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chaque jour voit nos corsaires faire entrer des prises anglaises, et déjà la balance est à notre avantage dans les calculs de nos finances, comme dans la comparaison de notre gloire.

Ainsi donc, et je le redis avec confiance, tout l'avantage est pour nous.

La France est invulnérable dans toutes les parties de son immense territoire; elle n'a rien à redouter dans ses postes avancés aux les du vent, et dans les Indes. L'Angletterre est partout vulnérable, et même sans arriver jusqu'à elle en apparence, nous lui avons fait réellement des blessures dont le résultat peut être une atonie progressive ou des convulsions violentes.

Nos flottes de Brest, de Toulon, de Rochefort ont des armées disposées à franchir l'océan avec elles; nos flottiles sont prêtes à partir avec ces fiers enfans de la guerre, qui ne connaissent point d'obstacles parce qu'ils ont surmonté tout ce qui, jusqu'à eux, avait étonné les plus intrépides.

Continuons d'avoir sur nos côtes des soldats habitant des camps au lieu de cazernes, et devenant matelots intrepides autant qu'ils furent braves guerriers.

Que, pendant ce tems, la population anglaise s'arme, s'agite, se fatigue, s'épuise et se décourage;

Que nos ressources et nos revenus suffisent à nos dépenses, et qu'il ne soit besoin que de quelques secours extraordinaires que notre richesse territoriale nous assure;

Qu'en Angleterre, les intérêts payés aux prêteurs absorbent, excèdent tous les moyens possibles pour solder ces lévées en masse, qui épuisent la nation sans la défendre.

Qu'un tel état se prolonge, et que le cabinet anglais cherche les avantages qui résulteront de cette situation dont le péril et la honte sont égaux pour lui.

Vous parlerai-je de ces expéditions secrètes dont on amuse tous les trois mois la crédulité du peuple anglais, et qui n'aboutissent qu'à des tentatives ridicules et infructueuses? Embarque-t-on quelques troupes pour renouveler la garnison de Gibraltar, moisonnée par l'épidémie? Ou bien veut-on conduire quelques recrues aux Indes, ou quelques renforts à Ceylan, où l'Angleterre a fait tant de pertes? Ou bien dispose-t-on de quelques milliers d'hommes pour réparer à la Jamaïque les ravages de la fièvre jauue, fortitier les garnisons des colonies anglaises, menacées par trois ou quatre mille hommes que la Martinique et la Guadeloupe peuvent détacher contre elles ?

Quand ces mesures ordinaires se préparent, le gouvernement laisse croire que de formidables armemens menacent la France.

Pendant combien de tems et avec quel mystère a-t-on anponcé l'expédition de ces vaisseaux chargés des pierres pour

combler nos ports, de ces brùlóts lancés courageusement et de loin contre nos flotilles.

Et en effet, quelle autre expédition pourrait tenter les Anglais? Voudraient-ils, débarquant sur nos côtes occidentales, essayer comment nos seules gardes nationales, unies à nos garnisons de paix, les recevront à leur arrivée, et leur interdiront le retour?

Maîtresses de la mer depuis deux ans, leurs flottes ont fa tigué l'océan et la Méditerranée, et leurs soldats n'ont osé se reposer sur aucune plage; présens sur toutes les côtes, leurs vaisseaux n'y ont jeté que des brigands.

Au lieu de ces vains phantômes d'expéditions, supposez, Messieurs, que ces 25,000 hommes de Brest, ces 6,000 hommes de Rochefort, ces 12,000 hommes de Toulon, ces 25,000 hommes du Texel se rendent en tout, en partie seulement, en Irlande, à la Jamaïque, aux Indes; ou bien supposez que ces 200,000 hommes que peuvent porter les bateaux de flotilles, passent en une nuit, menacent, touchent la rive opposée, où leur courage impatient s'élance depuis si long-tems; supposez ce qui est plus simple encore et plus facile, que les 50 frigates, les 60 vaisseaux de tout rang, que deux ans ont vu créer, armer, équiper, sortent par petites escadres, inondent les mers et tarissent partout ces canaux de prospérité et de vie, à l'aide dequels seuls l'Angleterre soutient sa monstrueuse existence; avec une partie seulement de ces suppositions réréalisée, partout vous verrez, partout la raison verra contre l'Angleterre, des chances terribles et sans contrepoids. C'est donc dans le sentiment même de la puissance de son peuple et de sa propre force que l'empereur a trouvé un motif de plus de parler le langage de la paix. C'est avec tant de plans de campagne, dont la réussite est d'une probabilité qui ressemble à la certitude, puisque celui-là même qui ne donne aucun danger produit des succès aussi réels, c'est avec ce coup-d'oeil vaste et rapide, qui embrasse toute l'étendue de ses resources et tous les moyens de les développer, que sa majesté a fait une démarche honteuse pour une nation qui eût un autre chef, hontense pour un guerrier qui eût commandé à un autre peuple. Mais cette confiance dans l'issue de la guerre avec l'Angleterre ne pouvait-elle être troublée par aucune incertitude sur l'état des relations continentales de la France?

