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3° Quelle est la procédure à suivre?

219. La première question à résoudre est la détermination du tribunal compétent, c'est-à-dire de celui devant lequel l'affaire doit être portée, et la solution de cette difficulté dépend des circonstances.

La demande en rectification d'acte de l'état civil peut, en effet, avoir pour objet exclusif la rectification de l'acte, sans impliquer aucune question d'état (nom mal orthographié, etc.). Dans ce cas, le tribunal compétent est celui au greffe duquel est déposé le double des registres; et, s'il y a une série d'actes à rectifier, le tribunal dans le greffe duquel se trouve l'acte générateur.

La demande en rectification d'acte de l'état civil peut se présenter incidemment à une autre demande; on applique alors la règle accessorium sequitur principale; la demande en rectification est portée devant le tribunal saisi de la demande principale.

Enfin la demande en rectification peut cacher une demande en réclamation d'état; par exemple, demander que dans un acte de naissance dans lequel l'enfant était porté comme né de père et mère inconnus, on fasse figurer les noms de ses père et mère, mariés en légitime mariage, n'est-ce pas au fond exercer une réclamation d'état d'enfant légitime? Malgré cela, disent certains auteurs, c'est la nature de la demande qui en fixe la compétence; on procédera suivant les formes de la demande en rectification, sauf à exercer plus tard l'action en réclamation d'état (1).

Nous préférons l'autre opinion. Pour nous, ce qui apparaît sous le nom d'une demande en rectification, c'est une véritable action en réclamation d'état. Ces deux prétentions se rattachent l'une à l'autre, au fond ce n'est pas une action en rectification qui se présente à nous, mais une action en réclamation d'état. Il faut suivre les règles relatives à ces dernières actions, tant pour déterminer le tribunal compétent que pour fixer les formes à suivre (2).

220. Quant aux formes d'une demande en rectification proprement dite, l'action s'exerce suivant les règles des articles 855 et suivants du Code de procédure civile. La demande est introduite par simple requête adressée au président; il est statué sur les conclusions du ministère public et sur rapport du juge; le tribunal est le maître d'appeler en cause les parties intéressées au procès. (Art. 99, C. civ. 856, C. proc. civ.). Dans tous les cas le procureur de la République doit donner ses conclusions; (art. 99, C. civ.). La décision intervenue est toujours susceptible d'appel (art. 54, C. civ. et 858, C. proc. civ.). Au cas de demande en rectification sans mise en cause des parties intéressées, le délai pour faire appel court de (1) Comp. Agen, 27 nov. 1866. Sir., 67, 2, 138.

(2) Alger, 16 déc. 1878. Sir. 80, 2, 15. Cass. req., 13 nov. 1882 (Sir., 83, 1, 272.

la date du jugement et est de trois mois. (Art. 858, C. proc. civ.) C'était là le délai ordinaire d'appel d'après la règle générale de l'article 443 du Code de procédure civile. On se demande si la loi du 3 mai 1862, en modifiant l'article 443 du Code de procédure civile n'a pas, par voie d'extension, modifié l'article 858. Peut-être peut-on considérer la procédure et les règles de l'article 858 comme exceptionnelles et restant en vigueur malgré la modification de l'article 443 du Code de procédure civile, l'article 858 n'étant pas visé, comme modifié par la loi du 3 mai 1862. (1).

4o Effets du jugement de rectification.

221. La décision judiciaire ordonnant la rectification d'un acte de l'état civil n'a pas pour résultat d'entraîner une modification matérielle de l'acte ce dernier reste sur les registres avec ses imperfections, mais le jugement est inscrit sur les registres aussitôt qu'il aura été remis à l'officier de l'état civil, mention en sera faite en marge de l'acte rectifié (art. 101, C. civ., 857 et 49, C. proc. civ.), et l'expédition de l'acte ne sera plus délivrée qu'avec les rectifications ordonnées, à peine de tous dommages-intérêts contre l'officier qui l'aurait délivrée. (Art. 857, C. proc. civ.)

222. La décision qui ordonne la rectification de l'acte participe de la nature des jugements: elle n'est opposable qu'aux parties en cause (art. 100, C. civ.). Il faut avoir été appelé à se défendre pour avoir à subir un jugement. Si le tribunal considère que la demande de rectification intéresse plusieurs personnes, il autorisera leur mise en cause pour que l'affaire soit examinée contradictoirement, et le jugement sera opposable aux parties appelées en cause. Si le tribunal n'a pas ordonné leur mise en cause, et qu'elles n'y aient pas été appelées, le jugement ne leur est pas opposable, et si elles veulent s'opposer à l'exécution du jugement, elles doivent agir par la voie de la tierce-opposition (art. 474, C. proc. civ.).

