Page images
PDF
EPUB

Que Couchery, qui était entré dans ce moment, lui avoit dit qu'il parlait au comte d'Artois;

Que celui-ci était resté peu de tems (mais qu'il se rapelait qu'un moment avant de sortir, et à l'occasion de la France, il lui avait dit. Si nos deux généraux peuvent bien s'entendre je ne tarderai pas à y arriver.

Que Pichegru, revenant du dernier rendez-vous avec Moreau, lui avait paru mécontent, et s'ouvrant un peu contre son ordinaire, lui avait dit, il parait que ce B.....là a aussi de l'ambition, et qu'il voudroit régner. Eh bien! je lui souhaite beaucoup de succès; mais, à mon avis, il n'est pas en état de gouverner la France deux mois."

Il a ajouté que quant à Georges, son but lui avait paru être le rétablissement pur et simple de la monarchie en France. Que c'était pour arriver à ce but qu'il était parti de Londres il y avait plus de six mois.

Que pour réussir dans son projet, il voulait après avoir assassiné le Premier Consul, tuer tout ce qui lui aurait montré de l'opposition.

Qu'il avait beaucoup de monde à sa disposition, soit dans Paris, soit dans la Picardie, soit ailleurs;

Qu'il avait une valise remplie d'or, sur laquelle il comptait. ainsi que ses affidés, pour l'exécution du plan; qu'elle avait été enterrée dans le jardin d'une maison de Chaillot; qu'elle n'avoit pas été trouvée lors dela visite et qu'elle avait été enlevée deux jours après."

Le général Moreau est convenu, dans un interrogatoire devant devant le grand juge, ministre de la justice, le 29 Pluviose dernier, qu'il y avait quelques mois, Fresnières lui avait dit qu'une personne qui prétendait l'avoir connu à l'armée, mais qu'il ne connoissait pas, l'avait chargé de lui demander si, à raison de l'oubli et de l'abandon où le laissait le gouvernement il ne voulait pas prendre l'engagement avec les princes Français, de les servir au premier changement qui pourrait survenir dans le gouvernement.

Le 9 Germinal, il a avoué que Pichegru avait été chez lui, et lui avait parlé des princes et des chances que présentait la descente en Angleterre.

Dans une lettre au Premier Consul, datée du Temple le 17 Ventôse, après avoir parlé de Pichegru, il s'exprime ainsi : Pendant les deux dernières campagnes d'Allemagne et depuis la paix, il m'à été fait quelquefois des ouvertures assez éloignées, pour savoir s'il était possible de me faire entrer en relations avec les princes français; je trouvais tout cela si ridicule, que je n'y fis pas même de réponse.

Quant à la conspiration actuelle, je puis vous affirmer également que je suis loin d'y avoir la moindre part, &c.

Je vous le répète, général; quelque proposition qui m'ait été faite, je l'ai repoussée par opinion, et regardée comme la plus insigne des folies; et quand on m'a présenté la chance de

la descente en Angleterre comme favorable à un changement de gouvernement, j'ai répondu que le sénat était l'autorité à laquelle tous les Français ne manqueraient pas de se réunir en cas de trouble et que je serai le premier à me soumettre à ses ordres.

De pareilles ouvertures faites à moi, particulier isolé, n'ayant voulu conserver nulle relation, ni dans l'armée, dont les neuf dixièmes ont servi sous mes ordres, ni avec autorité constituée, ne pouvaient exiger de ma part qu'un refus: une délation répugnait trop à mon caractère; presque toujours jugée avec sévérité, elle devient odieuse, et imprime un sceau de réprobation sur celui qui s'en est rendu coupable vis-à-vis des personnes à qui on doit de la reconnoissance, ou avec qui on a eu d'anciennes liaisons d'amitié."

Qui pourrait douter d'une conspiration avouée par ceux mêmes qui avaient intérêt de la contester?

Que l'assassinat du Premier Consul dût être le premier acte de l'exécution du plan des conjurés, c'est un point sur lequel la raison ne permet aucune division.

Quatre témoins entendus devant le magistrat de sûreté du premier arrondissement de Paris, les 12, 13, 20 et 30 Messidor dernier, se sont d'ailleurs exprimés à cet égard, et en même-tems sur le projet de renversement du gouvernement français, d'une manière bien concordante.

Louis Augustin Roulier a declaré "qu'il y avait neuf ans exerçant son état de tailleur à Rouen, rue De Millien, il avait connu le nommé Lebourgeois, qui tenait un caffé dans la même ville, rue grand Pont, No. 5.

Que comme il habitait un très-vilain quartier, Lebourgeois lui avait proposé de venir prendre une chambre chez lui, au deuxième étage, qu'il y était resté deux ans ; qu'il s'était lié avec Lebourgeois; mais que comme il y avait chez lui des rassemblemens continuels, et que sa maison avait été bientôt notée, il en était sorti et l'avait perdu de vue.

