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rentrons dans le droit commun: il faut alors appliquer les articles 184, 187 et 189 du Code civil. L'action en nullité doit être exercée, comme au cas de bigamie ordinaire. On ne comprendrait pas que l'absent de retour, et n'agissant pas, pût empêcher l'exercice de l'action pour tous et que l'on fût obligé de tolérer le maintien de ce mariage entaché de bigamie, sans que nul ne pût en demander la nullité.

§ 3. De la surveillance des enfants mineurs du père qui a disparu

290. Les articles 141, 142 et 143 se préoccupent d'assurer la surveillance et la protection des enfants, au cas de disparition de l'un des époux. Ces articles ne peuvent s'appliquer qu'au cas de présomption d'absence et avant le jugement de déclaration. La mère, au cas d'absence du père des enfants, aura les droits du père et quant à l'administration de la personne et quant à l'administration des biens (art. 141, C. civ.). Si la mère vient à décéder avant la déclaration d'absence du père, le conseil de famille pourvoira à la surveillance des enfants (art. 142). Pour le père, au cas d'absence de la mère, il reste investi de la puissance paternelle et en exercera les prérogatives comme pendant le mariage. Avec la déclaration d'absence, le décès de l'absent est présumé; nous pensons, que conformément aux principes, les droits subordonnés au décès de l'absent sont ouverts ; la tutelle s'ouvre au profit du prétendu survivant du père ou de la mère.

APPENDICE. DES RÈGLES RELATIVES A L'ABSENCE DES MILITAIRES

ET MARINS

291. Les militaires et marins sont exposés à de nombreux dangers de décès ou disparitions, et la constatation de ces événements est difficile à faire de là des règles particulières qui, sur certains points, dérogent au droit commun.

1o La loi du 13 janvier 1817 a eu pour objet de faciliter les déclarations d'absence et les constatations de décès des militaires et marins qui se trouvaient en activité de service dans l'intervalle du 21 avril 1792 au 20 novembre 1815, et auraient disparu avant cette époque. L'article 12 détermine les personnes auxquelles s'applique cette loi.

Une loi du 9 août 1871 a disposé que la loi du 13 janvier 1817 serait applicable aux militaires et marins disparus du 19 juillet 1870 au 31 mai 1871, et ce qui donne à la loi une grande importance la même dispo>sition peut être appliquée par les Tribunaux à tous autres Français, › qui auraient disparu dans le même temps par fait de guerre ».

Les délais pour faire prononcer la déclaration d'absence sont abrégés (art. 4 et 6), et l'envoi en possession provisoire peut être obtenu plus facilement qu'en matière ordinaire (art. 9 qui déroge à l'article 121 du Code civil et art. 11, qui donne le droit aux créanciers, en cas d'abstention des héritiers présomptifs, à solliciter l'envoi en possession provisoire). 292. De plus, une loi du 11 ventôse an II décide que si une succession vient à s'ouvrir au profit d'un militaire ou marin, on ne doit pas leur faire l'application des articles 135 et 136 du Code civil. Mais il faut sauvegarder leurs droits au moyen de la nomination d'un curateur, qui les fera valoir en leurs lieu et place. Cette loi est-elle encore en vigueur ? N'at-elle pas été abrogée tacitement, soit par le Code civil, soit par la loi du 13 janvier 1817? En ce qui touche le Code civil, nous ne croyons pas qu'on puisse soutenir l'abrogation : le but de la loi était spécial, et ce sujet n'a pas été touché par le Code civil; d'autre part, un décret du 16 mars 1807 a reconnu formellement son existence, malgré la promulgation du Code civil.

Les mêmes motifs nous amènent à décider que cette loi n'a pas été abrogée par celle de 1817. Chacune de ces deux lois a un objet spécial; leurs dispositions ne se contrarient pas et il y a lieu d'en assurer le maintien.

La loi des 11 ventôse an II s'applique à tous les militaires et marins sans distinction.

Les lois du 13 janvier 1817 et 9 août 1871 réglementent la matière de l'absence pour les militaires et marins visés dans ces dispositions; et pour les militaires et marins non compris dans ces dispositions, on suivra le droit commun en matière d'absence.

TITRE V

DU MARIAGE

(Décr. le 17 mars 1803, promul. le 27 du même mois.) (art. 144 à 228)

Le titre V traite du mariage; pour embrasser cette matière dans son ensemble, nous la diviserons de la manière suivante :

Notions préliminaires sur le mariage; sa nature.

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Chapitre Ier. Conditions exigées en matière de mariage;

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Sanction des règles de forme et de fond exigées par le

Effets du mariage;

Dissolution du mariage.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES SUR LE MARIAGE; SA NATURE

293. Sans réprouver complètement les définitions du mariage données par Modestin (Liv. I, t. IX: de patria potestate, Instit. de Justinien), par Portalis (exposé des motifs de notre titre), nous préférons la suivante comme la plus simple: Le mariage est un contrat solennel par le» quel un seul homme et une seule femme s'engagent à vivre ensem⚫ble conformément aux articles 212 et suivants du Code civil. »

Insistons sur les éléments principaux de cette définition : le mariage est un contrat ; il faut donc, pour sa formation, le consentement des deux futurs époux. C'est là l'élément essentiel à tout contrat ; mais en même temps ce contrat est solennel, c'est-à-dire que le consentement doit être donné suivant les formes et avec les formalités voulues par la loi.

... Par lequel un seul homme et une seule femme... nous avons admis en France le principe de la monogamie; et, pour être admis à se marier, il faut être libre de tout lien antérieur.

