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Algériens: Article 1er. « L'indigène musulman est Français..... Article 2. L'indigène israélite est Français..... »

Les autres annexions, mentionnées plus haut, ont été consacrées par des traités et conventions diplomatiques qui en fixent les conséquences. 1o Le traité franco-sarde du 24 mars 1860 a rattaché à la France la Savoie et le Comté de Nice: il décide que les sujets Sardes, originai› res de la Savoie ou de l'arrondissement de Nice, ou domiciliés ac»tuellement dans ces provinces, qui entendront conserver la nationa»lité sarde, jouiront, pendant l'espace d'un an à partir de l'échange › des ratifications et moyennant une déclaration préalable faite à › l'autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en › Italie, et de s'y fixer, auquel cas la qualité de citoyen sarde leur › sera maintenue... › Ainsi, on abandonne les traditions anciennes ; l'émigration ne suffit plus pour empêcher les effets de l'annexion ; il faut une déclaration formelle de volonté, une option suivant des formes spéciales.

2o La convention du 2 février 1861, entre la France et le prince de Monaco, réalise l'acquisition de Menton et de Roquebrune: elle contient des dispositions analogues au traité franco-sarde de 1860.

3o Un traité conclu entre la France et la Suède, le 10 août 1877, réalise la rétrocession à la France de la petite île St-Barthélemy. Par ce traité, les habitants domiciliés dans l'île deviennent Français. La convention ne parle pas des originaires, qui, ayant quitté l'ile, ne sont pas touchés par l'annexion ; elle réserve pour les domiciliés le droit d'option, comme l'avaient fait les traités déjà cités, mais en décidant que pour les mineurs, le délai d'option ne courra qu'à partir de leur majorité fixée par la loi française (21 ans). En conséquence le législateur français accepte: a) Que l'option ne produit que des effets individuels et n'engage que la personne de qui elle émane;

b) Qu'elle ne peut être que l'expression de la pensée de l'intéressé capable de la formuler;

c) Que les annexés sont Français sous condition résolutoire d'option, puisqu'on se contente de la majorité française, les considérant comme Français jusqu'à l'époque où l'option leur enlèvera cette qualité.

141. Donc les annexions territoriales rendent Français ceux qu'elles atteignent; mais la situation de ces annexés est-elle la même que celle des Français ?

Pour les habitants du Comté de Nice, de la Savoie, de Menton, Roquebrune et de l'île St-Barthélemy, il y a assimilation complète avec les Français de la métropole. Français, ils jouissent des droils civils et sont placés sous l'empire des lois françaises: ils sont citoyens et investis des droits politiques comme le Français lui-même. Mais pour les habi

tants de l'Algérie, de l'Inde et des autres colonies que décider ? Pour l'Algérie, le sénatus-consulte de 1865 statue dans les articles 1 et 2 que l'indigène musulman est Français; néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane.

L'indigène israélite est Français; néanmoins il continuera à être régi par son statut personnel. Ce texte a eu pour objet de respecter les traditions et les usages des peuples conquis. L'indigène algérien est Français; mais tout ce qui touche à l'état des personnes, la capacité, l'organisation des familles, la forme des actes sera, pour les indigènes algériens, réglé par la loi musulmane ou la loi israélite, avec faculté pour les Algériens d'abandonner leur statut personnel et de se placer sous l'empire de la loi française.

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Article 3. Les indigènes sont présumés avoir contracté entre eux » selon la loi du pays, à moins qu'il n'y ait convention contraire. › 142. La qualité de citoyen avec l'exercice des droits politiques leur appartient-elle ? En principe, il faut répondre négativement, cela était vrai à partir du sénatus-consulte de 1865, et pour les Israélites indigènes et pour les Musulmans.

Les Israélites indigènes sont devenus citoyens français par application du décret du 24 octobre 1870, et, à partir de cette époque, l'assimilation est complète entre les Français et les juifs, tant au point de vue des droits politiques que des lois. La loi française s'applique à l'Israélite indigène comme au Français lui-même.

L'indigène musulman n'est pas citoyen français, d'où il suit qu'il n'a pas l'aptitude aux droits politiques. Cependant il peut être admis à servir dans les armées françaises (décret du 21 avril 1866); il est apte à remplir en Algérie certaines fonctions et emplois civils (décret du 21 avril 1866); de plus, si pour les élections de députés et de sénateurs, les Musulmans ne sont ni électeurs, ni éligibles, il n'en est pas de même pour les conseils municipaux et généraux, et ils ont ici une capacité restreinte pour l'exercice de ces droits politiques (1).

