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1541.

rentin. Le Roy lui avoit ordonné un fameux coloffe pour une MAÎTRE fontaine. Ce fculpteur ayant négligé de faire voir son moRoux. déle à la Ducheffe d'Eftampes, maitreffe du Roy avant que

(a) Felfina Pitvice di malvafia. Tom. I. p. 163.

de le montrer à ce Monarque, cette Dame lui fut toujours contraire, & favorifa Maître Roux: Elle empêcha le Roy de venir voir pendant le jour dans la galerie de Fontainebleau un Jupiter de la main de Cellini, qu'elle avoit fait placer exprès à côté des belles figures antiques qui venoient de Rome: le fculpteur qui s'apperçut de l'artifice, aux approches de la nuit éclaira fa figure avec un flambeau placé audeffus de la tête, ce qui fit venir le jour par deffus. La Duchesse & le Roffo furent furpris du grand effet de la lumière, & ne purent arrêter les louanges du Roy & de toute la cour. Cet homme ingénieux à qui la nuit devoit nuire, trouva de cette maniére le moyen de fe la rendre favorable. Maître Roux foutenu de madame d'Eftampes, fit naître dans la fuite d'autres occafions de faire congédier ce sculpteur.

Dans le plus brillant de fa fortune, Maître Roux chagrin d'avoir accufé injuftement François Pelegrino fon ami, d'un vol qui lui avoit été fait, prit un poifon violent qui le fit périr le même jour à Fontainebleau en 1531. à l'âge de quarante-cinq ans. D'autres (a) attribuent la mort au chagrin qu'il eut que le Roy eut rappellé d'Italie le Primatice. Il a eu plufieurs éléves dont le meilleur a été Domenico del Barbieri.

Maître Roux deffinoit à la plume d'une hachure inégale & croifée. Il y mêloit un petit lavis de biftre ou d'encre de la Chine. Quoiqu'il cherchât le Parmesan dans le contour de fes figures, il étoit beaucoup plus lourd que lui. Ses têtes féroces font coëffées d'une manière qui le diftingue des autres maîtres. Ce Peintre a beaucoup travaillé à Rome; il a fait un Christ mort, le rapt de Proferpine, plufieurs fujets de la fable & quantité de tableaux d'Autel.

A Florence on voit une affomption dans le veftibule des Peres Servites, le mariage de la Vierge dans l'Eglife de faint Laurent, & plufieurs portraits. Dans l'Eglife du Saint-Esprit il a peint la Trinité, tableau destiné à Raphaël qui ne put le faire à caufe de fes grands ouvrages.

A Pérouse on voit la décolation de faint Jean dans l'Eglife de faint Salviati.

A Arrezzo dans la frife de l'Eglife de fainte Marie quatre

tableaux à fresque, une Vierge, Adam & Eve, l'Arche d'alliance portée par Moïfe & le trône de Salomon.

A Volterre une belle defcente de croix.

A Fontainebleau vingt-quatre hiftoires en camayeu des principales actions de François I. dans la grande galerie peintes fur fes cartons, deux tableaux de fa main au fond de la galerie, l'un Vénus & Bacchus tout nus entourés de plufeurs vases différens, l'autre Vénus & l'Amour accompagnés de belles figures. Une Vierge avec fon enfant que la Sibylle Tiburtine offre à l'EmpereurOctavien. Il s'eft fervi de la tête du Roy, de celle de la Reine & des principaux officiers de la cour. Il fit pour le Château d'Ecouen un faint Michel Archange & un Chrift mort.

Le Duc d'Orléans a de ce peintre un beau tableau de la femme adultére.

Paul Gratiani, René Boivin, Leon Daven, Dominique Florentin & autres graveurs ont exercé leur burin à copier Maî→ tre Roux qui a auffi gravé quelque chose de sa main.

MAÎTRE
Roux.

JACQUES PONTORME.

JACQUES PONTORME

ACQUES Pontorme né en Tofcane en 1493. mérite d'être placé parmi les grands maîtres : fon vrai nom étoit Giacomo Carucci, celui de Pontorme étoit le lieu de fa naiffance où fon pere quittant Florence vint s'établir.

Après la mort de ses pere & mere, ayant été amené à Florence à l'âge de treize ans, il fe mit dans les écoles de Léonard de Vinci, de Mariotto Albertinelli, de Pierre Cofimo, & enfin d'André del Sarto. Il mérita par fes ouvrages avant vingt ans accomplis, que Raphaël & Michel-Ange difent tous deux qu'il poufferoit la peinture jufqu'au fuprême dégré : son pinceau vigoureux ne fentoit point la main d'un éléve. André jaloux des louanges dont on combloit le Pontorme, le chassa de fon école

Ce peintre ne fut pas long-temps fans être occupé ; il pei

gnit dans la premiére cour de l'Annonciade une vifitation de JACQUES la Vierge, qui difputoit de coloris avec les ouvrages de fon PONTORME. maître André del Sarto; fon nom devint fi célébre, qu'on s'empreffa de lui commander plufieurs tableaux pour les Eglifes. Il ne réüffiffoit pas moins bien aux décorations de théâtre,aux arcs de triomphe, aux mascarades, quand les fêtes publiques lui en fourniffoient l'occafion. Comme il étoit fort habile pour le portrait, il peignit avec fuccès toute la maifon de Médicis qui l'employa à la grande falle de Poggio à Cajano. Pontorme étoit grand coloriste & inventoit facilement; fa maniére étoit grande, mais très-dure.

