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garde, appartiennent à l'un et à l'autre, et que les tribunaux auraient à trancher les conflits qui pourraient s'élever entre les parents (arg. anal. art. 302, C. civ.).

II. Nous ne pensons pas que l'on puisse reconnaître aux père et mère naturels le droit de jouissance légale sur les biens de leurs enfants: cette solution s'induit du silence du législateur, et de la place qu'occupe dans le Code l'article 383 (C. civ.).

III. Le droit de consentir au mariage étant donné aux parents naturels par l'article 158 (C. civ.), il faut en conclure qu'ils ont, comme les ascendants légitimes, le droit d'opposition, l'action en nullité du mariage, et aussi le droit de consentir à la tutelle officieuse de leurs enfants.

IV. Ont-ils certaines autres prérogatives accordées aux parents légitimes, comme par exemple celles des articles 389 et 397 du Code civil? Nous renvoyons l'examen de la question au titre de la tutelle.

TITRE X

DE LA MINORITÉ, DE LA TUTELLE ET DE L'ÉMANCIPATION

(Décr. le 26 mars 1803, promul. le 5 avril.)

L'intitulé du titre X correspond à la division en trois chapitres acceptée par le législateur.

673. Le chapitre 1er est consacré à la minorité. Les personnes, au point de vue de l'âge, se divisent en deux classes, les mineurs (art. 388, C. civ.) et les majeurs (art. 488, C. civ.). « Le mineur est l'individu • de l'un et de l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de 21 ans accom• plis »; dès que cet âge est atteint, il devient majeur.

D

Comment compte-t-on ce délai ? On est à peu près d'accord à compter ce délai de 21 ans d'heure à heure: le point de départ est l'heure de la naissance, et à l'heure correspondante du jour anniversaire de la vingt-etunième année, la minorité cesse, la majorité commence. Et pour mettre en relief l'intérêt de la question, la personne, d'incapable qu'elle était, devient capable. Ce mode de calcul était donné par les lois romaines (fr. 3, § 3 de minoribus. Dig. IV, 4), et il convient parfaitement à une décision de la loi basée sur un développement physiologique (1).

674. Cet âge de 21 ans avait été accepté comme limite de la minorité, par la loi du 20 sept. 1792, tit. IV, sect. I, art. 2, interprétée par un décret de la Convention nationale du 31 janvier 1793. Dans l'ancienne jurisprudence, l'âge généralement accepté comme limite de la minorité était 25 ans accomplis. Aujourd'hui, la minorité est fixée d'une manière invariable, quel que soit le sexe de la personne (art. 388, C. civ.). Quel que soit l'âge de la personne, qu'elle soit plus ou moins rapprochée de la majorité, sa condition juridique ne varie pas. Dans le projet de Code, on avait admis une émancipation légale à 18 ans accomplis (décision dont il reste un souvenir dans l'art. 384, C. civ.). Mais cette idée fut abandonnée, et la condition juridique du mineur reste uniforme pendant toute la durée de la minorité, à moins qu'il n'ait obtenu le bénéfice de l'émancipation.

675. Le mineur, à cause du développement incomplet de ses facultés intellectuelles, a besoin d'être protégé, relativement aux actes de la vie civile; aussi la loi le place-t-elle sous la direction de ses père et mère,

(1) Nancy, 10 mars 1888; Sir., 89, 2, 105. Nimes, 17 mai 1888 ; Sir., 89, 2, 109.

s'il les a tous deux, comme nous l'avons vu au titre de la puissance paternelle. Le père ou la mère ou tous les deux viennent-ils à mourir, la loi organise la tutelle, et le mineur trouve dans le tuteur un représentant légal chargé de le représenter dans tous les actes de la vie civile (art. 450, C. civ.). Ce sont ces représentants légaux du mineur, père, mère, ou tuteur, qui font comme mandataires du mineur les actes qui intéressent ce dernier.

S'il les accomplissait seul, nous serions en présence d'actes faits par un incapable, et la nullité pourrait en être prononcée (art. 1124 et 1305, C. civ.).

Des lois particulières ont organisé, à l'occasion de certaines catégories de mineurs, une protection spéciale: 10 loi du 23 décembre 1874, loi relative à la protection des enfants du premier âge et en particulier des nourrissons; 2o loi du 7 décembre 1874, loi relative à la protection des enfants employés dans les professions ambulantes ; 3° loi du 19 mai 1874, loi sur le travail des enfants et filles mineures employés dans l'industrie; 4° loi du 22 février 1851, loi sur le contrat d'apprentissage.

676. Le législateur, dans les chapitres II et III de notre titre, s'occupe de la tutelle et de l'émancipation; pour l'explication de ces dispositions, nous prendrons la division suivante :

Chap. I. Principes généraux sur la tutelle; personnages divers, essentiels à toute tutelle;

Chap. II. Des diverses espèces de tutelles;

Chap. III. Des pouvoirs des tuteurs;

Chap. IV. Fin de la tutelle.

Appendice I. De l'émancipation;

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II. De l'administration légale du père pendant le mariage.

CHAPITRE PREMIER

PRINCIPES GÉNÉRAUX SUR LA TUTELLE; PERSONNAGES DIVERS,

ESSENTIELS A TOUTE TUTELLE

677. En Droit romain, la tutelle était la puissance accordée à une personne appelée tuteur sur un père de famille impubère. Donc la tutelle excluait toujours la puissance paternelle et ne pouvait s'ouvrir qu'après l'extinction de celle-ci.

