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TITRE XV.

Des conscrits en dépôt.

67. Les conscrits en dépôt jouiront, jusqu'au moment où ils seront appelés à la réserve de la même liberté et des mêmes droits que le reste des citoyens. Toutefois, ils seront tenus, s'ils changent de résidence, d'en donner avis à leur maire et à l'officier de recrutement de leur domicile. Tout conscrit du dépôt qui sera convainçu d'avoir omis de donner l'avis ci-dessus prescrit, sera, par ordre du sous-préfet, placé à la tête des conscrits du dépôt, et comme tel destiné à passer le premier dans la réserve.

68. Toutes les dispositions relatives à la conscription, qui ne sont pas contraires au présent décret continueront d'être exécutées.

69. Les ministres sont chargés, chacun en cé qui les concerue, de l'exécution du présent décret.

Sire,

Paris, 21 Janvier, 1805.

Lettre de M. le duc de Looz-Corswarem.

J'avais résolu, par respect pour les dernières volontés de mon père, d'ensevelir avec moi les trames criminelles à l'aide desquelles de vils intrigans, abusant de votre nom et de celui d'un des frères de votre Majesté Impériale, étaient parvenus à surprendre la confiance que le duc Guillaume avait si justement placée en votre auguste personne.

Je n'eusse point encore aujourd'hui dévié de cette résolution, s'il n'en fût résulté qu'une nouvelle lésion de mes intérêts. Tant que mes ennemis n'en voulaient qu'à mon bien, je pouvais supporter la prolongation de mes malheurs; mais ils ont osé me calomnier; et comme l'estime de votre Majesté Impériale m'est plus précieuse que quoigne ce soit au monde, et que je n'ai rien de plus à cœur que de détruire les impressions défavorables que des circonstances, non expliquées, ont pu ou peuvent produire sur l'esprit de votre majesté, je me détermine à rompre le silence, et je suis prêt à mettre sous ses yeux des faits que j'avais ordre de ne jamais dévoiler.

Une narration simple et fidèle de ces faits et des circonstauces qui les ont amenés, dévoilera aux yeux pénétrans de votre Majesté Impériale, toute la trame dont on eût voulu me rendre la victime. M. de Piton, dont je me rends caution, est prêt à faire serment devant vous, sur son honneur, que tout ce que j'avance est l'exacte vérité, et à vous donner tous les renseignemens que vous pourriez désirer à cette égard.

J'attendrai avec respect les ordres de votre Majesté Impé-`

riale, pour mettre ma justification à ses pieds; et plein de confiance dans sa justice et sa magnanimité, j'ose espérer qu'elle daignera me continuer son estime que je crois mériter, qui fait mon ambition et mon espoir, et qui seúle peut me dédommager des malheurs que je n'ai cessé d'éprouver depuis la perte du digne chef de notre famille.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,

De votre Majesté Impériale,

Le très-humble, trés-sonmis et très-respectueux serviteur,

(Signé)

1

JOSEPH ARNOULD, duc de Looz-CORSWAREM.

Paris, le 10 Nivose (31 Décembre, 1804.)

Narré exact et véridique des motifs qui ont déterminé le feu due Guillaume de Looz à la vente de ses biens en France.

Le 24 Juin, 1802, le nommé Flachat écrivit au conseiller de Piton, chargé d'affaires du duc Guillaume de Looz, qu'ayant quelque chose d'important à lui communiquer, il le priait de passer chez lui.

De Piton s'y rendit, et vit, pour la première fois, Flachat dont il n'avait jamais entendu parler.

Dans cette première conférence, Flachat s'annonça comme l'ami intime du premier Consul, son homme de confiance dans les affaires les plus secrètes, enfin son banquier chargé du placement de tous ses fonds, et, pour ne laisser aucun doute sur cet énoncé, il montra à de Piton, une liasse considérable de lettres écrites de la main du premier Consul.

Vous avez, dit-il à de Piton, adressé il y a quelque tems, un mémoire au premier Consul, pour réclamer sa protection et obtenir l'indemnité dûe au duc de Looz; c'est moi qui le lui ai remis directement, et, d'après les pourparlers que nous avons eus ensemble, à cet égard, il a déterminé que l'indemnité du duc serait assignée sur le duché de Westphalie, et s'éleverait à un million de revenn; mais avant de signer le traité qui doit avoir lieu à cet égard, ajouta Flachat, le premier Consul m'a chargé de vous dire qu'il désirerait que vous vendissiez au membre de sa famille qu'il désignera, les biens que vous possédez en France, et que vous avez l'intention de ne pas conserver. Si vous y consentez, votre indemnité n'éprouvera plus aucun obstacle. Je dois lui porter demain votre réponse, mais surtout ne perdez pas de vue que vous payeriez chèrement la moindre indiscrétion à cet égard, et que dès lors vos demandes seraient pour toujours écartées.

