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appel), et, dans ce cas, tout nouveau procès entre les mêmes personnes, pour la même chose, en vertu de la même cause, devient impossible (art. 1351, C. civ.). Appliquons ces principes à la matière du divorce. et de la séparation de corps, en émettant quelques hypothèses.

I Entre primus et prima a été engagée une instance en divocre (1), pour faits d'injure, excès, sévices ou adultère, mais le divorce a été repoussé; de nouveaux faits de même nature que les premiers se reproduisant, l'époux peut-il recommencer l'instance?

« L'action en divorce s'éteint par la réconciliation des époux survenue, soit depuis les faits allégués dans la demande, soit depuis cette › demande. Dans l'un et l'autre cas, le demandeur est déclaré non recevable dans son action; il peut néanmoins en intenter une nouvelle pour › cause survenue ou découverte depuis la réconciliation et se préva> loir des anciennes causes à l'appui de sa nouvelle demande »..., etc. (art. 244, C. civ. (16 avril 1886) et 307, C. civ. (18 avril 1886).

Le rejet de la demande en divorce ou en séparation de corps, par une décision judiciaire irrévocable, place les époux dans la situation où les mettrait une réconciliation; les faits à l'occasion desquels est intervenue la première décision ne peuvent pas donner lieu à une nouvelle instance; ils constituent en effet les causes de la demande, et l'appréciation qu'en a faite la justice est définitive: le jugement a l'autorité de la chose jugée. Nous avons effectivement ici, mêmes personnes en présence (les époux), même chose demandée (divorce ou séparation de corps), mêmes causes de demande (faits justificatifs de la demande).

Si des faits nouveaux se produisent, l'époux peut demander à nouveau le divorce ou la séparation de corps; les faits nouveaux sont une cause nouvelle de demande, sur laquelle la justice ne s'est pas prononcée, donc, la solution donnée à la première n'empêche pas de formuler une nouvelle demande: on ne saurait ici appliquer les principes de la chose jugée. En outre, comme la justice ne peut prononcer la séparation de corps ou le divorce qu'après avoir constaté l'existence de faits graves de nature à les justifier, elle est amenée à rapprocher des faits nouveaux les faits anciens sur lesquels elle a statué, et, sans se préoccuper de la décision rendue, elle peut prononcer le divorce ou la séparation, « il › peut néanmoins en intenter une nouvelle... et se prévaloir des an› ciennes causes à l'appui de sa nouvelle demande... » (art. 244, C, civ.) (2).

II. Supposons en second lieu que l'un des époux ait intenté une action en divorce ou en séparation, pour une série de faits, mais que sa

(1) Les mêmes principes s'appliquent aux séparations de corps, (art. 307, C. civ 18 avril 1886).

(2) Cass., 29 mars 1887, Sir., 87, 1, 470.

prétention ait été repoussée: pourrait-il formuler une nouvelle demande, pour d'autres faits, mais antérieurs à la première demande et inconnus de lui au moment du premier procès?

On aurait pu dire que la cause de la demande est l'impossibilité de maintenir les effets du mariage et que les faits invoqués deviennent la justification de cette impossibilité. C'est donc à la partie à grouper les divers faits dont chacun individuellement n'est que la justification de la demande. Si la partie a été négligente ou si elle a ignoré les motifs qu'elle pouvait faire valoir, tant pis pour elle; la décision judiciaire constate légalement et définitivement que jusqu'à son prononcé il n'y a aucune raison suffisante de divorce ou de séparation de corps: ce ne sera donc que sur des faits nouveaux que l'on pourra appuyer une nouvelle demande. Cette façon de voir n'est pas celle du législateur: il a considéré que chaque fait pris isolément, s'il était suffisamment grave, pouvait être une cause de séparation ou de divorce. Si donc l'époux n'a découvert qu'après le premier procès des causes de divorce ou de séparation, existantes avant cette époque, il pourra baser sur ces nouveaux faits, envisagés comme causes nouvelles, une demande en divorce ou en séparation. C'est en ce sens que s'exprime l'article 244 du Code civil (18 avril 1886) « il › peut néanmoins en intenter une nouvelle (action) pour cause surve› nue ou découverte depuis la réconciliation etc.

