Page images
PDF
EPUB

tenue sous l'Empire, maintenue sous la Res. tauration, l'est encore depuis 1830.

Sous l'ancienne monarchie, les actions d'éclat des officiers seuls obtenaient rémuné ration. Les lois modernes ont brisé ce monstrueux privilége, et rendu les titres des simples hommes de troupe égaux à ceux des officiers. Quant à la rémunération même, les actions d'éclat, jusqu'ă la révolution, donnaient droit à l'avancement, et cet avancement, pour les officiers (les seuls en faveur de qui l'ordonnance du 29 avril 1758 stipulât), allait en temps de guerre jusques et y compris le brevet de colonel. On sait en outre que par ses statuts originaires l'ordre de Saint-Louis devait être une récompense des actions d'éclat. Au commencement des guerres de la République, alors que tous les ordres de chevalerie avaient été supprimés, les actions d'éclat n'étaient payées que par de simples mentions honorables, et ce prix, en ces temps glorieux où l'exaltation du patriotisme était poussée si loin, suffisait à la valeur désintéressée. A partir du 14 germinal de l'an III, elles furent récompensées par l'avancement au grade immédiatement supérieur. Le général en chef, comme il en avait alors le droit, prononçait la nomination; le militaire promu prenait aussitôt les marques distinctives de son nouveau grade et en touchait la solde jusqu'à la première vacance. Une loi du 19 fructidor an VI disposait même qu'en cas d'action d'éclat le défaut d'ancienneté de grade ne serait pas un obstacle à l'avancement, et, depuis, cette disposition est toujours restée en vigueur. De plus, l'article 87 de la constitution de l'an VIII décernait des récompenses nationales aux guerriers qui se signaleraient par des actions d'éclat, et ces récompenses (à l'imitation de ce qui se faisait à Rome, où de tels exploits étaient récompensés par le don d'une cou. ronne, d'une hasta pura, c'est-à-dire d'une lance sans fer, ou d'une adorea, c'est-à-dire d'une mesure de blé) consistaient d'abord en armes d'honneur. C'étaient des fusils, des carabines, des mousquetons, des sabres, des haches de sapeur ou d'abordage; ce furent aussi des grenades, des baguettes de tambour, des trompettes; ce fut encore la double paye. Mais Bonaparte, devenu premier consul, trouva ces modes de rémunération trop peu éclatants, et, par une loi du 19 mai 1802, il institua la Légion d'honneur, dont tous les officiers, sous-officiers et soldats qui avaient obtenu des récompenses nationales aux termes de la constitution de l'an VIII, devinrent membres de droit.

Aujourd'hui les actions d'éclat valent encore à ceux qui les accomplissent, d'être proposés à l'avancement ou à la décoration, mais il faut (et il l'a toujours fallu qu'elles

soient constatées par des certificats authentiques et qu'elles aient été immédiatement mises à l'ordre du jour de l'armée. Le soin d'accomplir les formalités qui doivent les rendre valables, regarde le lieutenant-colonel du corps.

RHIME.

ACTION INTELLECTUELLE. (Philosophie.) Toute action est le développement d'une force; toute action intellectuelle est le développement de l'activité de l'âme dirigée sur les faits de l'intelligence ou les idées. La première action de cette espèce qui se produit en nous est un mouvement dans lequel nous avons pour but de saisir une idée et de la retenir sous nos yeux pendant une durée plus ou moins longue. A cet acte succède celui qui distingue une idée devenue fixe, de toutes celles qui se groupent autour d'elle. La distinction est suivie de la décomposition, et la décomposition de la recomposition. Comparer, généraliser, raisonner, sont d'autres actes intellectuels qui viennent après les précédents. L'esprit procède légitimement à ces opérations diverses quand il suit, en les faisant, l'ordre successif que nous venons de marquer, il n'a plus de méthode, ou n'en a qu'une fausse, quand il s'en écarte. Voy. ACTIVITÉ INTELLECTUELLE.

DAMIRON.

ACTION. (Mécanique.) On entend par ce mot l'effort que fait un corps qui se meut actuellement pour en mouvoir un autre; et comme cette communication de mouvement est, par sa nature, impossible à expliquer, on se borne à la mesurer par ses effets. (Voyez CHOC DES CORPS, QUANTITÉ de mouVEMENT, FORCE.) Le mécanicien ne se sert du mot action que pour désigner le mouvement qu'un corps produit dans un autre corps, ou celui qu'il y produirait réellement si aucune cause ne s'y opposait.