Qu'il y avait environ un an, le citoyen Aubé, curé de son ancienne paroisse d'Alize, arrivant d'Angleterre, lui avait dit que connoissant parfaitement son état, il pourrait faire de bounes affaires à Londres en qualité de tailleur, parce qu'il n'y en avait pas de bons dans cette ville.

Qu'il s'était décidé à y aller s'établir avec sa femme et son enfant, après avoir vendu son fonds et son mobilier; qu'il y était arrivé dans le mois d'Août.

Qu'un jour du mois de Novembre, il avait rencontré dans une rue Lebourgeois qui l'avait accosté, et lui avait témoigné sa surprise de le trouver à Londres;

Qu'après les complimens d'usage, il avait invité Lebourgeois à venir prendre quelque chose chez lui, et lui avait donné son adresse, et qu'en effet, sept à huit jours après, il était venu diner avec lui et sa femme.

Qu'il n'avait pas parlé cette fois du Premier Consul ni du gouvernement; qu'il lui avait fait beaucoup de questions sur ce qui se passait à Rouen, et sur la manière dont les affaires allaient en France.

Que Lebourgeois avait continué de le voir de tems en tems; qu'un jour il lui avait demandé ce qu'on faisait du petit Bonaparte; qu'il lui avait répondu qu'il n'en savait rien; qu'alors Lebourgeois avait ajouté. Sacré nom d'un Dieu, sous deux mois il sautera, nous devons aller à Paris; nous le foutons à bas, lui et son gouvernement.

Qu'un tel propos l'avait frémir, qu'il lui avait observé qu'il avait tort de bâtir de tels chateaux en Espagne; qu'il fera mieux de rester tranquille; que Lebourgeois lui avait répondu: tu es une foutue bête.

Que dès lors, il avait résolu de s'assurer quels étaient les projets et les complices de Lebourgeois.

Qu'environ quinze jours après Lebourgeois était revenu chez lui avec Picot qu'il ne connoissait point, et avec un nommé Chevalier, beau-frère de Picot; qu'il lui avait présenté ces deux individus comme des pratiques; et qu'en effet, il lui avaient commandé chacun un habit complet et un habit de plus pour Picot; qu'il avait oui dire que Picot était l'aide-de-camp ou l'adjutant-général de Georges, et avait, cinq à six schellings par jour du gouvernement Anglais tandis que Lebourgeois n'avait que deux ou trois schellins de

secours.

Que dans ce même-tems, Lebourgeois lui avait confié, en présence de Chevalier, qu'ils allaient partir pour la France, dans le dessein d'attenter aux jours du Premier Consul, qu'ils étaient assurés de réussir, et qu'ils reviendraient avec le panache blanc; quil lui avait dit qu'ils avaient besoin d'armes, et lui avait demandé s'il connoissait quelques marchands français on allemands où ils pourraient en acheter; et qu'il les avait adressés chez un fourbisseur allemand, où ils avaient acheté véritablement des pistolets, et chacun un gros bâton avec un poignard dedans.

Que les propos qu'il venait de repéter avaient été entendus par sa femme, qu'ils étaient tous, ainsi que les projets de Picot et Lebourgeois, à la connoissance du nommé Dujardin, qui était resté deux ou trois mois à Londres avec Lebourgeois.

Que le dit Dujardin lui en avait parlé très-souvent et lui avait répété plusieurs fois que Lebourgeois, Chevalier et Picot partaient dans le dessein d'assassiner le Premier Consul; qu'un nommé Roger qui avait fait la machine infernale du trois Nivose, était encore aux trousses du Premier Consul, qu'il travaillait de nouveau et qu'il devait passer en France quelques jours avant ou quelques jours après Lebourgeois, Picot et

Chevalier, que chacun d'eux parlait de ce complot devant lui sans aucune méfiance.

Que Dujardin avait ajouté qu'il était persuadé que ces hom mes étaient gagnés et mis en avant par les Anglais, et que lui avait regarde cette réflexion d'autant plus fondée qu'il avait remarqué que Lebourgeois, Picot et Chevalier étaient sans argent quelques jours auparavant, et que tout-à-coup et lorsqu'ils avaient été au moment de partir ils avaient des gui nées par centaines.

Qu'ayant réfléchi aux malheurs que ces hommes pourraient causer à la France, il s'était empressé d'aller prévenir de cet horrible complot l'ambassadeur Andreossi, qui après avoir pris des renseignemens sur cette affaire, l'avait engagé à passer en France, afin de faire sa déclaration devant une autorité compétente; qu'il y était venu avec plaisir pour s'acquitter de ce devoir de bon citoyen, ajoutant que le nommé Dujardin qu'il avait engagé à venir en France, était instruit de toutes les circonstances de ce complot; que le nommé Marchand, garçon tailleur, qui était à Paris pourrait aussi donner des renseignemens, de même que la femme de lui déclarant, qui arrivait de Londres, et qu'il attendait d'un moment à l'autre."