Le mariage est une association intime d'affections et d'intérêts. Si le mariage a généralement en vue la fondation d'une famille nouvelle, au moins n'est-ce pas le but essentiel du mariage, et ce contrat existerait dans des hypothèses où la procréation des enfants ne pourrait pas entrer dans les espérances des époux.

294. Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance exceptionnelle d'un contrat de cette nature: il intéresse la société tout entière, puisque le mariage est le fondement de la société, mais il intéresse surtout les époux et leur famille; aussi comprend-on qu'on en ait soumis la formation et les effets à des règles précises.

295. Quelles sont ces règles ?

En Droit romain, les justæ nuptiæ, bien qu'elles s'entourent de formalités religieuses, se présentent toujours à nous comme un contrat du Droit civil.

Dans notre ancien Droit français, le mariage a toujours été considéré aussi comme un contrat de Droit civil; mais comme ce contrat se trouvait intimement lié au sacrement de mariage donné par l'Église, il se produisit entre nos anciens auteurs une double tendance: pour les uns, partisans de l'influence de la papauté, le mariage contrat civil et le mariage sacrement sont entièrement rattachés l'un à l'autre; il est impossible de les distinguer; d'où ils concluaient que l'Église a seule qualité pour indiquer les conditions nécessaires au mariage et pour connaître des difficultés relatives à sa validité, etc.; c'est la théorie qui fut formulée au concile de Trente de 1563.

Pour les autres, au contraire, le mariage, contrat civil, est tout à fait distinct du sacrement religieux qui y est rattaché; d'où il suit que le pouvoir royal a seul qualité pour déterminer les règles relatives à la formation du mariage au point de vue civil. C'est cette théorie qui avait triomphé dans notre ancienne législation; les règles du concile de Trente n'ont pas été admises en France.

Mais tout en maintenant ces principes, pour éviter les inconvénients relatifs à la preuve du mariage, l'ordonnance de Blois de 1579 décida que, pour être valable, le mariage serait célébré par le propre curé de l'une des parties, assisté de quatre témoins. C'était de la part du pouvoir royal accepter l'une des règles du concile de Trente.

Le curé se présente donc à nous en même temps comme délégué du pouvoir civil, chargé de procéder à la célébration du mariage, et aussi comme représentant de l'Église, administrant aux futurs époux le sacrement de mariage et suivant pour cela les règles du Droit canonique : ce qui a fait dire à Pothier (no 353, page 438 du mariage), • mais le › prêtre est, de son côté, le ministre des solennités que l'Église et le prince ont jugé à propos d'ajouter au mariage pour sa validité, et il est › préposé par l'Église et par le prince pour exercer ce ministère ».

Le mariage résultait de l'union des époux, prononcée par le prêtre qui devait en dresser acte. Le pouvoir royal, afin d'assurer la preuve des mariages, avait formulé les règles suivant lesquelles devaient être dressés les registres tenus par le clergé.

296. Cet état de la législation présentait de très graves inconvénients: c'est notamment que le prêtre pouvait refuser de procéder aux mariages s'il existait des empêchements canoniques, lors même que le mariage présentait les conditions exigées par la loi civile. D'où de grands embarras, surtout pour les protestants, obligés de profaner par des conversions simulées le sacrement auquel ils ne croyaient pas, afin de se marier valablement, ou bien de se marier devant leurs pasteurs, au risque de compromettre l'état civil de leurs enfants (1). Ce régime ne pouvait s'accorder avec les principes posés par la Révolution française; aussi distingua-t-on dans le mariage le contrat civil et le sacrement. Le premier seul relève de la loi civile et d'une manière exclusive; le second, de la loi canonique. Le principe fut posé par l'article 7, titre 2, de la constitution du 3 septembre 1791 : « La loi ne considère le mariage que ⚫ comme contrat civil. D'où il ressort que ce contrat est toujours le même, quelles que soient les opinions religieuses des futurs époux: ce contrat se forme et se dissout suivant les règles données par le Droit civil, et la loi du 20 septembre 1792 qui, appliquant une des conséquences de ces principes, confia à des fonctionnaires civils le soin de dresser les actes de mariage et d'en conserver les registres.

297. Le Code civil a maintenu cette distinction du mariage civil et du sacrement et les a rendus complètement indépendants l'un de l'autre. De là les conséquences suivantes :

10 Tout mariage, conforme aux lois civiles, est un contrat qu'il faut maintenir, lors même qu'il serait condamné par les lois canoniques. 2° Aux yeux du Droit civil, un mariage religieux ne peut produire aucun effet et est considéré comme n'existant pas.

3o Le mariage civil, célébré suivant la loi civile, produit tous ses effets, lors même qu'il ne serait pas accompagné de mariage religieux. Pour assurer efficacité à ces dispositions et pour porter les parties à se conformer aux dispositions de la loi civile, le législateur a interdit à tout ministre du culte de procéder à l'administration du sacrement de mariage avant la célébration du mariage civil (2).

298. Tel est le système français de la sécularisation des actes de l'état civil et du mariage; et un courant si prononcé emporte toutes les nations à séparer la législation civile de la loi canonique, que dans presque tous les pays de l'Europe, à l'heure présente, la question de la sécularisation des actes de l'état civil du mariage est posée ou résolue.

Ce système a notre approbation. Peut-être pourrait-on faciliter, dans des cas exceptionnels, la célébration rapide des mariages, pour faire dis

(1) Voir au titre des actes de l'état civil.

(2) Comp. art. 54, loi du 18 germinal an X, comp., art, 99 et 200, C. pénal.

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