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après avoir fait à Flachat tous les reproches que méritait une conduite aussi répréhensible, il lui proposa d'anéautir tous les actes, et de laisser, à cette condition, enseveli dans un éternel oubli tout ce qui s'était passé.

Mais, malgré toutes les remontrances et les démarches de de Piton, Flachat ne voulut point consentir à cet arrangement, et déclara qu'il était bien vrai que le premier Consul et Joseph n'avaient pas tenu lear parole jusqu'alors, mais qu'ils pour raient avair donné à Ratisbonne des instructions secrètes qui paraîtraient dans le second plan; que dans tous les cas, il ne consentirait à se désister de ses contrats, qu'autant qu'il lui serait alloué un dédommagement de douze cent mille francs.

De Piton s'adressa à Charpentier, pour se plaindre de cette conduite, et le prévenir de ne pas se dessaisir des actes déposés; mais celui-ci, au lieu de blâmer la conduite de Flachat, déclara être de moitié dans les bénéfices de cette affaire, et observa qu'il fallait s'arranger avec Flachat amiablement, si l'on ne voulait pas le voir user de la possibilité qu'il avait avec l'avocat Bret, de faire enregistrer les contrats, de vendre les biens, et de passer avec tous ses fonds à l'étranger.

De Piton sentit que la prudence exigeait de grands ménagemens envers un homme capable de tout, et son opinion à cet égard était tellement fondée, que l'expérience a depuis prouvé que Flachat, sous la caution de Charpentier, violant le dépôt des actes qui avait été fait chez ce dernier, les avait engagés auprès de M. Desprez, banquier, comme garantie d'un emprunt de 600,000 fr. à son profit, qu'il obtint de lui par fraude.

En conséquence, après un mois de négociation, il-parvint enfin à réduire à un million les prétentions de Charpentier ét de Flachat.

Il ne s'agissait dont plus que de faire anéantir totalement les contrats, et à cette fin, de Piton parvint à déterminer Flachat à partir avec lui le 10 Janvier, 1803, pour se rendre auprès du duc Guillaume à Rheina, revêtu des pouvoirs de Charpentier, pour transiger et régler définitivement cette

affaire.

Dans le rapport que fit de Piton à son arrivée au duc Guillaume, son maître, après avoir présenté tous les détails de cette trame criminelle, il proposa de faire emprisonner Flachat, et de le faire punir conformément aux lois; mais le duc Guillaume, par respect et par attachement pour la personne du premier Consul, et pour celle de tous les membres de sa famille, et désirant éloigner les conséquences qui pourraient résulter de la publicité d'un crime aussi odieux dans un état qui venait d'éprouver une secousse aussi violente, ne voulut point consentir à sévir contre Flachat et préféra sacrifier les intérêts de sa famille; il ordonna en conséquence à de Piton d'observer un silence éternel sur cette affarire, et chercha les

moyens les plus propres d'assurer aux deux intrigans qui l'avaient si cruellement trompé, le million de remise qu'ils exigeaient.

Mais n'ayant point cette somme, ne pouvant la trouver que sur des emprunts à faire sur ses biens, dont la disponibilité lui était enlevée par les actes passés avec Flachat, et ne pouvant obtenir de lui d'annuller ces actes avant que sa remise lui fût assurée, il fut forcé à lui passer vente de ses biens, à des conditions et avec des remises qui assuraient à Flachat la somme qu'il exigeait.

Le duc Guillaume, pour mieux éviter toute publicité, sé déterinina de plus à laisser ignorer, en mourant, à son fils Joseph Arnould, les motifs politiques qui l'avaient déterminé

à cette mesure.

Telle était la position du duc Joseph Arnould, lorsque, sur la demande qu'il fit de la levée du séquestre apposé sur les biens de son père, il lui fut représenté qu'il n'obtiendrait ce séquestre qu'autant qu'il se rendrait acquéreur des biens acquis par Flachat.

Il fallut donc de nouveau traiter avec cet homme méprisable, et faire le sacrifice de douze cent mille francs, par les dédommagemens qu'exigea Flachat, par les remises qu'entraina la réalisation de ces dédommagemens, et par les coûts de contrats et d'enregistrement.