Quantité d'action. Maupertuis, dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris, pour 1744, et dans ceux de l'Académie de Berlin, pour 1746, appelle quantité d'action d'un corps, le produit de sa masse par sa vitesse et par l'espace qu'il décrit. Des considérations abstraites, fondées sur la doctrine des causes finales, l'avaient conduit à penser que la nature doit agir par des moyens d'économie, qui ne lui permettent de dépen. ser ses forces qu'en moindre quantité possible. Suivant lui, la quantité d'action dépensée est toujours au minimum. Appliquant ces idées à diverses circonstances de mouvement, telles que la réflexion et la réfraction de la lumière, Maupertuis, en effet, parvint aux résultats qu'on était accoutumé à obtenir par d'autres procédés, et il fit de la proposition qu'on vient d'énoncer un principe

fondamental de la mécanique, susceptible d'être appliqué aux problèmes du mouvement des corps.

Lagrange, dans sa Mécanique céleste, publiée en 1784, revint sur cette proposition, et non-seulement il démontra qu'elle était vraie toutes les fois que le principe des for. ces vives l'était, sans se servir des raisons métaphysiques sur lesquelles Maupertuis l'avait établie, mais il fit voir que l'un et l'autre de ces théorèmes n'étaient que des conséquences des équations générales du mouvement (Voyez ce mot), et ne constituaient pas des principes de mécanique : ce ne sont que des résultats que le calcul déduit de ces équations, en montrant les cas où ils ont lieu; et bien que, dans certains problèmes, ces propositions conduisent facilement aux solutions, elles ne constituent que de simples théorèmes de mécanique.

C'est en vertu du théorème de la moindre action qu'on reconnaît que lorsqu'un point mobile, qui n'est sollicité par aucune force accélératrice, est assujetti à se mouvoir sur une surface courbe quelconque, la ligne qu'il y parcourt, en vertu de l'impulsion qui lui a donné le mouvement, est la plus courte qu'on puisse tracer sur cette surface, depuis le point du départ jusqu'au point d'arrivée.

Lorsque le point mobile obéit librement à l'action des forces accélératrices qui le sollicitent, et que ces forces sont telles que l'équation des forces vives a lieu, qu'on fasse le produit de la vitesse en chaque point par l'élément d'arc décrit, et l'intégrale prise dans des limites données sera un minimum.

S'il s'agit d'un système de corps mus par des forces accélératrices pour lesquelles l'équation des forces vives subsiste, on multipliera la masse de chaque mobile par sa vitesse et par l'élément de sa trajectoire; on prendra la somme de ces produits pour tous les corps, et on intégrera entre les limites fixées par deux positions données du système; l'intégrale sera un minimum. Tel est l'énoncé général du principe de la moindre ac. tion

Consultez à ce sujet la Mécanique de Poisson, Ire édition, tom. Jer, page 460, et tome II, p. 304.

FRANCOEUR.

ACTION. (Législation.) La plupart des jurisconsultes qui ont écrit sur le droit romain définissent l'action, « le droit que nous avons de poursuivre en justice ce qui nous est dû ou ce qui nous appartient. » Cette définition est celle que donne Justinien dans ses Institutes(1). Toutefois, elle nous paraît incomplète;

(1) Liv. IV, tit. 6. Celse, au Dig., c. 3. de act. et oblig.

car, dans le langage des lois, si l'on appelle action le droit qu'on a de poursuivre en justice ce qui nous est dû ou ce qui nous appartient, on qualifie aussi de la même manière la poursuite dirigée devant les tribunaux par celui qui peut n'avoir aucun droit. De telle sorte que l'action, considérée comme un droit, peut appartenir à celui qui ne s'est pas encore pourvu en justice; tandis que, d'un autre côté, une action peut être portée devant les tribunaux à la requête de celui qui n'avait aucun droit à exercer.

Si l'on considère le but des actions en général, on les divise en deux classes bien distinctes. Les unes ont pour résultat d'obtenir une condamnation dans l'intérêt privé de la partie qui s'est pourvue en justice; tandis que les autres tendent à faire prononcer l'appli cation d'une peine plus ou moins grave à un fait que la loi qualifie contravention, délit ou crime. Les premières, que chacun peut exercer à ses risques et périls, sont les actions civiles.

