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urineux, stercoraux, biliaires, tubercu leux, lacrymaux, salivaires, etc. Dans tous ces cas, la matière qui donne le nom, à l'abcès est la cause de sa formation, et se trouve mêlée au pus.

Enfin, la marche rapide ou lente des abcès a donné lieu à une dernière division: ils sont aigus ou chroniques; chauds, ou froids. Ces derniers sont eux-mêmés subdivisés en idiopathiques et symptomatiques ou abcès par congestion.

Les abcès aigus ou chauds se forment sous l'influence d'une inflammation intense, et dans le lieu même de l'inflammation. Les abcès froids, au contraire, se développent sourdement, lentement, et presque sans douleur, chez des sujets bien portants en apparence, mais à constitution flasque, lymphatique, souvent scrofuleuse, ou bien ex. posés à des travaux rudes et à des causes sans cesse renaissantes d'insalubrité.

Les bornes de cet article ne nous permettent point de nous étendre davantage ; nous nous bornerons donc à dire du traitement, qu'il doit varier selon la nature et le siége de l'abcès. Il est toutefois un principe dont il ne faut pas se départir : c'est de donner, autant que possible, issue au pus dès qu'il est formé. Dans les cas d'étranglement, dans le panaris, par exemple, il ne faut même point attendre cette formation. Quant aux moyens généraux, ce sont les antiphlogistiques dans les abcès chauds; les médications spéciales dans la plupart des abcès froids idiopathiques. Dans les abcès par congestion, on devra, avant tout, s'occuper de remédier aux désordres du tissu osseux. A. DUPONCHEL. ABCISSE. Voyez COORDONNÉES et COURBES. ABDÈRE, "A6ồŋpa, tà, ancienne ville maritime de la Thrace, située dans le pays des Bistons, un peu à l'est de l'embouchure du Nestus, et presque en face de l'île de Thasos.

« Les habitants de Téos furent, dit Hérodote, avec les Phocéens, les seuls d'entre les Joniens qui préférèrent la liberté au sol de la patrie. Quand ils virent Harpagus maître de leurs murailles, ils s'embarquèrent tous, et allèrent dans la Thrace fonder la colonie d'Abdère. Cette ville existait déjà; elle avait été bâtie par Timésius de Clazomène. Mais cet homme n'avait retiré aucun fruit de son établissement: il en avait été chassé par les Thraces. Les Téïens qui habitent Abdère l'honorent aujourd'hui comme un héros (1). »

Le même historien nous apprend que les Phocéens ne persistèrent pas tous dans leur généreuse résolution, et que leur flotte n'était pas encore arrivée en vue de la Corse, que plus de la moitié d'entre eux, atteints du mal du pays, retournaient la proue de leurs (1) Herodot. I, 168, 160.

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vaisseaux et faisaient voile vers l'Asie (1). Suivant Strabon (2), il en fut de même des Téïens, dont une partie revinrent également habiter la métropole. Aussi bien, malgré le proverbe auquel leur émigration avait donné lieu (3), ils avaient peu gagné à quitter les rivages de l'Ionie. Les Perses ne tardèrent pas à passer en Europe. Xerxès, en traversant la Thrace, choisit Abdère pour une de ses étapes, et les émigrés de Téos, faisant sans doute contre fortune bon cœur, accueillirent le grand roi avec une généreuse hospitalité. Mais cet honneur leur coûta cher à peine Xerxès avait-il quitté leurs murs, qu'un citoyen, nommé Mégacréon, présenta dans l'assemblée du peuple un décret portant que tous, hommes et femmes, se rendraient immédiatement dans les temples, pour supplier les dieux de leur épargner à l'avenir la moitié des maux dont ils étaient menacés, et leur rendre, pour le passé, de solennelles actions de grâces, de ce que l'hôte illustre qu'ils venaient de recevoir, n'avait pas l'habitude de faire par jour deux repas; car s'il avait fallu lui offrir un déjeuner semblable au diner qu'il avait pris, ils se seraient trouvés dans la dure alternative ou de fuir de nouveau devant les Perses, ou de se voir entièrement ruinés (4). Quoi qu'il en soit, Xerxès, à son retour, s'arrêta encore chez les Abdéritains, et cette fois il leur laissa, comme gage d'hospitalité, un cimeterre d'or et une tiare tissue de fils de même métal (5).