Cette nouvelle soumission du duc Arnould fut enfin suivie de la levée du séquestre sur ses biens, et il touchait au moment de s'acquitter enfin des engagemens énormes qu'il avait contractés, et qui un jour détérioreraient sa position par la cumulation des intérêts, lorsque, par des prétentions injustes et des dénonciations calomnieuses, les sœurs du duc Joseph Arnould sont parvenues à surprendre la religion de S. M. l'empereur et à faire réapposer le séquestre sur des biens qui lui appartenaient, non comme héritier, mais comme acquéreur, titre contre lequel des prétentions de cohéritiers ne pouvaient voir aucune prise. Certes, si le duc Joseph Arnould eût pu concevoir la moindre inquiétude sur les intentions paternelles et justes de S. M. l'empereur, et sur la nullité des prétentions exercées contre lui, il se serait empressé pendant les six mois qui se sont écoulés entre la levée et la réapposition du séquestre, de vendre ses biens à quelque prix que ce fût, et d'en réaliser le montant. Il n'en a rieu fait, et ses biens se sont trouvés dans le même état, lors de la réapposition du séquestre, où ils étaient au moment de la levée du séquestre antérieur.

Cette conduite, quoique conforme à ses principes et à sa loyauté, doit être rappelée ici, pour donner à S. M. l'empereur une nouvelle preuve que les impressions défavorables, qu'on a pu chercher à lui donner sur son compte, ne sont pas fondées.

Le secrétaire d'état, à M. le duc de Looz-Corswarem. S. M. l'empereur a pris connaissance, Monsieur le Duc,de votre lettre du 10 de ce mois, et du narré dans lequel, en exposant les motifs qui ont déterminé le feu duc Guillaume de Looz à la vente de ses bieus en France, vous faites connaître les détails de l'intrigue dont vous avez été la victime.

Sa majesté a ordonné aussitôt que les auteurs de cette audacieuse escroquerie fussent arrêtés et livrés aux tribunaux, pour être poursuivis selon toute la rigueur des lois.

Elle a vu avec plaisir, Monsieur, la franchise qui a dicté votre démarche; et elle désire que toute autre personne, s'il en est qui ait été l'objet de semblables manoeuvres, imite votre exemple. C'est un moyen certain d'obtenir justice, et d'assurer le châtiment des coupables.

J'ai l'honneur de vous offrir l'assurance de ma haute considération.

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L'empereur d'Allemagne, informé des ravages de la fièvre jaune en Espagne et à Livourne et de ceux que faisait la peste à Raguse, a pris le parti d'ordonner l'établissement d'un cordon, pour mettre les états de sa domination à l'abri de ces fléaux. Il a en conséquence jugé à propos d'envoyer un nouveau régiment d'infanterie en Tyrol, trois régimens d'infanterie et un de cavalerie sur les frontières d'Italie.

Ces dispositions étaient naturelles, et la France ne pouvait en concevoir aucune inquiétude; cependant les nouvellistes d'Allemagne, les journalistes d'Augsbourg, ceux d'Italie et cette nuée d'agens que l'Angleterre entretient dans toutes les parties de l'Europe pour semer de faux bruits, s'efforçaient de jeter l'alarme.

Ce n'était plus cinq régimens qu'on avait mis en marche, c'était un armée de 80,000 hommes. Les lettres de Gratz apprenaient avec détail le nom de tous les corps de cette armée, la composition des trains d'artillerie, etc. etc. et donnaient des motifs particuliers au voyage du général Mack et des autres généraux que la cour de Vienne avait chargés de l'inspection ordinaire des troupes.

L'empereur des Français se proposant de profiter de la saison favorable pour visiter la partie de ses états qui se trouve au-delà des Alpes, et pour aller arranger définitivement à Milan les affaires de la république italienne, faisait partir des équipages et quelques détachemens de sa garde, nécessaires la pompe d'usage dans de pareilles circonstances.

A peu près dans le même tems, cinq régimens ayant quitté le Piémont pour s'embarquer sur l'escadre de Toulon, il avait été nécessaire de pouvoir à leur remplacement.

Il n'en a pas fallu davantage pour donner carrière aux fausses nouvelles. On a dit que cent mille hommes avaient marché vers l'Italie, et bientôt on a montré des armées en présence et la guerre prête à se déclarer.

Quoique l'empereur d'Allemagne fût certain des dispositions pacifiques de la cour des Thuilleries, et que l'empereur Napoléon fût plein de confiance dans la parole et dans les intentious de la cour de Vienne, la puissance des faux bruits est devenue telle, que les deux cabinets ont été dans le cas d'entrer en explication.

Ils se sont trouvés parfaitement d'accord pour laisser l'Europe jouir du repos de la paix et pour consacrer tous leurs soins à l'amélioration de leurs finances et à la prospérité de l'agriculture et du commerce.

