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594. La légitimation est un des effets civils du mariage; elle en résulte, que les parents l'aient voulu ou non. Il ne faudrait donc pas interpréter les mots de l'article 331 les enfants nés hors mariage

....., pourront › être légitimés... » comme reconnaissant aux père et mère la faculté de légitimer, s'ils le voulaient, leurs enfants en se mariant, mais comme leur reconnaissant la capacité de les légitimer par le mariage. On décide, en outre, que la légitimation par mariage est une règle d'ordre public, applicable aux Français et aux Étrangers en France sans distinction (1).

595. Quant aux effets de la légitimation au regard des enfants, ils sont mentionnés dans l'article 333 du Code civil. Les enfants légitimés › par le mariage subséquent auront les mêmes droits que s'ils étaient » nés de ce mariage. Les enfants légitimés sont donc assimilés aux enfants légitimes, notamment en ce qui touche les droits aux successions des père et mère et des parents des père et mère. Pour les droits des parents le Code est muet, mais il faut admettre que les père et mère acquièrent sur les enfants légitimés les droits qu'ils ont sur les enfants légitimes.

Ces effets de la légitimation ne peuvent se produire qu'à partir du mariage, puisque c'est le mariage qui les entraîne; ainsi les enfants légitimés ne peuvent avoir droit aux successions des parents de leurs père et mère, au cas d'exclusion de ces derniers, qu'à la condition que ces successions se soient ouvertes postérieurement au mariage qui les a légitimés. 596. La légitimation crée l'état de l'enfant, qui existe au regard de tous, des père et mère et de leurs parents, sauf le droit que l'on a de faire tomber la légitimation, même en dehors des cas de nullité du mariage, en attaquant la reconnaissance sur laquelle la légitimation repose (art. 339, C. civ.) (2).

Mais les principes à appliquer dans ces divers cas ne sont pas les mêmes. Pour contester les effets de la légitimation, on peut soutenir : 1o que le mariage d'où elle résulte est nul; dans ce cas, les personnes qui prétendent la nullité de la légitimation ne peuvent agir que si elles sont au nombre de celles qui ont l'exercice de l'action en nullité du mariage (comp. art. 184, 187, C. civ.); 2° que la reconnaissance est nulle; et ici, toute personne qui a un intérêt, même seulement moral, à contester la reconnaissance, a le droit d'agir et de faire tomber par voie de con

(1) Paris, 23 mars 1888, Sir., 88, 2, 131.

(2) Rouen, 5 janvier 1887, Sir., 88, 2, 75. Cass. civ., 20 avril 1885, Sir., 86, 1,

séquence la légitimation (comp. explication de l'article 339 ci-dessus) (1); 3o enfin, que la légitimation est nulle en violation de l'article 331 du Code civil; dans ce cas toute personne ayant intérêt peut agir sans qu'on puisse argumenter de ce qu'elle ne pourrait pas invoquer la nullité du mariage; l'action en nullité de la légitimation est absolument distincte de l'action en nullité du mariage, et laisse celui-ci tout à fait intact.

APPENDICE.

DES ENFANTS ADULTERINS. - DES ENFANTS

INCESTUEUX.

597. A côté des enfants naturels simples se placent les enfants adultérins et les enfants incestueux. Le législateur ne s'en occupe que d'une manière négative, en disant qu'ils ne peuvent pas être reconnus (art. 335, C. civ.); qu'ils ne peuvent pas intenter une action en réclamation de leur état (art. 342, C. civ.); qu'ils ne peuvent pas être légitimés par le mariage de leurs père et mère. Comblons cette lacune du Code, en examinant les deux questions suivantes :

10 Quels enfants sont adultérins ou incestueux?

2o Quelle est leur situation dans la famille ?

1° Quels enfants sont adultérins, quels sont incestueux

598. En présence des articles 335 et 342, il semble au premier abord difficile qu'il puisse y avoir légalement des enfants adultérins ou des enfants incestueux; comment établir leur état en dehors de toute reconnaissance volontaire ou forcée (art. 335 et 342, C. civ.) ?

Nous pensons qu'il faut laisser à ces articles leur portée d'application la plus étendue, et rejeter toute action, déclarer nulle toute reconnaissance qui auraient pour objet la constatation d'une filiation adultérine ou incestueuse.

Et cependant il y aura des enfants adultérins, à la suite du désaveu du mari, dans le cas des articles 312, 313 § 2e et 325 du Code civil; des enfants adultérins ou incestueux au cas où une décision judiciaire attribuerait cette qualité à un enfant et aurait acquis l'autorité de la chose jugée; enfin, au cas de mariage contracté de mauvaise foi par les deux époux, lorsque l'un d'eux était marié (les enfants seraient adultérins), ou lorsque les époux étaient parents au degré prohibé (les enfants seraient incestueux).

(1) Cass. civ., 20 avril 1885, Sir., 86, 1, 313; et Orléans sur renvoi, 14 avril 1886, Sir., 86, 2, 191.

