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Des émissaires tâchent de disposer à un soulevement dans les départemens de l'Ouest.

Des assassins s'en détachent pour s'unir aux conjurés qui doivent se rendre à Paris.

Un premier débarquement s'opère le 21 Août, à l'aide d'un cutter anglais, Capt. Thomas Right.

Georges Cadoudal et Joyaut sont à la tête.

Un second débarquement s'exécute, du 10 au 20 Décembre, à l'aide d'un Vaisseau anglais de la marine royale, même Capt. Coster, Saint Victor en fait partie.

Le 16 Janvier, un trosième débarquement a lieu, toujours au pied de la falaise de Béville, à l'aide du cutter anglais qui avait facilité le premier, et sous la conduite du même captaine, Pichegru et Lajolais étaient du nombre des conjurés que l'Angleterre faisait jeter sur les côtes de France.

Georges Cadoudal, Raoul Gaillard et Joyant allèrent audevant.

Un quatrième débarquement devait avoir lieu, des révélatious en avoient instruit.

Le ci-devant comte d'Artois, et des personnes à la présence desquelles les conjurés attachaient une haute importance, devaient en faire partie; des mesures avaient été prises pour que rien n'échappåt. Les vaisseaux furent réellement en vue, les signaux de reconnaissance furent donnés, mais des vents contraires empêchèrent d'approcher.

Déjà la police avait fait arrêter plusieurs des conjurés.

Des interrogatoires résultaient les preuves que le gouver nement britannique voulait le renversement du gouvernement français et pour y parvenir, l'assassinat du Premier Consul;

Qu'il avait fourni les poignards, les armes, la poudre, l'or et tout ce qui pouvait être nécessaire pour livrer la France à des siècles de guerre civile.

Le grand juge, ministre de la justice fait son rapport au gouvernement.

La communication officielle en est faite au Sénat, au Corps législatif et au Tribunat.

Une indignation universelle se manifeste.

Le Sénat, après avoir pesé dans sa sagesse les circonstances et l'intérêt national, rend le 8 Ventóse un Sénatus-consulte ainsi conçu :

Art 1. Les fonctions de Jury seront suspendues pendant le cours de l'an 12 et de l'an 13, dans tous les départemens de la République, pour le jugement des crimes de trahison, d'attentat contre la personne du Premier Consul et autres contre la sûreté intérieure et extérieure de la République.

2. Les Tribunaux criminels seront à cet effet, organisés conformément aux dispositions de la loi du 23 Floréal an 10, sans préjudice du pourvoir en cassation.

3. Le présent Sénatusconsulte sera transmis par un message au gouvernement de la République.

Le lendemain, une loi est rendue contre les receleurs des conjurés.

Eile porte:

Art. 1. Le recèlement de Georges et de soixante brigands actuellement cachés dans Paris ou les environs, soudoyés par l'Angleterre pour attenter à la vie du Premier Consul, et à la sûreté de la République, sera jugé et puni comme le crime principal.

2. Sont receleurs, ceux qui, à dater de la publication de la présente loi auront sciemment reçu, retiré, ou gardé l'un ou plusieurs des individus mentionnés en l'article précédent à moins qu'ils n'en fassent la déclaration à la police, dans le délai de vingt-quatre heures, à compter du moment où ils les auront reçus, soit que les individus logent encore chez eux, soit qu'ils ne s'y trouvent plus.

3. Ceux qui avant la publication de la présente auront reçu Pichegru ou les autres individus dessus mentionnés, seront tenus d'en faire la déclaration à la police dans le délai de 8 jours. Faute de déclaration, ils seront punis de 6 ans de fers.

4 Ceux qui feront la déclaration dans le susdit délai, ne pourront être poursuivis, ni pour le fait de recèlement, ni même pour infraction aux lois de police.

La publication de cette loi próduisit l'effet qu'on devait en

attendre.

La crainte saisit en même-tems, et les conjurés et presque tous ceux qui les recelaìent.

On avait les signalemens: on arrêta des conjurés dans les rues. Ceux qui furent obligés de changer de retraite, furent suivis et saisis.

Des démarches indiscrètes et des révélations firent péné trer dans des repaires qui n'avaient point été abandonnés.

