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nalité a ajouté une restriction‹ à moins que son mariage ne lui con» fère pas la nationalité de son mari, auquel cas elle reste Fran› çaise. Ce principe se comprend : le mariage emporte communauté de vues et d'existence pour les époux; le vœu de la loi, c'est qu'ils appartiennent tous deux à une même nationalité. Donc la femme française en épousant un Étranger perd la qualité de française; c'est là un effet du mariage qui se produit que la femme soit majeure ou mineure. Mais si la législation du pays auquel son mari se rattache ne reconnaît pas à cette femme la nationalité du mari, la femme restera Française, malgré son mariage, et cela pour éviter qu'elle n'ait pas de nationalité.

149. 6o Le Français qui se livre au trafic des esclaves perd la qualité de français. (Lois des 27 avril 1848 et 28 mai 1858.) Après quelques hésitations, le législateur, dans le projet de loi sur la nationalité, n'a pas cru nécessaire d'abroger ces dispositions, bien qu'elles n'aient pas à recevoir leur application dans l'état de notre civilisation. Ce cas reste prévu par les lois spéciales toujours subsistantes.

150. 7° Enfin la qualité de français se perd, par suite d'un démembrement du territoire; l'annexion d'un pays à la France, rattache à la nation française les habitants du pays; par contre, le démembrement entraîne la dénationalisation des habitants de la partie séparée : c'est ainsi qu'à la suite de la guerre malheureuse de la France contre l'Allemagne, la perte de l'Alsace et d'une portion de la Lorraine a enlevé à la France, pour les rattacher à l'Allemagne, un grand nombre de Français. Il y avait à statuer sur le sort de trois catégories de personnes : 1o sur les personnes nées sur le territoire cédé et qui y étaient domiciliées au moment de l'annexion à l'Allemagne ; 20 sur les personnes nées sur les territoires cédés mais non domiciliées; 3o sur les personnes domiciliées sur ces territoires mais qui n'y étaient pas nées.

L'article 2 du traité du 10 mai 1871 ne paraissait statuer que sur la première catégorie de ces personnes; il disposait que les sujets fran»çais, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur » ces territoires, qui entendent conserver la nationalité française devaient opter pour cette nationalité dans un certain délai et suivant les formes prescrites. La conquête ne les rendait pas Allemands d'une manière absolue: ils pouvaient rester Français par l'option. Il semblait résulter de là que les deuxième et troisième catégories de personnes mentionnée plus haut n'étaient pas visées par le traité; mais il fallut bientôt sur ce point céder aux exigences des vainqueurs. Par la convention additionnelle de Francfort, ratifiée par l'Assemblée Nationale le 9 janvier 1872, il fut décidé que les originaires (nés dans les territoires) et non y domiciliés au moment de l'annexion étaient tenus à l'option pour conserver la nationalité française, et M. Dufaure, alors Garde des

sceaux, fit connaître aux préfets cette décision par une circulaire du 30 mars 1872.

Enfin l'Allemagne émit la prétention au mois de septembre 1872, par une réclamation de son chargé d'affaires que les simples domiciliés étaient par le fait de la conquête devenus Allemands, sans que le traité eût besoin de s'en expliquer et qu'une option seule pouvait leur conserver la nationalité française. Le gouvernement français ne pouvait accepter cette interprétation; il la fit connaître aux intéressés par une circulaire du 14 septembre 1872: d'où un conflit de décisions. La jurisprudence française a souvent confiriné l'interprétation de ses hommes d'État (1).

151. Nous mentionnons pour mémoire le traité du 30 mai 1814 et la loi du 14 octobre 1814 (art. 1 et 2) qui ont déterminé les conséquences, au point de vue de la nationalité, des démembrements que la France subissait à cette époque. Les questions soulevées par les textes de ce traité et de cette loi n'ont plus guère qu'un intérêt historique; elles se rattachent surtout au Droit international privé : nous les laisserons de côté.

152. La loi française donne aux personnes qui ont perdu la qualité de français la possibilité de redevenir françaises et leur facilite l'acquisition de cette qualité par naturalisation, sans condition de stage (renvoi à ce que nous avons dit plus haut, page 68).

Il est un cas cependant où la loi française devait se montrer sévère pour le Français: c'est celui où, sans autorisation du gouvernement, il aurait pris du service militaire à l'étranger.

Prendre du service militaire à l'étranger est d'un mauvais citoyen. La perte de la qualité de français (art. 17, § 4), l'impossibilité de rentrer en France sans l'autorisation du gouvernement, l'obligation, pour redevenir Français, de remplir les conditions de la naturalisation ordinaire en sont les conséquences. (Art. 21, C. civ.) Si le Français ayant accepté du service militaire à l'étranger a porté les armes contre la France, il encourt en outre une responsabilité pénale (art. 75, C. pénal).

CHAPITRE III

DE LA QUALITÉ DE CITOYEN.

153. L'article 7 du Code civil met en opposition le Français et le citoyen. Le Français est la personne faisant partie de la nation française, à la (1) Consultez Cass. req., 6 mars 1877. Sir., 79, 1, 305.

quelle la loi reconnaît la jouissance et l'exercice des Droits civils; le citoyen est le Français auquel la loi reconnaît l'exercice des Droits politiques. Le principe posé par l'article 7 est reproduit avec quelques modifications de forme par l'article 1 de la loi sur la nationalité : « L'exercice des droits civils est indépendant de l'exercice des droits politiques, lesquels s'acquièrent et se conservent conformément aux > lois constitutionnelles et électorales » (nouvel art. 7 du C. civ.). L'étude étendue de la qualité de citoyen rentre plutôt dans le Droit constitutionnel que dans le Droit civil: aussi le législateur fait-il un renvoi aux lois constitutionnelles et électorales. Cependant, pour fixer les idées et bien marquer la différence existant entre le Français et le citoyen, il est bon d'aborder cette étude.