2o Situation des enfants adultérins ou incestueux

599. Les enfants adultérins ou incestueux doivent honneur et respect à leurs parents et portent le nom de ces derniers; les père et mère n'ont pas sur ces enfants les droits de la puissance paternelle : elle n'est organisée que comme conséquence du mariage des père et mère. Les enfants ont contre leurs parents le droit de réclamer des aliments et cette obligation subsiste après la mort des père et mère et s'exerce contre leurs successions (art. 763, 764, 762, C. civ.). Si les père et mère voulaient leur donner au delà de cette quotité alimentaire, il y aurait lieu à réduire les libéralités faites à cette limite (art. 908, C. civ.).

TITRE VIII

DE L'ADOPTION ET DE LA TUTELLE OFFICIEUSE

(ART. 343 A 370 c. civ.)

(Décr. le 23 mars 1803, promul. le 2 avril.)

600. Le législateur, après avoir étudié dans le titre VII la paternité et la filiation et les relations qui s'établissent entre les ascendants et les descendants, par suite de la parenté, aborde dans le titre VIII, la paternité civile résultant de l'adoption. L'adopté « aura sur la succession ■ de l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage (art. 350, C. civ.). En conséquence, nous pouvons définir l'adoption: un acte juridique qui fait naître entre deux personnes, l'adoptant et l'adopté, un rapport analogue à celui que fait naître la ⚫ paternité légitime ».

D

601. L'adoption était connue dans l'antiquité; on la retrouve chez tous les peuples anciens, dans l'Inde, chez les Slaves, en Grèce et à Rome. Chez presque tous, elle présente un intérêt religieux et politique : elle assure la transmission du culte des dieux domestiques et la continuation de la famille. Aussi voit-on le pouvoir public intervenir dans sa réglementation (1).

A Rome, l'adoption se présente à nous sous la double forme de l'adrogatio et de l'adoptio proprement dite.

L'adrogatio était l'adoption d'un chef de famille, paterfamilias, qui devenait, après l'adoption, personne alieni juris; l'adoptio était l'adoption d'un fils de famille; ses effets juridiques ont varié suivant les époques. Primitivement, l'adopté sortait de sa famille naturelle, y perdait tous ses droits et acquérait dans la famille adoptante les droits d'un fils de famille. Mais bientôt on fut choqué que l'adoption brisât tous les liens avec la famille naturelle, et lorsque l'adoption était faite par un autre qu'un ascendant, par un extraneus, l'adopté conservait dans sa famille naturelle les droits attachés à la parenté, les droits de succession, et acquérait dans la famille adoptante les droits d'un fils de famille (2).

(1) Voir pour la Grèce et Rome: Vo adoptio. Diction. des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio.

(2) Comp. § 12 de adoptionibus, Ins. de Justinien.

Si l'adoption se retrouve dans l'ancien Droit germain, à partir des Carlovingiens elle disparaît complètement. On ne peut considérer, en effet, comme adoption véritable, l'espèce d'adoption autorisée par les lettres royales de 1560, 1643, 1672 et 1729, au profit des enfants orphelins des hôpitaux de Lyon, l'Hôtel-Dieu et la Charité, ni les institutions contractuelles au profit d'une personne, sous la condition de porter le nom et les armes du disposant.

Il faut arriver à la période intermédiaire pour retrouver l'adoption. L'Assemblée nationale chargea son comité de législation de comprendre dans son plan général des lois civiles celles relatives à l'adoption (1). Le 25 janvier 1793, elle demande à son comité de législation de lui présenter incessamment un rapport sur les lois d'adoption, et par une loi du 16 frimaire de l'an III, elle détermine provisoirement les effets des adoptions faites. Mais c'est dans le Code civil seulement que se trouve une organisation complète de cet important contrat.

602. Les travaux préparatoires de notre titre nous font connaître que l'on fut divisé sur le principe même de l'adoption. Les uns ne voulaient pas d'un contrat qui paraissait de nature à encourager le célibat, en rendant facile l'acquisition des avantages de la paternité à celui qui n'en avait pas eu les charges et ne s'était pas marié. Les autres faisaient remarquer qu'il vaudrait mieux autoriser l'adoption. On donnerait par là satisfaction aux exigences de l'équité et de l'humanité; qu'il était en effet barbare de priver de toute famille celui qui n'en avait pas, sans qu'il y eût de reproches à lui imputer; mais que pour éviter les inconvénients signalés, il fallait organiser l'adoption, de manière à sauvegarder les intérêts généraux de la société : ce fut cette opinion qui l'emporta; par là s'expliquent les dispositions restrictives acceptées en matière d'adoption.

Quant aux adoptions antérieures au Code civil, et que ce dernier ne pouvait toucher sans donner à la loi un effet rétroactif, on décida qu'elles seraient valables par cela seul qu'elles résultaient d'actes authentiques, et une loi du 25 germinal an XI en régla les effets. Cette loi ne présente aujourd'hui d'intérêt que dans des hypothèses très rares; il suffit de la mentionner; aussi nous bornerons-nous à l'examen des dispositions du Code civil.

Dans le titre VIII, le législateur rapproche deux institutions, l'adoption et la tutelle officieuse et consacre un chapitre particulier à chacune d'elles. La tutelle officieuse a pour principal résultat de faciliter l'adoption. Nous en traiterons après avoir étudié l'adoption, d'après les divisions suivantes :

(1) Décret du 18 janvier 1792.

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