Nous croyons devoir entrer dans ces détails, ainsi que nous l'avons fait toutes les fois que de faux bruits semés par les pamphletaires anglais avaient pour but de favoriser à Londres la faction de la guerre, et parvenaient à tromper le commerce, à changer la direction de ses spéculations et à les diriger sur de fausses hypothèses.

C'est avec le même but qu'il y a deux mois on avait accrédité les fables les plus absurdes sur la situation de nos finances et sur la création d'un nouveau papier-monnaie; et ces bruits ridicules avaient pris une telle consistance que le change avec l'étranger en avait souffert, et que les négocians de la capitale furent obligés d'écrire sérieusement à leurs correspondans pour faire sentir l'absurdité de ces rumeurs,

Puisque nous en sommes à parler des faux bruits, c'est le moment de dire un mot sur tout ce qu'on a débité au sujet des dépenses du sacre. Il ne s'agissait rien moins que de sayoir si elles s'étaient élevées à 50 ou à 60 millions. Voici à cet égard des détails parfaitement exacts. Ces dépenses ont coûté au ministère de l'intérieur, pour les frais de voyage des fonctionnaires publics appelés au couronnement, et des députations de gardes nationales, 700,000 fr.; au ministère de la justice pour les frais de voyage des fonctionnaires de ce département, 300,000 francs; au ministère des cultes pour dépenses de même nature, 100,000 fr.; en indemnité d'étape pour les députations militaires, 400,000 francs; enfin 3 millions acquittés par le trésorier-général de la couronne sur les fonds de la liste civile pour l'arrange.nent de la métropole pour la fête du Champ-de-Mars, pour celle des Thuilleries, pour la distribution des médailles, pour les ornemens impériaux, les habillemens, les équipages de toute nature de LL. MM. On peut ajouter la fête du sénat payée sur les fonds de ce corps, et dont la dépense ne s'est pas élevée au-delà de 150,000 francs; et celle de la ville dont les frais ont été plus que compensés par l'augmentation que l'atluence des étran gers a occasionnée dans les produits de l'octroi.

Nous terminerons là l'examen des faux bruits qui circulent. Il y en a de toutes les espèces; mais le Français est d'un caractère un peu causeur, et nous ne considérons comme digne d'être contredit que ce qui est propre à porter atteinte, soit à la sécurité du commerce, soit à la tranquillité des citoyens.

SENAY CONSERVATEUR.

Message de S. M. l'empereur au sénat conservateur.

Sénateurs,

Nous avons nommé notre beau-fils Eugène Beauharnois archi chancelier d'état de l'empire. De tous les actes de notre pou, voir, il n'en est aucun qui soit plus doux à notre cœur.

Elevé par nos soins et sous nos yeux, depuis son enfance, il s'est rendu digne d'imiter, et, avec l'aide de Dieu, de sur passer un jour les exemples et les leçons que nous lui avons donnés.

Quoique jeune encore, nous le considérons dès aujourd'hui, par l'expérience que nous en avons faite dans les plus grandes circonstances, comme un des soutiens de notre trône, et un des plus habiles défenseurs de la patrie.

Au milieu des sollicitudes et des amertumes inséparables du haut rang où nous sommes placé, notre cœur a eu besoin de trouver des affections douces dans la tendresse et la cons→ tante amitié de cet enfant de notre adoption; consolation né cessaire sans doute à tous les hommes, mais plus éminemment à nous, dont tous les instans sont dévoués aux affaires des peuples.

Notre bénédiction paternelle accompagnera ce jeune prince dans toute sa carrière, et, secondé par la Providence, il sera un jour digne de l'approbation de la postérité. Au palais des Thuilleries, le 12 Pluviose, an 18.

Par l'empereur,

(Sigué)

NAPOLÉON.

Le secrétaire d'état, (signé) H. B. MARET. ·

Extrait des registres du sénat-conservateur, du Vendredi 12, Pluviose, an 13.

Lecture faite de deux messages de l'empereur, en date de ce jour, adressés au sénat sous la présidence de S. A. S. l'archichancelier de l'empire, par lesquels S. M, impériale notifie au sénat, 1. la nomination qu'elle a faite de son beau-frère M. le maréchal Murat, à la dignité de grand-amiral de l'empire. 2. La nomination que S. M. impériale a pareillement faite de son beau-fils M. Eugène Beauharnois, à la dignité d'archi chancelier d'état de l'empire.

Le sénat arrête:

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