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qu'il serait fait un message à S. M. l'empereur pour lui expris mer les sentimens du corps législatif sur l'objet des communications qui lui ont été faites, et que ce message sera porté par une députation de vingt membres.

La séance est lévée.

TRIBUNAT.

Présidence de M. Fabre (de l'Aude.)

Séance extraordinaire du 15 pluviose.

Après la lecture du procès-verbal de la séance du 2, dont la rédaction est adoptée, MM. les conseillers d'état Regnault (de Saint Jean d'Angely) Treilhard et Bérenger, sont introduits. M. Regnaud (de Saint Jean d'Angely) orateur.

Messieurs,-Le gouvernement anglais en publiant incomplètement un commencement de négociation avec la France, a violé le droit des nations, et imposé à S. M. l'empereur, l'obligation de faire connaître à la France et à l'Europe les faits dans toute leur exactitude.

L'Europe et la France verront à quels nouveaux sacrifices de toute idée d'amour-propre, de tout sentiment de vaine gloire un noble cœur plein de fierté, et jaloux de sa rénommée a pu se résoudre pour épargner le sang des hommes, et le sang de son peuple plus cher à son amour.

Elles verront ce que le premier guerrier de son siècle a tenté pour rendre plutôt à la paix et au repos la génération actuelle, dont la tranquillité et le bonheur sont désormais le plus cher de ses vœux, et doivent constituer l'unique gloire qu'il veuille joindre à la gloire, déjà acquise, de ses triomphes militaires.

Ces sentimens, Messieurs, expliquent à la fois les pensées

et les actions de S. M.

Et si on se demande comment un homme doué du caractère le plus fort, qui s'est montré plus entreprenant et plus audacieux que les personnages les plus audacieux et les plus entreprenans dont les historiens nous aient transmis le souvenir; comment un homme dans la force d'une jeunesse ardente, peut, en désirant la paix, triompher à la fois de ses souvenirs et de ses espérances; comment le général de 500 mille braves peut commander à la plus noble comme à la plus tirannique des passions, celle de la renommée; comment il peut renoncer à la gloire qu'il peut acquérir encore dans cette carrière des armes où il n'a rencontré que des triomphes, il faut répondre: cet homme a besoin du repos et du bonheur du monde.

Si on se demande comment un jeune monarque, poursuivi sans cesse par de lâches ennemis, attaqué par de vils diffamateurs, menacé par des assasins fait taire ses ressentimens personnels et se décide à présenter le rameau d'olivier au cabinet

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qui salarie les diffamateurs et gage les assassins, il faut répondre ce monarque est audessus des passions du commun des hommes.

Si on se rapelle comment la Grande Bretagne bravant la morale publique et le droit des nations a ravalé ses ambassadeurs, dégradé ses militaires les plus distingués, par les plus avilissantes fonctions, par les missions les plus honteuses; si on la considère employant les trésors du commerce, conquis au mépris du droit des gens et de toutes ses lois, à payer des créateurs de machines infernales, à organiser des conspirations dont les traces sont encore au milieu de nous, et qui ont excité des cris d'indignation qui retentissent encore en Europe; si on se retrace un tel tableau, et qu'on se deinande comment le chef de la grande nation, le vengeur de tant d'outrages et de crimes désignés par la France et l'Europe, étouffe dans son cœur le fiel et la haine qui domineraient une âme ordinaire, il faut répondre: l'homme à qui la grande nation à donné la couronne n'aspire désormais qu'au titre de père des Français.

Napoléon était à peine monté sur le trône, il sortait à peine de cette métropole, où ce que la religion a de plus auguste avait consacré ce que le vou du peuple a de plus solennel, lorsque son cœur encore ému des acclamations publiques, lui inspira d'écrire à George III, la lettre que je suis chargé de vous communiquer.

L'Empereur venait de faire à la France le serment sacré que l'Eternel avait reçu, de vivre pour le bonheur et la gloire du peuple; et pour commencer à remplir ce saint engagement, il recueillit, il traça, il addressa au roi d'Angleterre l'expression de tous les sentimens généreux, modérés, et si je puis le dire religieux, qui peuvent être conçus et professés par une grande âme; et certes, cette dépêche immortelle, ne sera pas un des moins glorieux monumens du règne de sa majesté : elle ne sera pas le moins sûr de ses titres à la reconnoissance et à l'amour de la France: elle ne sera pas le gage le moins certain de l'estime des philantropes sages, qui, quoiqu'en disent quelques hommes obscurs ou pervers qui les méconnaissent ou les calomuient, sont encore si nombreux au sein de l'Europe éclairée.

