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123. Donc, en dehors de ces modifications du principe, par la loi nouvelle et divergences, la nationalité se transmet par le sang et l'enfant d'un Français est français. Mais comment la preuve que l'ascendant était français pourra-t-elle se faire ? C'est là un point que ni le Code civil, ni la loi sur la nationalité ne résolvent, et qui peut soulever des difficultés. La disposition adoptée par la loi nouvelle pour l'enfant né en France d'un père qui lui-même y est né lui enlève une partie de son intérêt. Dans ce cas, le fait de la naissance sur le sol pour lui et son père, prouvée par les actes de l'état civil, établira la qualité de français; mais dans les autres cas, (naissance à l'étranger par exemple), que décider? Nous pensons que la preuve de la qualité de français pour l'ascendant sera faite par la possession d'état de français qu'il aura eue de son vivant. Il faut en effet faciliter la preuve de la qualité de français. La possession d'état, si importante en matière de preuve de la filiation doit, en notre matière, suffire à prouver la nationalité.

§ 2.

Des personnes qui ne deviennent françaises qu'après leur naissance

124. Les hypothèses dans lesquelles on ne devient Francais qu'après la naissance sont assez nombreuses. Les unes sont prévues par des articles du Code civil (art. 9, 10§ 2, 12, 18, 19 § 2, 21 § 2, etc.), les autres se rattachent au cas où un Étranger, abandonnant volontairement sa nationalité, se fait naturaliser français. Toutes ces dispositions ont été remaniées par la loi nouvelle sur la naturalisation.

125. L'article 9 du Code civil avait pour but de créer un privilège au profit des Étrangers nés en France et de leur faciliter l'acquisition de la qualité de français sous certaines conditions. Cet article avait été modifié par plusieurs lois postérieures (loi des 22-25 mars 1849, de 1851, 1874, 1882, 1883, etc.). La Chambre des députés, saisie du projet de loi sur la nationalité voté par le Sénat, a pensé qu'il ne fallait pas se borner à coordonner les lois rendues sur la matière, mais faire un pas en avant pour rattacher à la France les personnes nées sur son territoire de là l'économie des dispositions que forment l'article 8 § 3 et 4 et l'article 9 du projet voté par la Chambre des députés, dispositions qui ont aujourd'hui force de loi.

Nous avons vu (art. 8, § 3) que tout enfant né en France d'un Étranger qui lui-même y était né était français de plein droit. D'après l'article 8 § 4, la loi nouvelle attribue, la qualité de français, en raison de leur naissance en France, à tous les enfants d'Étrangers nés en France et y domiciliés à l'époque de leur majorité, sauf le droit de décliner cette qualité en justifiant qu'ils ont conservé la nationalité de leurs parents,

conformément aux lois et règlements et qu'ils ont satisfait à la loi militaire de leur pays. On leur donne donc d'une manière provisoire la qualité de français, avec les avantages y attachés, sauf renonciation dans les conditions prévues.

Article 9: Tout individu, né en France d'un Etranger, qui n'y est pas domicilié à l'époque de sa majorité, pourra, jusqu'à l'âge de 22 ans accomplis, faire sa soumission de fixer en France son do▾ micile, et s'il l'y établit dans l'année à compter de l'acte de soumission, réclamer la qualité de français par une déclaration qui » sera enregistrée au ministère de la justice. C'est la reproduction. du principe de l'article 9. Cette disposition n'aura plus que des applications très rares, car pour l'enfant né en France d'un Étranger, il y aura souvent à appliquer l'article 8 § 3 ou l'article 8 § 4. Lorsque ces dispositions ne seront pas applicables, on reviendra au système de l'article 9. Le fils de l'Étranger peut réclamer la qualité de français; on lui tient compte de la naissance sur le sol français; on lui facilite l'acquisition de la qualité de français, mais en le laissant maître de la réclamer. Pour faire cesser les controverses qu'avait soulevées l'ancien article 9, au lieu des mots l'année qui suivra l'époque de sa majorité (1), on a mis jusqu'à l'âge de 22 ans » expression qui ne peut soulever aucune difficulté d'interprétation.

