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Au Palais des Thuileries, le 10 Nivose, an 15.

Napoléon, Empereur des Français.

Nous avons nommé et nommons MM. Champagny, ministre de l'intérieur, Regnaud et Lacuée, conseillers d'état, pour se rendre au corps législatif aujourd'hui, 10 Nivose, et y faire l'exposé de la situation de l'empire.

Par l'Empereur,

Le secrétaire d'état.

(Signé)

(Signé)

NAPOLÉON.

H. B. MARET.

M. Champagny-Messieurs, en conséquence de la nomination dont il vient de vous être douné connaissance, je vais avoir l'honneur de vous faire l'exposé de la situation actuelle de l'empire français. La situation intérieure de la France est aujourd'hui ce qu'elle fut dans les tems les plus calmes; point de mouvement qui puisse allarmer la tranquillité publique; point de délit qui appartienne aux souvenirs de la révolution; partout des entreprises utiles, partout l'amélioration des propriétés publiques et privées attestent les progrès de la confiance et de la sécurité.

Le levain des opinions n'aigrit plus les esprits; le sentiment de l'intérêt général, les principes de l'ordre social, mieux connus et plus épurés, ont attaché tous les cours à la prospérité cominune: c'est ce que proclament tous les administrateurs ; c'est ce qu'a reconnu l'empereur dans tous les départe mens qu'il a parcourus; c'est ce qui vient d'être démontré de la manière la plus éclatante. Toutes les armées se sont vues à la fois séparées de leurs généraux; tous les corps militaires de leurs chefs; les tribunaux supérieurs, privés de leurs premiers magistrats; le ministère public, de ses premiers organes; les églises, de leurs principaux pasteurs; les villes, les campagnes, délaissées simultanément par tout ce qui a du pouvoir et de l'influence sur les esprits; le peuple partout abandonné à son génie; et le peuple partout s'est montré voulant l'ordre et les lois.

Dans le même moment, le souverain Pontife traversait la France. Dès rives du Pô jusqu'aux bords de la Seine, partout il a été l'objet d'un hommage religieux que lui a rendu avec amour et respect cette immense majorité, qui, fidèle à l'antique doctrine, voit un père commun et le centre de la commune croyance dans celui que toute l'Europe révère, comme un souverain élevé au trône, par sa piété et ses vertus. Une trame ourdie par un gouvernement implacable, allait replonger la France dans l'abîme des guerres civiles et de l'anarchie. A la découverte de cette horrible trame, la France entière s'est émue: des inquiétudes mal assoupies se sont réveillées, et dans tous les esprits à la fois se sont retrouvés des principes qui ont été ceux de tous les sages, et qui furent constamment les nôtres avant que l'erreur et la faiblesse eussent

aljéné les esprits, et que de coupables intrigues eussent égaré les opinions.

On avait éprouvé que le pouvoir partagé était sans accord et sans force; on avait senti que, confié pour un tems, il n'était que précaire, et ne permaittait ni les lougs travaux, ni les longues pensées; que confié pour la vie d'un seul homme, il s'affaiblissait avec lui, et ne laissait après lui que des chances de discorde et d'anarchie; on a reconnu enfin qu'il n'y avait, pour les grandes nations, de salut que dans le pouvoir héréditaire; que seul, il assurait leur vie politique, et embrassait dans sa durée les générations et les siècles.

Le sénat a été, comme il devait l'être, l'organe de l'inquiétude commune. Bientôt, a éclaté ce vœu d'hérédité qui était dans tous les cœurs vraiment français; il a été proclamé par les colléges électoraux, par les armées; le conseil d'état, des magistrats, les hommes les plus éclairés ont été consultés, et leur réponse a été unanime.

La nécessité du pouvoir héréditaire dans un état aussi vaste que la France, avait été depuis long-tems aperçue par le premier consul. Vainement il avait résisté à la force des principes; vainement il avait tenté d'établir un systême d'élection qui pût perpétuer l'autorité, et la transmettre sans danger et sans trouble.

L'inquiétude publique, les espérances de nos ennemis, accusaient son ouvrage. Sa mort devait être la ruine de ses travaux. C'était à ce terme que nous attendait la jalousie de l'étranger, et l'esprit de discorde et d'anarchie. La raison, le sentiment, l'expérience disaient également à tous les Français qu'il n'y avait de transmission certaine du pouvoir que celle qui s'opérait sans intervalle; qu'il n'y avait de succession tranquille que celle qui était réglée par les lois de la nature.