L'histoire ne fait plus ensuite mention des Abdéritains, qu'à de rares intervalles. Dans la 1 année de la 96° olympiade (396 av. J. C.), Trasybule, après avoir soumis les Thasiens, s'approcha d'Abdère, avec quinze vaisseaux, et la força d'embrasser l'alliance des Athéniens; c'était alors une des villes les plus puissantes de la Thrace (6).

La 1re année de la 101 olympiade, les Triballes vinrent ravager son territoire; ses habitants allèrent en bon ordre à leur rencontre, tombèrent sur eux à l'improviste, et en firent un grand carnage. Mais ce succès fut suivi d'un cruel revers: les barbares revinrent bientôt plus nombreux; les Abdéritains avaient appelé les Thraces à leur secours; ceux-ci passèrent à l'ennemi au moment du combat, et les Abdéritains, entourés, furent presque tous taillés en pièces. Les Triballes s'approchèrent aussitôt de la ville, et elle eût été dans l'impossibilité de leur résister, si les Athéniens, avertis à temps, n'étaient arrivés avec des forces (1) Id. I, 165.

(2) XIV, p. 644.

(3) ̓Αβδηρα, καλὴ Τηίων ἀποικία, Strab.,

1bid.

(4) Herodot, VII, 120.

(5) Id., VIII, 120.

(6) Diod. Sic. XII, 72.

imposantes, qui les forcèrent de se retirer (1). Abdère fut, en 317 av. J. C., abandonnée par une partie de sa population, à cause des rats et des grenouilles qui, y pullulant d'une manière extraordinaire, en rendaient le séjour insupportable; et Cassandre, qui régnait alors en Macédoine, donna aux émigrants des terres sur les frontières septentrionales de ce pays (2).

Enfin, le dernier roi de Macédoine, Persée, voulant punir les Abdéritains des réclamations qu'ils lui avaient adressées au sujet de l'énormité des impôts dont il les accablait, vint les attaquer à l'improviste, et saccagea entièrement leur ville (3); mais, bientôt après, Paul Émile, vainqueur de ce prince, leur donna les priviléges des villes libres (4), priviléges qu'ils conservaient encore au temps de Pline (5). Le nom moderne d'Abdère, Polystilo, indique l'importance que conservèrent long. temps les ruines de la ville antique; cependant, des nombreux édifices qu'elle devait posséder, deux seulement sont mentionnés par les auteurs un temple de Jason (6) et une tour nommée par Méla (7) la tour de Diomède. On possède de cette ville un assez grand nombre de médailles, dont les types ordinaires sont un griffon et un cantare. Ainsi que les Marseillais, les Abdéritains dévouaient, au commencement de chaque année, un homme qu'ils tuaient ensuite à coups de pierres, pour le salut commun (8).

Le Nestus, qui changeait quelquefois de lit, et inondait souvent ses rives (9), formait près de son embouchure de vastes marais. Les anciens attribuaient aux exhalaisons de ces marais le peu d'intelligence des habitants d'Abdère, dont la stupidité était en effet devenue proverbiale (10); cette ville avait cependant donné naissance à plusieurs personnages célè bres Démocrite, Protagoras, Anaxarque, Hécatée.

Sur l'origine fabuleuse d'Abdère, d'après les légendes mythologiques, voy. Apollodore, II, 5, 8; Étienne de Byzance, au mot "A6ônpa; Mela, II, 2; Solin, 10; Epitom. Strab., VII, 333, etc. Voy. dans Lucien, quomodo Hist. sit conscrib., 1, une anecdote plaisante sur les Abdéritains.