Enfin, comme il est de l'intérêt de la France d'arriver au plus vite à l'assimilation complète de l'indigène et du français, on facilite à l'indigène musulman l'acquisition de la qualité du Français, en dégageant la naturalisation de quelques-unes des formalités et conditions exigées par le Droit commun. C'est ainsi que la seule condition exigée pour la naturalisation de l'indigène musulman est d'avoir 21 ans. Point n'est besoin comme pour la métropole, ni de fixation de domicile, ni de stage; les formalités sont très simples: une déclaration par laquelle il se place

(1) Voyez un article de M. Rouard de Card: les indigènes musulmans de l'Algérie dans les assemblées locales. Revue générale d'administration, 1889.

sous les lois françaises. La naturalisation entraîne pour eux une modification profonde: c'est la rupture avec leurs lois et coutumes; très peu d'indigènes musulmans ont profité des dispositions de la loi française. De 1865 à 1878, 428 indigènes musulmans ont seuls réclamé et obtenu la naturalisation.

143. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 règle les conditions de la naturalisation des Étrangers habitant l'Algérie, et supprime pour eux la condition d'admission à domicile. On a voulu par là faciliter le rattachement à la France de ceux qui viennent coloniser l'Algérie. Très peu ont usé de cette faveur. La raison véritable est que l'acquisition de la qualité de français impose des charges, sans attribuer de bien sérieux. avantages. Les dispositions nouvelles de la loi sur la nationalité que nous avons expliquées plus haut, et relatives à la naturalisation, s'appliqueront à l'Algérie comme à la métropole, bien que le sénatus-consulte de 1865 reste aussi applicable (art. 2. de la loi sur la nationalité). Avec ces dispositions combinées, on peut espérer voir s'accomplir rapidement l'assimilation des colons étrangers et des Français.

Les populations de nos colonies de l'Inde sont Françaises : les indigènes jouissent des droits politiques comme le Français lui-même. Mais on leur a réservé la jouissance de leurs lois et usages, avec facilité pour les indigènes d'abandonner leur statut personnel, suivant les dispositions du décret du 21 septembre 1881.

En Cochinchine, les indigènes de la colonie française sont Français par la conquête; quant à leur statut personnel, il est réglé par le Droit annamite. Mais il ne sont pas citoyens français ; et, pour obtenir cette qualité qui les place d'une manière complète sous l'empire de la législation française, ils doivent demander la naturalisation conformément aux dispositions du décret du 25 mai 1881. Même législation pour la Nouvelle-Calédonie (décret du 10 nov. 1882).

II. Perte de la qualité de Français

144. La qualité de français se perd de différentes manières, énumérées par le Code (art. 17, 19, 21, C. civ.). La loi sur la nationalité a repris cette matière en apportant aux dispositions du Code civil quelques modifications. Nous prendrons pour base de nos explications la loi nouvelle, en indiquant les modifications apportées au Droit civil.

Article 17: Perdent la qualité de français:

» 1o Le Français naturalisé à l'étranger ou celui qui acquiert sur › sa demande la nationalité étrangère par l'effet de la loi. »

Ce texte reproduit le principe posé par l'ancien article 17 § 1, mais en

assimilant à la naturalisation l'acquisition d'une nationalité étrangère par le bienfait de la loi étrangère.

Le motif de cette disposition est qu'on ne peut avoir une double nationalité. Chacune d'elles impose des droits incompatibles et qu'une personne ne peut pas remplir en même temps. Ce qu'il faut bien remarquer ici, c'est que la perte de la qualité de français ne peut résulter que d'une naturalisation véritable acquise à l'étranger, rendant la personne sujet de l'État étranger; mais une naturalisation incomplète ne donnant au Français à l'étranger que quelques avantages particuliers, sans le rendre sujet de l'autorité étrangère, ne ferait pas perdre la qualité de français (1). La demande de naturalisation non encore agréée, la preuve que le Français a abdiqué sa nationalité sans avoir obtenu la naturalisation, sont des faits qui, aux termes de l'article 17 § 1 (ancien et nouveau) ne font pas perdre la qualité de français.

