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Les personnes morales sont très nombreuses, on peut les grouper en plusieurs catégories.

102. Dans une première catégorie, nous plaçons les divers organes administratifs auxquels la loi reconnaît la personnalité civile et dont l'étude fait partie du droit administratif : l'État, les départements, les communes et sections de commune; les archevêchés, les évêchés, cathédrales, églises, menses épiscopales, les cures et succursales, les chapitres, séminaires, les fabriques. Il faut comprendre dans cette catégorie toutes les personnes morales qui font partie de l'organisation administrative de la France, ou se rattachant intimement à certaines parties de cette organiadministrative, par exemple l'Institut, les facultés de l'État, les hospices, les bureaux de bienfaisance; on emploie pour les désigner une expression générique particulière: Établissements publics.

103. Dans une seconde catégorie de personnes morales se trouvent les établissements reconnus comme établissements d'utilité publique. Ce sont des établissements formés par des particuliers, en dehors de l'organisation administrative, et dont l'existence présente un caractère d'utilité générale ou publique; - par exemple: les facultés libres, les caisses d'épargne, les sociétés de secours mutuels, les académies et sociétés littéraires, les associations syndicales. C'est à cette catégorie qu'appartiennent les congrégations religieuses. Tous ces établissements d'utilité publique présentent un caractère commun: leur existence à titre de personne morale ne peut résulter que d'un acte de l'autorité publique les reconnaissant et leur donnant la personnalité, acte qui est en général un décret rendu en conseil d'État en la forme des règlements d'administration publique; - plus rarement, une loi (certaines congrégations religieuses).

104. Enfin les sociétés commerciales sont aussi des personnes morales: elles existent dès que la société est formée et que les conditions imposées par la loi sont remplies, sans qu'il y ait à solliciter aucune autorisation particulière de l'autorité publique. Cette faveur a été accordée aux sociétés commerciales, à cause de l'intérêt qu'a l'État à leur dévelop pement.

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105. Il est une catégorie de personnes morales, les sociétés commerciales, pour lesquelles la loi n'apporte aucune restriction à la capacité de droit

commun; donc, pour l'acquisition, l'aliénation, la transmission et la gestion de leur patrimoine, il faut les assimiler à des personnes privées. Elles agissent librement dans la sphère de leurs statuts.

106. Pour les personnes morales, constituant des établissements publics, la loi, dans l'intérêt d'une bonne administration, les place sous la tutelle administrative, d'où il suit qu'elles doivent se faire autoriser à ester en justice, et que, pour la gestion, l'administration et l'aliénation de leurs biens, elles doivent se conformer aux règles posées par le Droit administratif (C. civ. 537). En outre, elles ne pourraient réaliser les dispositions à titre gratuit qui seraient faites à leur profit qu'avec l'autorisation du gouvernement. (Art. 910, C. civ.)

107. Quelle est la situation faite aux établissements reconnus comme établissements d'utilité publique? Ceux-ci constituent des établissements privés, susceptibles d'avoir un patrimoine, à partir du jour de leur reconnaissance par l'autorité publique.

Ce patrimoine, ils l'administrent librement et peuvent l'aliéner conformément aux conditions des statuts qu'ils se sont donnés. L'autorité publique n'intervient pas pour en surveiller l'administration ou la gestion, de même qu'elle n'a pas à leur donner l'autorisation d'ester en justice. Mais comme l'accumulation des biens, dans ces établissements, entraîne des inconvénients, et que la constitution de ces biens de mainmorte peut faire courir des dangers à l'État, ce dernier doit donner l'autorisation à toute acquisition à titre gratuit faite au profit de ces établissements. La donation entre-vifs ou testamentaire ne peut être réalisée par eux qu'avec l'autorisation gouvernementale et dans les conditions fixées par le gouvernement (art. 910, C. civ.).

