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l'un des meilleurs qu'on puisse mettre entre les mains des étudiants, et inférieur seulement, en ce qui concerne la science et la profondeur des recherches, au grand ouvrage de notre H. Estienne (voy. ce nom et LEXIQUE). Parmi les autres travaux de Passow, nous mentionnerons ses Éléments de littératures grecque et latine et de l'histoire des arts chez les anciens (Berlin, 1829, in-4°), ainsi que ses éditions de Jean Second (Leipz., 1807), de Perse (1808), de Musée (1820), de Longus (1811), de la Germanie de Tacite (Breslau, 1817), des Écrivains érotiques grecs (Leipz., 1824, in-4°), de Denys Périégète (Breslau, 1825), et de la paraphrase de Nonnus (Leipz., 1834), dont quelques-unes sont accompagnées d'une traduction allemande et de commentaires. Il a publié avec Jachmaun les Archives d'une éducation nationale allemande (Berlin, 1812,4 cah.), et avec Schneider (voy.), dont le Dictionnaire grec est le point de départ du sien, le Museum criticum Vratislaviense (Breslau, 1820, vol. Ier). Nous ne parlerons pas d'une foule d'articles de critique insérés dans les journaux, ni de ses discours académiques réunis par N. Bach sous le titre d'Opuscules académiques (Leipz., 1835).

C. L.

PASTEL (bot.), voy. INDIGO, T. XIV, p. 634.

PASTEL (DESSIN AU), sorte de peinture pour laquelle on se sert de couleurs pulvérisées, ainsi nommée du vieux mot paste (pâte), parce que les couleurs qu'on emploie sont réduites en pâte avant de recevoir la forme de crayons. Le portrait au pastel, négligé aujourd'hui, était fort à la mode sous Louis XV, et avait même atteint à cette époque un certain degré de perfection. Quelques-uns de nos artistes appliquent encore ce genre aux teintes douces et brillantes à la fois d'oiseaux, de papillons, de fruits, etc. Pour obtenir cette douceur de coloris, qui a valu tant de succès au pastel, on exécute un frottis avec les doigts ou l'estompe, et on revient avec les crayons, pour donner les vigueurs. Le pastel a l'avantage de ne pas tourner au jaune ou au noir comme la peinture à l'huile, mais par contre il présente l'inconvénient de manquer de

fixité; on a bien essayé de remédier à ce défaut par l'eau gommée, ou en renfermant le dessin sous un verre, mais le premier de ces procédés ôte le velouté, le second n'atteint pas tout-à-fait le but qu'on se propose et que d'autres moyens finiront sans doute par assurer. C-B-S. PASTÈQUE, voy. MELON.

PASTEUR, voy. PATRE, Berger, TROUPEAU, etc.

Jésus-Christ s'étant comparé lui-même à un bon berger qui laisse sa vie pour son troupeau, et ayant dit à plusieurs reprises à S. Pierre: Pais mes brebis! l'usage a prévalu dans l'Église de comparer les fidèles à un troupeau et d'en désigner le conducteur, simple prêtre ou dignitaire plus élevé, sous le nom de pasteur. C'est ainsi qu'on dit : L'évêque est le premier pasteur de son diocèse. C'est aussi le titre officiel des ministres des divers cultes protestants, possédé non pas en vertu déjà de la consécration, mais en vertu de la vocation, c'est-à-dire de leur nomination officielle à une cure. Voy. MINISTRE Du culte.

S.

PASTICHE (de l'italien pasticcio), imitation de la manière d'un peintre, d'un musicien, ou du style d'un auteur; copie des formes favorites de celui que l'on prend pour modèle, avec dessein de faire illusion sur cette copie, au point de la donner pour une œuvre de l'écrivain ou de l'artiste original. Jordane, Téniers, Boullogne, ont été fort habiles dans le pastiche; mais ce n'est pas à ce misérable genre qu'ils doivent leur réputation : l'homme supérieur n'en peut faire qu'un jeu, et les connaisseurs ne sont point dupes de la prétention qu'on a de les tromper. Les pastiches les plus louables sont les pastiches satiriques, qui font ressortir le ridicule d'un mauvais langage ou d'un faux talent. Boileau a parfaitement réussi dans le pastiche, en composant deux lettres fameuses, l'une dans le style de Balzac, l'autre dans celui de VoiJ. T-v-s.

ture.