Une première division s'opère entre les actions civiles. Ainsi, nous appelons actions immobilières les actions qui tendent à la revendication d'un immeuble : nous désignons au contraire sous le nom d'actions mobilières celles qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers. Cette première division des actions est indiquée par la division même des biens en meubles et immeubles : mais si l'on considère la nature du droit à exercer et la qualité de la personne contre laquelle l'action est dirigée, on est obligé d'admettre une division nouvelle. L'action est-elle la poursuite d'un engagement personnel, estelle dirigée contre celui qui a contracté l'engagement ou contre ses héritiers, c'est une action personnelle. Au contraire, repose-t-elle sur la violation d'un droit immobilier, l'action est-elle dirigée, par exemple, contre le tiers détenteur d'un immeuble, elle prend le nom d'action réelle.

Enfin, celui contre qui la poursuite est dirigée se trouve-t-il à la fois obligé dans sa personne et dans ses biens, l'action est mixte.

La plupart des actions portées devant les tribunaux sont de cette dernière nature; car il n'existe d'action réelle proprement dite que l'action hypothécaire, dirigée contre le tiers détenteur d'un immeuble qui se trouvait affecté à l'acquittement d'une obligation, entre les mains du précédent propriétaire; et l'action personnelle a toujours elle-même quelque chose de réel dans son exécution, puisqu'on ne fait condamner la personne du débiteur que pour atteindre les biens meubles ou immeubles qu'il possède. On indiquera au mot Compétence devant quels tribunaux doivent être portées ces diverses espèces

d'actions, et au mot Prescription le délai dans lequel elles doivent être exercées à peine de déchéance.

L'action civile, en réparation du dommage causé par un crime, par un délit ou par une contravention, appartient à tous ceux qui ont souffert de ce dommage. Voyez PARTIE CI

VILE.

La poursuite de l'action publique n'appar tient qu'aux magistrats institués à cet effet. Voyez MINISTère public.

Dans plusieurs Etats d'Allemagne où la législation romaine forme le droit commun, on a conservé les divisions et les qualifications des diverses actions, telles qu'on les trouve dans les lois du Digeste et du Code.

En Angleterre, l'action publique (action populas) appartient aux simples particuliers comme aux magistrats, lorsqu'il s'agit de la violation d'une loi pénale. La plupart des actions ont leur désignation particulière : ainsi on appelle action trove, celle qui est dirigée par le propriétaire d'un objet perdu contre celui qui l'a trouvé; action assumpsit, l'ac tion intentée contre celui qui s'est obligé à faire une chose, ou à payer une somme d'argent. Il y a quelques actions qu'on ne peut intenter sans avoir rempli certaines formalités; par exemple, on ne peut en Angleterre actionner un juge de paix sans l'avoir averti préa. lablement un mois à l'avance.

Action de compagnie. C'est une part dans les fonds et l'intérêt d'une compagnie formée pour une entreprise quelconque. L'action est d'ordinaire accordée pour une mise de fonds. Elle peut être aussi attribuée à celui qui n'a apporté dans une société que son travail ou son industrie. Certaines actions ont un cours public à la bourse. Telles sont les actions de la banque de France et les actions des ponts et des canaux.

L'intérêt des sociétés anonymes se divise par actions; elles ne peuvent être établies qu'avec l'autorisation du gouvernement. Voyez SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

COFFINIÈRES.

ACTIVITÉ INTELLECTUELLE. (Philosophie.) Avant de nous occuper de l'objet spécial de cet article, qui est de rechercher la nature, les formes et la loi de l'activité de l'âme dans son rapport avec les idées, il convient de présenter quelques observations qui semblent nécessaires pour éclaircir le sujet auquel nous passerons ensuite.

A son entrée dans la vie, l'âme éprouve quelque plaisir ou quelque peine, elle sent. Sent-elle sans avoir conscience de sa sensation? L'expérience ne nous l'apprend pas; aucune induction ne nous porte à le supposer, et l'idée que nous avons de notre sensibilité ne s'accorde pas avec celle d'une sensibilité

qui agirait en nous à notre insu; car sentir, pour nous, c'est savoir que nous sentons. Cette conscience ou connaissance intime que nous avons de nos manières de sentir est obscure ou claire, spontanée ou réfiéchie. Dans ces deux cas, nous savons que nous sommes, nous distinguons notre moi de ce qui n'est pas lui: le moi se dégage à ses propres yeux du non-moi; mais à la première vue qu'il a de lui-même, il s'aperçoit à peine, ne doute pas de lui, mais ne se sait pas bien; pour mieux se savoir, il a besoin d'un moment de réflexion. Quant à cette intuition première qu'il a de lui-même il joint un regard attentif, il se saisit plus nettement, s'abstrait avec plus de pureté du sein des choses, se recon. naît et se proclame une personne avec plus de confiance.

