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depuis la loi de 1867, en principe, la contrainte par corps est abolie, sauf en matière criminelle, contre le Français et l'Étranger; au point de vue de cette voie d'exécution, les Français et les Étrangers sont sur la même ligne.

3o L'Étranger en France ne peut pas être admis au bénéfice de la cession de biens: incapacité qui a perdu de son importance depuis l'abolition de la contrainte par corps. (Art. 1265 et suiv., C. civ., 905 Pr. civ.)

4° Aux termes des articles 76 et 77 § 2 du Code de justice militaire des armées de terre et de mer, et du rapport de M. Langlois, tandis que des soldats et des Français non militaires, co-auteurs ou complices d'un crime, sont tous justiciables de la Cour d'assises, juridiction de Droit commun, et non du Conseil de guerre, juridiction d'exception, des soldats et des Étrangers, co-auteurs ou complices de crimes, sont tous renvoyés devant le Conseil de guerre.

5o La loi du 25 juin 1874 et du 23 novembre 1883 refuse à l'Étranger, habitant une commune, s'il n'a pas été autorisé à fixer en France son domicile, tout droit aux bois d'affouage.

6o L'article 6 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, stipule que le Français seul peut être gérant d'un journal.

7° Enfin les articles 14, 15 et 16 du Code civil nous permettent de constater encore entre l'Étranger et le Français quelques différences dans l'exercice de leurs droits :

181. Les articles 14 et 15 supposent un conflit d'intérêt entre un Français et un Étranger.

Dans le cas de l'article 14, le Français est demandeur; le procès à débattre peut porter sur la propriété ou sur quelque droit réel frappant une chose immobilière on dit alors que la matière est réelle. Le débat doit être porté devant le Tribunal de la situation de l'immeuble: règle de procédure qui, posée à l'occasion des immeubles, s'applique aux Étrangers comme aux Français (art. 3, C. civ.).

Si le débat, entre Français et Étranger, naît à l'occasion de quelque créance, dont le premier se prétend investi contre le second, la matière est alors personnelle. Pour le Français, la compétence du Tribunal se détermine par la règle actor sequitur forum rei; l'affaire est portée au Tribunal du domicile du défendeur, quelquefois au Tribunal du lieu où le contrat a été passé. Or, cette règle, l'article 14 la fait tomber, lorsque Þadversaire est étranger; le Français, demandeur, peut citer son adversaire étranger devant les tribunaux français, que le défendeur réside en France ou non, quel que soit le lieu où le contrat ait été passé, en France, où à l'étranger, et nous ajoutons, quelle que soit la cause de la créance, qu'elle résulte d'un contrat, ou de toute autre cause (Délit,

quasi-délit, quasi-contrat) (1). Cette règle est toute dans l'intérêt français, pour éviter au Français demandeur d'être obligé d'aller actionner son adversaire à l'étranger.

182. Le Français peut renoncer expressément à cette faveur, en traitant avec l'Étranger. L'ordre public n'est pas intéressé à l'application (2) de ce principe. Quant à fixer le tribunal français devant lequel la question sera portée, l'article 14 n'y a pas songé. Suivant l'opinion généralement acceptée, nous déciderions que l'action doit être portée devant le tribunal de la résidence de l'Étranger, au cas où il réside en France; devant le tribunal du domicile du demandeur, ou du lieu du contrat, si l'Étranger réside hors de France. Ces solutions se rapprochent du Droit commun, ce qui doit les faire accepter.

183. Dans le cas où l'Étranger sera demandeur contre le Français, il n'y a aucune raison de ne pas suivre le Droit commun, et la compétence se déterminera suivant les principes généraux (art. 59, C. Proc. civ.); L'article 15 en fait l'application en matière personnelle.

Mais la compétence déterminée, l'article 16, dans l'intérêt du Français et pour le protéger, veut que ce dernier puisse obliger l'Étranger demandeur, à fournir la caution judicatum solvi, c'est-à-dire à donner un répondant, pour assurer l'exécution de la condamnation et des dommagesintérêts qui pourraient être dus au Français. Cette caution ou répondant pourra être exigée de tout Étranger demandeur, en toutes matières," autres qu'en matière commerciale. Si cependant l'Étranger justifiait qu'il a des immeubles suffisants pour satisfaire aux obligations naissant du procès, il serait dispensé de la dite caution. Le but de cette loi est évident: elle veut protéger le Français, lui assurer que le jugement pourra toujours être exécuté contre l'Étranger en France; d'où il suit que le défendeur Français peut seul, contre l'Étranger demandeur, faire valoir la dite exception judicatum solvi. Le défendeur Étranger contre le demandeur Étranger aussi, n'aurait pas ce droit.