Ce principe posé, le texte nouveau, ajoute: « S'il est encore soumis » aux obligations du service militaire pour l'armée active, la naturalisation à l'étranger ne fera perdre la qualité de français que si » elle a été autorisée par le Gouvernement français. » Le législateur ne veut pas que la naturalisation devienne pour le Français un moyen d'échapper aux charges de la loi militaire: en conséquence la naturalisation, pour celui qui est encore soumis aux obligations du service militaire, ne fait perdre la qualité de français que si elle a été autorisée par le Gouvernement français. Sans cette condition, la loi française la considère comme non avenue.

145. 2o Le Français qui a décliné la nationalité française, dans le cas prévu au paragraphe 4 de l'article 8.

Ce cas de perte de la qualité de français résulte des règles posées par l'article 8 modifié par la loi sur la nationalité.

146. 3o Le Français qui, ayant accepté des fonctions publiques con» férées par un Gouvernement étranger, les conserve nonobstant l'in› jonction du Gouvernement français de les résigner dans un délai › déterminé ; » cette disposition nouvelle remplace la 2o de l'article 17: 2o par l'acceptation, non autorisée par le roi, de fonctions publiques › conférés par un Gouvernement étranger. ›

Le principe sur lequel ces solutions reposent est l'obligation, pour le Français, de donner toute son activité à son pays et de n'accepter à l'étranger aucune fonction publique si l'intérêt français devait en souffrir. L'expression, fonction publique doit s'entendre d'une manière assez large, et, suivant l'avis du Conseil d'État du 7 janvier 1808, cela empêche le Français de conserver aucun service soit près de la personne,

(1) Comp. Cass. civ., 16 février 1875; Sir., 75, 1, 193 et la note.

› soit près d'un des membres de la famille d'un prince étranger, de › même qu'aucune fonction dans une administration publique étran› gère ». Mais, tandis que le Code civil exigeait l'autorisation du Gouvernement d'accepter ces fonctions pour qu'elles ne fissent pas perdre la qualité de français, la loi sur la nationalité décide au contraire que l'acceptation de fonctions à l'étranger ne fait pas par elle-même perdre la qualité de français, mais seulement la conservation de ces fonctions malgré l'injonction du Gouvernement français adressée au titulaire d'avoir à les quitter dans un certain délai. Exercer des fonctions à l'étranger peut être utile aux intérêts français; mais les conserver malgré l'injonction du Gouvernement, c'est se mettre en contradiction avec les intérêts français : ce fait entraîne la perte de la qualité de français. L'article 17 contenait un troisième paragraphe ainsi conçu: « Enfin › par leur établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour. Les établissements de commerce ne pourront jamais être considé› rés comme ayant été faits sans esprit de retour. Cette disposition n'avait pas un grand intérêt pour la France; elle soulevait dans la pratique la question très délicate de savoir si un établissement est fait ou non avec esprit de retour (1); elle pouvait même détourner les Français d'établissements en pays étranger, cependant très utiles au maintien de l'influence française. La loi nouvelle sur la nationalité a supprimé, avec raison, cette cause de perte de la qualité de français.

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147. 4o Le Français qui, sans autorisation du Gouvernement, prend › du service militaire à l'étranger, sans préjudice des lois pénales ⚫ contre le Français qui se soustrait aux obligations de la loi mili› taire. ›

Cette disposition prend la place du paragraphe 1 de l'article 21 du Code civil. On a supprimé dans l'article les mots l'affiliation à une › corporation militaire étrangère » comme inutiles; ils visaient des corporations militaires et religieuses qui n'existent plus aujourd'hui.

Les dispositions du Code civil sur notre matière, surtout en ce qui touche l'acceptation de fonctions publiques et la prise de service militaire à l'étranger se complétaient par les dispositions des décrets du 6 avril 1809 et du 26 août 1811, tout au moins par celles de ces dispositions qui n'avaient pas été abrogées par des décisions formelles. En remaniant les articles 17 et suivants, la loi sur la nationalité s'est approprié les dispositions générales de ces décrets; aussi l'article 6 de la loi sur la nationalité les abroge-t-il formellement.

148.5° La femme Française qui épouse un Étranger suit la condition de son mari, et par suite perd la qualité de Française; la loi sur la natio

(1) Comp. Cass., 7 janvier 1879. Sir., 80, 1, 271.

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