PASTILLES (du latin pastillus, petit pain), petites tablettes ordinairement rondes, ce qui leur a valu le nom de rotules ou petites roues, et qui sont composées de sucre tantôt aromatisé seulement, tantôt associé à des médicaments

plus ou moins actifs. Chez les anciens, elles étaient plus particulièrement employées à parfumer l'haleine, ou à en corriger la mauvaise odeur. Horace, Perse, Martial et Juvénal font de fréquentes et mordantes allusions à cette coutume.

De nos jours, les pastilles sont usitées pour le même objet : quelquefois aussi administrer de petites doses d'ipépour cacuanha, d'opium, de bicarbonate de soude, etc.

La préparation consiste à faire une pâte molle avec du sucre grossièrement pulvérisé et un mucilage, à y ajouter les aromates ou les médicaments, et à la couper ensuite avec un emporte-pièce circulaire, ou bien à se servir de sucre cuit en sirop très épais que l'on fait couler goutte à goutte sur une surface plane. F. R.

PASTORAL (GENRE). La poésie pastorale qui a fini par représenter une nature imaginaire, des mœurs factices et des personnages de convention, fut, dans les premiers temps, l'imitation d'une nature vraie et de mœurs réelles, lorsque les peuples conservaient encore, dans les souvenirs de leur origine, la pensée des champs d'où ils étaient sortis, des troupeaux qu'ils y nourrissaient, des dieux qui y faisaient leur séjour, habitarunt dí | quoque silvas (Virg., Égl., II, 60). Ainsi, des dieux champêtres, des rois bergers, des peuples laboureurs, une poésie pastorale, tout cela était vrai en même temps, tout cela se confondait dans les souvenirs d'une civilisation naissante. Les bergers n'étaient pas alors une création de la fantaisie, mais des êtres réels et vivant encore dans la mémoire. Aussi trouve-t-on des traces de la poésie pastorale dans les plus antiques monuments littéraires, dans les poemes indiens, dans Homère, et surtout dans la Bible, où l'histoire de Rachel, celle de Ruth, le Cantique des Cantiques et d'autres morceaux sont de véritables idylles. Voy. ce mot et Buco

LIQUES.

L'Orient voyait encore fleurir, au moyen-âge, la poésie pastorale chez les Arabes et même chez les Turcs; et tandis que le nom des Virgiles musulmans brillait en lettres d'or dans le temple de la Mecque, Rome conservait le manuscrit de leurs poemes dans la bibliothèque du

Vatican. Nos biographies nomment Mesihi parmi les plus célèbres de ces poëtes,

La poésie pastorale, dans sa vieille et universelle popularité, s'est montrée sous toutes sortes de formes diverses. Ce ne sont pas seulement l'églogue et l'idylle, c'est encore l'élégie, c'est le poëme dramatique, c'est le roman (voy. tous ces noms) en récit ou le roman dialogué, qui se sont inspirés de la pensée et se sont empreints des couleurs de la poésie pastorale. Chose remarquable: cette poésie qui prend sa source à l'origine des peuples, dont on trouve d'admirables monuments à la naissance de toutes les littératures, reparaît presque toujours vers leur déclin, ou du moins longtemps après qu'elles ont enfanté leurs chefs-d'œuvre. La célèbre pastorale de Longus (voy.), Daphnis et Chloé, est une production de la littérature grecque épuisée. Il serait facile de citer des exemples de cette singularité dans la littérature des nations modernes aussi bien que dans celle des peuples de l'antiquité.

C'est l'Italie qui a donné naissance au drame pastoral, dont il ne paraît pas que les anciens aient eu l'idée, à moins qu'on ne veuille en trouver quelque trace dans le drame satirique des Grecs. La Favola di Orfeo, de Politien (voy.), jouée en 1483 à la cour de Mantoue, est sans doute le premier poëme dramatique qui ait offert les sentiments, les nuances et les formes de la poésie pastorale. C'est apparemment ce qu'avaient oublié les critiques, dont les uns ont voulu faire passer Tansillo pour l'inventeur de la favola pastorale ou boscareccia, à cause de son poëme I due pellegrini, représenté dans une fête à Messine, en 1539; tandis que les autres accordent l'honneur de l'invention à Agostino Beccari, dont la comédie pastorale, il Sacrifizio, se jouait dans les spectacles de la cour de Ferrare, en 1554. On voit que la date de 1483 tranche le débat en faveur de Politien. Toutefois, il est vrai de dire que la vogue extraordinaire du poème de Beccari fit surgir une foule de favole boscareccie, dont la littérature de l'Italie fourmille, et dont le Tasse a donné le modèle dans l'Aminta, représentée aussi à la cour de Ferrare, en 1573.