Ces articles 14, 15, 16 créent donc, pour les hypothèses qu'ils prévoient, des avantages et privilèges pour le Français. L'Étranger, admis à établir son domicile en France, jouira de ces avantages et privilèges, comme le Français lui-même (art. 13, C. civ.). Il arrive souvent que par des traités formels la France renonce, au profit des nationaux de certains pays, aux avantages que constituent pour le Français les articles 14 et 16 (3).

(1) Limoges, 29 juin 1885. Sir., 87, 2, 81. Rennes, 21 décembre 1887. Sir., 88, 2, 25.

(2) Cass., 9 décembre 1878. Sir., 79, 1, 401.Cass. civ., 13 mars 1889. Sir. 89,1,200. et Cass. 29 fév. 1888, Sir. 89. 1. 150.

(3) Comp. traité du 15 juin 1869, art. 13 entre, la France et la Confédération helvétique; traité du 19 octobre 1866 entre la France et l'Autriche; traité du 6 février 1882 entre la France et l'Espagne etc.

TITRE II

DES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL.

(Décr. le 11 mars 1803, promulg. le 21 du même mois.)

184. L'état civil d'une personne est la situation qu'elle a dans la famille, dans la société; c'est ainsi que l'on a l'état d'enfant légitime, ou l'état d'enfant naturel; que l'on est mineur ou majeur. Les actes de l'état civil sont les écrits, dressés dans la forme exigée par la loi, et destinés à établir l'état civil de la personne. Les faits qui intéressent l'état civil de la personne sont assez nombreux; les principaux sont la naissance, le mariage et le décès. La naissance fait apparaître dans la société une personne nouvelle; il importe de connaître l'époque de la nativité, pour justifier de la minorité ou de la majorité de la personne, et souvent l'acte de naissance, rattachant l'enfant aux parents dont il est issu, servira à établir la filiation de cet enfant (art. 319, C. civ.). En outre, la constatation des naissances facilitera la surveillance de l'autorité publique sur les personnes à qui incombe la garde des enfants, empêchera les infanticides, les abandons d'enfants et assurera la répression de ces actes coupables.

Le mariage établit pour les époux une situation nouvelle, d'où découlent des droits et des obligations: il importe à la société comme aux époux, qu'un fait de cette importance soit facilement établi. Enfin le décès faisant disparaître la personne, sujet de droits, ouvre sa succession, et il est du plus haut intérêt de déterminer l'époque de la mort, car c'est à ce moment qu'il faut se placer pour la dévolution de la succession aux héritiers (art. 718, C. civ.). D'autres événements influent sur l'état civil de la personne, comme son émancipation, le divorce, l'adoption dont elle peut être l'objet, l'interdiction prononcée à son égard, les jugements rendus sur une question d'état. Peut-être eût-il été bon de soumettre à une réglementation identique, au point de vue de la forme, la constatation de tous ces événements; le législateur n'a cru nécessaire de soumettre à des règles spéciales que la constatation des faits ordinaires intéressant l'état civil: la naissance, le décès et le mariage; pour les autres événements, la loi s'en réfère à des règles particulières, voulant quelquefois que les actes, constatant ces événements, soient inscrits sur les registres de l'état civil (art. 359 pour l'adoption; art. 251, C. civ., loi du 18 avril 1886 C. civ. pour le divorce).

185. Occupons-nous donc des faits ordinaires, intéressant l'état civil de la personne: naissance, mariage et décès. La loi veut que la preuve de ces faits soit assurée, au moyen d'actes particuliers, tenus suivant des formes spéciales par les officiers de l'état civil, et inscrits sur des registres publics. L'ensemble des actes, intéressant une commune, forme un registre d'actes de l'état civil, et tout le monde peut se faire délivrer copie de l'un des actes qui y sont contenus.