S'il en eût été ainsi, Messieurs, qu'eût pu espérer sa majesté d'une démarche faite en de pareilles circonstances? Et l'histoire de sa vie atteste que nul ne sût saisir mieux que lui le moment opportun.

Si la guerre continentale eût paru imminente; Napoleon savait bien qu'il u'avait d'autre parti que le parti terrible et nécessaire de jeter au loin le fourreau de son épée si constamment victorieuse, et de faire briller aux yeux du monde une nouvelle lance d'Achille, loin d'abaisser le juste orgueil de sa

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fortune à des propositions qui, conseillées par la erainte es présentées par la faiblesse, n'auraient promis que l'humiliation pour résultat.

Heureusement, Messieurs sous ce rapport encore de nos relatrons extérieures sur le continent, deux ans ont amené de rassurantes, et honorables améliorations.

L'occupation du Hanovre était nécessaire, indispensable.
L'Empereur le voulut, l'ordonna, l'exécuta.

Hle fit pour punir la perfidie d'une rupture sans déclaration; il le fit pour s'assurer d'un moyen de compensation dans une guerre où la prudence pouvait craindre des désavantages dont sa sagesse nous a préservés; il le fit pour mettre des entraves aux relations inercantiles de ces dominateurs des mers, qui font le commerce par la guerre, et la guerre par le com

merce.

Mais cette occupation, qui, pour la première fois, portait, fixait nos armées aux extrémités du Nord, pouvait alarmer les puissances les plus attachées à notre cause par leur position, les plus unies à notre fortune par leurs intérêts, les plus fidèles à notre alliance par inclination.

Des difficultés se sont effectivement élevées, mais la sagesse, la modération, la confiance dans la foi du cabinet des Thuilleries, son éloignement de toute idée révolutionnaire et désorga nisatrice, ont écarté bientôt tous les nuages, et jamais nous n'avons été avec la Prusse dans des rapports mieux établis, dans une correspondance plus d'accord, dans une amitié plus intime.

D'un autre côté, si les changemens qui ont été faits dans le gouvernement français, étaient appelés par l'expérience, indiqués par tous les bons esprits, désirés par les amis éclairés de la patrie, voulus par la nation entière, on ne pouvait songer à les opérer par la création d'une monarchie royale; et le titre impérial pouvait faire craindre de la part de l'empereur d'Au triebe, du mécontentement, de la froideur. Le mécontente, ment pouvait s'aigrir, la froideur pouvait dégénérer en ressen timent, à l'aide des intrigues de nos ennemis.

De là l'incertitude sur la durée d'une paix récente encore imparfaitement assise; de là la crainte de voir rallumer une guerre désolante, affligeante même pour le vainqueur.

Loin que nos institutions nouvelles aient produit de si funestes effets, l'empereur d'Allemagne et d'Autriche a vu, comme il le devait voir, dans l'établissement de la monarchie en faveur d'une dynastie nouvelle, une garantie donnée à sa couronne, un motif de resserrer son alliance.

C'est dans l'organisation de notre empire, que te sage François II, trouve un gage nouveau de sécurité et de paix, une raison pour écarter ses armées de nos frontières, ou de celles de nos alliés, et pour ne pas tenir ses troupes sur le pied de la guerre. Enfin, de tous les nuages que la jalousie ou la haine,

la crainte ou l'espoir ont élevés, il n'est résulté que des expli cations heureuses, des assurances solides, de la durée de la paix, du maintien de l'harmonie entre les deux empereurs.

La Bavière, La Saxe, Hesse-Cassel, Bade, Wurtemberg, l'électeur de Ratisbonne, tous les petits princes régnans en Allemagne, l'ordre équestre ont donné à S. M. des preuves multipliées d'intérêt, d'attachement et d'estime.

Les Drake, les Spencer Smith, les Taylor, ont été chassés quand on a su que leur caractère diplomatique honteusement profané par eux, servait à masquer les plus viles, les plus odieuses menées, et que le but de leurs intrigues était la guerre; la guerre dont la génération actuelle, lasse de coinbats et avide de repos, ne veut plus courir les dangers, dont elle redoute les malheurs, dont elle abhorre les artisans.

Ayant la Prusse et l'Autriche pour alliés, où donc, Messieurs, chercherons-nous les élémens d'une coalition continentale?

