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clauso, dissertation mise à profit par M. C.-A. Den Tex, dans sa brochure : Over de geschillen tusschen Nederland en België betrekkelyk de Rieviervaart, 1833; nous reconnaissons volontiers l'exactitude historique de ce retour sur le passé; ce qu'il aurait fallu démontrer, c'est que le droit féodal ancien est conciliable avec le droit moderne sur l'usage international des grands fleuves réputés de nos jours des dépendances des mers, comme les détroits.

Résumé de la politique commerciale de la Hollande par rapport à la Belgique.

On a dit, à propos des vingt-quatre articles, que la question belge était complexe : militaire et commerciale; que la question militaire avait été résolue contre la Belgique dans l'intérêt de l'équilibre européen, la question commerciale en faveur de la Belgique dans l'intérêt de la liberté générale.

La Hollande admet aujourd'hui la première solution; car malgré la réserve relative au Luxembourg, on peut regarder les arrangements territoriaux comme définitifs.

La Hollande repousse la deuxième solution; elle la repousse comme incompatible avec ses intérêts et comme contraire à la politique commerciale de l'ancienne république.

Elle avait invoqué le droit de postliminii de 1790 pour rentrer dans la possession de son ancien territoire; de même elle voudrait s'appuyer de ce principe pour être réintégrée dans tous ses anciens avantages commerciaux.

Les hommes qui ont suivi de loin en loin les débats qu'a soulevés notre révolution ont pu croire que tout se réduisait à une question de limites. J'ose dire que pour la prospérité belge, la délimitation est en quelque sorte secondaire; elle est un moyen et non le but. La question commerciale est la véritable question nationale; elle domine la délimitation même.

Aux termes du traité du 15 novembre, la Belgique cesse d'être riveraine de la Moselle; à défaut de la rive droite de la Meuse et de

la rive gauche de l'Escaut, il a fallu chercher ailleurs des garanties pour la libre navigation de ces fleuves; et ici la Conférence a dû se mettre en hostilité avec tous les antécédents historiques de la Hollande pour faire triompher le droit moderne.

Pour bien comprendre les prétentions des Hollandais et ne pas s'étonner de la résistance à laquelle nous devons nous attendre, il suffit de jeter un coup d'œil sur l'histoire de la république des Provinces-Unies, dans ses rapports avec les Pays-Bas espagnols ou autrichiens; la Hollande n'est pas née d'hier, et peut-être aucun peuple n'a plus que le peuple hollandais la mémoire de son passé.

Si, à la suite de la révolution du xvIe siècle, les provinces insurgées contre la domination espagnole avaient voulu exister à tout prix, la lutte ne se serait pas prolongée pendant quatre-vingts ans; la Hollande, en s'arrêtant au Moerdyck, eût obtenu facilement et plus tôt sa reconnaissance; mais elle sentit que pour exister honorablement, pour s'assurer une longue et durable vitalité, elle devait aller au delà; elle s'assit sur le Rhin et mit une main sur l'Escaut, l'autre sur la Meuse; elle reconnut la nécessité de faire la conquête de la partie septentrionale du Brabant, du littoral des Flandres et d'une partie du Limbourg; et cette nécessité une fois reconnue, elle ne recula devant aucun obstacle pour atteindre son but. Les révolutionnaires du XVIe siècle firent une Hollande laborieusement, au prix d'une guerre de plus d'un demi-siècle; et cette Hollande, une fois faite, achevée, vécut avec gloire deux siècles; si elle a péri, c'est qu'elle ne pouvait survivre seule à ce monde ancien dont elle faisait partie, et qui l'a entraînée avec lui.

L'Espagne n'obtint la paix qu'en sacrifiant les provinces restées fidèles; par le traité de Munster de 1648, elle céda à la Hollande tous les territoires dont elle avait besoin pour être maîtresse de l'Escaut, du Rhin et de la Meuse; il eût été contraire aux intérêts de la Hollande de posséder Anvers; c'eût été donner une rivale à Amsterdam 1; il fallait non s'associer Anvers, mais ruiner cette ville : l'Escaut fut fermé et le commerce des Indes interdit aux Belges.

1 On lit dans une note adressée, en 1785, par les États-Généraux à l'ambassadeur de Joseph II : « Les avantages qui résultent pour la Répu

Nos anciens souverains ont fait deux tentatives célèbres pour rendre une existence commerciale à la Belgique.

Par lettres-patentes du 19 décembre 1722, l'empereur Charles VI érigea une compagnie des Indes à Ostende; les Hollandais prétendirent que le commerce des Indes était interdit aux Belges par le traité de Munster de 1648; ils excitèrent l'Europe contre l'empereur, qui, après de longues résistances, fut obligé de retirer son ordonnance en 1731.

La deuxième tentative fut faite par Joseph II; ce prince ayant été assez heureux pour faire évacuer les places de la barrière, voulut obtenir l'ouverture de l'Escaut; la France, qui craignait la guerre, offrit sa médiation, et le traité conclu à Fontainebleau le 8 novembre 1785 consacra de nouveau la fermeture de l'Escaut. On peut voir, dans le deuxième volume des Causes célèbres du droit des gens de Martens, les détails de cette négociation; en les lisant, on sera conduit involontairement à de curieux rapprochements. L'on sait aussi que Joseph II avait pris à sa solde Linguet et la république, Mirabeau. On peut encore consulter avec fruit les mémoires de ces deux écrivains, dont l'un est presque oublié et dont l'autre ne serait pas immortel s'il avait toujours défendu une si mauvaise cause1.

