FREDERIC FREDERIC BAROCHE I l'on cherche les graces & le coloris accompagnés du goût & de la correction, on les trouvera dans les ouvrages de Frédéric Baroche. Né en 1528 à Urbin, ville qui a produit de fi grands hommes, il étoit fils d'Ambroife Baroche, fculpteur, & il fut difciple de Baptifia Venetiano; Barthelmy Genga architecte qui étoit fon oncle, lui apprit la géométrie, l'architecture & la perspective. A l'âge de vingt ans le Baroche vint à Rome, il se mit fous la protection du Cardinal Della Rovere qui le reçut dans fon palais & lui facilita les moyens d'étudier : ce palais fut orne de plufieurs tableaux de fa main & du portrait du Cardinal. Comme le Baroche étoit occupé avec fes camarades à deffiner d'après la façade d'une maison peinte par Polidor, FREDERIC Michel-Ange vint à paffer monté fur fa mule. Chacun cou- BAROCHE rut auffitôt pour lui faire voir fon deffein, le timide Baroche le refta feul en fa place, Taddée Zucchero lui ôtant fon dessein porta à Michel-Ange qui le trouva fi beau qu'il demanda à en voir l'auteur; on lui amena le Baroche, & il l'encouragea à continuer fes études. Etant de retour dans fon pays, une fainte Marguerite qu'il y peignit, lui acquit une fi grande réputation que Pie IV. le fit venir à Rome pour peindre plufieurs morceaux à Belvede re, conjointement avec Frédéric Zucchero. On prétend qu'un dîner que lui donnérent des peintres jaloux de fon mérite fut la fource d'un état languiffant qui l'empêcha pendant quatre années de travailler; il reprit enfuite l'air natal d'Urbin, & lorfqu'il fe trouva rétabli, il fut à Pérouze porter de nouvelles marques de fon habileté dans la Cathédrale de faint Laurent, où il peignit une admirable defcente de croix. Lorfqu'il palla à Florence, le Grand Duc François I. fous la figure de fon concierge, le conduifit par tout fon palais pour fçavoir fon vrai fentiment fur ses tableaux. Baroche ne s'apperçut que c'étoit le Prince qu'aux refpects que lui rendit un de fes officiers en lui préfentant une lettre. Le Grand Duc reconnu ordonna à ce peintre d'en ufer avec lui auffi familiérement; il fit même fon poffible pour le retenir à fon service; la mauvaise santé du Baroche lui fervit d'excuse pour s'en retourner à Urbin. Cette raison l'avoit déja empêché d'accepter le même honneur de l'Empereur Rodolphe II. & de Philippe II. Roy d'Espagne. des Le Baroche ne deffinoit rien, qu'il ne fît un modéle en cire, ou que d'après fes éléves qu'il faifoit tenir dans les attitupropres à fes fujets, leur demandant s'ils n'étoient point génés dans cette pofture. Il fe fervoit de la tête de fa fœcur pour les Vierges, & fon fils qu'elle tenoit diverfement dans fes bras lui fervoit de modéle pour le Jefus. Souvent il employoit le pastel & de même que le Titien, il fondoit avec le doigt les couleurs ensemble. Le Corrége étoit fon maître favori, il le fuivoit dans la douceur & les graces des airs de têtes, dans les enfans, dans l'accord des couleurs, & dans l'ajustement des plis de fes draperies. Perfonne ne fçut mieux accompagner fes tableaux de cho BAROCHE. fes agréables & inftructives pour ceux qui fçavent penfer: il FREDERIC leur faifoit connoître les faifons dans lesquelles l'action principale s'étoit paffée. Cette industrie fe pourroit appeller une érudition pictorefque. On lui a vû représenter dans un tableau une jeune fille qui veut prendre un oifeau qui ne paroît que dans le printemps. Une autre dans le tableau de Ravenne préfente une cerife à une pie pour dénoter la même saison. Dans la vifitation de la Vierge, il a attaché un chapeau de paille pendant au dos d'une femme de campagne, pour faire connoître la grande chaleur du mois de Juillet dans lequel fe célébre cette fête. Son pinceau étoit ordinairement confacré aux fujets de dévotion; il ne l'a jamais employé à exprimer des idées libres & qui peuvent bleffer la pudeur. Un peintre ainfi qu'un poëte, fans y penfer, fe représente lui-même dans le caractée de fes ouvrages qui le décélent & le montrent tel qu'il eft. le Ses infirmités lui firent abandonner la ville de Rome, & rappellérent à Urbin, où il vécut très honoré de fon Prince. Il ne fut pas privé de la récompenfe qui fuit prefque toujours les talens que la vertu accompagne. Clément VIII. lui envoya une chaîne d'or de prix, lorfqu'il eut fini le tableau de la Céne placé à Rome dans l'Eglife de la Minerve. Le Baroche entendoit parfaitement l'effet des lumiéres, il peignoit d'un frais admirable, deffinoit correctement, toujours riant dans fes airs de têtes. Sa maniére est vague & belle, fes contours coulans, & noyés doucement avec le fonds. Son grand jugement se fait voir dans fes compofitions; on pourroit fouhaiter que les contours de fes figures fuffent plus naturels, que fes attitudes fuffent moins outrées, fouvent même il prononçoit trop les muscles du corps humain. Ses tableaux de dévotion inspiroient la piété à tout le monde,ils étoient fi touchans qu'on rapporte que faint Philippe de Neri fut fi frappé d'une vifitation qu'il avoit peinte à la Chiefa nuova, qu'il étoit continuellement à faire fa prière