La pefte ayant affligé la ville de Florence, il fe retira à la Chartreuse à trois milles de la ville avec le Bronzin fon difciple. La vie tranquille de ces religieux & un grand loifir lui fit accepter de peindre le cloître de cette maifon; par l'envie de se distinguer, il se forma l'idée d'un travail extraordinaire. On lui avoit apporté d'Allemagne la paffion de N. S. & plufieurs autres eftampes gravées par Alberdurer, il en fut enchanté, il voulut reformer fa maniére fur celle de ce maître, & peignit dans le cloître les mêmes fujets. Ce goût Allemand lui fit quitter le fien qui étoit excellent & nuifit beaucoup à fa réputation naiffante. Les Allemands d'ordinaire viennent en Italie pour en prendre le goût, Pontorme dans fon pays fit tout le contraire: ainfi fes premiers ouvrages font préférables aux derniers.

Le tableau qui représente Jesus-Chrift à table chez Cléofas peint dans l'hofpice des Chartreux eft d'une meilleure touche que leur cloître, il y a fait le portrait de plufieurs freres de l'Ordre. A fon retour à Florence il reprit le goût Allemand; la chapelle Capponi où il employa trois années, le tableau d'Autel des religieufes de fainte Anne fe reffentent de cette maniére. Michel - Ange faifoit un fi grand cas de Pontorme, qu'il dit au fujet du carton qui représente JesusChrift fous la forme d'un jardinier qu'il avoit fait pour le Marquis del Guafto, que le Pontorme étoit le feul qui pût l'exécuter en peinture. Il le fit au grand contentement de Michel-Ange, ainfi qu'une Vénus avec un Cupidon.

Tous ces ouvrages fournirent quelque argent au Pontorme dont il voulut construire une maison, elle tenoit en quelque

forte de la bizarrerie de fon génie, on montoit à la chambre JACQUES où il travailloit par un efcalier de bois qu'il retiroit en haut PONTORME. avec une poulie lorfqu'il y étoit entré. Toujours feul, malvétu, fe fervant lui-même, ne travaillant que pour

les per

fonnes qui lui plaifoient, il refusa le Grand Duc qui étoit fon maître pendant qu'il donnoit à fon maçon des tableaux en payement. Pour mieux fuivre fon caprice, il ne permettoit qu'à fes éléves de le voir travailler; fouvent mécontent de lui-même, il auroit effacé fans l'avis de fes amis ce qu'il avoit fait de meilleur pour fuivre une nouvelle idée que fon génie

lui fourniffoit.

La coutume de ce peintre étoit de ne rien faire ébaucher par fes éléves. Il peignoit tout de fa main, il leur laissoit seulement finir une partie qui fe diftinguoit affez du refte. Son goût varioit, & il avoit de la peine à revenir à fa premiére maniére qui étoit la meilleure : il échoüa dans ses deux derniers ouvrages, l'un eft la Loge du palais del Caftello appartenant au Grand Duc, ou cinq années entiéres furent employées. On n'y trouve qu'une ordonnance mal conçuë, aucune dégradation, point de perspective, avec une incorrection générale. L'autre ouvrage qu'il enleva au crédit de François Salviati eft la fameufe chapelle de faint Laurent, où il voulut fe furpaffer lui-même. Onze années s'écoulérent dans ce travail fans qu'il y eût mis la derniére main: comme une autre Penelope, il effaçoit le lendemain ce qu'il avoit fait le jour précédent, fouvent il paffoit des jours entiers à contempler fon ouvrage : enfin le cerveau fatigué, il ne put réüffir à donner à cette chapelle le ton de couleur & les belles parties qu'on remarque dans fes premiers ouvrages. Le chagrin qu'il en eut le rendit malade, & le fit mourir à Florence d'une hydropifie en 155 6. âgé de foixante & trois ans ; on l'enterra vis-à-vis de fon tableau dans le cloître de l'Annonciade.

Parmi le petit nombre d'élèves qu'il a laiffé on nommera Baptifte Naldini & le Bronzin.

Agnolo Bronzino naquit dans les états de Toscane & s'attaAGNOLO cha a la maniére du Pontorme; on voit beaucoup de chofes BRONZINO, de lui à Florence & à Pife. Il faifoit furtout le portrait admirablement bien : fouvent il aidoit le Pontorme, & il a terminé après la mort la chapelle de faint Laurent. Il florifsoit en l'année 15 70. & il est mort à Florence à peu près en ce temps-là,

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