Quelque temps après que Politien eut créé le drame pastoral, le roman pastoral recevait aussi, en Italie, une poétique consécration dans l'Arcadia de Sannazar, qui fut bientôt célèbre et imitée dans toute l'Europe; en Espagne, Montemayor donnait sa Diane, Cervantes sa Galatée, et, durant le règne militaire de Charles-Quint, le caractère de la littérature fut tout bucolique. En Angleterre, Sidney publiait son Arcadie, roman pastoral qui ne fut pas accueilli avec moins de transports que ne l'avaient été l'Arcadie italienne et la Diane espagnole. Shakspeare créait, peu de temps après, un modèle du drame pastoral dans sa pièce intitulée : Comme il vous plaira (As you like it).

La comédie pastorale est vieille en France, où l'on peut en citer des monuments dès le milieu du XIIIe siècle. A cette époque, Adam de Lehalle, surnommé le Bossu d'Arras, faisait représenter le Jeu de Robin et Marion, qui existe en manuscrit à la Bibliothèque royale et qu'ont publié MM. de Monmerqué et Fr. Michel (Théatre-Français au moyenage, Paris, 1839). Du temps de nos guerres civiles, en 1592, la pastorale faisait de la politique en plein théâtre, et Simon Beliard mettait sur la scène son Charlot, églogue pastorale à onze personnages, sur les misères de la France. Un peu plus tard, l'un des hommes d'état les plus redoutables des temps modernes, Richelieu mêlait aux actes sanglants de son despotisme la composition d'une douce bergerie: La grande pastorale. Sans nous astreindre à suivre ce genre jusque vers la fin du dernier siècle, où Sedaine faisait encore représenter sa Thémire, nous remarquerons que les comédies champêtres n'obtinrent en France que peu de célébrité, tandis que la vogue du roman de l'Astrée, dont les premiers livres parurent au commencement du XVIIe siècle, fut immense. Nous pourrions, par une suite de romans, arriver de l'Astrée à l'Estelle de Florian (voy. ces noms); mais nous ne voulons pas faire l'histoire du roman plus que celle de la comédie.

Ainsi que dans l'idylle, l'Allemagne possède, grâce à Gessner, un chef-d'œu❘

vre dans le genre du roman pastoral; et Voss ainsi que Goethe (voy. tous ces noms) ont accru les richesses de leur naïve littérature, de romans champêtres qui ne diffèrent de l'idylle que par l'étendue.

Toutefois, il en est du roman pastoral comme de l'églogue et de l'idylle: c'est un genre qui n'a aucune chance de retrouver une jeunesse nouvelle; Céladon a pour jamais disparu, et le Lignon est tari jusqu'au fond de sa source. M. A.

PASTORET (CLAUDE-EMMANUELJOSEPH-PIERRE, d'abord comte, puis marquis DE), né à Marseille, en 1756, d'un lieutenant général et particulier de l'amirauté dans les mers de Provence, descendait d'une famille célèbre depuis des siècles dans la magistrature.

Un de ses ancêtres, Jean Pastoret ou Pastourel, était, en 1301, avocat au parlement de Paris. Son petit-fils, nommé comme lui, fut membre du conseil de régence sous Charles VI. Né en 1328, il mourut président du parlement, en 1405. Son arrière-petit-fils, Antoine, suivit les rois Charles VIII et Louis XII en Italie.

Destiné à la magistrature, Claude Pastoret fut élevé chez les oratoriens de Toulouse, puis il perfectionna son éducation par des voyages; enfin, étant venu à Paris, en 1780, il y fut pourvu d'une charge de conseiller à la Cour des aides (voy.). Dès l'année 1785, l'Académie des inscriptions et belles-lettres l'admit dans son sein, en récompense de trois prix remportés successivement par lui. Nommé maître des requêtes en 1788, il devint bientôt directeur général des travaux politiques relatifs à la législation et à l'histoire. Au début de la révolution, Pastoret fut choisi trois fois pour présider les assemblées électorales de Paris; en 1791, il devint aussi par la voie de l'élection procureur général syndic du département. Député de la capitale à l'Assemblée législative, il en occupa le premier la présidence, et prit place ensuite sur les bancs de la droite. Le roi lui offrit les deux portefeuilles de l'intérieur et de la justice; mais Pastoret, ne pouvant faire admettre ses conditions, refusa ce double honneur. Après la journée du 20 juin, il cessa de paraître à l'assemblée