III. On peut enfin imaginer une troisième hypothèse : l'époux demandeur connaissait des faits multiples sur lesquels il pouvait baser sa demande (adultère, excès, injures, etc.). Parmi ces faits, il en a choisi un certain nombre, espérant que la justice les trouverait suffisants pour accepter sa demande. Son espoir a été déçu et sa demande rejetée; la vie commune restant impossible, peut-il introduire une demande nouvelle en la basant sur les faits antérieurs, qu'avec intention il avait laissés dans l'ombre ? On a soutenu l'affirmative, en faisant remarquer que le nouveau procès n'a pas la même cause que l'ancien, qu'il est basé sur d'autres faits et que la conduite du demandeur s'explique par la répugnance qu'il avait eue de livrer au public des faits trop graves, que l'intérêt de la famille exigeait de tenir secrets. Avant les lois de 1884 et 1886 sur le divorce, on avait décidé ainsi, pour la séparation de corps, pour le cas tout au moins où la conduite de l'époux ne pouvait pas s'interpréter dans le sens d'une renonciation, à les invoquer (1).

Nous pencherions pour l'autre opinion. Il nous semble qu'il est grave d'accepter une théorie qui autorise l'époux à intenter ainsi, pour des faits connus, une série de procès de même nature. Ne peut-on pas dire qu'en

(1) Paris, 1er août 1874, Sir., 74, 2, 265. 75, 1, 393.

Cass. req., 3 février 1875, Sir.,

vue d'éviter les procès, le législateur considère comme une déchéance le fait de ne pas signaler un acte déterminé, une cause connue. Dans ce sens nous tirerions argument de l'article 1346 du Code civil et des termes de l'article 244. Il n'est question dans ce texte que des causes survenues ou découvertes, et il n'est fait allusion en rien aux causes connues, mais volontairement tenues en réserve. Pour nous donc, le fait de laisser sciemment dans l'ombre des causes existantes emporterait déchéance pour le demandeur.

503. Enfin quelle influence peut avoir sur la demande, in séparation de corps, à l'occasion des mêmes faits, la décision inter enue sur une demande en divorce et réciproquement.

Des faits existent qui justifient, soit une demande en divorce, soit une demande en séparation de corps; l'époux est le maître de choisir l'une des voies ouvertes à son profit. A-t-il intenté une action en divorce, le jugement irrévocable qui rejette sa demande le met dans l'impossibilité, pour les mêmes faits, d'intenter une instance en séparation de corps. En s'en tenant à la demande en divorce, il a épuisé son droit d'une manière absolue.

En sens inverse, a-t-il, pour certains faits, demandé la séparation de corps, qu'il l'ait obtenue, ou que sa prétention ait été rejetée, il ne peut sur les mêmes faits baser une demande en divorce: il a épuisé son droit, en choisissant l'une ou l'autre des deux voies ouvertes. Rappelons néanmoins que si la séparation de corps a été prononcée, au bout d'une durée de trois ans elle peut légitimer une demande en conversion du jugement de séparation en divorce (art. 310, C. civ., 18 avril 1886).

Les dispositions transitoires des lois des 27 juillet 1884 et 18 avril 1886, n'offrent plus aujourd'hui d'intérêt, nous nous dispensons de les expliquer.

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504. La parinté qui unit les enfants à leurs auteurs prend le nom de paternité ou de filiation, suivant qu'on l'envisage au point de vue des parents ou au point de vue des enfants. Le mot paternité, pris dans ce sens général, s'applique aussi bien à la mère qu'au père; mais souvent il est employé par opposition à maternité et indique alors la parenté du père à l'enfant, la maternité ne désignant jamais que la parenté par rapport à la mère.

Le mot filiation s'applique à la parenté des enfants au regard de leurs père et mère. Il y a dans notre législation plusieurs espèces de filiations, que l'on désigne sous les noms de filiation légitime, légitimée, naturelle, adultérine, incestueuse.