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voir; des citoyens peuvent seuls abdiquer leur patric. L'abandon des suprêmes magis. tratures se nomme abdication lorsqu'il est volontaire, déposition lorsqu'il est forcé. Si un citoyen renonce volontairement à sa patrie, il l'abdique; s'il fuit pour se soustraire à des lois tyranniques, il émigre; s'il émigre au moment où le pays peut avoir besoin de ses secours, il déserte; s'il va se réunir aux étrangers contre la liberté de ses compatriotes, il devient ennemi. Coriolan, le counéta. ble de Bourbon, et tous les émigrés qui leur ressemblent, sont des transfuges. L'abandon du pays peut être forcé. Il prend le nom d'exil lorsqu'il est temporaire et que la tyrannie s'arrête aux frontières: Athènes, Rome, toutes les républiques ont connu l'ostracisme; aucune n'a poursuivi l'exilé dans le lieu qu'il avait choisi pour refuge. Il prend le nom de bannissement lorsque le lien d'exil est désigné et qu'un pouvoir arbitraire y surveille et tourmente ses victimes; c'est ainsi que l'aristocratie de Venise exilait ses ennemis. Si la puissance qui bannit n'est pas dans 1. loi, ou si la loi est l'ouvrage d'une faction, le bannissement prend le nom odieux de proscription. Ce genre d'exil convient admirablement aux ambitieux qui veulent usurper le trône, ou aux tyrans qui veulent en étendre les prérogatives; c'est celui qu'ont choisi Pisistrate, Sylla, les triumvirs, Tibère, et leurs innombrables imitateurs.

Le contrat qui lie le citoyen et la cité est synallagmatique : si le contrat est violé par la cité, le citoyen l'abdique; s'il est violé par le citoyen, la cité l'exile. Le Romain qui répudiait la république renonçait aux priviléges attachés au titre de citoyen; lorsque Rome répudiait un de ses enfants, elle lui interdisait l'eau et le feu sur tout son territoire. La chétive république de Genève priva J.-J. Rousseau de ses droits de cité; l'immortel philosophe abdiqua son ingrate patrie, et la priva par son absence d'une grande illustration.

Dans les pays qui admettent l'esclavage ou la servitude de la glèbe, le citoyen peut abdiquer sa liberté et devenir esclave volontaire, contrat illégal dont les Hébreux avaient adouci l'infamie en fixant la durée de ses effets. Certains États ont établi la puissance paternelle sur le modèle du despotisme, afin d'établir la puissance royale sur le type de la puissance paternelle. Alors le père peut abdiquer son fils; cette abdication déshérite comme l'exliérédation, et de plus elle peut exclure l'enfant de sa propre famille.

Le contrat qui lie le peuple et le monarque est aussi synallagmatique; et lorsqu'il est violé, il y a entre l'abdication et la déposition une corrélation naturelle et nécessaire C'est ainsi qu'à Venise le sénat décida que les en

gagements entre le peuple et le prince étaient réciproques, et que le doge Cornaro ne pou vait abdiquer, par la seule raison que le doge Malipiero avait fait décider que le prince ne pouvait être déposé. Toutefois peu d'abdications furent un acte de vertu, peu de princes eurent le courage de s'exiler volontairement du trône et de congédier leurs flatteurs. Peu de peuples aussi eurent la force de déposer la tyrannie et de revendiquer la liberté. Quelques philosophes, ne considérant que les devoirs de la royauté, ont dit qu'abdiquer c'était déserter: les princes, en général, semblent partager cet avis et borner leurs soins à vivre longuement et à mourir en paix à leur poste. Ceux qui n'ont envisagé que les droits du pouvoir prodiguent l'éloge aux rois qui s'en dépouillent; ceux-là ne tiennent aucun compte des circonstances qui précèdent l'abdication; ils ne voient pas que la main qui | laisse échapper le sceptre n'est plus assez forte pour le porter, et que c'est la peur de tomber du trône qui donne le courage d'en descendre.

