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té, s'y rendit à marches forcées ; et à peine arrivé à Sulhingen, passa, avec la régence de l'électorat, une convention qui le rendait maître d'Hanovre sans tirer l'épée. L'armée du duc de Cambridge, en vertu de cette capitulation, eut la faculté de se retirer derrière l'Elbe, avec les honneurs de la guerre, emmenant, à sa suite, ses pièces de campagne : malheureusement, le roi d'Angleterre ne voulut pas ratifier le traité de Sulhingen, et il en coûta à l'armée hanovrienne, pour n'être pas passée au fil de l'épée, ses armes et ses chevaux.

Tome. XII.

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EMPIRE.

Démarches faites

auprès des

Nous touchons à l'époque où le gouvernement républicain, cet étonnant mélange d'anarchie, de fureurs et de tyrannie, qui couvrit si long-temps la France d'échafauds, qui dévora la plupart de ses enfans, en même temps qu'il écrasait les ennemis de l'extérieur, va lui-même céder à la force des événemens et faire place à un nouvel ordre de choses. En vain le mot magique de liberté qui enfanta tant de prodiges, était encore dans toutes les bouches: un pouvoir secret et irrésistible ramenait lentement la nation vers les habitudes et le gouvernement monarchiques.

Bonaparte, cet homme que la reconnaissance de la France avait revêtu de la suprême Bourbons. magistrature, pressentant sa destinée, marchait dès-lors vers le pouvoir despotique. Il avait, avant la rupture de l'Angleterre, fait agir auprès des Bourbons, pour en obtenir une renonciation solennelle à leurs droits au trône de France. Ses négociateurs avaient offert en dédommagement de l'abdication, un établis

sement considérable en Italie pour le chef de cette auguste et malheureuse dynastie. Mais le sang de tant de rois qui coulait dans les veines de cette famille s'indigna d'une pareille proposition; les offres du consul furent repoussées; et Louis XVIII se contenta de faire cette réponse aussi modérée qu'héroïque : « Je << ne confonds pas M. Bonaparte avec ceux qui «< l'ont précédé. J'estime sa valeur, ses talens <«< militaires. Je lui sais gré de plusieurs actes << d'administration, car le bien qu'on fera à << mon peuple me sera toujours cher; mais il se << trompe s'il croit m'engager à transiger sur « mes droits. Loin de là, il les établirait lui«< même, s'ils pouvaient être litigieux, par la « démarche qu'il fait en ce moment. J'ignore <«< quels sont les desseins de Dieu sur ma race <«< et sur moi : mais je connais les obligations qu'il ma imposées par le rang où il lui a plu « de me faire naître. Chrétien, je remplirai «< ces obligations jusqu'à mon dernier soupir : « fils de saint Louis, je saurai à son exemple, << me respecter jusques dans les fers; succes<< seur de François I.er, je veux du moins dire «< comme lui: Nous avons tout perdu fors « l'honneur. »

«

Cependant, malgré ses progrès rapides vers la puissance absolue, Bonaparte n'ignorait pas qu'il était regardé, par un parti dangereux,

1804.

Meurtre

d'Enghien.

comme un nouveau général Monck, et qu'à ce titre il inspirait autant de défiance que de haine aux jacobins, qui redoutaient plus que tout le retour à l'ancien ordre de choses; il crut sans doute qu'il n'avait d'autre moyen de se mettre à l'abri du caractère remuant et de l'esprit essentiellement conspirateur des démagogues, que de lier leur cause à la sienne et de fondre leurs intérêts dans les siens. Pour garantie de sa foi ét de ses intentions, il se décida alors à leur offrir un grand crime qui consterna la France et épouvanta l'Europe. Le sang d'un Bourbon fut destiné à cimenter cette horrible alliance.

Le jeune duc d'Enghien, digne rejeton du du duc grand Condé, après s'être placé au rang des héros, en combattant dans les armées de la coalition pour recouvrer l'héritage de ses ancêtres, s'était retiré à Ettenheim, où il vivait dans la plus grande sécurité, et absolument étranger à tous les débats politiques de l'Europe. Au mois de mars 1804, des émissaires envoyés de Paris, entrent tout-à-coup dans le Brisgaw, violent un territoire neutre, cernent au milieu de la nuit la maison du prince; et repartent avec rapidité aussitôt qu'ils se sont assurés de leur proie. Arrivé à Vincennes après un voyage précipité, le prince trouve à peine le temps de prendre quelques instans de re

pos: on l'arrache au sommeil à onze heures du soir pour le conduire devant une commission militaire chargée de le juger. Là, il est accusé d'avoir porté les armes contre son pays, et bientôt après, condamné à mort. En descendant dans les fossés du château, le prince demande avec inquiétude s'il est destiné à être enseveli tout vivant dans un cachot; mais éclairé ensuite sur son sort, il s'écrie avec joie: Grace au ciel, je mourrai de la mort d'un soldat! On attache une lanterne sur sa poitrine pour le faire distinguer aux militaires placés à huit pas de lui; le prince alors donne luimême le signal, et le petit-fils du grand Condé avait cessé d'exister.

Malgré la faveur générale dont jouissait Bonaparte à cette époque, l'opinion publique fit justice de cet attentat. Les détails de cette horrible affaire qui circulaient dans le public, augmentaient encore l'horreur qu'elle inspirait. On disait qu'une partie de son conseil voulait qu'on épargnât les jours du prince. L'épouse du consul s'était elle-même jetée à ses pieds pour arracher une grace que la justice et l'humanité n'avaient pu lui faire accorder. On ajoutait même que les juges, hésitant entre le cri de leur conscience et l'embarras de leur position, n'avaient prononcé l'arrêt fatal qu'après avoir vu écrit de la main même de

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