jeunesse. En 1834, il fut nommé tuteur des enfants du duc de Berry, sans doute seulement en considération des biens qui leur restaient en France, et il mourut paisiblement, dans un grand âge, le 29 septembre 1840.- Outre les Mémoires qui ont été couronnés par l'Académie, et qui portent sur des questions d'ancienne législation, le marquis de Pastoret a publié une théorie Des lois pénales, 1790, 2 vol. in-8°; plusieurs volumes des Ordonnances des rois de France, continuées par l'Institut (t, XIII à XIX), et l'Histoire de la légis

jusqu'au 10 août, où il vint reprendre sa place auprès des défenseurs de la royauté. Il était trop tard. Obligé de chercher son salut dans la fuite, il alla se réfugier au fond de la Provence, puis passa de là à l'étranger, où il demeura jusqu'au 9 thermidor. Après la proclamation de la constitution de l'an III, il fut envoyé au conseil des Cinq-Cents par le département du Var, et, pendant deux ans, il fit au Directoire une honorable opposition, qui lui valut, au 18 fructidor (voy.), un arrêt de déportation, auquel il échappa encore par la fuite. Pendant deux autres années, illation (des anciens), 1820-37, 11 vol. parcourut la Suisse et l'Italie; mais in-8°), ouvrage qui est, aux yeux des enfin il revint en France après le 18 érudits, son principal titre de gloire et brumaire (voy.). Comme sa fortune qui a rempli une grande partie de sa vie était détruite, des honneurs lui furent (car dès 1788, Pastoret avait écrit sur offerts en compensation. Rappelé dans le Moïse), sans qu'il ait pu terminer cette sein de l'Institut, il fut désigné pour la grande et digne tâche. chaire de droit de la nature et des gens au Collège de France; il devint ensuite l'un des premiers membres du conseil général des hôpitaux et hospices, et le collége électoral de Paris le nomma deux fois candidat au Sénat. Malgré les répugnauces de Napoléon, qui voyait en lui un partisan de la famille déchue, il y fut admis la seconde fois et se montra reconnaissant; car, quoique secrétaire du Sénat en 1814, il ne voulut prendre aucune part aux actes qui amenèrent la déchéance de l'empereur. Néanmoins, le roi Louis XVIII le créa pair de France à son arrivée; il le maintint sur la liste de la nouvelle chambre, l'année suivante. Secrétaire de cette chambre pendant quatre ans, membre ou rapporteur d'un grand nombre de commissions, vice-président en 1820, élu membre de l'Académie-Française la même année, chevalier des ordres du roi à l'avènement de Charles X, ministre d'état en 1826, le marquis de Pastoret remplissait, depuis la mort de M. Dambray (voy.), en 1829, les fonctions de chancelier de France, lorsque les événements de 1830 le mirent dans la nécessité de renoncer aux fonctions de cette charge, mais non à son titre, qu'il regardait comme inamovible. Le noble vieillard rentra dès lors dans la retraite et reprit les travaux et les études de sa

AMÉDÉE-DAVID, marquis de Pastoret, fils du précédent, membre libre de l'Académie des beaux-arts de l'Institut depuis 1823), est né à Paris le 2 janvier 1791. Après avoir rempli, sous l'empire, différentes fonctions administratives, il devint, après la Restauration, gentilhomme de la chambre et maître des requêtes au conseil d'état. Il est encore titulaire honoraire de cette dernière place; mais depuis la révolution de juillet, il vit dans la retraite, charmant ses loisirs par la culture des lettres et des arts. M. le marquis de Pastoret fils est auteur des ouvrages suivants : Les Troubadours, poëme en 4 chants (1813); la Politique de Henri IV (1815); Les Normands en Italie, poëme (1818); Élégies (1825); La chute de l'empire Grec (1828); Raoul de Pellevé (1834); Erard du Châtelet (1836). D. A. D. PASTOUREAU, PASTOURelle, noms par lesquels on désigne un petit pasteur, une petite bergère, surtout dans les chansonnettes pastorales, voy. IDYLLE, BUCOLIQUE, ÉGLOGUE, etc.