Division générale: § I. Qui est citoyen?

§ II. Droits du citoyen;

§ III. Perte de la qualité de citoyen.

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154. Le mot citoyen a une signification spéciale; il s'applique à tous ceux auxquels les lois constitutionnelles attribuent les droits politiques, D'après la constitution du 22 frimaire an VIII, pour être citoyen, il fallait remplir les trois conditions suivantes : être Français, mâle, et inscrit sur les listes civiques. Aujourd'hui, le suffrage universel est la base de notre constitution. Est citoyen, tout Français mâle, âgé de 21 ans, et cette personne a la jouissance des droits politiques; l'exercice de ces droits dépendra de certaines formalités à accomplir, par exemple de l'inscription sur les listes électorales.

La loi reconnaît aux hommes seuls l'aptitude aux droits politiques et en exclut les femmes. Dans l'état de nos mœurs et de nos lois, cette distinction est parfaitement justifiée. Rappelons la situation faite aux musulmans algériens, qui sont Français mais ne sont pas citoyens, (Sénat. de 1865) et pour lesquels l'acquisition de la qualité de citoyen résulte d'une naturalisation privilégiée.

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155. Les droits politiques consistent surtout dans le droit d'être électeur et l'aptitude à pouvoir être élu: droit et aptitude qui sont organisés suivant des règles particulières pour chaque corps, par les lois constitutionnelles et électorales.

En principe, tout citoyen inscrit sur une liste électorale peut voter, (comp. article 14, loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale). Ce

n'est qu'à 25 ans qu'on est éligible à la Chambre des députés et à 40 ans au Sénat. Pour le Conseil général on est éligible à 25 ans en remplissant les conditions exigées par l'article 6 de la loi des 10-29 août 1871 sur lesdits Conseils. Pour les Conseils municipaux il faut avoir 25 ans et remplir les conditions exigées par la loi du 5 avril 1884 (art. 31), c'est-à-dire être apte à remplir les fonctions publiques, sous les conditions de capacité éxigées par les lois. Les droits politiques comprennent encore le droit de servir dans les armées françaises (cependant ce droit a été conféré à quelques catégories de personnes qui n'ont pas la qualité de citoyens légion étrangère, sénatus-consulte de 1865 pour les indigènes musulmans, etc.); et celui de figurer dans les actes notariés à titre de témoins instrumentaires, d'être juré, avocat, membre du conseil de famille, etc.

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156. La qualité de citoyen se perd de diverses manières :

a). Par la perte de la qualité de français dont la qualité de citoyen n'est que l'accessoire;

b). Par la dégradation civique prononcée comme peine principale ou accessoire (art. 34, C. pénal);

c). Par la faillite qui entraîne l'incapacité d'être électeur et éligible. L'état de liquidation judiciaire altère la capacité au point de vue politique: le liquidé ne peut être nommé à aucune fonction élective (art. 21 de la loi sur les liquidations judiciaires du 4 mars 1889).

d). Enfin, il peut se faire que, bien que l'on ait la jouissance des droits de citoyen, l'exercice de quelques-uns de ces droits soit suspendu pour certaines catégories de personnes (c'est ainsi que les militaires sous les drapeaux ne peuvent pas voter); de même, des condamnations pour certains délits peuvent, sans enlever la qualité de citoyen, faire perdre quelques-unes des prérogatives qui en sont la conséquence. (Cette matière se rattachant au Droit constitutionnel et au Droit pénal, nous ne faisons que l'indiquer.)

CHAPITRE IV

DES CONSÉQUENCES DES CONDAMNATIONS PÉNALES

SUR LA CAPACITÉ DES PERSONNES

157. Ce chapitre a pour objet de rechercher l'influence que peuvent exercer les condamnations pénales sur la capacité de la personne, matière qui dans le Code civil faisait l'objet des articles 22 à 34 du Code civil. L'étude de cette matière se rattache au Droit pénal; les dispositions sur ce point ont été complètement modifiées par la loi du 31 mai 1854 du Code, abolitive de la mort civile. Aussi nous bornerons-nous à poser les règles générales en laissant au Droit pénal l'examen complet de cette matière.

158. Notions générales sur le Droit pénal.-En Droit pénal, l'infraction est tout fait prévue et punie par la loi pénale. Suivant la gravité des peines qu'elles font encourir à leurs auteurs, on divise les infractions en crimes, délits et contraventions. Les crimes sont les infractions punies de peines criminelles ; les délits sont les infractions punies de peines correctionnelles; les contraventions sont les infractions punies de peines de simple police. La contravention consiste en un simple fait matériel, engageant la responsabilité de l'agent sans que l'on ait à rechercher quelle a été son intention; ce fait n'implique donc pas une grande gravité morale et n'apporte pas à la société un trouble profond; aussi les condamnations encourues pour contraventions n'exercent-elles aucune influence sur la capacité de la personne. Il en est autrement des condamnations encourues pour crimes ou pour délits.

§ 1.

Conséquences des condamnations pour crime

159. Toute condamnation pour crime exerce une influence sur la capacité du condamné, et cette influence est plus ou moins grave, suivant la durée de la peine. On comprend, en effet, que le législateur atteigne dans sa capacité, d'une manière plus grave, celui qui est frappé d'une peine perpétuelle, que celui qui n'est frappé que d'une peine temporaire. Ce sera l'objet d'une division de la matière.

En outre, la condamnation peut être prononcée contre l'accusé présent et se défendant; la procédure et la condamnation sont contradictoires. Ou bien l'accusé n'est pas sous la main de la justice et ne comparaît pas,

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