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de tutelle emportant des engagements particuliers, engagements conclus avec les représentants du pupille.

Au point de vue du fond, la demande de tutelle doit être l'œuvre d'un consentement réfléchi, et exempt de vices; et au point de vue des formes, la demande doit être, comme les consentements du pouvoir domestique, reçue par le juge de paix. « Le juge de paix du domicile de l'en› fant dressera procès-verbal des demandes et consentements relatifs › à la tutelle officieuse. (art. 363, C. civ. comp. art. 353, C. civ.)» On a désigné avec raison le juge de paix du domicile de l'enfant; là sont probablement les parents appelés à siéger au conseil de famille; c'est là que sera le domicile de la tutelle (art. 408, C. civ.) et où sera convoqué le conseil de famille pendant la gestion s'il y a lieu.

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634. Notre institution consiste en une tutelle, et ce caractère fondamental entraîne avec lui plusieurs conséquences:

Le tuteur officieux est tenu des obligations ordinaires de tout tuteur; il est obligé de rendre compte de sa gestion (art. 470, C. civ.); il lui sera nommé un subrogé tuteur, comme surveillant normal de la tutelle (art. 420, C. civ.). Enfin, en garantie des obligations qui pèsent sur lui, une hypothèque légale frappera ses biens (art. 2121, C. civ.).

635. Mais s'il y a tutelle, cette tutelle officieuse se distingue profondément des tutelles organisées pour la protection des mineurs; celle-ci résulte d'une convention; c'est le tuteur qui s'est mis en avant pour gérer la tutelle et il a été agréé par la famille; tandis que les tuteurs ordinaires sont nommés suivant des règles spéciales. Dans les tutelles ordinaires, le tuteur est le représentant légal du pupille; il a l'administration de sa personne et de ses biens, mais sans être obligé de rien supporter sur son patrimoine des dépenses du pupille: il se fera rembourser toutes les avances faites pour le compte de ce dernier. Ici, au contraire, en outre des obligations ordinaires résultant de toute tutelle, le tuteur officieux s'oblige formellement, comme conséquence de la convention, à « nourrir le pupille, à l'élever, à le mettre en état de gagner sa vie » (art. 364, C. civ.), et ce point laisse la place à des arrangements spéciaux que les parties peuvent faire pour assurer l'étendue et les conséquences de cette obligation (allusion à ces conventions dans les articles 367 et 369, C. civ.).

636. Le tuteur officieux prend en main l'administration de la personne du pupille et l'administration de ses biens (art. 365, C. civ.).

L'administration de la personne...: d'où il suit que si le mineur était déjà en tutelle, cette tutelle cesse immédiatement; le tuteur officieux

recevra le compte de tutelle et deviendra le représentant légal de l'enfant. Si le mineur était en puissance paternelle, que décider ? La puissance paternelle cesse-t-elle d'une manière complète ? Cela est difficile à admettre, en présence du silence du Code, et nous préférons dire que la puissance paternelle subsiste à côté de la tutelle; toutes les prérogatives y attachées et qui ne sont pas incompatibles avec la tutelle et la situation faite au tuteur sont conservées; c'est ainsi que les père et mère continueraient à consentir au mariage de l'enfant, à exercer les droits de correction et auraient la jouissance légale des biens; le tuteur officieux aurait le droit de garde de l'enfant et la direction de l'éducation.

637. Le tuteur doit pourvoir, à ses frais, à l'entretien et à l'éducation de l'enfant le principe général est posé par l'article 364 (C. civ.): ... le « tuteur doit mellre le pupille en état de gagner sa vie ». A l'occasion de cette obligation particulière du tuteur peuvent intervenir, entre le tuteur et les parents du pupille, des conventions particulières, dont il faudra assurer l'exécution; en leur absence, le Code a permis de résoudre les principales difficultés, au moyen des dispositions des articles 365, 367 et 369 (C. civ.): le tuteur doit supporter exclusivement les frais d'éducation et d'entretien du pupille, et il reste comptable vis-à-vis de lui des capitaux, intérêts et fruits des biens; (art. 365, C. civ.) le tuteur... • ne pourra néanmoins imputer les dépenses de l'éducation sur les › revenus du pupille ».

