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d'ennemis, que ses frontières ne sont pas menacées, que la France a pu par deux fois le priver pour toujours de la moitié de ses états héréditaires, si elle eût vouln autre chose que ce qui a été établi à Campo-Formio et à Lunéville; que par ses dispositions qui, même avant d'être entièrement développées, atteignent la France au centre même de son action, il inter vient sans profit pour ses états, et sans honneur pour sa politique, dans une querelle qui lui est étrangère; la diète aura bien mérité de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie, de la France, de l'Europe entière, hormis un peuple ennemi de la tranquillité générale et qui a fondé sa prospérité sur l'espé rance et le projet ardeminent, persévéramment soutenu, d'éterniser la discorde, les troubles et les divisions du Continent.".

Le soussigné, etc. (Signé)

AN 14.

SENAT CONSERVATEUR,

Séance du 1er. Vendemiaire,

BACHER.

Exposé de la conduite réciproque de la France et de l'Autriche, depuis la paix de Lunéville, lu par le ministre des relations intérieures.

Toute l'europe sait que, dans la guerre, au milieu même des succès les plus signalés et les plus décisifs l'empereur des français n'a pas cessé de désirer la paix; qu'il l'a souvent offerte à ses ennemis; qu'après les avoir réduits à la recevoir comme un bienfait, il la leur a donnée à des conditions qu'ils n'auraient pas osé se promettre, et qui ont rendu sa modéra tion non moins éclatante que ses victoires. I sent tout le prix de la gloire acquise par les armes dans un guerre juste et nécessaire, mais il est une gloire plus douce et plus chère à son cœur, son premier vou, le but constant de ses efforts ont toujours été la tranquillité de l'Europe, le repos et la félicité des peuples.

Ce but était atteint; ce vœu se trouvait rempli par la paix d'Amiens; l'empereur fit tout pour la rendre durable; elle subsisterait encore si la prospérité croissante de la France n'en eût pas fixé le terme. D'abord, elle fut altérée par les démar➡ ches artificieuses et bientôt rompue par la perfidie ouverte du cabinet de St. James; mais du moins la paix régnait sur le Continent; à travers les prétextes mensongers et vains dont l'Angleterre cherchait à se couvrir, l'Europe démélait aisé ment ses véritables motifs.

L'Angleterre craignait de voir se relever de leurs ruines et comme renaître de leurs cendres, les colonies françaises qui avaient été et qui pouvaient redevenir si florissantes; la jalousie voulait étouffer ou du moins arrêter dans son essor, l'industrie française ranimée par la paix; elle nourrissait le désir insensé d'éloigner le pavillon français des mers où il D D D D 2

parut jadis avec tant d'éclat, ou du moins de le réduire à av plus s'y montrer que dans un état d'abaissement indigne du rang que la France tient entre les nations. Mais ce n'étaient pas là les seuls motifs de l'Angleterre, elle était encore poussée par cette insatiable avidité qui lui fait convoiter le monopole de tous les commerces et de toutes les industries, par cet orgueil démesuré qui lui persuade qu'elle est la souveraine des mers, et qui est l'unique fondement du despotisme monstrueux qu'elle y exerce.

La cause que la France avait à défendre était donc la cause de l'Europe, et il était naturel de penser que ni les intrigues de l'Angleterre ni l'or qu'elle annoncait à tous ceux qui voudraient servir son ambition ni ses promesses fallacieuses ne pourraient engager dans son parti aucune des puissances continentales. Aucune en effet, ne parut vouloir accueillir ses propositions et ses instances.

Tranquille sur les dispositions du Continent, l'empereur tourna toutes ses pensées vers la guerre maritime, pour laquelle il lui fallait tout créer. Des flottes furent construites des ports fusent creusés, des camps s'élevèrent sur les bords de l'Océan ; l'Empereur y réunit toutes les forces de son empire, et ses troupes se formant, sous ses yeux à des opérations toutes nouvelles, se préparent à de nouveaux triomphes.

