'action au ministère public, en notre matière, toutes les fois qu'un texte formel le lui concède et dans tous les cas où l'ordre public est intéressé.

Il est en effet toute une série de dispositions qui donnent formellement au ministère public le droit d'agir en rectification des actes, cas sur les quels il ne saurait y avoir aucune difficulté: a) au cas d'actes de l'état civil intéressant des indigents (avis du Conseil d'État du 12 brumaire an XI et art. 3, loi du 10 décembre 1850; art. 75, loi du 25 mars 1817); b) au cas où la rectification intéresse un absent (art. 114, C. civ.); c) dans les cas prévus par les articles 199 et 200 du Code civil et par l'article 4, loi des 12-25 février 1872 et l'article 3, loi du 6 janvier 1873); d) enfin pour assurer l'exécution de la loi relative à la publicité du contrat de mariage (loi du 10 juillet 1850). Mais faut-il borner à cela le droit du ministère public? Nous ne le pensons pas. Il résulte des textes et des traditions que le ministère public, au civil, a l'action toutes les fois que l'ordre public est intéressé; c'est ce principe que reconnaissaient nos anciens auteurs et qui a été rappelé dans l'avis du Conseil d'État du 12 brumaire an XI. Le conseil, répondant aux deux questions particulières qui lui étaient soumises, ajoute en terminant... sauf le droit qu'ont in› contestablement les commissaires du gouvernement d'agir d'office » en cette matière, dans les circonstances qui intéressent l'ordre public ». C'est cette même idée que nous retrouvons dans l'article 46 de la loi du 20 avril 1810... « Le ministère public surveille l'exécution des › lois, des arrêts et des jugements, il poursuit d'office cette exécution › dans les dispositions qui intéressent l'ordre public. » (Comp. art. 1, loi du 24 août 1790). C'est ainsi que, pour assurer l'exécution des lois de recrutement, les dispositions relatives aux noms et aux titres nobiliaires, la jurisprudence a admis l'action du ministère public en rectification des actes.

218. Il resterait maintenant à déterminer dans quels cas l'ordre public est intéressé et dans lesquels, par suite, le ministère public a l'exercice de l'action. C'est là une question de la nature de celle que soulève l'article 6 du Code civil, et qui ne peut se résoudre qu'à l'occasion des différentes hypothèses que la pratique peut soulever (2).

(1) Consulter sur ce point le remarquable rapport de M. Laborie et les conclusions du procureur général Dupin: Cass., Ch. civ., 22 janvier 1862, Sir., 62, I, 257. (2) Consulter arrêts de Paris, 3 juin 1867, Sir., 68, 2, 191. Cass. 25 mars 1867. Sir., 67, 1, 215.

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