L'ordre de choses fondé en 1648 n'a cessé qu'en 1793; un arrêté des représentants du peuple en mission en Belgique déclara l'Escaut libre. Ce que la monarchie autrichienne avait en vain demandé, la Convention l'effectua par deux de ses commissaires, et le principe proclamé en 93 par l'omnipotence révolutionnaire passa en 1815 dans la diplomatie monarchique.

C'est en vertu des traités de 1815 que la Conférence a, en décembre 1830, exigé l'ouverture de l'Escaut; le roi de Hollande se

blique des restrictions apportées au commerce de la Belgique avaient spécialement déterminé les États-Généraux, dans tous les temps, à ne pas faire valoir leurs prétentions sur les Pays-Bas autrichiens, comme ayant été unis anciennement à ces provinces. >>

1 Néanmoins, Mirabeau n'a pas défendu d'une manière absolue la fermeture de l'Escaut; il a admis la liberté du fleuve dans le cas de l'indépendance des provinces belges. Voyez t. 1, p. 375.

garda bien de reconnaître ces traités comme obligatoires; la réponse qu'il fit à la Conférence est très remarquable:

<< Considérant que l'Europe ne peut attendre des moyens d'un seul Etat, quelque glorieuses que soient ses annales, le retour au véritable système de non-intervention, basé sur le respect dû aux droits de chaque peuple, le Roi s'est déterminé à ne pas s'opposer à la force majeure, et à demeurer, pour le moment, spectateur de la navigation de l'Escaut par des bâtiments neutres ou appartenant aux ports belges sous la réserve et la protestation les plus formelles, tant par rapport à ladite navigation elle-même qu'aux droits que Sa Majesté a la faculté de lever sur les bâtiments qui naviguent sur l'Escaut; en conséquence, Sa Majesté a ordonné qu'à dater dudit jour, il sera sursis provisoirement à l'exécution des mesures adoptées à l'égard de la navigation de l'Escaut. »

Cette note du 25 janvier 1831, que la Conférence se crut obligée de restituer (protocole n° 13, du 27 janvier 1831) démontre que le gouvernement hollandais a entendu, dès le principe des négociations, appliquer le droit de postliminii de 1790 aux questions de navigation comme aux questions de limites; il l'a déclaré par la suite, dans son mémoire du 14 décembre 1831, en réponse aux vingt-quatre articles:

«Quant à la navigation de l'Escaut, le gouvernement des PaysBas n'a jamais eu l'intention de l'entraver, sinon lorsque la défense du royaume pendant la guerre le commanderait temporairement; et, bien que, par la séparation de la Hollande et de la Belgique, l'article 14 du traité de Munster ait repris vigueur, la Hollande considère la liberté de l'Escaut comme la conséquence immédiate d'un traité équitable de séparation. Elle est prête à s'engager à fixer les droits de pilotage de l'Escaut à un taux modéré et à veiller à la conservation des passes dudit fleuve, et elle ne se refusera pas à adopter provisoirement pour l'Escaut les tarifs de la convention du Rhin du 31 mars 1831. »

Il est à remarquer que la Conférence, qui avait restitué la note hollandaise du 25 janvier 1831, a, dans son mémoire du 4 janvier 1832, laissé sans réponse le passage que nous venons de citer du mémoire hollandais du 14 décembre 1831: prétérition dont la Hollande a su tirer parti.

Nous n'ignorons pas que même l'article 9 du traité du 15 novembre peut laisser quelque chose à désirer; toutefois, les intentions de la Conférence ne sont pas douteuses, et l'esprit de l'article même est facile à saisir.

La Conférence et la Hollande sont parties de deux principes opposés :

La Hollande en invoquant le postliminium de 1790 s'attribue la souveraineté exclusive de l'Escaut, et, comme conséquences, le pilotage, le balisage, la conservation des passes, la pêche, la fixation des droits de pilotage et de balisage. (Voir l'article 7 du projet du 30 juin.)

La Conférence, en se fondant sur le principe des traités de 1815, attribue à la Hollande et à la Belgique concurremment la souveraineté du fleuve; et, en conséquence, elle soumet le pilotage, le balisage, la conservation des passes à une surveillance commune, et déclare que les droits de pilotage seront fixés par une commission mixte, et que la pêche sera commune aux deux pays.

Dans le système hollandais, la participation de la Belgique à la navigation de l'Escaut est un acte de pure tolérance;

Dans le système de la Conférence, c'est un acte de co-souveraineté.

On voit par cet exposé que la différence entre les deux principes est immense; il n'y a pas de conciliation possible; il faut rester tout entier dans l'un ou l'autre système.

Les vingt-quatre articles du 15 octobre et le traité du 15 novembre ne font aucune mention de droits de péage sur l'Escaut, ou du moins n'y assujettissent pas formellement ce fleuve; de sorte que, dans la supposition même qu'il pût y avoir doute, comme tout doit se faire de commun accord, l'opinion négative de la Belgique eût suffi pour empêcher l'établissement d'un péage. La Hollande par son projet du 30 juin avait admis la nécessité d'un péage, en s'attribuant exclusivement le droit de le fixer et en adoptant provisoirement les tarifs de la convention de Mayence du 31 mars 1831; on a vu qu'elle avait déjà fait cette proposition dans son mémoire du 14 décembre 1831.

Les journaux viennent de nous apprendre que la Conférence a,

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