Dès que l'âme a cette conscience claire d'elle-même, elle trouve qu'elle se possède, qu'elle peut se diriger et qu'elle peut soumettre ses idées à un travail volontaire et méthodique.

C'est dans ses opérations sur les idées que nous allons observer l'activité de l'âme, qui, de cette fonction spéciale qu'elle remplit, peut prendre le nom d'activité intellectuelle.

Pour l'analyser avec exactitude, commençons par déterminer la nature et l'état du sujet sur lequel elle déploie son action.

Qu'est-ce qu'une idée? qu'est-ce qu'avoir une idée? N'est-ce pas savoir qu'un objet est tel ou tel, l'apercevoir sous quelque point de vue, juger qu'il a certaines qualités? L'idée n'est donc qu'un jugement. J'entends l'idée complète et totale, telle qu'elle nous est donnée primitivement par la nature; car celle que nous devons à l'art d'abstraire et de parler, et qui n'embrasse pas en même temps l'objet et ses qualités, le sujet et l'attribut, mais se rapporte seulement à l'un ou à l'autre, n'est pas un jugement, parce qu'elle n'est pas totale partielle, elle n'est qu'un élément, qu'une fraction du jugement. Mais l'idée naturelle, qui est toujours concrète, est un vrai jugement.

:

Lorsque l'esprit porte pour la première fois sur ses idées un regard attentif, il les trouve obscures. Elles sont obscures parce qu'elles sont légères et fugitives, et que, dans leur continuelle instabilité, elles ne cessent d'ap paraître et de disparaître sans faire sur la vue aucune impression précise et durable; elles le sont parce que, au milieu du mouvement rapide et irrégulier qui les emporte, elles se mêlent entre elles et forment mille groupes mobiles, variables, souvent bizarres et toujours confus; elles le sont encore parce qu'une exacte analyse n'a pas parcouru et séparé avec ordre leurs points de vue partiels, et répandu

successivement la lumière sur toutes les faces qu'elles présentent; elles le sont enfin parce que chacune d'elles en particulier n'offre aux yeux qu'un ensemble vague, un tout mal composé.

Impatient des ténèbres répandues devant ses yeux, l'esprit, qui a besoin de clarté, s'agite et cherche à s'éclairer. Son activité se dirige sur les idées obscures, et, par une combinaison heureusement variée de mouvements divers, elle parvient à les produire à la lumière. Elle s'attache d'abord à saisir, d'une prise vive et ferme, celle qui parmi toutes les autres doit devenir l'objet spécial de sa réflexion. Elle la retire de l'espèce de tourbillon qui l'entraîne, la retient sous ses regards, et se la rend présente pendant un certain temps. Quand elle a déployé cette puissance d'appli cation, elle fait un nouvel effort pour la dégager du milieu de cette foule d'objets avec lesquels elle la voit toujours prête à se confon. dre, lui donne une place à part, et la détermine par d'exactes distinctions. Cependant elle n'aperçoit pas encore les éléments qui s'y trouvent compris; pour les reconnaître, elle les analyse et les dispose dans un ordre successif. Mais en terminant cette décomposition, elle sent que, partie de l'unité, elle n'est parvenue dans sa marche qu'à une pluralité désunie; et cependant c'est à l'unité qu'elle a besoin de revenir pour la retrouver, non pas telle qu'elle l'a laissée au point de départ, mais telle que doit la faire le travail. Elle quitte alors la forme de l'analyse pour prendre celle de la synthèse; elle compose ou plutôt elle recompose l'idée qu'elle a décomposée; elle recueille les idées partielles qu'elle en a successivement abstraites, les réunit dans un point de vue commun, et reproduit l'unité, un instant détruite et bientôt reformée. Cette unité reproduite est un jugement clair dans son ensemble et ses parties.