505. La filiation légitime s'entend de la parenté que le mariage civil fait naître entre les père et mère et les enfants issus du mariage, et aussi d'une parenté purement civile, créée par la loi entre l'adoptant et l'adopté, et analogue dans ses effets à la parenté que fait naître le mariage civil.

La filiation légitimée est assimilée à la filiation légitime, par ses effets: elle se réalise au profit d'enfants nés hors mariage, de personnes qui, par leur mariage subséquent, les ont légitimés.

La filiation naturelle est la parenté entre les enfants et leurs père et mère, lorsqu'il n'y a pas de mariage entre ces derniers. Elle présente plusieurs variétés : la filiation naturelle simple, lorsque les enfants sont nés de personnes entre lesquelles le mariage n'existait pas, mais n'était pas prohibé; la filiation adultérine, lorsque l'enfant est né du commerce de deux personnes dont l'une au moins était mariée; la filiation incestueuse, lorsque l'enfant est né du commerce de deux personnes parentes à un degré tel que le mariage était prohibé entre elles (art. 161, 162 et 163, C. civ.).

Ces notions générales données, nous diviserons notre sujet de la manière suivante :

Chap. I. De la filiation légitime;

Chap. II. De la filiation naturelle et de la filiation légitimée ;

Appendice: De la filiation adultérine et incestueuse.

CHAPITRE PREMIER

DE LA FILIATION LÉGITIME

506. La matière de la filiation légitime fait l'objet des chapitres I et II du titre VII du Code civil, où le législateur traite exclusivement de la filiation légitime, comme conséquence du mariage; la filiation légitime civile fera l'objet du titre VIII de l'adoption.

La filiation légitime est la conséquence du mariage ayant existé entre les père et mère de l'enfant aussi est-ce après avoir traité du mariage (tit. V et tit. VI) que le législateur s'occupe de la filiation. Il ne saurait, en effet, y avoir filiation légitime pour l'enfant s'il n'y a pas mariage entre ses père et mère. D'où il suit que l'ordre logique oblige toute personne, recherchant sa filiation légitime, à administrer d'abord la preuve du mariage des personnes auxquelles elle veut se rattacher comme enfant. Cette preuve doit être fournie suivant les règles particulières exposées au titre du mariage par les articles 194 et suivants. Le législateur ne s'occupe pas de cette partie du sujet à notre titre ; il suppose cette preuve faite, et c'est dans cette supposition qu'il aborde la matière de la filiation.

Malgré ce silence du législateur, il est nécessaire de rappeler ici quelques règles générales: c'est au réclamant, c'est-à-dire à celui qui veut établir sa filiation légitime, à administrer la preuve du mariage; puisqu'il est demandeur dans l'instance, il faut qu'il justifie de tous les éléments nécessaires à la filiation légitime. Cette preuve se fera suivant les règles des articles 194 à 200 du Code civil.

Si on lui oppose la nullité, l'inexistence du mariage, il fera ses efforts pour faire rejeter ces exceptions dont l'adversaire devra faire la preuve. Mais ne parviendrait-il pas à établir l'existence d'un mariage valable, il pourrait se faire que sa demande en réclamation de filiation légitime fût recevable s'il pouvait invoquer à son profit la théorie du mariage putatif, mariage qui, quoique annulé, produit au profit des enfants et de l'époux de bonne foi les effets du mariage valable, et partant entraîne la légitimité (art. 201 et 202, C. civ.).

507. Prouver le mariage, c'est démontrer qu'il a pu y avoir des enfants légitimes; il faut faire un pas en avant, et démontrer (c'est la partie la plus difficile à établir) qu'il y a eu, en fait, des enfants nés de l'union (c'est la preuve de la paternité d'une manière générale), et que l'on est un de ces enfants légitimes, c'est-à-dire qu'il y a identité entre le réclamant et l'un de ces enfants.

Quant à la preuve de la paternité, à savoir qu'il y a eu des enfants

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