Lorsque de tels motifs appuyaient des vœux aussi pressans, Ja détermination du premier consul ne pouvait être douteuse. Il résolut donc d'accepter, pour lui et pour deux de ses frères après lui, le fardeau que lui imposait la nécessité des circon

stances.

De ses méditations mûries par des conférences avec les membres du sénat, par des discussions dans les conseils, par les observations des hommes les plus sages, s'est formée une série de dispositions qui fixe l'hérédité du trône impérial;

Qui assigne aux princes leurs droits et leurs devoirs; Qui promet à l'héritier de l'empire une éducation réglée par les lois, et telle qu'il sera digne de ses hautes destinées

Qui désigne ceux qui, dans le cas de minorité, seront appelés à la régence, et marque les limites de leur pouvoir;"

Qui place entre le trône et les citoyens, des dignités et des offices accessibles à tous les encouragemens et les récompenses des vertus publiques.

Qui donne aux hommes honorés de grandes distinctions ou

revêtu d'une grande autorité, des juges assez grands pont ne fléchir, ni devant leur autorité, ni devant leurs distinctions; Qui donne aux délits contre la sûreté publique et les intérêts de l'empire, des juges essentiellement attachés à la sûreté de l'empire et à ses intérêts;

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Qui met plus d'éclat et plus de poids dans les fonctions du législateur, plus de développement et plus d'entendue dans la discussion publique des lois;

Qui rappelle les tribunaux et leurs jugemens à ces antiques dénominations qui avaient obtenu le respect des siècles;

Qui garantit enfin les droits du prince et du peuple, par des sermens, gardiens éternels de tous les intérêts.

Ces dispositions ont été décrétées par le sénatus-consulte du 28 Floréal dernier; le peuple français a manifesté sa volonté libre et indépendante; il a voulu l'hérédité de la dignité impériale dans la descendance directe, légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte, dans la descendance directe et légitime de Joseph Bonaparte, dans la descendance directe et légitime de Louis Bonaparte.

Dès ce moment, Napoléon a été, au plus juste des titres, Empereur des Français; nul autre acte n'était nécessaire pour constater ses droits et consacrer son autorité.

Mais il a voulu rendre à la France ses formes antiques, rappeler parmi nous ces institutions que la divinité semble avoir inspirées, et imprimer au commencement de son règne le sceau de la religion même. Pour donner aux français une preuve éclatante de sa tendresse paternelle, le chef de l'église a voulu prêter son ministère à cette auguste cérémonie.

Quelles impressions profondes et durables elle a laissées dans l'âme de l'empereur et dans le souvenir de la nation! Quels entretiens pour les races futures! Et quel sujet d'admiration pour l'Europe!

Napoléon prosterné au pied des autels qu'il vient de relever; le souverain pontife implorant sur la France et sur lui les bénédictions célestes, et dans ses vœux, pour la félicité d'une nation, embrassant la félicité de toutes les nations!

Des pasteurs et des prêtres naguères divisés, unissant à ses supplications leur reconnaissance et leurs voix !

Les sénateurs, les législateurs, les tribuns, des magistrats, des guerriers, les administrateurs du peuple et ceux qui président à ses assemblées, confondant ensemble leurs opinions, leurs espérances et leurs vœux ; des souverains, des princes, des ambassadeurs, frappés par ce grand spectacle de la France assise sur ses anciens fondemens; et par son repos, assurant le repos de leur patrie! Au milieu de cette pompe, et sous les regards de l'Eternel, Napoléon prononçant le serment immuable qui assure l'intégrité de l'empire, la stabilité des propriétés, la perpétuité des institutions, le respect des lois et le bonheur

de la nation!

Le serment de Napoléon sera à jamais la terreur des ennemis et l'égide des Français. Si nos frontières sont attaquées, il sera répété à la tête de nos armées, et nos frontières ne craindront plus l'invasion étrangère; il sera présent à la mémoire des délégués de l'autorité; il leur rap elera le but de leurs travaux et la règle de leurs devoirs; et s'il ne garantit pas leur administration de quelques erreurs, il en assurera la prompte réparation.

Les principes qu'il consacre sont ceux de notre législation. Désormais, moins de lois nouvelles seront proposées aux délibé rations, du corps législatif. Le code civil a rempli l'attente publique, il est dans la mémoire des citoyens, il eclaire leur marche et leurs transactions, et partout il est célébré comme un bienfait.

Un projet de code criminel, achevé depuis deux ans, a été soumis à la censure des tribunaux, et subit en ce moment les dernières discussions du conseil d'état.