L'Angleterre vit quels dangers la menaçaient; elle crut les détourner par des crimes: des assassins furent jetés sur les côtes de France; les ministres anglais près les neutres devinrent les agens d'une guerre infâme autant qu'atroce, d'une guerre de conspirations et d'assassinats.

L'empereur vit ces misérables complots; il les méprisa et n'en offrit pas moins la paix aux mêmes conditions auxquelles elle avait été précédemment faite.

Tant de générosité ne peut calmer et sembla plutôt accroî tre les fureurs du cabinet de St. James. Sa réponse fit voir clairement qu'il ne penserait à la paix qu'après avoir perdu l'espoir de couvrir le Continent de carnage et de sang; mais il sentait que pour venir à bout d'un tel dessein, il ne lui suffisait pas d'associer à ses vues une puissance étrangère presqu'autant que l'Angleterre, par sa position, au système continental; que n'ayant rien à attendre de la Prusse dont les sentimens étaient trop connus, son espérance serait vaine tant que l'Autriche resterait fidèle à sa neutralité.

L'Autriche, après avoir éprouvé deux fois, à l'issue de deux guerres malheureuses, aux époques des traités de CampoFormio et de Lunéville, jusqu'à quel point la France aimait à se montrer généreuse envers un ennemi vaincu, n'avait pas comme la France religieusement observé ses traités. Nonobstant leurs stipulations formelles, la dette de Venise n'était point acquittée; elle était même déclarée anéantie; l'empereur savait que ses sujets de Milan et de Mantoue éprou

vaient un déni de justice, et que la coar de Vienne u'en payais aucun, au mépris des engagemens solennels qu'elle avoit

contractés.

Il savait que les relations de commerce de son royaume d'Italie avec les états héréditaires étaient entravées, et que ses sujets françois et italiens, ne trouvaient point en Autriche cueil auquel l'état de paix leur donnait le droit de s'attendre.

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Dans le partage des indemnités en Allemagne, l'Autriche avait été traitée avec une faveur qui devait combler ses désirs et passer même ses espérances. Cependant ses démarches annonçaient que son ambition n'était pas satisfaite. Elle employait tour-à-tour la séduction et les menaces pour se faire céder, par de petits princes, des possessions à sa convenance. C'est qu'ainsi qu'elle avait acquis, sur le lac de Constance, Lindau, et dans le lac même, l'ile de Menau, ce qui mettait. entre ses mains l'une des clefs de la Suisse. Elle s'était fait céder par l'Ordre Teutonique Altkausen, ce qui la rendait maîtresse d'un poste important, le poste de la Rhinau. Elle avait aggrandi son territoire par une foule d'autres acquisitions; elle en méditait de nouvelles.

Comme moyen d'aggrandissement, elle ne cragnait pas d'employer des usurpations évidentes qu'elle cherchait à violer par des formes légales.

C'est ainsi que, sous le prétexte d'un droit d'épave (droit auqnel elle avait expressément renoncé par un traité et do l'exercice était incompatible avec l'exécution du recès de l'empire germanique) elle s'appropriait des possessions qu'el'e feignait de croire en déshérence et sans propriétaires légitimes, quoique le recès en eut formellement disposé par la répartition des indemnités. Elle frustrait par là plusieurs princes de celles qu'il avait été trouvé juste de leur assignei; scus prétexte de ce même droit d'épave que, relativement aux Suisses, elle appelait droit d'incamération, elle enlevait à l'Helvétie des capitaux considérables. Elle séquestrait en Bohème les fief's appartenans à un prince voisin, sous le prétexte de compensations dues à lélecteur de Salzbourg et dont elle prétendait, contre tout droit, se constituer seule l'arbitre. Elle insistait, avec menaces pour conserver des recruteurs dans les provinces bavaroises, en Franconie et en Souabe, et elle y entravait, de tout son pouvoir, la conscription pour l'armée électorale. Abusant de prérogatives autrefois données au chef de l'empire germanique, pour l'utilité commune des états qui le composent, et tombées en déssuétude, elle les faisait revivre pour troubler l'exercice de la souveraincié des princes voisins sur les possessions qui leur étaient échues en partage, et pour les priver, dans les diètes, de l'accroissement d'influ ence qui devait résulter de ces possessions.