C'est ainsi que l'activité intellectuelle opère, par des actes d'application, de distinction, d'analyse et de synthèse, l'admirable phénomène de l'éclaircissement.

Tant que les idées n'ont pas été éclaircies, l'esprit ne peut saisir ni leurs ressemblances ni leurs différences; mais dès qu'il les a fait passer de l'obscurité à la lumière, il lui est facile de remarquer les rapports qui les unissent, parce qu'il peut les comparer l'une à l'autre. La comparaison est l'attention dirigée à la fois sur deux termes, se partageant entre eux, se doublant en quelque sorte pour les rapprocher, et rendre sensibles dans le rapprochement les points par lesquels ils se conviennent ou se repoussent. C'est une nouvelle forme que prend l'activité, pour disposer avec ordre les jugements éclaircis, et remplacer par un arrangement régulier l'association informe

qu'ils composaient dans leur confusion première.

Après avoir comparé les idées, elle généralise celles qui, par leur nature, sont susceptibles de cette opération; car il en est qui ne la comportent pas et qui s'universalisent au lieu de se généraliser. Voyez plus loin, l'art. CONNAISSANCES.

Généraliser, c'est représenter par une idée abstraite une collection d'idées particulières éclaircies, comparées et trouvées semblables; c'est faire de cette idée un type qui réunisse en lui les caractères communs à chacune d'elles. Pour généraliser, l'esprit prend dans la collection des idées particulières auxquelles il destine une généralité, celle qui, parmi toutes, peut le mieux servir à les représenter, la dégage de tous les traits qui lui sont propres, réduit à ceux qui se retrouvent dans toutes les autres, et la rend ainsi leur image fidèle en tout ce qu'elles ont de semblable.

la

Quand, par ce travail plusieurs fois répété, il s'est mis en possession de plusieurs idées générales, il peut à leur tour les comparer entre elles, et, s'il les juge semblables, s'élever à une généralité supérieure qui les représente de la même manière que chacune d'elles représente une collection d'idées particulières. Et rien ne l'empêche, en continuant la même marche, d'arriver, par une progression successive et ascendante, à une généralité suprêqui soit la grande unité, le premier principe de telle ou telle science.

me,

La généralisation est légitime, quand l'idée à laquelle elle nous conduit ne représente pas plus d'idées qu'elle n'en doit représenter, et des idées sans ressemblance entre elles, sans clarté, sans vérité en elles-mêmes. Car une idée générale qui a trop d'extension, qui s'étend à des idées diverses et opposées, obscures et fausses, est inexacte et vicieuse. Il faut donc, pour bien généraliser, avoir soin de reconnaître la vérité des jugements particu. liers, de les éclaircir, de les comparer, et de ne rattacher à une même généralité que ceux qui sont susceptibles d'être fidèlement représentés par un type commun.

Quand l'intelligence est pourvue de principes qu'elle doit, soit à la généralisation, soit à un procédé particulier que j'appelle universalisation, le raisonnement est possible, et l'activité intellectuelle reparaît sous une forme nouvelle pour le réaliser. Elle le réalise en montrant qu'une proposition particulière contenue dans un principe est vraie de la vérité de ce principe, ou que d'un principe posé se déduit une conclusion dont la certitude est la même que celle du jugement qui la renferme.

Qu'elle procède de la proposition particulière au principe, ou du principe à la conclusion,

elle varie sa marche, mais raisonne toujours; toujours elle travaille à saisir le rapport d'une vérité principale à une vérité subordonnée, par le moyen de plusieurs vérités intermédiai res contenues dans la première, contenant la deuxième, et se contenant l'une l'autre. En sorte que si la vérité subordonnée est renfer. mée dans les vérités moyennes, celles-ci graduellement l'une dans l'autre, et finalement dans la vérité principale, le raisonnement est parfaitement légitime. Cette légitimité lui vient de l'exactitude que met l'attention à reconnaître et à saisir les rapports du contenant au contenu, qui doivent lier toutes les idées dont elle parcourt la série plus ou moins étendue.

C'est, je pense, au raisonnement que finit la succession variée des développements intellectuels auxquels se livre l'activité de l'âme.

Ainsi, pour résumer, elle éclaircit et compare les idées, généralise, et raisonne.

