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comme le genéral voulait épouser la jeune et belle nièce, on lui raconta l'affaire, ce qui évita la publication des bans. Le mystifié, car il l'était enfin, eut le bon esprit de ne témoigner aucune humeur, et il en rit lui-même avec ses amis. Il est vrai qu'il lui restait une consolation.

CHAPITRE VIII.

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Le premier consul et les étrangers. Baptême de ma fille et cadeau de l'empereur. L'hôtel de la rue des ChampsElysées. Ma maison de campagne à Bièvre.-Empressement des étrangers pour connaitre Napoléon.-Incroyable attachement de Junot. Aversion de Bonaparte pour les étrangers, et son amour pour la France. - La princesse aux cinq ou six maris.

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La duchesse de Sagan et la duchesse de Dino. -Le prince; de Rohan, et le mari à la pension. - La duchesse de Bedford. - La princesse d'Olgorouski. Le peignoir et l'écrin. Les grandes toilettes au soleil.

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Lord

Le prince Galitzin et les caricatures. Yarmouth, et le prince régent. La perte au jeu et les boutons-miroirs.

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Les maisons de jeu.

Le premier consul dit un jour à Junot:

<< Ta femme et toi vous voyez beaucoup de d'étrangers, n'est-ce pas?»>

Junot répondit affirmativement, et en effet,

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les Anglais, mais les Russes surtout, formaient alors notre société la plus habituelle. Junot venait d'acheter une maison de campagne à Bièvre, où nous réunissions souvent beaucoup de monde : le premier consul nous avait donné, pour le cadeau de baptême de ma Joséphine, la maison de la rue des Champs-Elysées, ce qui nous plaçait dans la position de recevoir et de remplir honorablement les devoirs imposés à Junot par la place qu'il occupait, et ceux que tacitement il était obligé d'accepter comme ami, comme le servi teur le plus ancien de l'homme sur qui le monde entier avait alors les regards attachés. J'ai vu quelquefois chez moi un dîner interrompu pendant une demi-heure, pour écouter avec avidité les choses racontées par Junot, concernant les premières années de gloire de l'homme prodigieux que l'Europe accourait en foule pour admirer, pour voir; car quelquefois il arrivait que des Anglais venaient en France seulement pour quelques heures. Ils allaient à la parade, voyaient le premier consul, puis repartaient pour l'Angleterre. Ce fait est arrivé plusieurs fois. Junot jouissait de ce triomphe remporté par son général bien-aimé, et lorsque des Anglais ou des Russes laissaient échapper de ces mots d'admiration arrachés par un sentiment profond que

leur inspirait l'homme prodigieux, alors les yeux du bon jeune homme devenaient humides : il était heureux..... Oh, comme il l'aimait !

On pense bien que dans sa position, pouvant recevoir tous les étrangers de distinction qui arrivaient à Paris, Junot ne perdait aucune occasion de leur donner une idée parfaitement, positivement grande, de ces momens de la vie du général Bonaparte, où, simple officier, il était alors peu connu de cette France, de cette Europe qui plus tard devaient n'avoir que lui pour but de leur attention et de leur amour comme de leur haine envieuse. Junot racontait les jours de Toulon, ceux de Paris, de l'armée d'Italie, de l'Egypte, et il jouissait.

Les femmes étaient tout aussi désireuses de connaître les moindres particularités de la vie antérieure de Napoléon; elles étaient plus questionneuses encore que les hommes. Nous avions pour voisine alors de notre nouvelle habitation, une famille russe, dont l'enthousiasme pour le premier consul défiait l'enthousiasme de ses plus ardens admirateurs. C'était la famille Diwoff; madame la comtesse Diwoff surtout était si exclusivement passionnée pour lui, pour sa gloire, pour ses moindres actions, que Junot et moi lui accordâmes à l'instant l'amitié qu'elle nous de

mandait. Nous nous liâmes promptement en raison de l'accord qu'il y avait dans notre façon de penser; et la proximité de nos demeures respectives rendit bientôt notre liaison fort étroite. C'est chez elle que se réunissait alors tout ce qui arrivait à Paris ayant quelque considération; presque toute l'Angleterre, l'Allemagne et la Russie, ont passé la revue de notre critique blámante ou admiratrice chez madame Diwoff. On s'y amusait beaucoup, et c'était toujours avec plaisir que je passais une soirée chez ma petite sœur, nom qu'elle avait exigé que je lui donnasse, quoiqu'elle eût trente ans de plus que moi.

Une particularité, peut-être peu connue, sur Napoléon, c'est l'aversion qu'il avait, à cette époque, pour la société étrangère. Il y avait, parmi les voyageurs dont la France était alors inondée plusieurs noms considérés par lui, et qui obtenaient une exception, mais elle était peu nombreuse; et en général, à l'époque du consulat et des premières années de l'empire, il avait une violente antipathie ' contre la société du fau

1 Cette antipathie ne diminua pas, ainsi qu'on va le voir par le fait suivant. Une jeune femme de la cour impériale, à laquelle l'empereur prenait intérêt, fit parler d'elle justement ou injustement. L'empereur, après lui avoir fait une longue

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