dans cette chapelle. Il est étonnant qu'avec une fanté fi incertaine, qu'à peine le Baroche pouvoit travailler pendant deux ou trois heures dans la journée, il ait cependant laiffé quantité d'ouvrages, pour lefquels il a fait des études infinies. Un léger rétablissement de fa fanté fut marqué par un tableau qu'il préfenta à la Vierge, & qu'il donna gratis aux Capucins d'Urbin. Malgré cette longue fuite de fouffrances, il n'abandonna jamais la peinture, & fes tableaux offrent toujours quelque chofe de gai. FREDERIC Il termina fes jours à Urbin en peignant un Ecce homo, en 1612, BAROCHE, âgé de quatre-vingts-quatre ans. Son corps fut porté avec magnificence dans l'Eglife de faint François où il eft enterré; on fit fon oraison funèbre, & fon épitaphe eft remarquable. Le Baroche a eu pour disciples Vannius de Sienne, le Sordo, François Baroche fon neveu, & Antoniano Urbinate; il a gravé de fa main plufieurs de fes tableaux d'une manière très fpirituelle, & il y a bien trente-deux eftampes gravées par Philippe Thomaffin, les Galles, les Sadeler, Corneille Cort, Adrien Collaert, François Villamene, Augustin Carrache, C. Blæmart, une piéce (a) noire par Jean Smith, &c. Les deffeins du Baroche font les uns au trait de plume lavés au biftre, rehauffés de blanc au pinceau; les autres font mêlés de plume & de crayon rouge : il y en a entiérement au pastel, à la plume, à la pierre noire, à la fanguine dont les hachures font groffes fans être croifées. Le Baroche se reconnoîtra tou- enfumée, fans jours à fes airs de têtes gracieux,à fes attitudes un peu outrées, qu'on y voye auà fes contours corrects & coulans, à fes draperies bien jettées, en un mot on ne peut fe méprendre à fa maniére de penfer. Ses principaux ouvrages à Rome, font à Belvedere, où il a peint dans une chambre les vertus tenant les armes du Pape, des enfans dans la frife & au plafond une Vierge, le Jefus & plufieurs faints, une annonciation en pied dans le plafond d'une autre piéce. A fainte Marie della vittoria une annonciation fur du taffetas. A la Chiefa nuova une vifitation trèsbelle, une présentation au Temple remplie d'un grand nombres de figures très expreffives. A la Minerve le tableau de la Céne, très-beau morceau. Au palais Borghese il y a beaucoup de fes ouvrages, entr'autres notre Seigneur au tombeau avec Nicoméde, Jofeph d'Arimathie, une Mater dolorofa très-beau tableau gravé par G. Sadeler, une Vierge affise dans la campagne avec le Jefus,S. Jean,S. Jofeph,gravé par Corneille Cort. A Urbin une conception avec plufieurs figures: une Céne dans la chapelle de l'Archevêché d'Urbin. Le fameux tableau des ftigmates de faint François aux Capucins d'Urbin, il eft gravé par Villamene: fainte Marguerite pour la confrairie du Saint Sacrement: pour l'Eglife de faint François le couronnement de la Vierge, le tableau du maître Autel représente N. S. qui accorde le pardon à faint François d'Affife; il l'a gravé lui-même à l'eau forte. (a) En fait d'eftampes une piéce che gravée d'unoire eft une planne maniére douce quoique noire comme fi elle étoit cun trait ni hachu re. FREDERIC A Cortone dans l'Eglife de Zoccolanti fainte Catherine à genoux recevant la palme de la main des anges. BAROCHE. A Arezzo le fameux tableau de la miféricorde, où l'on voit un aveugle qui par le moyen d'un fer que l'on tourne jouë de la vielle. A Sinigaglia un Chrift mort avec la Vierge fur le devant; pour la même ville, faint Hyacinte à genoux qui reçoit le Icapulaire de la main de la Vierge qui tient le Jefus. Le martyre de faint Vital de faint Vital pour Ravenne. A Pezaro pour une confraternité un tableau de la circoncifion; & dans le couvent de faint François la vocation de faint André & de faint Pierre, pareille à celle de l'Efcurial, la bienheureuse Micheline à genoux fur le Mont Calvaire. A Genes au Dôme un crucifix avec plufieurs figures. A Perouse au Dôme une defcente de croix avec onze belles figures. Au Dôme de Milan une defcente de croix, le baptême de faint Augustin par faint Ambroife, faint Martin. Dans la galerie de l'Archevêché de Milan une Vierge avec le Jefus dans fes bras, une tête de Christ couronnée d'épines. Dans la Bibliothèque Ambrofianne une nativité & une defcente de croix. L'embrasement de Troie pour l'Empereur Rodolphe II. Saint André & faint Pierre appellés à l'apoftolat pour le Roy d'Espagne; il eft à l'Efcurial ainfi que la fameuse annonciation du Baroche. Le Grand Duc poffède à Florence un Sauveur tenant le monde dans fa main, le portrait du Duc d'Urbin armé, celui du Prince Frédéric d'Urbin, la Vierge alla gatta, avec fainte Anne, faint Jean, faint Jofeph qui accompagnent le Jefus affis dans fon berceau, un Noli me tangere, où N. S. eft fous la forme d'un jardinier, tous deux gravés par Villamene & Corneille Cort. A Duffeldorf chez l'Electeur Palatin on voit une belle Ma. deleine. M. le Duc d'Orléans a dans fa riche collection, Enée qui fauve fon pere fur fes épaules de l'embrasement de Troie, gravé par Auguftin Carrache, deux différentes faintes familles, une tête de faint Pierre, & une fuite en Egypte. VOICI |