Division générale : ch. I.

Historique des actes de l'état civil; Règles générales, communes à tous les actes de l'état civil;

Ch. II.
Ch. III.

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186. Un acte de l'état civil est donc un acte dressé conformément à la loi, et faisant preuve d'une naissance, d'un décès ou d'un mariage. Les registres de l'état civil sont des registres particuliers sur lesquels les actes de l'état civil sont inscrits.

C'est au clergé catholique que revient l'honneur d'avoir inventé les registres des naissances, décès et mariages; ces événements, au point de vue religieux, correspondaient à des sacrements: baptême, mariage, sépulture ecclésiastique; il parut bon à l'Église de tenir registre des sacrements administrés.

Dans l'ordre civil, les faits de naissance, décès et mariage se prouvaient par témoins; à cause des dangers et des imperfections de ce mode de preuve, le pouvoir civil songea à utiliser les registres tenus par le clergé, pour la preuve des naissances, décès et mariages; et cela d'une façon d'abord timide, par l'ordonnance de Villers-Cotterets de François Ier de 1539, art. 50 et 51. Lorsque les actes de baptême contien› dront le temps et l'heure de la nativité, l'extrait dudit registre › pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et fera pleine foi » à cetle fin ».

«

Et aux termes de l'article 50: Les actes mortuaires dressées par les curés, faisant mention de la mort, font preuve du décès eu égard à la collation des bénéfices, et au droit de prévention (1).

(1) En vertu du concordat conclu entre le pape et François Ier, le pape nommait

Bientôt l'ordonnance de Blois de 1579, sur la police générale du royaume, article 181, généralisa l'utilisation des registres tenus par le clergé. Cette ordonnance constate les dangers que présente la preuve testimoniale, à l'égard des naissances, mariages et décès, et veut que les officiers de justice se fassent remettre, à l'expiration de chaque année, par les curés ou vicaires, les registres tenus pour constater les naissances, mariages ou décès; ces registres feront preuve de ces événements. Le clergé recevait ainsi de la loi civile la mission spéciale de tenir les registres contenant la preuve des naissances, mariages et décès, et la loi civile fixait les conditions suivant lesquelles ces registres devaient être tenus. Les ordonnances de 1667 et une déclaration du roi de 1736 ne firent qu'édicter les dispositions réglementaires pour la tenue des registres.

187. Malgré cela, il est important de constater que ces registres étaient tenus, surtout en vue des constatations intéressant la religion (administration des sacrements) et ne servaient qu'exceptionnellement à la preuve des faits de l'état civil. D'où il suivait que des registres particuliers devaient être tenus pour chaque culte.

Avec l'intolérance religieuse, la situation se compliquait; c'est ainsi qu'après la révocation de l'Édit de Nantes, et l'expulsion des ministres de la religion réformée, la constatation des faits de l'état civil, intéressant les protestants, fut très difficile à obtenir pour ceux qui ne voulaient pas abjurer leur religion et se présenter aux curés (Déclaration du 11 déc. 1685). Leur situation ne devint tolérable que par l'Édit de 1787, qui conféra à des officiers de justice le soin de dresser les actes de l'état civil intéressant les protestants. (Art. 8: mariage; art. 25: naissance; art. 27: décès.)

188. Avec la Révolution étaient proclamés des principes nouveaux qui devaient amener à la sécularisation des actes de l'état civil; c'est ainsi que, par l'article 10 de la loi du 23 août 1789, la liberté des cultes était proclamée ; et par la constitution de 1791, article 7, titre II, il était affirmé que « la loi ne considère le mariage que comme contrat civil ». et on émettait le vœu que le pouvoir législatif établirait pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, décès et mariages seraient constatés, et désignerait les officiers publics qui en recevraient et conserveraient les actes.

aux bénéfices vacants sur la présentation du roi, mais il avait le droit de nommer, ȧ partir du décès, si présentation n'était pas faite. Aussi les candidats aux bénéfices tenaient cachée la mort du titulaire et cherchaient à obtenir la collation du bénéfice en cour de Rome, avant de faire connaître le décès. C'est pour empêcher ces abus que fut rendue l'ordonnance de Villers-Cotterets 1539 (art. 51) pour permettre d'établir facilement la date du décès.

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