Pour abdiquer sans crainte et sans faste, il faut être plus qu'un roi, il faut être un grand homme. Pittacus abdique la souveraineté de Mitylène, « effrayé de voir Périandre devenir << le tyran de Corinthe, après en avoir été le père. » Sylla, dont le bonheur insulte à la Providence, abdique sans peur et s'endort sur son épée brisée dans le sang qu'il a versé.

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Les autres abdications sont l'ouvrage de la nécessité ou de la faiblesse. Dioclétien céda le trône aux manœuvres de Galère, et s'il mérita des louanges, c'est moins pour avoir quitté l'empire que pour ne l'avoir pas regretté. Charles-Quint, lassé par la prospérité de ses ennemis, abdiqua son pouvoir (1556) avec une fastueuse indifférence qui se démentit biendisait le tôt : « Il y a aujourd'hui un an, «< cardinal de Granville, que l'empereur abdi. « qua, » « Il y a aujourd'hui un an qu'il s'en repent,» répondit Philippe II. Cette réponse est le mot de l'énigme de toutes les abdications. On peut l'appliquer à Christine (1654): à peine descendue du trône, elle le regrette; elle redemande celui de Suède; elle convoite celui de Pologne, et l'assassinat de Monaldeschi dans le palais de Fontainebleau prouve qu'elle conservait encore quelques-unes des habitudes du pouvoir.

On prétend que le soin de leur sûreté personnelle interdit l'abdication aux usurpateurs; on cite le mot de Périandre aux Corinthiens qui le pressaient de quitter le trône : « Il est « aussi dangereux pour un tyran d'en descendre « que d'en tomber; » et la réponse apocryphe de Cromwel à sa femme qui le sollicitait d'abPuisque diquer en faveur de Charles II: « • Stuart veut oublier ce que j'ai fait à son père,

il n'est pas digne de la couronne qu'il me de<< mande. » Dans de pareilles conjonctures, quel monarque est assez insensé pour se déterminer sous la sauvegarde de quelques exemples trompeurs? Il faut consulter la nature des temps et l'esprit des peuples: lorsque la civilisation est avancée, le prince qui abdique de bonne foi n'a rien à craindre de celui qui lui succède. Le péril ne vient pas de l'abdication, mais du regret d'avoir quitté le pouvoir, et des trames qu'on peut ourdir pour s'en emparer de nouveau. Malgré les craintes et les vengeances qui accompagnent ordinairement les restaurations, Richard Cromwel mourut en paix dans sa patrie. Les princes légitimes courent dans les pays barbares plus de risques que les usurpateurs chez les peuples civilisés : l'abdication de Pierre III (1762) fut son arrêt de mort, et Paul Ier périt pour n'avoir pas voulu abdiquer (1801).

L'abdication n'est donc que l'abandon du pouvoir qu'on ne peut plus conserver; c'est ainsi qu'Auguste abdiqua le trône de Pologne sous l'épée de Charles XII (1705), et qu'il y remonta après la défaite de son ennemi à Pultawa (1709). C'est quelquefois une vaine cérémonie; Stanislas Leczinski, abdiquant deux fois une couronne qui ne s'était jamais reposée sur sa tête, en offre un exemple.

Les mots qu'emploie la politique ressemblent à la monnaie; leur valeur est convenue et non intrinsèque. On appelle abdication la fuite de Jacques II, chassé d'Angleterre par le peuple; Gustave IV abdiqua, le 14 mars 1809, le trône de Suède : il avait été déposé le 13. [Charles X n'était plus roi non plus, lorsqu'il renonça à la couronne en faveur de son petit-fils.] Ce mot pompeux d'abdication n'est qu'un voile apparent couvrant une nécessité cachée de descendre du trône. Il est vrai que dans les pays livrés à la superstition, la peur de l'enfer peut l'emporter sur l'ardeur de régner: Philippe V (1724) et Amurath II (1442) quittèrent le pouvoir pour vivre avec des moines et des derviches; mais bientôt le dégoût des derviches et des moines les replaça sur le trône.