108. A la mort, qui frappe les personnes physiques, correspond, pour les personnes morales le retrait d'autorisation. Tous les gens de main» morte, dit Merlin, ont cela de commun qu'ils ne peuvent exister que par › l'autorisation de la loi, et que la loi peut, quand il lui plaît, les anéan> tir en leur retirant l'autorisation qu'elle leur avait d'abord accor» dée. (1) ›

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Or, la personne physique transmet à sa mort ses biens à ses héritiers. Mais que vont devenir les biens des établissements reconnus comme établissements d'utilité publique et supprimés? En principe, ils font retour à l'État, puisque ce sont des biens vacants et sans maître (art. 713. C. civ.). C'est ce qui arriva à la révolution, lors de la suppression des congrégations religieuses, et l'on peut dire de cette solution, avec un des commentateurs du Code civil: « ces décrets n'ont fait qu'appliquer les principes les plus élémentaires du Droit. Vainement cria-t-on à la spoliation, au vol: il n'y a personne de spolié là (1) Répert. Vo Verbo. Mainmorte.

› où il n'y a pas de propriétaire. » Souvent les lois prévoient le cas de révocation des autorisations pour les personnes morales et indiquent l'affectation des biens leur appartenant (1). D'autres fois, les statuts des établissements reconnus comme établissements d'utilité publique indiquent ce que doivent devenir les biens de l'établissement, au cas de suppression, et les statuts ayant été approuvés doivent recevoir leur exécution.

109. Les principes que nous avons développés s'appliquent aux congrégations religieuses d'hommes et de femmes; il a toujours été admis dans l'ancien Droit (2), comme dans le Droit moderne, qu'elles ne peuvent avoir une existence légale qu'avec l'autorisation du gouvernement (3); non autorisées, elles n'ont aucune personnalité juridique, elles ne peuvent recueillir, ni directement ni indirectement les donations et legs à elles faits, et l'administration est maîtresse d'obliger les membres qui les constituent à se disperser. On peut discuter la question de savoir s'il y a ou non opportunité à prendre de telles mesures, mais le droit de le faire ne saurait être contesté, l'administration ayant le droit absolu d'assurer l'exécution des lois. Cependant, ces congrégations ont une existence de fait, d'où peuvent résulter des rapports juridiques intéressants à étudier (4).

CHAPITRE II

DU FRANÇAIS; DROITS ATTACHÉS A CETTE QUALITÉ; COMMENT
s'acquiert et SE PERD LA QUALITÉ DE FRANÇAIS

110. Le Français est la personne faisant partie de la nation française, sur laquelle, à ce titre, pèsent des obligations particulières, et au profit de laquelle existent des droits spéciaux.

Le législateur détermine les règles d'après lesquelles la personne appartient ou non à la nation française, et il ne saurait dépendre de l'intéressé d'en éviter l'application. Cependant, en quittant le territoire français, le Français peut échapper, en fait, dans une certaine mesure, à

(1) Comp. art. 7 de la loi du 24 mai 1825 sur les congrégations religieuses, art. 11 et 12 de la loi des 5 décembre 1874, 17 juin et 12 juillet 1875.

(2) Ord. de 1666 et de 1749.

(3) Comp. Conclusions de M. l'avocat général, Oscar de Vallée, dans l'affaire de Guerry, Sir., 1858, 2, p. 145 et suiv.

(4) Conclusions de l'avocat général, Cour de Paris, 21 février 1879, Sir., 80, 2,

l'autorité des lois françaises, comme aussi, en acquérant une nationalité étrangère, il peut abdiquer sa propre nationalité et cesser d'être français. 111. Quelle est la situation faite au Français et quels droits lui appartiennent? Les articles 7 et 8 du Code civil vont nous fixer sur ce point. Article 8: Tout Français jouira des droits civils. »

Par droits civils, il faut entendre l'ensemble des droits dont une personne peut devenir titulaire dans ses rapports avec ses semblables: droits de famille, droits relatifs au patrimoine, droits d'acquérir les biens, de les transmettre, de contracter des engagements, etc. Tout Français jouira des droits civils, c'est-à-dire que tout Français a l'aptitude légale à devenir titulaire de ces droits. Le législateur oppose ici la jouissance et l'exercice des droits. La jouissance est créée par la loi; le législateur donne à tout Français, quels que soient son âge, son sexe, sa condition, l'aptitude légale à devenir titulaire des droits civils: voilà la jouissance.