Est-ce en Suède? Le jeune prince qui règne sur cet état, doué d'une chaleur de tête, d'une exaltation d'imagination, présens funestes pour les rois, quand la raison ne leur commande pas, n'a pas su mûrir ses desseins par la prudence, a négligé d'appeler à ses conseils les sages dont la Suède abonde, et d'éclairer son inexpérience par les lumières de ses vieux ministres.

Aussi ce monarque a-t-il manqué aux égards dûs à la France, et dans l'effervescence de ses résolutions n'a-t-il gardé aucune mesure avec elle; mais en même tems son imprudente hardiesse n'a pas usé de plus de ménagemens envers l'Autriche, et

a prouvé par l'inconséquence de ses emportemens que ses démarches étaient sans calcul, ses projets sans maturité, ses volontés sans réflexion, ses passions sans guide.

Il avait même médité un traité de subsides avec l'Angle terre. Il avait demandé au cabinet de Saint-James 48 millions en échange de 20 mille soldats; mais les ministres anglais, trafiquant des hommes en Europe comme des marchandises en Asie, évaluant les Suédois comme des Cipayes, ne voulaient donner que 16 millions, et le traité ne s'est pas conclu.

La Prusse d'ailleurs, intervenue dans la négociation, l'a ar rêtée, en déclarant que sa conclusion serait le signal de son ens trée dans la Poméranie.

Et quand la sage prudence du cabinet de Berlin n'eût pas défendu le roi de Suède de ses propres erreurs, le sang des Suédois n'est pas de celui qui se marchande et se vende à l'intrigue ou à la tyrannie.

Si la France formait une prétention contraire aux intérêts, à l'honneur de la Suède, Stokholm verrait les descendans des soldats de Gustave s'armer pour la patrie; mais aussi elle les verrait irrités de voir leur sang mis à l'enchère, échangé contre les guinées anglaises, prouver par leur indignation que les guerriers suédois, dont les pères composèrent les armées de Нин 2

Charles XII., ne sont pas faits pour descendre à tant d'abjection et de bassesse.

Où done chercher le centre, les élémens de cette coalition? Serait-ce dans la Russie? Mais le roi d'Angleterre lui-même annonce qu'aucune liaison existe avec cette puissance. Il parie de correspondance, et uue correspondance entamée n'est pas une alliance conclue.

D'ailleurs la Russie est une grande puissance sans doute, mais cette puissance ne peut rien contre l'empire français. Je vais plus loin. Si les Worousoff, les Marcoff, peuvent concevoir la pensée de vendre l'influence, la force de la Russie an cabinet anglais, Alexandre a de plus sages conseillers, et forme de plus prudentes résolutions.

Il n'a pas oublié comment les Russes ont été, dans la dernière guerre, traités par l'Angleterre leur alliée, et comment se sout terminées en Suisse et en Hollande, les expeditions faites par de grands généraux et de braves soldats, mais avec des plans inexécutables et sous l'influence d'une étoile funeste.

Enfin la fioideur entre les cabinets des Thuilleries et de SaintPetersbourg n'est point une inimitié.

Ils n'ont réciproquement aucun sujet réel de brouillerie, et ce qui depuis trois mois s'est passé entre les deux gouvernemens fait assez connaitre que dans cette conjoncture encore l'Angleterre aura conçu de vains projets, spéculé sur de fausses espérances, si elle a cru convertir sa correspondance en coalition.

Woronzoff peut avoir conçu un tel espoir. Mais qui ne sait que Woronzoff est moins russe qu'anglais; qu'établi en Angleterre, il a la volonté de s'y fixer; et qu'ennemi et dés approbateur de Paul 1er., il l'est egalement de la Grande Catherine.

Le cabinet de Saint-Petersbourg connaît les vrais intérêts de son pays; il aura présent à la pensée l'iusultante audace de Nelson, voulant dicter des lois dans le golfe de Finlande. Il ne pourra se dissimuler que l'attentat qui a été commis dans la Méditerranée, par les Anglais, contres les frégates espagnoles, contre un régiment presque sans armes, contre des femmes et des enfans sans défense, menace aussi sur toutes les mers les vaisseaux et les sujets du Czar.

Il ne pourra se dissimuler que cet attentat provient du même esprit, des mêmes principes qui firent attaquer le Danemark dans sa capitale, qui peut faire attaquer les escadres russes dans la Mediterannée ou daus la Baltique; esprit de vertige et de fureur qui dominant dans le cabinet anglais, le porte à mépriser toutes les puissance du Continent, à n'en ménager aucune, et à se regarder comme hors de l'état social, hors de la grande famille civilisée du monde.

Il n'existe donc aucune coalition, menaçante ou possible;

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