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dans son protocole no 67 du 10 juillet 1832, adopté cette dernière assimilation.

D'après des documents officiels, voici quelles seraient les conséquences de cette modification faite aux vingt-quatre articles:

« Le tarif de Mayence a été établi sur les bases de l'article 3 de l'acte du Congrès de Vienne, relatif à la navigation du Rhin, et dans la proportion de 2 francs en remontant et de 1 fr. 33 c. en descendant, par quintal de 50 kilogrammes, entre Strasbourg et la frontière hollandaise; ce qui revient à 66 2/3 francs par 1,000 kil., c'est à dire par tonneau.

Or, la distance entre Strasbourg et la frontière hollandaise est de 646,600 mètres ou 143 lieues; l'étendue de l'Escaut navigable est de 100,000 mètres, dont 80,000 en Hollande, 20,000 en Belgique; soit 15 lieues pour la première, 5 lieues pour la seconde. De sorte qu'en supposant que la Belgique renonçât à la perception des péages, dans l'intérêt du commerce national, chaque navire aurait toujours à payer à la Hollande 6 fr. 96 c. par 1,000 kilogrammes; ce qui ferait pour le petit caboteur de 100 tonneaux 696 francs, et pour les quatre ou cinq voyages qu'il fait ordinairement par an, 2,784 ou 3,450 francs; somme supérieure au bénéfice qu'il peut faire. >>

La Hollande, dans son projet du 30 juin et la Conférence, dans ses propositions du 10 juillet, ajoutent que les autres dispositions de la convention du 31 mars 1831 seront également adoptées, en tant qu'elles seront applicables à l'Escaut; ce qui ne peut s'entendre que des dispositions relatives à la visite.

De sorte que la navigation de l'Escaut serait assujettie au paiement de trois espèces de droits, savoir:

1° Droits de pilotage et de balisage fixés par la Hollande;

2o Droits de péage, conformément à la convention rhénane du 31 mars 1831;

3o Droits de visite.

Ajoutez à ces charges exorbitantes toutes les vexations que la jalousie hollandaise saura inventer; et voyez ce que serait la liberté de l'Escaut.

Nous terminerons en déclarant que, n'y eût-il de compromis que

la co-souveraineté de l'Escaut telle qu'elle est stipulée par les vingtquatre articles du 15 octobre et le traité du 15 novembre, ce ne serait méconnaître ni les intérêts actuels ni les vœux de nos ancêtres, que de maintenir ce grand résultat à tout prix.

(Mémorial belge, no 223, 27 juillet 1832.)

Résumé de la question de l'Escaut en 1832.

Des nombreuses questions que soulèvent nos différends avec la Hollande, aucune n'aura plus longtemps et plus vivement occupé l'attention publique que celle de l'Escaut; aucune n'aura été l'objet d'investigations aussi profondes et n'aura reçu d'aussi amples développements. Après une discussion aussi longue, aussi variée, il devient nécessaire, par la multiplicité même des notions et des raisonnements, de réduire la controverse à ses plus simples termes et d'en faire un résumé succinct.

Ce serait une erreur de croire que le péage est le seul point en litige; et même les articles de plusieurs journaux pourraient accréditer cette opinion. M. Smits lui-même, dans sa brochure', d'ailleurs remarquable, s'est presque exclusivement occupé du péage et n'a pas assez fait ressortir une autre difficulté non moins importante et qui, comme nous le prouverons, n'admet pas de transaction; nous voulons parler de la communauté du pilotage, de la police et de la pèche sur tout le cours du fleuve d'Anvers à la mer espèce de co-souveraineté formellement consacrée par le § 2 de l'article 9 du traité du 15 novembre.

L'embouchure de l'Escaut n'est pas géographiquement déterminée;les Hollandais l'ont placée à Flessingue, voulant ainsi s'assurer

1 Brochure sous forme de lettre, 32 pages in-8°. Anvers, 19 juillet 1832. Même en l'absence de tout péage, la navigation ne pourrait être considérée comme libre si, dans leur parcours, les navires étaient obligés ou exposés, pour un motif quelconque, à s'arrêter ou à se laisser visiter. A plus forte raison ne peut-on les capturer. (Note de la 4e édition).

le domaine du fleuve, du point où cesse le territoire belge et ne pas le faire participer aux franchises de la mer. Les Belges, au contraire, ont cherché à placer l'embouchure de l'Escaut à Lillo, assimilant, à partir de ce point, le fleuve à la mer. Et, en effet, l'Escaut ne doit pas son importance à ses propres eaux, mais aux eaux de la mer avec laquelle il se confond, même à Anvers. Bien différent des autres fleuves, il reçoit de la mer plus qu'il ne lui donne. La nature a donc fait à l'Escaut une position exceptionnelle, elle l'a placé elle-même hors du droit commun; c'est ce que la conférence a reconnu, et c'est ce qu'on n'a peut-être pas assez remarqué.