Mais tout Français sera-t-il en situation de faire les actes nécessaires pour réaliser à son profit l'acquisition de tel ou tel droit? Cela dépend d'une foule de circonstances. Par exemple la personne en bas âge, (mineur), la femme mariée, la personne interdite par la justice pour cause d'imbécillité, de démence ou de fureur, ne peuvent pas en fait remplir les formalités nécessaires à l'acquisition des droits; elles sont françaises et comme telles, elles ont la jouissance des droits civils; mais à cause de la situation particulière dans laquelle elles se trouvent, elles n'ont pas l'exercice de ces droits. Le livre I du Code civil nous fera connaître, en étudiant la condition des personnes, quelles sont les circonstances de nature à priver une personne de l'exercice de ses droits et la manière dont elle pourra être représentée.

112. Tout Français, comme conséquence de cette qualité, a la jouissance des droits civils sans aucune espèce de distinctions, qu'il soit français de naissance ou qu'il le soit à la suite de naturalisation etc.

113. L'article 7 s'occupe encore de la jouissance des droits, en opposant la qualité de français et celle de citoyen. La première donne toujours la jouissance des droits civils; la seconde, l'exercice des droits politiques. Entre ces deux qualités il y a cette relation que les Français seuls peuvent être citoyens et jouir des droits politiques; mais beaucoup de Français ne sont pas citoyens et n'ont pas la jouissance des droits politiques (les mineurs, les femmes, les indigènes musulmans algériens etc.). « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, la» quelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément aux lois › constitutionnelles et électorales. » (Art. 7, C. civ.) (1).

(1) D'après la loi sur la nationalité, l'article 7 a subi une modification dans sa formule finale.

Ces notions générales données sur les droits attachés à la qualité de français, nous résoudrons successivement cette double question: A qui appartient la qualité de français, et comment se perd la qualité de français ?

I. A qui appartient la qualité de Français

114. Les personnes auxquelles appartient la qualité de français se divisent naturellement en deux grandes classes: les unes, qui ont toujours été françaises, les autres qui ne sont devenues françaises qu'après leur naissance, en abandonnant une nationalité étrangère; les premières sont nées françaises, les secondes, nées étrangères, sont devenues françaises par naturalisation.

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115. Dans notre ancien Droit, pour déterminer ceux qui naissaient français, on suivait un principe que l'on peut formuler de la manière suivante:

« Tout individu, né sur le territoire français, est français, sans que ⚫ l'on ait à se préoccuper de la nationalité de ses parents. C'était donc le fait de la naissance sur le territoire, fait facile à vérifier, qui donnait la nationalité. « La seule naissance dans ce royaume donne les droits ⚫ de naturalité, indépendamment de l'origine des père et mère et de leur › demeure (1)». D'où résultaient ces conséquences: 1o qu'un enfant, né en France, par suite de circonstances fortuites (ses parents en voyage etc.) était français, bien que rien ne le rattachât à la France, sinon le fait accidentel de sa naissance; 2o qu'un enfant, né de parents français à l'étranger, naissait étranger. Bacquet le dit formellement: Tout › homme, natif hors du royaume de France est aubain sans distinction si les père et mère de l'aubain sont français ou étrangers; on regarde ⚫ seulement le lieu de naissance et non pas d'où l'on est originaire, > c'est-à-dire où les parents étaient nés (2). Cependant dans la pratique on avait apporté quelque tempérament à cette dernière solution. C'est ce système que les rédacteurs du Code civil avaient accepté dans le projet du Code, dont l'article 9 était ainsi rédigé: « Tout individu né › en France est français. »

Le Tribunat présenta plusieurs objections. Il fit remarquer qu'en donnant la qualité de français à toute personne née en France, on faisait dépendre la nationalité du simple hasard, sans tenir compte des liens

(1) Pothier: Traité des personnes, partie 1, titre II*, section Ire. (2) Bacquet: Du droit d'aubaine, partie V, chapitre XL, no 18.

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