Les ordres de la police, transmis dans toute la France, et l'envoi de la loi, déterminèrent partout la même surveillance et la même activité.

Pendant qu'on continuoit les recherches, le grand juge, ministre de la justice, écrit le 15 Ventôse la lettre suivante au commissaire du gouvernement, accusateur public.

Je vous adresse, Citoyen commissaire, les pièces relatives à la conspiration tramée contre la vie du Premier Consul, et contre la sûreté intérieure et extérieure de l'état. Je vous charge d'en poursuivre les auteurs et complices, conformé ment au Senatus-consulte du 8 Ventôse présent mois, et de mettre dans ces poursuites la plus grande activité.

Les pièces sont immédiatement déposées au greffe du tribunal.

Le 16 un juge est nommé pour procéder à l'instraction.
Elle a reçu son complément,

Le commissaire du gouvernement va établiņ

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Imo. Que la conspiration est constante.

2. Que le gouvernement anglais en est l'âme.

3. Que tous les individus écronés, en vertu de mandats d'arrêts délivrés sur son requisitoire, sont auteurs ou complices de cette conspiration, ou coupables d'infraction à la loi du 9 Ventôse.

PREMIER POINT.

La conspiration est constante.

Les preuves de son existence sont si claires, qu'il est impos sible qu'elles ne portent pas la conviction dans tous les esprits. Le commissaire du gouvernement croit devoir mettre d'abord sous les yeux de la justice, celles qui émanent des déclarations mêmes des individus qu'il accuse.

George Cadoudal, commandant en chef des Chouans, et dont la présence seule à Paris est une preuve de la conspiration a dit, le 18 Ventose dernier, dans un interrogatoire qu'il a subi devant le juge instructeur :

Qu'il était venu à Paris dans l'intention d'attaquer le Premier Consul;

Que son attaque devait être la vive force.

Qu'il avait à Paris une réunion de forces à sa disposition ; Que son projet et celui des conjurés, étaient de mettre un Bourbon à la place du Premier Consul;

Que ce Bourbon était le Prétendant, reconnu par lui et ses adhérens pour Louis XVIII,

Qu'on ci-devant Prince devait se trouver à Paris;

Que lors de l'attaque, il aurait joué le rôle que ce Prince lui aurait assigné.

Que le plan avait été conçu et devait être exécuté d'accord avec les ci-devant Princes Français;

Qu'il avait depuis long-tems les fonds à sa disposition;

Qu'il devait attaquer le Premier Consul avec des armes pareilles à celles de son escorte et de sa garde."

Georges Cadoudal avait sans doute encore d'autres aveux à faire; mais sa déclaration peut-elle laisser des doutes sur la conspiration?

Rusillion, ex-militaire suisse, a déclaré le 15 Ventôse dernier à la préfecture de police "que c'était Pichegru qui l'a vait déterminé à venir de Londres avec lui, et qu'à son regret il s'était réuni pour opérer le renversement du gouvernement; Qu'il avait tout lieu de croire que c'était avec le ci-devant comte d'Artois que Pichegru avait préparé tous ses moyens. Il a parlé de Moreau et de Georges, comme lui ayant été indiqués pour les chefs de la conspiration avec Pichegru.

Il a dit que Lajolais, en arrivant à Londres, avait assuré que

Moreau, mécontent du gouvernement du Premier Consul, désirait et voulait aider de tout son pouvoir à le renverser ;

Que depuis son arrivée en France, Pichegru et Georges avaient vu Mɔreau à Paris.

Il a assuré le 23, qu'il avait entendu Polignac (Armand) Polignac (Jules) avec un autre, dire." "Tout va mal, ils ne s'entendent pas, Moreau ne tient pas parole: il a des vues particulières, nous avons été trompés."

Il a ajouté "que d'après tout ce qu'il avait entendu, il estimait que Moreau avait toujours été considéré comme l'homme sur lequel on devait principalement compter et sur lequel on comptait réellement.

Qu'il semblait qu'il avait à sa disposition une force armée imposante, et beaucoup d'ascendant sur les autorités."

Bouvet de Lozier, se qualifiant d'adjutant général de l'armée Royale, conduit à la tour du Temple, ne pouvant se dissimuler combien il était coupable, a cherché les moyens de se détruire.

