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suite il demanda un confesseur, avec lequel il passa la nuit. S'étant mis au lit, il dormit paisiblement, et se leva le 21 à six heures du matin. Il entendit la messe à sept heures, et communia. A huit heures, appelant Cléri, son valet de chambre, il lui remit un anneau d'alliance, sur lequel étaient gravées l'époque de son mariage et des lettres initiales du nom de la reine. En même temps, il lui confia un petit cachet en argent aux armes de France. « Vous remettrez, lui dit-il, l'anneau à ma femme, et vous lui direz que, si je ne l'ai pas << fait descendre comme je le lui avais promis « hier, c'est pour éviter le cruel moment de la « séparation. Je légue ce cachét à mon fils. Vers les neuf heures, on vint l'avertir qu'une voiture l'attendait. Il descendit avec fermeté, et pria le prêtre Jacques Roux, qui l'accompagnait en qualité de commissaire de la conmune, de recevoir son testament qu'il avait fait dès le 25 décembre précédent. Sur son refus de le recevoir, il le remit à un autre commissaire. Après avoir traversé à pied la première cour du Temple, il monta dans la voiture du maire de Paris, où se placèrent avec lui son confesseur et trois officiers de gendarmerie. Il fut près de deux heures en chemin, s'entretenant avec son confesseur, et répétant les prières des agonisans. Deux rangs de sol

Son

dats sur quatre de front, bordaient sans intervalle toute la route depuis le Temple jusqu'à la place de Louis XV nommée alors place de la révolution, où était dressé l'échafaud.

Arrivé à cet endroit fatal, il descendit de exécution. voiture avec calme. Monté sur l'échafaud, il dit d'une voix haute et ferme : « Français, je << meurs innocent; je pardonne à mes ennemis; «< j'espère même que l'effusion de mon sang << contribuera au bonheur de la France...... >> Le roulement des tambours environnans empêcha d'en pouvoir entendre davantage. Il ôta lui-même son habit, défit sa cravatte, et se présenta sans crainte à la mort. Aussitôt les exécuteurs l'attachèrent sur le fatal instrument, et sa tête tomba. Elle fut montrée aux soldats qui faisaient un cercle autour de l'échafaud. Quelques-uns crièrent: vive la nation! vive la République! Son corps fut ensuite mis, couvert de chaux vive, sans cercueil, dans une grande fosse du cimetière de l'église de la Madelaine de la ville-l'Evêque. Ainsi périt Louis XVI, à l'âge de trente-huit ans, quatre mois et vingt-huit jours.

CONVENTION NATIONALE.

L'ATTENTAT d'une faction ennemie de toute

1793.

Règne

orageux

tion depuis

espèce de gouvernement n'était cependant pas de celui de la France: la terreur et les poignards la convendont les députés furent entourés, avaient, plus la mort de que tout le reste, assuré la victoire des anar- Louis XVI. chistes; aussi la masse de la nation fut-elle toujours regardée comme pure de ce grand

crime.

On s'en aperçut assez, le 22 janvier, à la stupeur profonde de la capitale. Cinq cents mille hommes de cette ville immense doutaient encore de la fin tragique de leur roi, lorsque, depuis vingt heures il n'existait plus. On allait à la place de la Révolution demander des nouvelles de cette grande victime, à ceux des sentinelles que leur douleur muette permettait d'interroger; on se faisait lire les papiers publics, qu'une consternation concentrée empêchait de parcourir soi-même; on écoutait, avec une sorte de transport, les fables que la crédulité propageait sur l'évasion de Louis XVI. Enfin, le soir du 22, une vérité terrible se

Mort

funèbre de Saint

Fargeau.

fit entendre par- tout, et la terreur rallia les dissidens sous les drapeaux de la république.

La convention, toujours gouvernée par ses agitateurs (car on assure que sa masse, du moins par le mouvement intérieur de sa conscience, était pure), montra la plus grande indifférence pour les suites de cet événement, si tristement mémorable. Elle passa à l'ordre du jour sur la prière du dernier roi, de le laisser inhumer à Sens, près du tombeau de son père; elle refusa même d'entendre le procès-verbal de son exécution. D'un autre côté, pour faire une adroite diversion à la douleur publique, elle décréta qu'on célébrerait avec la plus grande solennité une pompe funèbre en l'honneur de le Pelletier de Saint-Fargeau, assassiné la veille, pour avoir voté la mort de Louis XVI.

Ce Saint-Fargeau, un des membres de l'anet pompe cien parlement, qui siégeait avec les représentans provocateurs de sa destruction, était dans l'usage, en sortant de la convention d'aller diner chez un restaurateur du PalaisRoyal; un ancien garde -du-corps, du nom de Pâris, lui demanda son opinion sur le jugement du roi : J'ai voté sa mort avec douleur, dit le magistrat; mais j'ai suivi le cri de ma conscience, L'assassin répondit alors avec

impétuosité, qu'il en allait recevoir le prix, et lui plongea son coutelas dans le sein. Au bout de quelques heures, le martyr de la démagogie n'était plus.

Un des orateurs du parti dominant représenta à la convention que ce n'était pas SaintFargeau, mais la souveraineté du peuple, qu'on venait d'assassiner; il ajouta que, puisque Mirabeau, mort de ses vices, avait été porté au Panthéon, Saint-Fargeau, mort de ses vertus, devait partager la même apothéose.

La convention céda à ce mouvement oratoire, et statua, à la presque unanimité, que la cendre du martyr des principes républicains serait déposée au Panthéon.

Les funérailles de Saint-Fargeau, tué de la main de Pâris, se firent avec plus de pompe que celles de Henri IV, assassiné par Ravaillac. Tout ce qui tenait au gouvernement, cédant à une politique impérieuse, fut obligé d'y assister, avec les marques d'une douleur apparente, pour ne point exposer sa tête. David paya son tribut avec son pinceau; un tableau, peint avec la plus grande vérité, représenta Saint-Fargeau étendu sur son lit de mort, avec la couronne de l'immortalité.

Quelques jours après, Pâris, qui avait espéré opérer un grand mouvement en égorgeant un homme marquant parmi les enthousiastes du

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