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pas six mille hommes avec lui. La maladie, les assassinats, les combats avaient moissonné cette belle armée si florissante deux ans avant, lorsqu'elle s'était embarquée à Brest et à l'Orient; il semblait que la mort avait voulu la décimer avec une hâte cruelle; les moyens de destruction s'étaient multipliés autour d'elle, et quelques débris seulement revirent la France.

Madame Leclerc revint en Europe avec le corps de son mari. Elle l'avait fait enfermer dans un cercueil de bois de cèdre, puis elle avait coupé ses cheveux, et son retour avait lieu maintenant comme celui d'Artémise. Malgré tout cet étalage d'une immense douleur, on n'était pas fort attendri par la vue de ce fastueux désespoir; et le premier consul lui-même, lorsqu'on lui dit que sa sœur avait fait offrande de sa chevelure au défunt, et qu'elle n'avait plus un cheveu :

«-Oh! elle sait bien qu'ils n'en repousseront » que plus beaux après avoir été coupés, » dit-il en riant.

CHAPITRE V.

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La paix avec l'Angleterre. - Phrase remarquable du premier consul aux députés belges. Gloire de la France sous le consulat. Vie intérieure de Bonaparte. Alliance avec la Turquie. Projet de Henri IV réalisé par Napoléon.Les limites naturelles et les traités. Réponse aux calomniateurs de Bonaparte. - Sincère désir de la paix.-Juste L'amour de la patrie.-M. de la

orgueil des Français. Vaupalière en Russie.

-

Le duc de Fronsac et M. de Lan

· Patriotisme d'un

geron.
Anecdote de l'Ermitage.

émigré. — M. de Calonne.

L'homme ridicule. - Mot de Bonaparte sur M. de Caloune. Le comte d'Artois et Catherine. Les Français en Russie et l'acte d'abjuration.

La Marseillaise à la cour de Catherine, et bizarre contradiction.

La paix avec l'Angleterre était définitivement signée. Le traité d'Amiens avait ratifié les préliminaires de raccommodement avec la grande rivale, le 25 mars 1802. Joseph Bonaparte avait

été encore notre messager de paix et de tranquillité pour ce nouvel arrangement qui terminait les querelles européennes. Le temple de Janus était enfin fermé, et la France au plus haut point de gloire et de puissance réelle où jamais depuis elle ait pu parvenir, parce que, sortant d'une lutte avec l'Europe tout entière, elle était victorieuse, agrandie et redoutée.

Les colonies prises par l'Angleterre nous étaient restituées. Le cours de l'Escaut demeurait notre bien, ainsi que les Pays-Bas autrichiens, une partie du Brabant, la Flandre hollandaise et une foule de villes, telles que Maëstricht, Wenloo, etc.

Je me rappelle, à propos de cette partie de notre fortune nationale, une belle phrase du premier consul aux députés belges : lorsque les conférences de Lunéville s'ouvrirent, ils allèrent remercier le chef de la république d'avoir soutenu les droits de ceux qui ne voulaient pas une autre protection que celle de la France.

<<- Ce n'était que justice, » répondit le premier consul à la députation'; « le traité de Campo» Formio avait déjà constaté la position de la Bel

1 Voyez le discours du premier consul aux députés belges, lorsque la députation lui fut présentée à la fin de l'année 1800; il est dans le Moniteur, à la date du mois d'octobre 1800.

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>> gique. Dans les années qui se sont écoulées depuis ce traité, nos armes ont eu des revers. » On a pensé que la république pouvait faiblir et » céder parce qu'elle était moins heureuse, c'est » une grave erreur. La Belgique fait partie de la >> France comme sa plus ancienne province, comme » tous les territoires acquis par un traité solen>> nellement authentique, comme la Bretagne, la » Bourgogne... Et l'ennemi EUT-IL ÉTÉ AỤ FAU>> BOURG SAINT-ANTOINE, le gouvernement fran» çais ne DEVAIT JAMAIS ABANDonner ses droiTS. » Telles furent les paroles de Napoléon aux députés belges.

Oui, la France était alors radieuse!..... Indépendamment des possessions du Nord, formant maintenant ces barrières naturelles pour lesquel les tout Français doit à jamais combattre, elle se voyait maîtresse de la partie de l'Allemagne située au littoral du Rhin, ainsi que d'Avignon et du Comtat; puis Genève, la presque totalité de l'évêché de Bâle et la Savoie, et Nice... La répu blique fondait, protégeait des états; elle érigeait en royaume le grand duché de Toscane; la Lombardie autrichienne devenait sous ses auspices république Italienne; Gênes prenait le nom de république Ligurienne, et tous ces états venaient s'abriter sous le vaste drapeau tricolore, se fiant

à la vigueur et à la vigilance du coq gaulois. La république prenait sous sa protection l'aquatique Batavie. La république avait, par ses nouveaux traités avec l'Espagne et le Portugal, reconquis les colonies qui devaient faire revivre notre pouvoir dans un autre hémisphère. La république, par le traité secret de Saint-Ildefonse, et par les soins de Lucien Bonaparte, avait vu rentrer, sous le drapeau de ses couleurs, la belle et fertile Louisiane, que la paix honteuse et humiliante de 1793 nous avait fait abandonner à l'Espagne; maintenant elle nous donnait une attitude imposante dans le golfe du Mexique, et imposait fortement à l'union américaine, car cette colonie de la Louisiane devenait un point d'attaque formidable dans le cas d'une rupture. La république avait réuni des territoires portugais, qui, avec leurs longues landes désertes, formaient à la Guyane française d'impénétrables frontières. La république enfin, à ce moment du gouvernement consulaire, a été plus grande que ne le fut même jamais l'empire. Napoléon fut immense

doute, son soleil de gloire est impossible à fixer, et rien n'altère la pureté de ses rayons lumineux. Mais Bonaparte, premier consul, ayant, en quelques mois seulement, retiré la France du fond de l'abîme où la tenaient plongée

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