En Droit français, la tutelle peut être définie, un pouvoir de protection confié à une personne appelée tuteur, au regard de tout mineur qui a perdu son père ou sa mère; ces simples définitions nous montrent déjà

des différences profondes entre les tutelles organisées par ces législations; de plus, tandis qu'en Droit romain, le tuteur est placé à côté du mineur pour l'assister (auctoritatem dare), et non pour le représenter, le tuteur français est le représentant légal du pupille, agit au nom de ce dernier, en vertu du mandat légal dont il est investi. C'est là une différence nouvelle entre la tutelle romaine et la tutelle du Droit français, entraînant dans les détails les différences les plus profondes.

678. Toute tutelle met nécessairement en présence divers personnages dont le rôle est distinct, et dont nous devons dire quelques mots au début de la matière.

1o Le mineur.- Dès que le mineur a perdu son père ou sa mère, il tombe en tutelle; c'est la protection de ses intérêts que le législateur a en vue dans l'organisation de cette institution. Et pour cela il place, en général, la personne du mineur, et toujours ses biens, sous l'administration du tuteur. (Renvoi pour les détails à la tutelle du survivant des père et mère.) Le mineur en tutelle porte, dans le langage ordinaire, le nom de pupille, expression que le législateur n'emploie jamais dans notre titre (art. 364, C. civ.).

2o Le tuteur. Le tuteur est le gardien des intérêts de l'enfant en tutelle. Son nom, tutor (tueri), indique la nature du pouvoir qui lui est confié; il est le protecteur du pupille. Cette mission a aux yeux du législateur une grande importance, de là des principes applicables à toutes les tutelles et qu'il faut indiquer.

679. La tutelle est une charge confiée par le législateur. Dans un grand nombre de cas, la loi désigne elle-même le tuteur; dans les autres, elle en confère la nomination au père ou à la mère survivant, ou au conseil de famille. Cette charge est personnelle à celui qui en est investi et ne saurait passer à ses héritiers (art. 419, C. civ.); elle est gratuite, toute dans l'intérêt du pupille. Nous verrons que le tuteur ne peut réclamer que ses déboursés, sans exiger une rémunération quelconque pour ses honoraires; mais, sur sa demande, le conseil de famille peut l'autoriser à se faire aider d'administrateurs particuliers, dont le salaire sera au compte de la tutelle, mais qui gèreront sous la responsabilitė du tuteur (art. 454, C. civ.)

On dit quelquefois que la tutelle est une charge publique, non pas sans doute qu'il faille voir dans la tutelle une fonction publique. Considérer le tuteur comme dépositaire d'une partie de l'autorité publique, comme agent de l'administration, ce serait complètement méconnaître le caractère de ses fonctions. Mais c'est une charge publique en ce sens que, désigné pour gérer une tutelle, soit par la loi, soit par le conseil de famille, il ne peut refuser cette fonction que s'il est incapable ou s'il est dans un des cas où la loi admet des excuses.

680. En notre matière, et c'est une règle générale de Droit, la capacité est la règle, l'incapacité est l'exception: celle-ci n'existe que dans les cas spécialement prévus par la loi; ils sont énumérés par les articles 442, 443 et 444 du Code civil.

• Ne peuvent être tuteurs...;

» 1o Les mineurs, excepté le père ou la mère;

20 Les interdits;

3o Les femmes autres que la mère et les ascendantes;

4° Tous ceux qui ont, ou dont les père et mère ont avec le mineur

» un procès dans lequel l'état de ce mineur, sa fortune, ou une partie › notable de ses biens sont compromis » (art. 442, C. civ.).

La condamnation à une peine afflictive ou infamante emporte de › plein droit l'exclusion de la tutelle... » (art. 443, C. civ.).

Sont aussi exclus de la tutelle...:

1o Les gens d'une inconduite notoire;

20 Ceux dont la gestion attesterait l'incapacité ou l'infidélité ». Tout individu déchu de la puissance paternelle est incapable d'élre › tuteur, subrogé tuteur, curateur ou membre d'un conseil de famille. (Art. 8, loi sur les déchéances de la puissance paternelle, 13 juillet 1889.) Cette incapacité existe et dans le cas où il y a déchéance légale, et dans celui où la déchéance est judiciaire (1).

A ces catégories d'incapables, faudrait-il ajouter l'Étranger? Beaucoup d'auteurs l'ont pensé, en faisant remarquer que la tutelle est une charge publique, ou tout au moins une institution de Droit civil fermée par sa nature même aux Étrangers. Cependant, nous penserions tout au moins qu'il faudrait apporter à cette solution une exception, au cas de tutelle d'enfants restés Français, au regard de leur ascendant Étranger (art. 444, C. civ.). Dans ce cas, la tutelle est un dérivé et comme une émanation de la puissance paternelle; elle répond au même but de protection; et de même que l'on ne peut enlever aux ascendants Étrangers la puissance paternelle sur leurs enfants restés Français, de même on doit les reconnaître aptes à gérer leur tutelle, à remplir les fonctions de subrogés tuteurs. Et même, si l'Étranger, nommé tuteur, n'est pas un des ascendants du pupille, nous pensons qu'il faut rejeter l'opinion traditionnelle et lui reconnaître l'aptitude à être tuteur en France, puisqu'aucun texte de loi ne l'en déclare incapable.

681. A cause des charges lourdes qu'entraîne toute tutelle, on ne l'impose pas indistinctement à toute personne, et la loi a déterminé une série d'hypothèses dans lesquelles on peut faire accepter une excuse en vue de la tutelle.

Les causes d'excuses sont limitativement déterminées par la loi; elles (1) Voir au titre de la puissance paternelle (extinction).

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