Les rectifications des actes de l'état civil dressés à l'étranger par les représentants de la France, doivent être faites suivant les prescriptions de la circulaire ministérielle du 10 août 1836.

223. Enfin en ce qui touche les actes de l'état civil, dressés à l'étranger, dans la forme du pays (Art. 47. C. civ.), leur rectification peut être poursuivie en France, notamment pour le mariage qui aurait été transcrit sur les registres en France (art. 171, C. civ.): solution qui découle de la compétence des tribunaux Français, sur l'état des français et la régularité des actes les concernant. (2).

224. Nous avons jusqu'ici étudié la rectification des actes de l'état

(1) (Dans ce sens : Bordeaux, 15 février 1888. Sir., 88, 2, 192.) (2) Comp. Toulouse, Tribunal 25 août 1873. Sir., 74, 2, 57.)

civil, demandée pour réparer des omissions ou des irrégularités dans les actes. Quelquefois elle présente un autre caractère; elle est la conséquence d'un état nouveau pour la personne à laquelle l'acte s'applique.

C'est ainsi que celui qui a triomphé dans une action en réclamation d'état d'enfant légitime peut demander, en conséquence de cet état nouveau, la rectification de son acte de naissance; qu'à la suite d'une adoption, l'adopté peut réclamer la rectification de son acte de naissance pour y ajouter le nom de l'adoptant (art. 359, C. civ.); de même, si on a obtenu du gouvernement par voie gracieuse l'autorisation de changer de nom, si des titres nobiliaires ont été accordés, on peut, en conséquence de ces faits nouveaux, demander la rectification des actes de l'état civil pour les mettre en rapport avec la nouvelle situation faite à la personne. On suit dans ce cas la procédure des articles 855 et suivants, sans qu'il puisse être question d'appeler les parties intéressées. Ce point, à aucun titre, ne saurait soulever de difficultés.

CHAPITRE III

RÈGLES PARTICULIÈRES A CHAQUE ESPÈCE D'ACTE

225. Le législateur fixe les règles à suivre pour les cas ordinaires et détermine les formes à respecter dans quelques circonstances exceptionnelles.

Nous aurons à étudier les actes de naissance et les actes de décès; les formes relatives aux actes de mariage seront étudiées au titre V (du mariage).

Actes de naissance (art. 55 à 61. C. civ.)

226. La loi, pour empêcher les dissimulations de naissance, a imposé à certaines personnes l'obligation de déclarer les naissances dans un délai déterminé, et cela sous une sanction pénale rigoureuse (art. 346, C. pén.).

«

Article 55. La déclaration de naissance doit être faite dans les trois jours de l'accouchement; l'enfant doit être présenté à l'officier de l'état civil. » On a laissé tomber en désuétude l'obligation de présenter l'enfant, et l'acte de naissance est dressé sur les déclarations des personnes mention

nées à l'article 56 (C. civ.). Ces déclarations doivent être faites dans les trois jours de l'accouchement et, faites dans ce délai, elles donnent lieu à la rédaction de l'acte. L'officier de l'état civil qui refuserait dans ces conditions de dresser l'acte s'exposerait à une réclamation en justice et à des dommages-intérêts. Mais si les déclarations sont faites après l'expiration de ce délai, elles sont tardives et l'officier de l'état civil ne devra dresser l'acte que lorsque les parties auront obtenu un jugement l'y autorisant, dans les formes prescrites pour la rectification des actes de l'état civil.

227. Qui doit déclarer la naissance?

S'il s'agit d'un enfant né de légitime mariage et que la mère soit accou chée dans son domicile, « la naissance de l'enfant sera déclarée par le › père ou à défaut du père par les docteurs en médecine ou en chirur› gie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront › assisté à l'accouchement.. (art. 56, C. civ.). En première ligne, l'obligation pèse sur le père, à son défaut, c'est-à-dire s'il est décédé, absent ou empêché pour quelque cause que ce soit, la loi fait peser l'obligation de faire la déclaration de naissance sur toutes les personnes mentionnées à l'article 56 (C. civ.).