Le code de la procédure et le code du commerce en sont encore où les avaient laissés les travaux de l'année précédente. Des soins plus pressans ont appelé l'empereur, et il est dans ses maximes de ne proposer aux délibérations des législateurs, que des projets de lois mûris par de longues et sages discus

sions.

Les écoles de législation vont s'ouvrir; des inspecteurs sont nommés qui en éclaireront l'enseignement, et empêcheront qu'il ne dégénère en vaines et stériles épreuves; les lycées, les écoles secondaires se remplissent d'une jeunesse avide d'ins

truction.

De Fontainebleau est déjà sortie une milice qui marque dans nos armées par sa tenue, par ses connaissances, par son respect pour la discipline. L'école polytechnique peuple de sujets utiles nos arsenaux, nos ports et nos ateliers.

A Compiegne, l'école des arts et métiers obtient tous les jours de nouveaux succès. Celle qui se forme sur les limites de la Vendée, y est attendue avec impatience, et bientôt y sera en pleine activité.

Des prix ont été décernés aux sciences, aux lettres et aux arts; et dans une période de dix ans, assignée aux travaux que S. M. veut récompenser, elle a droit d'attendre que le génie français enfantera des chefs-d'œuvre.

Dans le département des ponts-et-chausées, les ouvrages commencés ont été poursuivis avec constance, d'autres sont médités, et chaque année prépare aux années suivantes de nouveaux projets pour la prospérité de l'état. Mais l'intempérie des saisons a trompé la prévoyance et le zèle de l'administration; des pluies, des torrens ont dégradé les routes avec plus de rapidité qu'on a pu en mettre à réparer leurs ravages; quelques travaux ont été détruits; d'autres ont été un mor iment suspendus; de grandes calamités ont affligé quelques BBB

départemens, et surtout celui de Rhin et Moselle, Un préfet judicieux, interprète des intentions de l'empereur, a porté les premiers secours aux malheureux qui en ont été les victimes. S. M. a relevé leur courage par sa présence, et les a consolés par ses bienfaits.

Le fléau de la contagion affligeait des contrées voisines, la vigilance de l'administration en a préservé notre territoire; il s'appaise dans les lieux où il exerçait ses ravages. En maintenant les mesures que commandent encore la prudence et l'intérêt de la santé publique, on préviendra l'invasion du mal sans interrompre la communication nécessaire à l'aliment de notre commerce et de nos manufactures.

Au centre de la Vendée s'élève une nouvelle ville destinée à être le siège de l'administration. De là elle portera sur tous les points une surveillance active et sûre; de là les lumières et les principes se propageront dans tout ce département où l'ignorance et le défaut d'instruction a livré si souvent des âmes simples et honnêtes aux intrigues de la malveillance.

Des décrets de l'empereur ont rappelé le commerce sur la rive gauche du Rhin, et donné à Mayence et à Cologue tous les avantages des entrepôts réels, sans les dangers des versemens frauduleux dans l'intérieur de la France.

Les manufactures se perfectionnent; et tandis que, dans de vaines déclamations, les mercenaires soudoyés par le gouvernement britannique vantent ses ressources lointaines et ses resSources précaires dispersées sur les mers et dans les Indes; tandis qu'ils peignent nos ateliers déserts et nos ouvriers mourant de misère, notre industrie étend ses racines sur notre propre sol, repousse l'industrie anglaise loin de nos frontières, est parvenue à l'égaler dans ce qui faisait sa gloire et ses succès, la perfection de ses machines, et s'apprête à lui disputer des consommateurs dans tous les lieux où elle pourra la rencontrer et l'atteindre.

Notre manufacture première, l'agriculture, s'aggrandit et s'éclaire; un systême d'exportation tellement combiné qu'il s'ouvre ou se ferme au gré de nos besoins, assure au cultiva teur le prix de son travail et l'abondance à nos marchés.

De nouveaux encouragemens préparent l'amélioration de la race de nos chevaux; nos laines se perfectionnent, nos cam pagnes se couvrent de bestiaux, et sur tous les points de l'empire se multiplient ses véritables richesses.

Avec la richesse, la sécurité renaissante a donné un plus libre essor à l'active bienfaisance; excitée par la religion et par le souvenir de nos malheurs, celle-ci ne se borne plus à des charités du moment: elle embrasse l'avenir et confie ses trésors au gouvernement, qui lui en garantit un emploi conforme à ses vœux. Jamais taut de legs, de donations pieuses n'ont été faits en faveur des hospices et des établisemens de bienfaisance. Quelques-unes de ces institutions ont été créées

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