Cependant, l'avant-dernier siècle nous a transmis l'exemple d'une abdication véritable et solennelle. Sous prétexte d'ôter à ses rois le pouvoir d'opprimer la liberté, l'anarchique aristocratie de Pologne leur avait enlevé la puissance de défendre le territoire. Casimir V, ne pouvant lutter ni contre les ennemis extérieurs, ni contre les factions intérieures, convoque une diète, fait aux palatins un tableau véhément des dissensions qui ruinent le pays: « Le Moscovite, leur dit-il, envahira <«< la Lithuanie,la Prusse s'emparera de la grande Pologne, et je crois déjà voir l'Autriche dans « Cracovie.» Après cette prophétique apostro

phe, il dépose les insignes de la royauté (1667). Louis, roi de Hollande, abdiqua une couronne soutenue sur sa tête par la puissance, alors colossale, de l'empereur Napoléon, par la seule raison que son frère ne lui laissait pas le pou. voir de faire le bonheur des Hollandais. [Depuis, on a vu un autre roi de Hollande, Guillaume Ier, renoncer aussi au pouvoir, afin de passer dans le repos de la vie privée les dernières années d'une carrière longtemps agitée par les plus graves événements.] Le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel V, n'aimant pas assez la liberté pour donner une constitution à ses peuples, n'aimant pas assez le pouvoir absolu pour le raffermir par d'arbitraires atrocités, abdique le trône et le livre à son frère (1821).

Ces exemples exceptés, l'abdication n'est que l'avant-scène d'une déposition ; et les prin ces n'acceptent la première que pour éviter la seconde. La politique et l'histoire devraient renoncer à ces éloges menteurs prodigués à l'abandon d'une puissance qu'on ne peut plus conserver. Le siècle a montré trop à nu le positif de la royauté, pour qu'à l'avenir les hommes se laissent séduire par ce qu'elle avait d'idéal et de merveilleux. Les abdications de Pierre III, de Charles IV, de Ferdinand VII, de Gustave IV, de Victor-Emmanuel V, de Napoléon, de Louis, de Joseph, de Joachim, parlent plus vivement aux yeux que les mensonges des publicistes. Durant vingt ans, le plus obscur citoyen ne pouvait ouvrir sa fenêtre sans voir l'empire, la royauté, la papauté dans la rue; et le temps ne pourra peutêtre replacer ces grands pouvoirs politiques dans la région mystérieuse d'où la révolution française les a fait descendre.

Les publicistes distinguent l'abdication de la résignation, acte par lequel le prince qui abdique investit de la royauté le successeur qu'il désigne. Napoléon, abandonné par la France, dont il avait opprimé la liberté, par des amis ingrats qu'il avait comblés d'honneurs et de richesses, par la fortune, lassée de sa longue prospérité, Napoléon abdique en 1814, et laisse le trône vacant; il résigne en 1815, et transmet la couronne à son fils. Toutefois la distinction des publicistes n'est pas heureuse : car si l'empire est électif, le prince, par son abdication, rend la souveraineté à la nation dont elle émane, et le successeur règne non par la force de la résignation, mais en vertu d'une élection nouvelle; si l'empire est héréditaire, le monarque ne peut abdiquer ou résigner qu'en faveur de son successeur légitime, puisque les droits n'appartiennent pas à la personne, mais à la race, et que le prince régnant n'en est que le dépositaire. Toutefois, dans les monarchies héréditaires, l'ordre naturel a été quelquefois interverti;

c'est ainsi que, par son abdication, Alphonse, roi de Léon, appela au trône son frère Ramire, au préjudice de son propre fils Ordogno. Au surplus, ce sont là des questions de force et non de droit, elles se décident par le glaive et non par l'équité; et les publicistes qui les ont traitées, ou prennent le fait pour le droit, ou décident par des lois civiles ces grands actes politiques. Pour prendre encore Napoléon pour exemple, ce n'est pas sur deux feuilles de papier, c'est dans la retraite de Moscow que se trouve l'abdication de 1814, c'est dans le désastre de Waterloo que fut écrite la résignation de 1815; et pour connaître quels devaient être les effets de ces deux renonciations, ce ne sont pas les actes écrits qu'il faut consulter, mais les résultats inévitables de ces deux grandes catastrophes militaires.