Si le tuteur meurt avant la majorité du pupille... il sera fourni à celui-ci, durant sa minorité, des moyens de subsister, dont la quo» tilé et l'espèce, s'il n'y a été antérieurement pourvu par une convention formelle, seront réglées soit amiablement entre les représentants respectifs du tuteur et du pupille, soit judiciairement en cas de contestation (art. 367, C. civ.).

Enfin, si à sa majorité le pupille n'était pas en état de gagner sa vie, et qu'il n'eût pas été adopté par son tuteur... le tuteur officieux › pourra être condamné à indemniser le pupille de l'incapacité où celui-ci pourrait se trouver de pourvoir à sa subsistance (art. 369, C. civ.). Il faut remarquer ici le pouvoir discrétionnaire laissé aux tribunaux « le tuteur pourra être condamné... »; il est en effet possible que le tuteur n'ait rien à se reprocher au regard du pupille; si ce dernier n'est pas en état de gagner sa vie, peut-être n'a-t-il qu'à s'en prendre à lui-même; comment pourrait-on dans ce cas condamner le tuteur à des dommages-intérêts?

Au cas où l'on croirait devoir condamner le tuteur, « ... Cette indem› nité se résoudra en secours propres à lui procurer un métier... » (art. 369, C. civ.).

Il est bien entendu que si les parties prévoyant ce cas avaient, en pré

vision, fait quelque arrangement particulier, la convention faisant la loi des parties (art. 1134, C. civ.), il faudrait en assurer l'exécution: « ... le ▾ tout sans préjudice des stipulations qui auraient pu avoir lieu dans la prévoyance de ce cas (art. 369, C. civ.).

L'administration des biens...: le tuteur officieux la prendra et la tiendra dans les mêmes conditions que tout tuteur. Il devra administrer en bon père de famille et sera responsable des conséquences d'une mauvaise gestion (art. 450, C. civ.).

638. La tutelle officieuse produit d'autres effets: elle permet au tuteur d'adopter le pupille par testament; et, la majorité venue, le pupille a le droit d'adresser à son ancien tuteur des réquisitions à fin d'adoption. Insistons sur chacun de ces points:

1o La tutelle officieuse permet d'adopter le pupille par testament: Si le tuteur officieux, après cinq ans révolus depuis la tutelle, et › dans la prévoyance de son décès avant la majorité du pupille, lui › confère l'adoption par acte testamentaire, celte disposition sera va› lable, pourvu que le tuteur officieux ne laisse point d'enfants légitimes (art. 366, C. civ.).

Cette disposition autorise donc le tuteur officieux à adopter par testament son pupille, sous les seules conditions suivantes: 1o que cinq ans se soient écoulés depuis la tutelle; 2° que le tuteur ne laisse pas d'enfants à son décès.

Cette adoption est conférée par testament; peu importe, les formes employées par le testateur pour réaliser sa volonté; que le testament soit authentique, olographe ou mystique, il produira le même effet.

L'adoption constitue une disposition testamentaire dont l'effet ne se produira qu'après le décès de l'adoptant: d'où il suit que toute révocation du testament par l'adoptant fera tomber l'adoption qu'il contenait.

639. Si le tuteur ayant fait son testament et adopté son pupille par cet acte meurt sans l'avoir révoqué, l'adoption sera-t-elle toujours efficace ? Si le tuteur meurt avant la majorité du pupille, il ne peut y avoir de doute: c'est en prévision de son décès, avant la majorité du pupille, que la loi l'a autorisé à faire l'adoption par testament.

