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LITTÉRATURE, ART ET SCIENCE

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L'art et la science sont certainement moins brillants. Au commencement du xvire siècle, l'Espagne et la Belgique ont les grands peintres. Velasquez, Rembrandt, - Rubens, à qui Marie de Médicis confie la décoration du Luxembourg. L'Italie et l'Angleterre ont les grands savants, Galilée, Harvey.

Cependant, au XVIe siècle, les bords de la Loire avaient vu s'élever une pléiade de chefs-d'œuvre d'architecture dus, comme le palais de nos rois, en grande partie à des mains françaises. C'est dans l'ornementation de Fontainebleau qu'on observe le mieux le passage de la période d'imitation et d'italianisme à la période vraiment nationale. Au commencement du siècle suivant, les environs de la capitale sont parés à leur tour (château de Dampierre, de Vaux-le-Vicomte, enfin Versailles). Dans les arts du dessin, un grand artiste original, le Lorrain Callot, dont les gravures illustrent, de manière si dramatique, les tristes côtés de la guerre de Trente Ans, Claude Gelée, autre Lorrain, et bon élève des Italiens, enfin Ph. de Champaigne, dont un portrait fameux a associé le nom à celui de Richelieu. Poussin appartient aussi à cette période (1593-1665), et cependant nul ne songerait, devant ses tableaux, à le détacher du siècle de Louis XIV proprement dit, et à ne pas le mettre à côté de Bossuet.

Au point de vue scientifique, la France se distingue déjà dans les mathématiques : Viète (vers 1600) a développé l'algèbre, Fermat (vers 1630) l'arithmétique. Descartes se place ici au premier rang par un chef-d'œuvre de trente pages, le Traité de Géométrie (analytique), qui lui-même renferme une merveille : la règle des signes, un des efforts les plus élégants et les plus vigoureux de la pensée mathématique'. Pascal a appliqué avec éclat le calcul à la physique. Mais la médecine française méritera trop souvent les sarcasmes de Molière. Et la chimie n'est pas encore soupçonnée à la fin du siècle.

1. La Géom. de Descartes, édit. 1886, p. 57.

Louis XIV sera bien souvent forcé d'appeler des étrangers autour de lui. Son grand musicien sera un Italien, Lulli. Dans son Académie des Sciences naissante (1666) entreront un Hollandais, Huyghens, un Italien, Cassini. Jamais la France ne sera par l'art ni même par la science ce qu'elle a été par sa littérature.

Mais on voit comment sa civilisation, vers 1661, s'est affranchie, se complète, et, dans l'ensemble, se suffit à ellemême. Et déjà, le prestige politique aidant, elle commence à s'imposer au dehors. Voici ce que dit Macaulay, à propos de l'Angleterre de Charles II (1660-1685) :

<< La France possédait à cette époque la supériorité dans tous les genres: sa gloire militaire était à l'apogée... le fier Castillan avait dû reconnaître sa prééminence... Son autorité était souveraine en matière de bon goût et de modes, depuis le duel jusqu'au menuet; elle décidait de la coupe de l'habit d'un gentilhomme, de la longueur de sa perruque, de la hauteur de ses talons, de la largeur des galons de son chapeau. En littérature, elle faisait la loi au monde entier, et la renommée de ses écrivains emplissait l'Europe... La gloire littéraire de l'Italie et de l'Espagne n'était plus, celle de l'Allemagne n'était pas encore: aussi le génie des hommes éminents qui faisaient l'ornement de Paris brillait-il avec une splendeur qu'augmentait encore le contraste. La France avait de fait, à cette époque, un empire sur le monde que la république romaine elle-même n'atteignit jamais; car lorsque Rome dominait par sa politique, la Grèce était sa maîtresse dans les arts et les lettres. La France au contraire exerçait à la fois sur les pays voisins, et la supériorité que Rome avait sur la Grèce, et celle que la Grèce avait sur Rome. La langue française devenait donc rapidement la langue universelle, la langue des sociétés élégantes et de la diplomatie. Dans certaines cours, les princes et la noblesse parlaient le français plus correctement et plus élégamment que leur propre langue. »

Notons que ces réflexions, un peu prolixes, de Macaulay, seraient prématurées si on les appliquait à la date de 1661, et le sont même, appliquées à la date de 1685 : l'influence française a été particulièrement grande en Angleterre sous Charles II, et ce, pour des raisons spéciales. Elle n'était pas

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encore si sensible que le dit l'historien anglais dans les autres pays. C'est le long règne de Louis XIV qui va établir pour un siècle au moins la prépondérance française en Europe.

LIVRE III

LOUIS XIV (1661-1715)

CHAPITRE PREMIER

LE ROI LOUIS XIV (1661-1672)

Importance exceptionnelle de la personnalité de Louis XIV.

mières démarches.

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1. L'ENTRÉE EN SCÈNE DU GRAND ROI. Louis XIV en 1661, ses preAu dedans. le roi et ses ministres, chute de Fouquet (1661-4), les Grands Jours d'Auvergne (1665-6). - Au dehors, les Turcs, le Pape, l'Espagnol et l'Anglais; la succession d'Espagne, guerre de dévolution (1667-8).

II. COLBERT Et Louvois.

-

Colbert, finances, agriculture, industrie, commerce, marine de guerre ; Colbert et le travail national. transformation de l'armée; Vauban.

L'avenir dépend de Louis XIV et de la Hollande.

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Louvois,

L'année 1661 est une de celles où l'historien de la France peut s'arrêter sans encourir le soupçon de rhétorique.Jusquelà, l'État français avait soutenu deux luttes pour l'existence contre l'Angleterre, puis une lutte pour l'indépendance contre la maison d'Autriche on pourrait dire que son histoire avait été presque constamment passive. Mais les dernières générations d'hommes d'État avaient manœuvré de telle sorte que la France restait, non seulement la plus forte, mais presque la seule forte. Son initiative était aussi libre que peut l'être celle d'une nation qui n'est pas seule au monde. De là l'intérêt exceptionnel que présente le jeu po

ESQUISSE HIST. DE FRANCE.

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