Arraché à la mort, un sentiment de retour l'a déterminé à faire au grand juge, le 14 Février dernier, la déclaration sui

vante:

C'est un homme qui sort des portes du tombeau, et encore couvert des ombres de la mort, qui demande vengeance de ceux qui par leur perfidie l'ont jeté", lui et son parti dans l'abîme où il se trouve.

Envoyé pour soutenir la cause des Bourbons, il se trouve obligé ou de combattre pour Moreau, ou de renoncer à une entreprise qui était l'unique objet de sa mission.

Je m'explique:

Monsieur devait passer en France pour se mettre à la tête du parti Royaliste. Moreau promettait de se réunir à la cause des Bourbons.

Les royalistes rendus en France, Moreau se rétracte; il leur propose de travailler pour lui, et de le faire nommer Dic

tateur.

L'accusation que je porte contre lui n'est appuyée peut-être que de demi-preuves. Voici les faits, c'est à vous de les ap précier.

Un général qui a servi sous les ordres de Moreau, Lajolais je crois, est envoyé par lui aux Princes à Londres. Pichegru était l'intermédiaire; Lajolais adhère, au nom et de la part de Moreau, aux points principaux du plan proposé. Le Prince prépare son départ, le nombre des Royalistes en France est augmenté, et dans les conférences qui ont lieu à Paris, entré Moreau, Pichegru, et Georges, le premier manifeste ses intentions et déclare ne pouvoir agir que pour un Dictateur et non pour un Roi. De là l'hésitation, la dissention et la perte presque totale du parti royaliste.

Lajolais était auprès du Prince au commencement de Janvier de cette année, comme je l'ai appris par Georges. Mais ce que j'ai vu, c'est le 17 Janvier, son arrivée à la Poterie, le lendemain de son débarquement avec Pichegro, par la voie de notre correspondant que vous ne connaissez que trop.

J'ai vu encore le même Lajolais, le 25 on le 26 Janvier, lorsqu'il vint prendre Georges et Pichegru à la voiture où j'étais avec eux, boulevard de la Madeleine, pour les conduire à Moreau, qui les attendait à quelques pas de là. Il y eut entre eux, aux Champs Elysées, une conférence qui déjà nous fit préBager ce que Moreau proposa ouvertement dans la suivante qu'il eut avec Pichegru seul, savoir, qu'il n'était pas possible de rétablir le Roi, et il proposa d'être mis à la tête du gouvernement, sous le titre de Dictateur, ne laissaut ainsi aux Royalistes que la chance d'être ses collaborateurs et soldats. Je ne sais quel poids auprès de vous l'assertion d'un homme arraché depuis une heure à la mort, qu'il s'était donnée luimême, et qui voit devant lui celle qu'un gouvernement offensé lui réserve; mais je ne puis retenir le cri du désespoir, et ne pas attaquer l'homme qui m'y réduit.

Au surplus, vous pourrez trouver des faits conformes à ce que j'avance, dans la suite de ce grand procès, où je suis impliqué."

Dans un interrogatoire, en date du 30 Pluviose dernier, il a ajouté:

Qu'il croyait que Moreau et Pichegru entretenaient des correspondances; et que ce n'était que sur la certitude que Pichegru avait donnée aux Princes que Moreau étayerait de tous ses moyens un mouvement en France; qu'on avait vaguement arrêté le plan suivant.

Le rétablissement des Bourbons, les conseils travaillés par Pichegru; un mouvement à Paris, soutenu de la présence du Prince; une attaque de vive force contre le premier Consul la présentation du Prince aux armées par Moreau, qui d'avance devait avoir préparé tous les esprits."

Le 20 Ventôse aussi dernier, après avoir persisté dans ses déclarations, s'expliquant sur l'attaque de vive force dont il avait parlé, il a dit que l'objet de cette attaque était de s'emparer du gouvernement.

Rochelle ne dissimulant plus qu'il appartenait à la conspiration a déclaré, le 25 du même mois.

Qu'il était venu à Paris avec Lajolais;

Qu'on avait prétendu, à Londres, que toutes les Armées françaises étaient à la disposition de Moreau;

Que tout était arrangé pour mettre les Bourbons sur le trône;

Que Bonaparte, lui même, n'était pas bien éloigné de cette idée ;

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