Les publicistes n'ont pas oublié les formes possibles et les conditions ordinaires de l'abdication. Ils eussent mieux fait de dire que la forme en est indifférente; Christine abdique au milieu du sénat; Dioclétien, devant son armée; Napoléon, par un acte authentique; Stanislas, par une lettre particulière; Jacques II, par sa fuite; Henri de Valois, en désertant la Pologne. Si l'abdication pouvait être véritablement volontaire, les conditions de cet acte seraient d'un haut intérêt : elles sont ou personnelles ou politiques. Le prince qui descend du trône craint toujours de se trouver seul à seul avec la vertu; la liberté des citoyens ne lu suffit point; il ne veut pas lutter par lui-même avec les difficultés de la vie. Ne pouvant plus commander, il ne vent pas obéir, et il s'entoure d'un vain simulacre de grandeur, pour que la vérité ne puisse pénétrer jusqu'à lui et lui reprocher ses fautes ou ses crimes. Il demande, et on lui accorde le titre de majesté, une fortune au-dessus de celle des citoyens et quelques flatteurs subalternes; c'est dans un nuage d'encens qu'on ensevelit ces idoles brisées. On prétend que, pour être valables, les con ditions doivent être approuvées par l'autorité qui reçoit l'abdication; mais le sénat de Suède viola toutes les promesses qu'il avait faites à Christine, et Charles-Emmanuel, oubliant qu'il devait le jour et le trône à Victor-Amédée II, fit arrêter son vieux père, le laissa languir dans le château de Rivoli, et l'envoya mourir dans les prisons de Moncalier. Les conditions politiques sont encore moins sacrées; cela doit être ainsi : l'abdication est une véritable mort politique, et cet acte ressemble aux testaments des rois : on sait comment celui de Louis XIV fut cassé par le parlement de Paris.

Sur toutes ces questions l'erreur des publi cistes provient de ce qu'ils ont considéré l'abdication comme un contrat civil, et qu'ils l'ont soumise aux mêmes règles. Ils n'ont pas vu

que les tribunaux sont institués pour garantir la foi des actes ordinaires, tandis que le prince régnant est l'unique arbitre du traité qu'il fait avec le prince déchu; qu'il n'y a pas dans l'État de commun modérateur, de juge suprême entre eux; qu'il est par conséquent oiseux de poser les conditions d'un contrat dont aucune puissance ne peut ordonner l'exécution, et qui, par la force des choses, est complétement livré à la loyauté ou au caprice du monarque qui, héritant du pouvoir, décide seul et souverainement entre ses propres intérêts et un roi délaissé dont il n'a plus rien à espérer ni à craindre. J.-P. PAGÈS.

ABDOMEN. (Anatomie.) La plus grande des trois cavités splanchniques, ainsi nommée du latin abdere, cacher, parce qu'elle renferme, qu'elle cache les viscères principaux, ou, suivant quelques auteurs, parce que ses parois, que les sacrificateurs ouvraient pour consulter les entrailles de la victime, cachaient le présage, omen.

L'abdomen, vulgairement appelé ventre, a une forme oblongue, son axe est parallèle à celui du tronc, il est borné en haut par le diaphragme qui le sépare de la poitrine, en bas par les parois du bassin, en arrière par les lombes, sur les côtés et en avant par plusieurs plans de muscles larges qué réunit sur la ligne médiane un raphé fibreux nommé la ligne blanche.