Cette faculté de réclamer la qualité de français n'était accordée par l'article 9 que dans l'année qui suivait la majorité. Dans les nouvelles dispositions, cette faculté existe jusqu'à 22 ans ; donc depuis la naissance jusqu'à 22 ans la déclaration peut être faite. Si l'enfant est majeur, il la fera lui-même; s'il est mineur, elle pourra être faite par ses représentants légaux.

Article 9. S'il est âgé de moins de 21 ans accomplis, la déclaration sera faite en son nom par son père ; en cas de décès, par sa mère ; » en cas de décès du père et de la mère ou de leur exclusion de la › tutelle ou dans les cas prévus par les articles 141, 142, 143 du Code › civil, par le tuteur autorisé du conseil de famille. » Par ce procédé, l'enfant aura pendant sa minorité les avantages de la qualité de français, pourra concourir aux écoles du gouvernement et contracter un engagement volontaire, etc.

« Il devient également français, si, ayant été porté sur le tableau › de recensement, il prend part aux opérations de recrutement sans › opposer son extranéité. » L'enfant a été compris dans les listes de recensement et a pris part auxdites opérations sans protestation : ce fait équivaut évidemment à une déclaration de vouloir devenir fran

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çais. La loi lui donne de plein droit cette qualité. On va ainsi plus loin que ne le faisait la loi de 1849, article 1er.

Quelques autres articles mentionnent encore des cas où l'acquisition de la qualité de français se produit postérieurement à la naissance de l'enfant ce sont les articles 10, 18, 19. Ces cas seront exposés après que nous aurons étudié la naturalisation.

§ 3-De la naturalisation

126. La naturalisation peut être définie, l'acquisition de la qualité de français par une personne qui abandonne sa propre nationalité. Elle suppose donc l'abdication de sa nationalité pour acquérir une nationalité nouvelle.

127. En matière de naturalisation, on peut admettre trois systèmes de législation:

1o Le système dans lequel toute naturalisation est impossible, la nation ne voulant se composer que de personnes ayant même origine, rejetant loin d'elle tout élément étranger.

2o Le système dans lequel la naturalisation est possible suivant certaines conditions déterminées par la loi. C'est au pouvoir législatif, en tenant compte des intérêts généraux du pays, à déterminer les conditions légales suivant lesquelles la nationalité s'acquiert; et, ces conditions remplies, toute personne se trouvant dans les cas prévus par la loi acquerra la nationalité par une simple manifestation de sa volonté. C'est un cas d'acquisition de la qualité de national par le bienfait de la loi.

Chacun de ces deux systèmes offre des inconvénients graves : le premier ferme le pays à une foule de personnalités qu'il y aurait intérêt à affilier à la nation française; le second, en laissant à toute personne remplissant les conditions légales la possibilité d'acquérir la qualité de français, aboutit à des naturalisations très nombreuses et permet l'acquisition de cette qualité à des personnes qu'il n'y a aucun intérêt à affilier à la famille française.

30 Un troisième système organise autrement la naturalisation. Avec lui, les conditions légales suivant lesquelles s'acquiert la qualité de français sont déterminées par la loi. En dehors de leur accomplissement, aucune naturalisation n'est possible. Mais l'Étranger, voulant profiter des avantages offerts par la loi; devra adresser aux pouvoirs publics une demande de naturalisation, que ces derniers sont toujours les maltres d'accorder ou de refuser.

Par ce moyen, on n'a à redouter ni les naturalisations trop nombreu

ses, ni les naturalisations de personnes indignes, puisque la naturalisation dépend de l'autorité publique, même vis-à-vis de personnes remplissant les conditions prévues par la loi. En étudiant la législation française dans son entier développement, on y trouve, suivant les époques, l'application de chacun de ces trois systèmes.

128. Dans l'ancienne jurisprudence française, la naturalisation se présente à nous comme le résultat d'une décision royale tout à fait discrétionnaire. On accordait les lettres de naturalité, collectives ou individuelles; elles devaient être vérifiées par la Cour des comptes.

Avec la période intermédiaire jusqu'à la rédaction du Code civil et aussi pendant un certain temps, en 1849, la naturalisation présente le caractère d'une acquisition de la qualité de français par le bienfait de la loi toute personne, digne ou non de cette faveur, pourra devenir française en remplissant les conditions légales.