On a aussi donné ce nom de pastoureaux aux gens d'une bande qui parcourut la France au moyen-âge, et dont des bergers et les paysans avaient formé le noyau. Ce fut vers 1250 que saint Louis, étant à Césarée, sans secours et comme oublié de la chrétienté, on vit commen¬

la reine Blanche, qui les avait d'abord favorisés, donna ordre de leur courir sus et de les exterminer. Ils étaient alors partagés en plusieurs bandes : les uns étaient à Paris, d'autres à Bourges, d'autres encore à Bordeaux. L'homme mystérieux qui les avait soulevés se trouvait dans la capitale. Il y prêchait, toujours la main fermée, lorsqu'un bourreau se mêlant aux ribauds qui le gardaient lui fit tomber la tête d'un coup de hache. Des chevaliers apostés chargèrent en même temps les auditeurs, en tuèrent plusieurs, et l'attroupement fut dissipé. Les prêtres firent alors passer les pastoureaux pour des renégats ayant fait un pacte avec le diable et le soudan d'Égypte. Et bientôt on les égorgea de tous côtés.

cer en Flandre un mouvement populaire en faveur de sa délivrance. Le pape suscitait alors les seigneurs contre la maison de Hohenstaufen (voy.); les moines levaient une armée contre l'Allemagne; mais la noblesse française indignée de l'abandon du champion de la foi contre les infidèles, défendaient à leurs gens d'y prendre part. Bientôt le bruit se répandit parmi le peuple des campagnes que c'était aux bergers, dans leur humilité, à arracher aux mains des infidèles cette terre sainte où le salut du monde avait été annoncé à des bergers. Le clergé, aveuglé par son ambition et sa haine contre la famille impériale, devait être écarté de cette croisade, aussi bien que la chevalerie qui se fiait en sa bravoure plus qu'en l'appui du Très-Haut. Saint Louis était le héros du peuple : sa piété, ses exploits lointains étaient faits pour exalter l'enthousiasme populaire. Un homme dont on a perdu le nom, mais qu'on croit Hongrois d'origine, se mit à diriger le mouvement. Il parlait également bien l'allemand, le latin et le français ; on lui avait vu à la main une lettre de la Vierge qui appelait les bergers à la délivrance de la Terre-Sainte. Pour accréditer cette fable, il tenait la main constamment fermée. Il se mit donc à prêcher, et bientôt sa troupe se grossit de tous les ennemis de l'ordre public, les voleurs, les bannis, les esclaves fugitifs, les excommuniés, etc. Quand les gens de désordre, les ribauds, furent en assez grand nombre, on vit les pastoureaux s'armer d'épées, de haches, de poignards. Dans leur haine contre le clergé, les prédicateurs de cette bande s'arrogèrent les pouvoirs spirituels, sans avoir reçu les ordres ; ils prononçaient des divorces, permettaient des mariages défendus, etc.; mais pour échapper aux tribunaux, ils ne prêchaient qu'entourés de gens en armes. Lorsque la troupe se présenta devant Orléans, l'évêque se prononça contre eux, mais malgré lui le peuple leur ouvrit les portes. Un clerc ayant troublé la prédication, tomba frappé d'un coup de hache: il s'ensuivit une émeute où l'on massacra un certain nombre de prêtres. Tous les évêques effrayés publièrent des excommunications contre les pastoureaux, et

Cinquante ans après on vit recommencer le mouvement des pastoureaux. Un prêtre et un moine répandirent une prophétie qui promettait la délivrance du saint sépulcre et la conquête de Jérusalem aux bergers et aux pauvres d'esprit. Le peuple des campagnes, des bergers, des enfants de 13 à 14 ans, les écoutèrent avec enthousiasme. Des milliers d'hommes mal vêtus, sans argent, se mirent à suivre silencieusement, deux à deux, l'étendard de la croix; contents de ce qu'on leur donnait, ils ne demandaient pour l'amour de Dieu, qu'un peu de pain à la porte des églises; mais leurs ressources s'épuisèrent, leur nombre augmentait toujours; alors ils recoururent à la violence. Les magistrats poursuivaient et faisaient pendre ceux qu'ils trouvaient isolément. De leur côté, les pastoureaux délivraient leurs prisonniers quand ils. étaient en force. C'est ainsi qu'ils vinrent à Paris, forcèrent la prison de Saint-Martin-des-Champs, le grand Châtelet et Saint-Germain-des-Prés; puis ils se mirent en défense dans le Pré-aux-Clercs, où le gouvernement n'osa les attaquer. Ils prirent ensuite la route de l'Aquitaine. Le 25 juin 1320, ils entrèrent à Albi, le 29 à Carcassonne, faisant un carnage horrible des juifs du Languedoc. Comme les pastoureaux s'approchaient d'Avignon, le pape lança contre eux l'anatbème, et somma le sénéchal de Beaucaire d'opposer la force à cette troupe égarée. Celui de Carcassonne prit en effet

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