Elle commence par rappeler le droit commun:

Art. 9, § 1. « Les articles 108-117 inclusivement de l'acte général du Congrès de Vienne, relatifs à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliqués aux fleuves et rivières navigables qui séparent ou traversent à la fois le territoire belge et le territoire hollandais. >>

Si la Conférence s'était arrêtée là, la Hollande aurait pu reproduire la plupart de ses anciennes prétentions. Plaçant les bouches du fleuve à Flessingue, elle aurait donné à l'Escaut proprement dit en aval d'Anvers un cours de 22 lieues, dont 18 à travers son territoire et 4 à travers le territoire belge; en vertu du droit commun résultant des articles 108-117 du traité de Vienne, elle aurait revendiqué la souveraineté exclusive sur 18 lieues, s'attribuant et la police, et le pilotage, et la pêche, percevant des droits de navigation, d'embouchure même et exerçant une visite minutieuse. Qu'on le remarque bien, par rapport aux questions de navigation, le traité du 15 novembre nous est plus favorable que les bases de séparation formant l'annexe A du protocole du 27 janvier, nous est même plus favorable que les dix-huit articles préliminaires de paix du 26 juin 1831: le protocole du 27 janvier consacre l'application pure et simple des articles 108-117 de l'acte général du Congrès de Vienne; les dix-huit articles vont plus loin, en nous promettant les bons offices des puissances pour nous procurer la navigation des eaux intermédiaires entre l'Escaut et le Rhin; aujourd'hui la Hollande ne se refuse plus à l'application des articles 108-117, elle nous accorde même, jusqu'à un certain point, la navigation par les eaux intérieures; ce qu'elle

T. II.

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n'admet pas, c'est le § 2 de l'article 9 du traité du 15 novembre, paragraphe qui contient une dérogation au droit commun, une exception au § 1er.

«En ce qui concerne spécialement la navigation de l'Escaut, il sera convenu que le pilotage et le balisage, ainsi que la conservation des passes de l'Escaut, en aval d'Anvers, seront soumis à une surveillance

commune. »

Ce qu'il y a d'exorbitant dans l'article 9 est compensé par ce qu'il y a d'exorbitant dans l'article 12, lequel impose à un peuple une partie des dettes d'un autre peuple; le § 2 de l'article 9 nous coûtera 2,600,000 florins annuellement et à perpétuité1.

Les débats se résument donc en deux questions:

1o Le pilotage, le balisage, ainsi que la conservation des passes l'Escaut, sur tout le cours du fleuve à partir d'Anvers, seront-ils soumis à une surveillance commune?

2o Sera-t-il perçu d'autres droits que des droits de pilotage et de balisage?

Une réponse négative à la première question est la radiation du $2 de l'article 9 du traité.

Une réponse affirmative à la deuxième question consacrerait une extension à l'article 9 du traité.

Nous avons dit que la première question n'était pas susceptible de transaction; en effet, il n'y a pas de milieu: il faut ou conserver la communauté de la police fluviale ou attribuer exclusivement cette police à l'un ou à l'autre pays, en distinguant entre l'Escaut belge et l'Escaut hollandais.

1 Dans son mémoire du 4 janvier 1832, la Conférence avoue que la quotepart à assigner à la Belgique ne devrait s'élever qu'à une rente annuelle de 5,800,000 florins au lieu de 8,400,000 florins, donc 2,600,000 florins de moins. Voyez I, 258, n.

La quote-part imposée à la Belgique par l'article XII du traité du 15 novembre 1831 ayant été réduite à 5,000,000, il a encore été admis qu'il fallait considérer 400,000 florins au moins comme le prix des avantages de commerce et de navigation, laquelle rente, tenue en réserve comme gage par l'article 63, 1o, du traité de La Haye du 5 novembre 1842, a été capitalisée par le traité de Bruxelles du 17 janvier 1873.

(Note de la 4e édition.)

Si l'on a attaché plus d'importance à la question du péage qu'à celle de co-souveraineté, c'est que les questions d'argent sont plus que les questions de principe à la portée de tout le monde, que les premières frappent plus vivement le vulgaire.

La question du péage excite des appréhensions de deux genres.

D'abord, nous craignons l'élévation du droit; et notamment nous ne voulons pas de l'application, même provisoire, des tarifs de Mayence.

En second lieu, nous craignons la visite qu'entraîne toute perception de péage.

Nous ne soutenons pas que l'article 9 nous libère formellement de tout péage; mais cette libération résulte de l'ensemble du système sur lequel repose le traité du 15 novembre; nous nous sommes rachetés de tout péage en nous chargeant d'un surcroît de dettes1.

Si cette libération n'existait pas implicitement, si le principe du péage pouvait être admis, nos appréhensions, il faut bien l'avouer, ne paraîtraient pas invincibles; on chercherait à les vaincre en établissant un droit très minime, excessivement minime, et en adoptant un mode de perception qui pût dispenser de toute visite.

D'après des lettres d'Anvers, nous avons lieu de croire qu'il a été question d'un arrangement de ce genre; le consul anglais doit avoir récemment pris au nom de son gouvernement des renseignements sur le tonnage; le droit de péage serait remplacé par un droit de tonnage, lequel serait converti en une espèce de tribut annuel: par exemple, le tonnage peut être évalué par an à 150,000 tonneaux; en admettant un florin de droit par tonneau, la somme à payer annuellement soit par la ville d'Anvers seule, soit par la Belgique entière,

1 Par le traité du 19 avril 1839, la quote-part de la dette a été réduite, mais l'Escaut a été frappé d'un péage, lequel a été capitalisé en 1863 par le traité du 16 juillet, ce qui a valu à la Hollande 17,141,640 florins, indépendamment du capital de 18,800,000 francs payé en 1873 du chef de la rente annuelle de 400,000 florins. A l'occasion de l'une et de l'autre capitalisation, il a été déclaré que les avantages de navigation et de commerce assurés à la Belgique par les traités étaient maintenus.

Nous savons que cette note et la précédente sont des redites; mais il y a des choses qu'on ne peut assez répéter. (Note de la 4e édition.)

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