Si le tuteur ne meurt qu'après la majorité du pupille, et sans avoir révoqué le testament contenant l'adoption, celle-ci est-elle valable? Nous ne le croyons pas, et cette solution paraît résulter de la combinaison des articles 366 et 368 (C. civ.). Le premier autorise l'adoption, en prévision du décès, avant la majorité du pupille. Le second dit « Si, à la majorité du pupille, son tuteur officieux veut l'adopter, et que le › premier y consente, il sera procédé à l'adoption selon les formes prescrites au chapitre précédent, et les effets en seront, en tous points,

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les mêmes (art. 368, C. civ.). Dès que la majorité du pupille est arrivée, la cause de faveur a disparu ; les craintes du tuteur ne s'étant pas réalisées, le tuteur qui veut adopter son pupille doit employer les formes ordinaires. Cependant si le décès du tuteur s'était produit peu de temps après la majorité, et qu'il y eût eu impossibilité à procéder à l'adoption régulière, nous accepterions, par interprétation de faveur, et conformément à l'esprit de la loi, la validité de l'adoption testamentaire (1).

640. Dans les cas où l'adoption testamentaire produit ses effets, elle n'est pas imposée au pupille; celui-ci doit l'accepter; or cette manifestation de volonté ne pouvant être que le fait du pupille lui-même, il faudra attendre la majorité du pupille, et à ce moment il fera connaître son sentiment sur l'adoption résultant du testament de son tuteur.

L'adoption acceptée produit les mêmes effets que l'adoption ordinaire. Si nous la comparons à cette dernière, nous remarquerons qu'elle est privilégiée et à plusieurs points de vue: 1o en ce qu'elle peut intervenir au profit d'un mineur; 2o en ce qu'elle n'exige pas le consentement du conjoint du tuteur; 3° en ce qu'il ne faut, pour sa validité, ni l'homologation de la justice, ni la transcription sur les registres de l'état civil.

641. 2o La majorité du pupille arrivée, le tuteur peut l'adopter en remplissant les formalités de l'adoption ordinaire (art. 368, C. civ.). L'adoption n'est pas fatalement imposée aux parties; mais pour le pupille, elle est la conséquence prévue de la tutelle: d'où il suit que si le tuteur ne manifeste pas l'intention de la réaliser, le pupille peut lui adresser des réquisitions à fin d'adoption.

Si, dans les 3 mois qui suivront la majorité du pupille, les réquisitions par lui faites à son tuleur officieux, à fin d'adoption, sont › restées sans effet, et que le pupille ne se trouve point en état de ga› gner sa vie, le tuteur officieux pourra élre condamné à indemniser le pupille de l'incapacité où celui-ci pourrait se trouver de pourvoir › à sa subsistance..... » (art. 369, C. civ.).

La loi suppose que ces réquisitions sont faites dans les 3 mois, et quelques auteurs ont cru à l'indication d'un délai fatal emportant déchéance d'agir pour le pupille. Nous ne saurions admettre une solution aussi rigoureuse; nous pensons que l'adoption n'étant pas faite après la majoritė, à quelque époque que les réquisitions soient faites, si elles restent sans effet, pour l'ancien pupille existe le droit, s'il n'est pas en état de gagner sa vie, de demander des dommages-intérêts au tuteur. Il ne faut pas être trop sévère pour l'ancien pupille, s'il n'a pas agi avec rigueur contre son tuteur; il est tenu à des ménagements, compatibles avec le maintien de ses droits.

(1) Paris, 8 août 1874, Sir., 75, 2, 6.

642. L'action en indemnité nous paraît basée sur ce que le tuteur n'a pas rempli les obligations que la tutelle officieuse lui imposait : c'est donc là une conséquence de la tutelle, et nous appliquerions ici la prescription de 10 ans organisée par l'article 475 (C. civ.); en outre, comme nous l'avons dit plus haut, la demande en indemnité contre le tuteur ne réussira qu'autant que ce dernier sera en faute, et n'aura pas rempli les obligations que la tutelle lui imposait.

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