• Et lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la › personne chez qui elle sera accouchée (56, C. civ.). Il faut entendre cela en ce sens qu'aux personnes qui ont assisté à l'accouchement, il faut ajouter la personne chez qui la femme sera accouchée. Cette solution est tout à fait dans l'esprit de la loi et de nature à assurer la constatation de la naissance.

S'il s'agit d'un enfant naturel, que décider? Les règles sont les mêmes, puisque l'article 56 est le seul qui régisse notre matière et que rien dans ses termes ne permet de le restreindre à l'hypothèse des enfants légitimes; en outre, l'article emploie l'expression père au lieu de celle de mari, de la loi de 1792, et cette expression convient à la double hypothèse. Mais à cet égard il faut présenter une observation, c'est que le père naturel ne peut avoir à déclarer l'enfant que s'il le veut, attendu que la qualification légale de père ne peut lui être donnée que de son assentiment (art. 340, C. civ.). La formule de la loi revient donc à dire, pour l'enfant naturel, que l'obligation de déclarer pèse sur le père de l'enfant s'il veut reconnaître la paternité, et subsidiairement sur toutes les personnes qui ont assisté à l'accouchement.

228. L'acte de naissance sera rédigé de suite en présence de deux témoins » (art. 56, C. civ.).

Cet acte doit énumérer (art. 57, C. civ.) le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui seront donnés. Ces énonciations ne peuvent pas soulever de difficultés. Les premières fixent (1) Cass, Ch. er., 28 fév, 1867, Sir. 67, I, 267,

l'époque de la naissance, les secondes individualisent l'enfant (son sexe, ses prénoms). La loi ne parle pas du nom, parce que s'il est légitime, l'enfant porte le nom de son père, et qu'il n'est besoin que de lui donner des prénoms pour éviter toute confusion. Les prénoms sont choisis librement; cependant ils doivent être pris parmi les noms usités dans les différents calendriers ou connus dans l'histoire ancienne (loi du 11 germinal an XI). L'article ajoute les prénoms, noms, profession et » domicile des père et mère, et ceux des témoins (art. 57, C. civ.); les › prénoms et noms des témoins: c'est une formalité commune à tous les actes dans lesquels figurent des témoins. Mais la désignation des père et mère offre plus de difficulté et la disposition de l'article 57 ne doit être admise qu'avec les restrictions suivantes :

a) S'il s'agit d'un enfant légitime, la désignation des père et mère doit être faite et reproduite par l'officier de l'état civil (art. 57, C. civ.) et peut être provoquée par lui.

b) S'il s'agit d'un enfant naturel, si la personne qui fait la déclaration de naissance déclare qu'elle est le père de l'enfant, son aveu vaut reconnaissance et doit être constaté dans l'acte de naissance. Le père désigne-t-il la mère ? l'officier de l'état civil doit accepter la mention, et cette désignation présente une utilité avec l'interprétation que donne à l'article 336 (C. civ.) la jurisprudence.

Si la mère fait les déclarations de naissance et si elle reconnaît son enfant, son nom doit figurer à l'acte ; mais voudrait-elle désigner le père de l'enfant, elle ne le pourrait pas, et l'officier de l'état civil devrait se refuser à inscrire cette mention dans l'acte (art. 35, C. civ., 340, C. civ. combinés).

La déclaration est-elle faite par une personne qui a assisté à l'accouchement, le nom du père ne doit pas être donné et l'officier de l'état civil doit refuser de l'indiquer (art. 35, C. civ.); donne-t-on le nom de la mère, que doit faire l'officier de l'état civil? J'estime qu'il doit l'accepter et le faire figurer à l'acte. La recherche de la maternité est permise; il y a là une indication précieuse pour l'enfant et en outre avec la jurisprudence de la Cour de cassation (renvoi à l'art. 341, C. civ.), la désignation de la mère dans l'acte de naissance, par une des personnes mentionnées à l'article 56 (C. civ.), prouve l'accouchement; il ne peut appartenir à l'officier de l'état civil de compromettre cette preuve pour l'enfant. Mais si le déclarant ne désigne pas la mère, l'officier de l'état civil n'a pas à provoquer de déclarations sur ce point.

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Enfin toutes les fois que la désignation du père et de la mère établirait une filiation adultérine ou incestueuse, de quelque personne que ces désignations émanent, l'officier de l'état civil doit les rejeter (art. 335, C. civ.).

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