Les principaux muscles de l'abdomen sont le grand oblique, le petit oblique et le transverse, qui forment ses parois latérales et dont la saillie au-dessus de la crête iliaque est si remarquable dans les statues antiques. La paroi antérieure est renforcée par les muscles droits qui s'étendent du sternum au pubis et sont croisés obliquement à leur partie inférieure par les muscles pyramidaux, rudimentaires chez l'homme. La paroi postérieure de l'abdomen présente la masse des muscles sacro-lombaires, les psoas et les iliaques; mais les muscles de cette région et une partie de ceux du bassin n'ont aucun rapport de fonctions avec les organes abdominaux. Voy. PÉRINÉE.

Si l'on suppose, le corps étant dans la station, deux plans verticaux qui divisent la paroi antérieure et la cavité de l'abdomen en trois parties égales et deux plans horizontaux qui les divisent de même transversalement, on aura neuf cavités correspondantes à des régions de l'abdomen. Ce sont au milieu et de haut en bas, l'épigastre, la région ombilicale et l'hypogastre; sur les côtés les hypocondres, les flancs, et les fosses iliaques internes. En suivant la ligne courbe qui circonscrit en bas la paroi antérieure de l'abdomen, on trouve de chaque côté l'aine ou région inguinale; en arrière sont les régions

lombaires et sacrée, qui correspondent aux vertèbres lombaires et au sacrum.

Cette division imaginaire par plans peut, toute grossière qu'elle est, donner une idée des régions qui ne sont pas rigoureusement limitées dans la nature. A sa partie supérieure, l'abdomen se termine par la double voussure du diaphragme, qui prend ses points d'attache à la base du thorax, et fait saillie dans cette cavité, à peu près comme une portion de sphère dans un cône.

La double concavité du diaphragme forme les hypocondres (de ὑπὸ et de χόνδρος), qui s'enfoncent, comme leur nom l'indique, sous les cartilages des fausses côtes et renferment à gauche une grande partie de l'estomac, à droite le foie.

L'abdomen et la poitrine se trouvent donc comme emboités dans une partie de leur étendue, en sorte que si l'on fait sur le cadavre une série de coupes transversales depuis le haut de l'appendice xyphoïde jusqu'au dernier espace intercostal, toutes ces coupes passent à la fois par la poitrine et par l'abdomen. Outre l'estomac et le foie, l'abdomen renferme encore le pancréas, la rate, le canal intestinal, les reins, les urétères et la vessie, les vésicules séminales chez l'homme, l'utérus et ses 1

annexes chez la femme.

La cavité abdominale est tapissée par une membrane séreuse (v. PÉRITOINE) qui revêt, totalement ou en partie, les organes abdominaux. Dans sa région postérieure, cette cavité est parcourue à droite par la veine cave, à gauche par l'aorte, qui, après avoir fourni des vaisseaux nombreux aux différents organes, vient se diviser à l'angle sacro-vertébral, et former les artères iliaques primitives et la sacrée moyenne.

Le nerf grand sympathique répand ses ramifications nombreuses dans l'abdomen, dont les parois reçoivent presque tous leurs nerfs des six dernières paires dorsales. Les vaisseaux les plus importants de ces parois sont l'artère mammaire interne, qui descend derrière le muscle droit, et l'épigastrique, qui monte obliquement de l'iliaque externe, passe dans le voisinage de l'anneau inguinal avec lequel elle présente des rapports importants (v. AINE, HERNIE), puis vient se cacher derrière le muscle droit, où elle s'anastomose avec la mammaire (v. PLAIES). Chez le fœtus, dont les organes abdominaux se développent les premiers et fonctionnent presque seuls, l'abdomen occupe relativement beaucoup plus de place que chez l'adulte.

Portal a reconnu que la longueur de l'abdomen formait chez le nouveau-né de la longueur totale et chez l'adulte seulement. Cette prédominance, qui va s'effaçant avec l'âge, et à mesure que les autres organes prennent de l'accroissement, est encore très-marquée

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