De Piton pria Flachat d'assurer le premier Consul qu'il s'empressera de signer tous les actes qui lui seront présentés de sa part; que le duc Guillaume de Looz verra avec plaisir que la transmission des biens de sa maison se fait dans une fa

mille qui a si bien mérité aux yeux de toute l'Europe, et qu'il n'oubliera jamais que c'est à la protection d'un si digne chef qu'il sera redevable de son existence civile et politique.

Le lendemain, 25 Juin, à sept heures du matin, de Piton se rendit chez Flachat, pour lui remettre les renseignemens qu'il lui avait demandés la veille sur la nature des biens du duc de Looz. A peine était-il entré qu'un courrier, couvert de sueur, apporta un billet conçu en ces termes:

"Je vous prie, mon cher ami Flachat, dé vous rendre le plutôt possible à Malmaison; j'ai à vous parler d'objets "importans,"

Aussitôt Flachat ordonna à ses gens, qui se présentèrent en grand nombre, de mettre sa grande livrée et de faire, atteler quatre chevaux à sa voiture.

"Rendez-vous chez moi à une heure, dit-il à de Piton, et "attendez-moi jusqu'à mon retour de Malmaison."

A sept heures du soir Flachat arriva et annonça que le premier Consul, qu'il avait trouvé dans son jardin, lui avait sauté au col, l'avait embrassé et lui avait dit: "Oh! mon cher ami Flachat, j'ai encore besoin de vos conseils; mes finances sont en détresse, il me faut en ce moment quinze millions; il n'y a que vous qui ayez les moyens de me faire cette somme et de me tirer du cruel embarras daus lequel je me trouve; acceptez le ministère des finances, autrement je ne réponds plus de rien."

"Quant à vous, ajoute Flachat, il a décidé qu ce serait son frère Joseph qui réglerait l'indemuité du duc de Looz, et en passerait le traité; il m'a donné l'assurance qu'il ratifierait tout ce que son frère Joseph aurait conclu et arrêté à cet égard.

Le 26 Juin à dix heures du matin, Flachat présenta à de Piton le.......qui se dit envoyé de Joseph Bonaparte, pour traiter de l'acquisition des biens du duc Guillaume de Looz. Cet envoyé assura de Piton que les indemnités étaient réglées, non sur le duché de Westphalie, dont on faisait un autre emploi, mais sur la partie de l'évêché de Munster, située à la rive gauche de l'Ems, qu'on évaluait à 800,000 flor. de reve nu; que le duc Guillaume jouirait, avec ce pays, de la prérogative d'un vote viril au banc des princes, et qu'aussitôt que les actes préparatoires, qui devaient servir de sûreté à la vente, seraient signés, le premier Consul donnerait la main levée du séquestre.

Joseph m'a chargé, ajouta cet envoyé, de vous conduire à Morfontaine, aussitôt la régularisation des actes, pour passer avec vous le traité diplomatique qui fixera vos indemnités d'une manière invariable, et dans lequel on stipulera la garantie de la France. Il le portera de suite au premier Consul, qui chargera le ministre des relations extérieures de son exés cution.

EEE

Joseph verrait avec plaisir, ajouta cet envoyé, que vous en gageassiez le ministre de S. M. Prussienne à intervenir dans ce traité.

L'envoyé présenta alors les projets des actes qu'il venait d'apporter, disait-il, de Morfontaine, et il observa qu'il ne conviendrait pas d'y apporter aucun changement, parce qu'ils étaient agréés du premier Consul et de son frère Joseph. De Piton déclara de nouveau qu'il souscrirait avec une pleine et entière confiance à tous les actes qui lui seraient présentés de la part du premier Consul ou de tous autres membres de son illustre famille.

On convint, en se retirant, de se réunir le lendemain, à huit heures du matin, chez Flachat, pour la signature des actes.

A cette réunion, Flachat présenta un nommé Bret, avocat. C'est, dit Flachat, la personne que Joseph a choisie pour figu rer dans le contrat: "ma fortune est tellement forte, dit-il, "que je risquerais, en me mettant en noin dans cette achat, "de me faire beaucoup d'ennemis."

Deux heures après arriva le notaire Charpentier, qui s'excusa d'avoir fait attendre, sur ce qu'il avait dû se rendre de grand matin aux Thuileries, et de là passer chez Joseph pour rédiger un contrat secret.

