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trouvaientenfin sauvés. On peut mettre dans cette catégorie le musée des Petits-Augustins; celui des anciennes armures, alors la propriété de Reigner, le mécanicien; et une foule d'autres; le cabinet de M. Sage, à la Monnaie, etc., etc. La place me manque pour donner un rang convenable aux choses et aux personnes dont le souvenir m'est demeuré. Toutefois je placerai dans cet ouvrage toutes mes réminiscences ajoutées aux notes que j'ai conservées, et dont l'exacte relation nous transportera dans le temps et aux jours passés; mais pour les choses qui, par leur importance, méritent une attention particulière, elles méritent également un chapitre qui leur soit exclusivement

consacré.

avait mis dans sa bibliothéque, bien proprement encadrée dans un cartouche, et qu'il se contentait, pour toute réponse, de montrer de la main lorsqu'on lui demandait un livre à emprunter:

« Tel est le sort fâcheux de tout livre prêté,
Souvent il est perdu; toujours il est gâté.

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Je ne donne pas ces vers comme un chef-d'œuvre de style et de poésie, mais ils peuvent être mis en pratique, c'est-àdire servir de réponse à ceux qui, ayant une bibliothèque à laquelle ils tiennent, ne veulent pas voir revenir chez eux un livre écorné, sali, gáté enfin, quand il en est sorti bien poren est sorti bi

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tant.

CHAPITRE X.

Nouveaux voyages dans Paris.-M. Thibaudeau, l'abbé Grégoire, Léonard Bourdon et David, Le comité d'instruction publique. —Le médecin Duhem et J. J. Rousseau à la guillotine. M. Denon et le musée des tableaux. La vierge de Foligno. Les dessins originaux. La galerie d'Apollon,-MM. Hacquin et Fouques.-Le dîner des Bourguignons.-Visite à Charles le physicien.-La chambre obscure, et le secrétaire de M. de Cobentzel.-Mademoiselle Chameroy. -Scène à Saint-Roch. L'archevêque de Paris.-Paroles remarquables du premier consul.-Les Bardes, le songe, et souvenir d'admiration.

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On doit bien penser que l'une de nos premières courses nous conduisit au Musée des tableaux. Mais indépendamment de la curiosité que devait inspirer cette admirable collection, alors la plus complète du monde entier, il s'y joignait un sentiment de nouveauté pour nous-mêmes, tout Fran

çais que nous étions car ce n'était que depuis bien peu de temps que la galerie était enfin complètement ornée des chefs-d'oeuvre que nous avions conquis, non seulement sur l'ignorance et sur l'insouciance, mais bien aussi sur l'assurance parfaite d'une ruine prochaine et totale, ainsi que je le prouverai tout à l'heure.

C'est à M. Thibaudeau que nous devons le bienfait de l'établissement du Musée des tableaux et des statues dans le local qu'il occupe aujourd'hui. M. Thibaudeau faisait, en 1793, partie du comité d'instruction publique ', où sa voix avait une prépondérance qu'elle devait avoir en effet, et la Convention, d'après le rapport de son comité d'instruction publique, ordonna, par décret du 10 thermidoran 1 (27 juillet 1792), qu'il serait établi un Musée national, et elle fixa l'ouverture de ce musée au 24 thermidor suivant ( 10 août même

Ce même comité d'instruction publique auquel la France est immensément redevable, et qu'il ne faut pas confondre avec la Convention, qui alors s'occupait de toute autre chose que des lumières et des arts, puisque l'un des représentans proposa une fois de brûler la bibliothéque; ce comité d'instruction publique proposa à la Convention d'établir un jury, un concours enfin pour la restauration des tableaux et des bronzes, des marbres qui avaient horriblement souffert dans leurs courses aventureuses; ce qui fut adopté.

année). Une chose assez. remarquable, c'est que sous Louis XV', à ce que nous dit Denon, qui était pour nous le plus aimable comme le plus complaisant et le plus instruit des cicerone, il fut proposé d'enlever une foule de plâtres, représentant les plans d'une assez grande quantité de nos places, de les transporter à l'Ecole Militaire, où ils seraient utiles aux jeunes élèves, et de les remplacer, dans cette même galerie du Louvre, par tous les objets d'arts qui étaient là enfouis sans ordre et d'ailleurs sans aucune facilité pour bien voir, ou, pour parler plus juste, pour être bien vus, dans la salle appelée Salle des Antiques. Comme dans ce temps-là on accueillait tous les plans, tous les rapports sans y donner suite, il en fut de celui-là comme de mille autres tout aussi nécessaires. Ce fut donc la Convention quile mità exécution, comme je viens de le dire, ou plutôt son comité d'instruction publique, composé de Thibaudeau, de l'abbé Grégoire, de David, de Fourcroy, d'un nommé Edme Petit, de Léonard Bourdon, maître de pension, et de Duhem, médecin. Ce dernier criait, à ce qu'on prétend, à rendre sourds tous ses collègues. C'était lui qui prétendait que J.-J. Rousseau n'était

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En 1775, avant la mort de Louis XV, qui n'eut lieu qu'en 1774.

qu'un méchant aristocrate et surtout un fanatique qui n'aurait été bon qu'à guillotiner, s'il avait vécu en 93, ajoutait-il. 9th Jon of swoich

Thibaudeau et l'abbé Grégoire sont ceux qui rendirent le plus de services aux beaux arts dans ce comité, ainsi qu'à l'instruction publique ellemême. On connaît la belle défense qu'ils firent pour s'opposer à ce projet d'instruction générale qui ruinait tout rapport social, en rompant le lien des familles.... Mais revenons à nos tableaux.

Lors de la première translation des objets d'art dans la galerie du Louvre, il y avait à peu près cinq cent cinquante tableaux des premiers maîtres des diverses écoles. Ce ne fut qu'en 1798 (an 4) que le Musée fut le premier de l'Europe par cette profusion de trésors en ce genre, qui furent envoyés d'Italie, des Pays-Bas de la Hollande et du Piémont. Et dans le printemps de l'an 7, on fit une exposition générale qui fit connaître toutes nos richesses. Mais ce ne fut seulement qu'en l'an 9, c'est-à-dire en 1800 et 1801, que, tous les travaux étant achevés, on put jouir de la riche collection que le droit de conquête avait mis en nos mains. Denon était surtout fort glorieux, à cette époque, d'une foule de trésors que l'art le plus admirable venait de nous rendre plus beaux qu'ils n'avaient été depuis long-temps

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