Mais en cette occurrence l'humanité du monarque n'a-t-elle pas trompé sa sagesse. Sa raison a-t-elle pu partager longtemps les espérances de sa bonté ? Avait-il oublié comment

et sur quels motifs imposteurs les pactes les plus saints avaient été violés? Avait-il oublié que quand les léopards déchirèrent le traité d'Amiens nulle aggression n'avait provoqué leur injuste fureur? Avait-il oublié, comment on représentait, le 7 Mars, au parlement d'Angleterre, comme pleins de vaisseaux armés et d'approvisionnemens menaçans, nos ports alors silencieux, nos arsenaux alors pacifiques?

Non, Messieurs, de tels souvenirs sont ineffaçables; mais

depuis l'époque qui les créa, que de changemens heureux dans l'attitude de la France, attaquée par d'imprudens et injustes ennemis!

Que de réponses à faire à ceux qui demanderaient si c'est le sentiment du besoin de la paix, ou la crainte de quelques malheurs prévus qui ont dicté les paroles pacifiques que l'empereur des Français a adressées à nos ennemis!

Ai-je besoin, Messieurs, d'appeler vos regards sur notre situation intérieure, et de vous retracer tout ce qu'elle présente de garantie, de sécurité, de force et d'espérance?

N'est-ce pas vous qui avez été les premiers organes du vœu national ratifié par les suffrages de 5 millions de citoyens? et depuis l'accomplissement de ce vœux, depuis que l'établissement de la dynastie Napoléonne a pour jamais affermi les destinées de l'empire français, en fut-il un plus fortement constitué? Jamais chez aucun peuple l'unité de volonté et d'action du gouvernement et de la nation créa-t-elle une masse de puissance plus imposante et plus redoutable? Jamais aucun état marcha-t-il plus rapidement vers la prospérité et la grandeur?

Depuis deux ans, à la vérité, la guerre avec la Grande Bretagne est déclarée, et nul événement important n'en a marqué le cours, nul coup décisif n'a été porté qui eu présage la fin.

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Mais nos rades renferment des flottes, nos ports des flotilles

armées.

Des quatre chances à surmonter pour arriver à une descente, puisqu'il faut enfin prononcer ce mot redoutable, trois sont déjà décidées en notre faveur; les bâtimens sont construits, ils sont réunis, des ports ont été édifiés pour les contenir.

Tout l'avantage de la guerre a done été pour nous, puisque sans éprouver aucun échec devant des ennemis supérieurs, nous avons employé deux ans à réunir des moyens immenses.

Tout l'avantage de la guerre a été pour nous, puisque malgré les vaisseaux nombreux qui couvrent les mers du pavillon britannique, nous avons pu approvisionner et mettre hors d'atteinte nos colonies les plus importantes et les plus éloignées.

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La Martinique, la Guadaloupe, Cayenne, les îles de France et de la Réunion, sont pourvues de tout en abondance. Leurs garnisons ont été plus que triplées; tous les appovisionnemens préparés pour elles y sont arrivés; uul renfort n'a manqué sa destination. I

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Une grande expédition échouerait devant la Martinique et Pile de France.

Et tandis que notre territoire colonial est intact et à l'abri de toute crainte, le domaine du roi d'Angleterre, le Hanovre, est entièrement en notre pouvoir.^^

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Nous n'avons rien perdu de nos possessions, et nous occupons une importante province ennemie.

Quels avantages les Anglais ont-ils obtenus en compensation de ces avantages? A quoi a servi à ces dominateurs des eaux leur immense supériorité maritime? Ils ont perdu 15 vaisseaux ou frégates, échoués sur des côtes ou brisés sur des rochers.

Ils ont consommé d'immenses trésors dans des croisières ordonnées par la peur, interrompues par la puissance des aquilons, et punies par des tempêtes et des avaries.

Dans leur ile, les Anglais ont vu les marchands arrachés à leurs comptoirs, les ouvriers à leurs manufactures, et à defaut de fusils, passant le tems destiné à leur commerce et à leurs travaux, à manier d'impuissantes piques, fabriquées par la terreur d'une invasion.

Dans les accès de cette crainte toujours présente, le gouvernement anglais a eu recours à tous les moyens de défense; il a préparé des inondations et des batteries; il a barricadé ses ports, et fortifié ses côtes; il a fait des vélocifères pour porter ses soldats et mis en réquisition les chars, les roues, les chevaux des trois royaumes; il a acheté l'armement de la nation anglaise au prix de sa désorganisation, du renversement de ses habitudes, de la contrariété de ses incurs.