Flachat présenta Charpentier à de Piton, comme le notaire de confiance du premier Consul et de toute sa famille.

De Piton déclara que, sous ce rapport, Charpentier devenait investi de sa confiance illimitée.

Charpentier fit lecture des actes, qui furent consentis et signés, tels qu'il étaient présentés.

Aussitôt l'envoyé de Joseph se retira, en disant qu'il partait pour Morfontaine, où il annoncerait que tout était consommé, et demanderait à Joseph le jour et l'heure qu'il fixerait pour passer le traité.

Le 2 Juillet, Flachat écrivit à de Piton de se rendre chez lui le lendemain, à sept heures du matin.

Dans cette conférence, Flachat annonça que Joseph avait jugé que les pouvoirs de Piton étaient insuffisans, et qu'il fallait, avant de passer le traité diplomatique, que de Piton procurât la ratification des actes par le duc son maître; qu'à cette fin, de Piton devait expédier un courier extraordinaire, avec les modèles des pouvoirs et de ratification qu'il avait rédigés, conforinément aux lois françaises.

Le 6 Juillet, de Piton expédia un courier extraordinaire au duc son maître, à qui il fit un rapport exact de toute sa négociation, et lui annonça qu'il pouvait ratifier de confiance tous les actes qu'il lui envoyait, parce qu'ils étaient conformes à la volonté du premier Consul et de son frère Joseph, auxquels lá maison ducale devrait la conservation de son existence civile et politique.

Le 11 Juillet, le duc Guillaume de Looz, pénétré de la plus

entière confiance, ratifia les actes tels qu'ils lui avaient été envoyés, et les fit revêtir du visa du ministre de France près la cour de Cassel.

En renvoyant ces actes à de Piton, il lui écrivit "que d'a"près sa confiance entière dans la justice et la magnanimité "du premier Consul, il signe aveuglément les actes qui lui "sont envoyés, et qu'il se confie, pour l'exécution, dans la "divine Providence et dans celui envoyé de Dieu sur la terre "pour rétablir la paix parmi les hommes. (Le premier "Consul.")

Le 20 Juillet arriva le courier porteur des actes revêtus de la signature du duc Guillaume. Aussitôt Flachat en informa l'envoyé de Joseph, qui dit partir pour Morfoutaine.

Cet envoyé revint le lendemain; il déclara que Joseph avait été très-satisfait de la conduite du duc Guillaume, et avait donné l'assurance formelle que, sous 48 heures, le traité politique serait signé.

Le 22 et jours suivans, de Piton attendit en vain le traité diplomatique qui lui était promis. Chaque jour, on le remettait au lendemain; enfin, pressé par ses vives sollicitations, on lui annonça que Joseph avait remis au ministre des rela tions extérieures l'ordre du premier Consul, qu'on allait publier le plan général, et qu'on y verrait figurer le duc Guillaume-Joseph pour les indemnités qui étaient convenues.

Dans cet intervalle, le duc Joseph-Guillaume écrivit à de Piton qu'il pensait que le traité diplomatique devait êtie signé. Il s'exprimait ainsi dans cette lettre:

"Je prie Dieu pour la conservation des jours du premier Consul et de son frère Joseph. Fasse le ciel qu'ils transmettent leur sagesse à leurs successeurs, et qu'ils vivent perpétuellement en eux : ce sont mes vœux les plus sincères."

Ce ne fut qu'après la publication du premier plan d'indemnité, que de Piton voyant que le duc Guillaume ne s'y trouvait pas compris commença à douter de la vérité de tout ce qui s'était passé. Il communiqua ses doutes à Flachat qui ne manqua pas de prétextes pour chercher à le tranquilliser. Je vais, dit-il, à Malmaison, pour parler au premier Consul; venez demain, et je saurai vous donner du positif.

Le lendemain, Flachat dit à de Piton: le premier Cousul m'a chargé de vous assurer qu'il tiendrait ses promesses, et qu'il était indigné de la conduite de l'Autriche et de la Prusse, qui, dans cette circonstance, n'avaient point rempli ses intentions. Au surplus, dit Flachat, le premier Consul va renverser tout le plan, et il m'a dit de vous charger d'écrire au duc Guillaume, qu'il pouvait se confier entièrement dans sa protection, et qu'il obtiendrait indubitablement l'indemnité qui lui a été promise, lorsqu'on a signé les contrats.

Malgré ces assurances, le voile qui jusqu'alors avait couvert les yeux de de Piton, fut totalement déchiré. En conséquence,

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