Le système actuel, maintenu en principe par la loi sur la nationalité, telle qu'elle a été votée par le Sénat et la Chambre des députés, donne à la naturalisation le caractère d'une décision discrétionnaire de l'autorité publique au profit de l'Étranger remplissant les conditions légales.

Le pouvoir législatif intervient donc au nom des intérêts généraux du pays et détermine par la loi les conditions que doit remplir toute personne demandant à être naturalisée française.

La naturalisation étant sollicitée par l'Étranger, le pouvoir exécutif vérifie si les conditions légales sont remplies et accorde ou refuse la naturalisation, suivant sa volonté. Cette décision échappe à toute voie de recours de la part des intéressés. En 1849, on avait demandé que ce fût au pouvoir législatif qu'appartint le droit d'accorder ou de refuser la naturalisation; mais ce pouvoir est-il fait pour rendre des décisions particulières en faveur de telle ou telle personne, et n'y aurait-il pas à craindre, à cette occasion, des discussions offrant, au point de vue international, les plus grands inconvénients? L'intervention du pouvoir exécutif, pour accorder ou refuser la naturalisation, nous paraît donc justifiée.

129. La matière de la naturalisation n'était pas comprise dans les dispositions du Code civil. Des documents législatifs particuliers, en dernier lieu la loi du 29 juin 1867, l'avaient réglementée. Les auteurs de la loi récente sur la nationalité ont pensé que la naturalisation avait sa place indiquée dans les dispositions du Code civil; et, en abrogeant les dispositions antérieures rendues sur la matière (1), ils l'ont réglementée à nouveau dans l'article 8 § 5 du Code civil (loi sur la nationalité).

(1) Art. 6, (loi du 19 juin 1889).

D'après ces dispositions, la naturalisation reste ce qu'elle était antérieurement, un acte discrétionnaire du pouvoir exécutif. La naturalisation est accordée par décret, après enquête sur la moralité de l'Étranger, et la décision rendue par le gouvernement n'est susceptible d'aucune voie de recours.

Article 8.....

Sont Français..... 5o Les Étrangers naturalisés.

• Peuvent être naturalisés :...

› Il est statué par décret sur la demande de naturalisation, après › une enquête sur la moralité de l'Étranger.

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Les Étrangers ne peuvent donc pas réclamer la naturalisation comme un droit pour eux mais seulement la solliciter comme une faveur que le gouvernement français est le maître d'accorder ou de refuser.

130. Quelles sont les personnes qui peuvent demander la naturalisation? Le législateur n'accepte pas que tout Étranger puisse être naturalisé; il exige de celui qui sollicite cette faveur certaines conditions, qui toutes montrent l'attachement pour le pays et la persévérance dans la pensée d'acquérir la nationalité française.

L'article 8 § 5 répartit en quatre catégories les Étrangers pouvant solliciter la naturalisation:

• 1o Les Étrangers qui ont obtenu l'autorisation de fixer leur domi›cile en France, conformément à l'article 13 ci-dessous, après trois ans › de domicile en France, à dater de l'enregistrement de leur demande › au ministère de la justice ».

La demande de fixer en France son domicile montre de la part de l'Étranger l'intention d'acquérir la qualité de Français. Après trois ans de stage, il peut solliciter la naturalisation: cet article confirme les conditions exigées par la législation antérieure (art. 1, 29 juin 1867, sur la naturalisation).

Si nous rapprochons l'article 8 § 5 de l'article 1 de la loi de 1867, nous remarquons une différence. La loi de 1867 exigeait que l'Étranger eût demandé l'autorisation de fixer son domicile après 21 ans, voulant que la demande fût l'œuvre d'une volonté réfléchie; la loi nouvelle est muette sur ce point. Nous pensons en conséquence que la demande ne peut être faite que par l'Étranger majeur, et par application de l'article 3 § 3, majeur d'après la loi de son pays. Alors seulement, suivant son statut personnel, il sera en état de manifester une volonté réfléchie.

• 2o Les Étrangers qui peuvent justifier d'une résidence non inter› rompue pendant dix années.

› Est assimilé à la résidence en France le séjour en pays étranger pour l'exercice d'une fonction conférée par le gouvernement fran› çais. ›

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