Après avoir exposé dans leur ordre les formes diverses qu'elle revêt, ce serait laisser la question incomplète que de ne pas rechercher la loi qu'elle suit dans la production de ses actes. Quelle est donc la marche constante selon laquelle procède l'esprit, lorsqu'il se replie sur lui-même et réfléchit avec suite et méthode? Il ne commence pas par raisonner ou généraliser, pour comparer ensuite, et enfin éclaircir les idées sur lesquelles son attention se porte; il répugne à un contre-sens pareil : mais il les éclaircit afin de les comparer, les compare pour saisir leurs rapports, saisit leurs rapports pour ramener à une généralité commune celles qu'il a jugées semblables. Il fait de chaque généralité une image, une unité qui les représente en ce qu'elles ont de semblable. Aperçoit-il entre toutes ces unités une grande analogie, il les rattache à une idée plus générale, unité supérieure, qu'il place à leur égard dans le rapport où elles sont elles-mêmes avec les idées particulières; et si, par une comparaison nouvelle, il reconnaît entre plusieurs généralités supérieures de légitimes ressemblances, il leur donne à leur tour une représentation commune dans l'unité suprême qui les domine et les embrasse toutes. En sorte qu'il est visible que l'activité intellectuelle procède des particularités aux généralités, de ces généralités à des généralités plus hautes, de celles-ci à d'autres qui les surpassent, et enfin à la généralité souveraine en d'autres termes, qu'elle va des vérités de détail à des vérités plus étendues, de celles-ci à d'autres plus étendues encore, et finalement à des principes, à un principe; et, pour traduire la même pensée par une expression plus précise, elle tend à réduire graduellement à une seule et vaste unité scientifique la pluralité des connaissances qui par leur nature peuvent se rap. porter à un centre commun.

L'unité scientifique est donc l'objet de ses efforts; elle y aspire par une action continuel. le, et ne prend de repos qu'après l'avoir atteinte. Chercher et saisir l'unité scientifique est sa loi constante, ce n'est pas cependant sa loi tout entière.

Car lorsqu'elle possède des principes ou des unités scientifiques, elle les pénètre de toute la force de sa logique et en déduit une foule d'idées qu'elle y trouve enfermées; en sorte qu'elle ne s'arrête pas à la théorie, mais qu'elle passe aux applications qui s'en déduisent, et que, pour satisfaire tous ses besoins, elle fait servir la spéculation à la pratique.

Ainsi chercher l'unité scientifique et s'en servir, faire la science et l'appliquer, systéma tiser et raisonner, telle est la loi complète de l'activité intellectuelle.

Or, cette loi, quoiqu'elle ait pour but, non le bien, mais le vrai, a cependant en elle quelques caractères de la loi morale. Elle est obligatoire jusqu'à un certain point; en donnant à l'esprit pour fin de ses travaux la science et ses conséquences, elle lui propose quelque chose de si raisonnable et de si juste, qu'elle lui impose comme un devoir l'étude et la recherche de la vérité. L'homme de génie est le héros de ce devoir. Ses laborieuses méditations sont un dévouement, et l'élévation de sa pensée a de la dignité morale. L'homme d'un esprit lâche et paresseux, qui par sa faute ne remplit pas cette obligation de la science, se manque à lui-même et se dégrade; il est presque vicieux. Cette loi intellectuelle a sa sanction comme elle a son obligation. Rémunératoire ou pénale selon qu'elle se voit accomplie ou violée, elle a des plaisirs pour celui qu'anime l'amour de l'étude et de la vérité, et des peines pour celui qui aime mieux languir dans les ténèbres que de s'élever à la lumière par le travail et l'action. Celui-ci souffre du mal de l'ignorance et de l'erreur, celui-là goûte la joie de la science; et tandis que l'un expie, par un mécontentement intérieur et un ennui vague et sans fin, la faiblesse volontaire de son intelligence, l'autre trouve le prix de ses efforts dans le sentiment du succès et de la possession de la vérité; il est heureux de ses travaux et de ses progrès comme il le serait d'une bonne action. DAMIRON.

ACTIVITÉ. (Psychologie, Morale.) L'activité, disposition naturelle ou acquise qui nous porte habituellement à l'action, se dit proprement des personnes, et ne s'applique aux choses que métaphoriquement. L'activité ne doit pas être confondue avec la mobilité : celle-ci est une agitation sans objet, une détermination instinctive de l'enfance, qui a son but dans l'ordre des causes naturelles, dans le développement physique par le mouvement, et dans le développement intellectuel par l'instruction expé

« PreviousContinue »