Le voyageur qui, depuis deux ans, va de Paris à Londres et revient de Londres à Paris, s'étonne de voir dans la capitale de l'empire français la paix, la sécurité la plus profonde établies et maintenues, et dans la capitale de l'Angleterre, avec l'incertude et l'effroi, l'agitation qui règne au quartier-géné ral d'un camp menacé et défendu par une masse incohérente, jnorganisée, nouvelle au métier de la guerre, pleine du sentiment de son impuissance à résister aux vieux soldats de Cé

sar.

Si on compare l'état de l'opinion dans quelques parties des deux pays, on verra dans les départemens qui furent insurgés à l'Ouest de la France, des évêques éclairés ramener la paix dans les esprits en rétablissant la tranquillité dans les consciences, des préfets vigilans rétablir une bonne administration, faire arrêter, désarmer, punir un reste des brigands jetés sur nos côtes, et cachés dans nos cités ou errans dans nos forêts.

Dans ces pays où l'or britannique soudoyait naguères la guerre civile, la culture est rétablie, la tranquillité est maintenue, les impositions sont exigées sans contrainte, payées avec exactitude; de nouvelles villes s'élèvent, des canaux se creusent, des routes sont percées. Les couscrits appelés pour nos armées se rendent librement, au même son qui les appelait jadis à une guerre sacrilége, et qui ne les réunit plus que pour invoquer le ciel en faveur de celui qui les gouverne.

Point de mesures extraordinaires, point de suspension des lois générales et protectrices, point de différence désormais

entre le Morbihan et la Côte d'Or, entre laVendée et la Meurthe.

Cependant de l'autre côté de l'océan, l'Irlande nous offre le spectacle des conspirations sans cesse renaissantes, commandées par l'oppression sans cesse renouvelée; une armée de soldats contenant avec peine une armée de citoyens, à l'aide de mesures violentes telles que la révolution, en offre à peine de plus cruels exemples; et pour tout dire, en un mot, oa voit dans cette triste contrée une guerre de religion, des per sécutions inouïes en ce moment au sein de l'Europe, indignée de voir que l'Irlande est le seul lieu de la terre où les droits les plus saints soient mécounus, et le gouvernement ose s'armer contre l'indomptable pouvoir et la liberté sacrée de la con

science.

Si, d'un autre côté, Messieurs, vous établissez un parallèle entre les finances des deux états, vous verrez sur la rive opposée des dépenses nouvelles accroître les dépenses déjà ini menses d'une nation à qui un million et demi était annuelle ment nécessaire dans une guerre ordinaire, et qui, dans celle-ci, a pour la première fois besoin d'une levée en masse; d'une levée en masse qui lui coûte plusieurs centaines de millions.

Elle y pourvoit, il est vrai, mais en tourmentant le présent et en dévorant l'avenir; mais en se décidant à voir sa dette, loin de s'éteindre par l'action de sa caisse d'amortissement, se grossir par l'abus de son unique ressource, les emprunts.

Pour nous, nos nombreuses armées ont été de tout tems la cause de notre plus grande dépense, et leur entretien ne s'est accru que d'un foible supplément qui n'est pas exporté sur une terre étrangère.

Le budjet qui va vous être apporté, vous fera connaitre que nos ressources territoriales out pourvu à tout, et qu'au lieu d'accroître notre dette pendant ces deux années de guerre, notre caisse d'amortissement en a commencé efficacement l'extinction,

Ce que la France a fait, Messieurs, elle peut le faire encore pendant trente ans, et n'a rien à demander au ciel, sinon que le soleil continue à luire, que la pluie continue à tomber sur nos guérets, et la terre à rendre les semences fécondes. Dix ans de guerre n'augmenteront pas notre dette; dix ans de guerre ajouteront quatre milliards à celle de l'Angleterre.

Qu'elle n'oublie pas cependant que si le crédit public est une arme puissante et terrible, un arc trop fortement tendu se brise sous la main qui en abuse, et laisse sans défense celui qui l'emploie.

L'Angleterre, il est vrai, a saisi sans péril, dans les trois premiers mois de l'an 11, sur nos vaisseaux sans défense, 40 à 60 millions enlevés à notre commerce.

Mais à la Martinique, à la Guadeloupe, à l'Isle de France,

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