François Etienne Marchand, a déclaré qu'il y avait cinq mois qu'il était à Londres, lorsque le citoyen Roulier était venu demander dans une maison d'appel (c'est-à-dire dans une maison où les garçons tailleurs vont se faire inscrire lorsqu'ils ont besoin d'une boutique), un garçon tailleur français.

Qu'ayant été désigné, le citoyen Roulier le prit.

Qu'il voyait venir chez le citoyen Roulier, entre autres per sonnes, deux Français, qu'il ne connoissait point, dont l'un s'appelait Lebourgeois, l'autre Picot, ainsi qu'un autre jeune homme nommé Dujardin, aussi Français, lequel venait pres que tous les soirs.

Que le 27 ou le 28 Décembre, comme il était à son travail, il avait entendu Lebourgeois et Picot dans la chambre du ci toyen Roulier, et que Lebourgeois avait dit : Sacré nom d'un Dieu, ce f.... Bonaparte a plus vécu qu'il ne vivra; nous verrons aussitôt que nous serons arrivés en France, ce que nous pourrons en faire; qu'il avait entendu en même tems le cito yen Roulier répondre; cependant le gouvernement français est stable, on peut compter sur lui. Qu'il ne pouvait donnet d'autres détails, si ce n'était que ces deux hommes étaient très-pressés de partir pour la France, et qu'ils se tourmentaient beaucoup afin qu'il finit les habits, pantalons et gilets qu'ils firent faire chez le citoyen Roulier; que les propos qu'il avait entendu tenir par Lebourgeois lui ayant inspiré de grands soupçons,il avait demandé á Roulier ce qu'il pouvait savoir.

Que Roulier lui avait répondu qu'il y avait deux nuits qu'il n'avait pas dormi, et qu'alors il lui avait confié sous le plus grand secret que les deux hommes qu'il avait vus chez lui c'est-à-dire

H

Lebourgeois et Picot, avaient formé le complot de passer en France pour attenter aux jours du Premier Consul et qu'ils venaient de partir pour l'assassiner; qu'il en était sûr, et qu'il pensait même qu'ils étaient payés par le gouvernement anglais; qu'a vant de partir il te savait sans argent, puisqu'il avait été obligé de prêter une demie guinée à Lebourgeois, et qu'un ou deux jours avant leur départ, non-seulement ils avaient fait beaucoup de dépenses, mais qu'il leur avait vu plus de cent guinées à la fois.

Que Roulier lui avait dit encore qu'ils lui avaient demandé un marchand chez lequel ils pourraient acheter des armes, et qu'ils avaient acheté de pistolets et des gros bâtons dans lesquels il y avait des poignards.

Qu'en rapprochant ce qu'il avait entendu lui-même de ce que Roulier lui avait dit il avait vu qu'il n'y avait pas de tems à perdre; qu'en couséquence il avait proposé au citoyen Roulier d'aller déclarer tout cela à l'ambassadeur français; que Roulier y ayant consenti, il s'était rendu chez le citoyen Por talis, premier secrétaire de l'ambassadeur, qui après l'avoir eutendu, lui avait dit que la chose était bien délicate, et l'avait conduit devant l'ambassadeur auquel il avait répété ce qu'il avait déclaré au secrétaire Portalis.

Que le général Andréossi lui avait demandé à voir le citoyen Roulier; qu'il avait été le chercher, que celui-ci avait raconté ce qu'il savait, et qu'après leur avoir fait beaucoup de questions l'un et l'autre, il leur avait dit qu'il allait envoyer un courier eu France, et que ces individus seraient arrêtés.

Aussitôt que Roulier et lui eurent parlé à l'ambassadeur, et que la femine du dit Roulier s'en fût aperçue, elle lui avait dit qu'elle avait aussi entendu ces deux individus dire que Bonaparte avait plus vécu qu'il ne vivrait et qu'aussitôt qu'ils seraient arrivés en France, ils verraient ce qu'ils en feraient et bien d'autres propos qui ne laissaient pas douter que Picot et Lebourgeois ne fassent bien décidés à attenter à la vie du Premier Consul, et qu'ils ne se cachaient point d'elle pour tenir leurs horribles propos.

Françoise Victoire Guerin, femme Roulier, a déclaré que Lebourgeois avait dit un jour, qu'aussitôt qu'ils auraient porté leur coup sur la personne du Premier Consul, ils reviendraient à Londres avec le panache blanc: qu'un autre jour, le même avait dit en jurant: le petit Bonaparte a plus vécu qu'il ne vivra.

Quand nous serons à Paris, nous verrons, je ne lui dis pas adieu; qu'ils l'appelaient une fois le petit Bonaparte; une autre fois le petit caporal.

Qu'il semblait à les entendre qu'aussitôt qu'ils seraient venus à Paris et qu'ils auraient fait leur coup, ils nageraient dans l'or et l'argent.

Que Picot dit une fois, que s'il était possible que le coup manquât, il faudrait incalquer tant de haine, même dans l'es

« PreviousContinue »