Le recès de l'empire, conséquence et complément du traité de Lunéville, avait pour objet, indépendamment de la répar

tition des indemnités, d'établir, par cette répartition même, dans le midi de l'Allemagne, un équilibre qui eu assurât l'in dépendance, et de prévenir les causes éventuelles de mésintelligence et de gnerre qu'un contact immédiat des territoires de la France et de l'Autriche aurait pu fréquemment faire naître. Tel était le vœu des médiateurs et de l'empire germanique; c'était le von de la justice, de la raison, d'une politique humaine et conforme aux vrais intérêts de l'Autriche elle-même.

L'Autriche renversait donc ce que le recès avait établi si sagement, lorsque par ses acquisitions en Souabe, elle affai❤ blissait la barrière qui devait la séparer de la France, lorsqu'elle tendait à s'interposer entre la France et les principaux états du midi de l'Allemage, et lorsque par un système combiné de séquestres, de prétensions, de caresses et de menaces, elle tendait sans relâche à s'assurer une influence exclusive, universelle et arbitraire sur cette partie de l'empire germanique; elle violait donc évidemment les traités, et chacun de ses actes devait être considéré comme une infraction de la paix.

Depuis la rupture du traité d'Amiens, l'Autriche s'était plus d'une fois montrée partiale en faveur de l'Angleterre ; elle avait reconnu par le fait, ce prétendu droit de blocus que le cabinet de St. James a osé s'arroger, et suivant lequel une simple déclaration de l'amiranté anglaise suffit pour mettre en interdit toutes les côtes d'un vaste empire; elle avait souffert sans réclamer et sans se plaindre, que la neutralité de son pavillon fût continuellement violée au détriment de la France, contre laquelle toutes les violences faites aux pavillons neutres étaient évidemment dirigées.

Tous ces faits étaient connus de l'empereur; plusieurs excitèrent sa sollicitude. C'étaient de véritables griefs; ils auraient été de justes motifs de guerre; mais par amour de la paix, l'empereur même s'abstint de toute plainte et la cour de Vienne ne reçut de lui que de nouveaux témoignages de déférence. Il s'était fait une loi d'éviter tout ce qui aurait pu causer à l'Autriche les plus légers ombrages. Lorsqu'appelé par les vœux de ses peuples d'Italie il se rendit à Milan, des troupes furent rassemblées, des camps furent formés, dans P'unique vue de mêler les pompes militaires aux solemnités religieuses et politiques, et de présenter la majesté souveraine au milieu de cet appareil qui plaît aux yeux des peuples; l'empereur conviendra qu'il avait aussi quelque plaisir à voir réunis ses compagnons d'armes dans les lieux et sur les terreins mêmes consacrés par la victoire; mais voulant prévenir les inquiétudes de la cour de Vienne, s'il était possible qu'elle en conçût aucune, il la fit assurer de ses intentions pacifiques, en déclarant que les camps qui avaient été formés seraient

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levés au bout de quelques jours, et cette promesse fut exactement remplie.

L'Autriche répondit par des protestations également amicales et pacifiques, et l'empereur quitta l'Italie avec la douce persuasion que la paix du Continent serait maintenue.

Quel fut son étonnement lorsqu'à peine de retour en France, étant à Boulogue, hâtant les préparatifs d'une expédition qu'il était enfin au moment d'effectuer, il reçut de toutes parts la nouvelle qu'un mouvement général était imprimé à toutes les forces de la monarchie autrichienne, qu'elles se portaient, à marches forcées, sur l'Adige, dans le Tyrol et sur les rives de l'Inn, qu'on rappeloit les semestriers, qu'on formait des magasins, qu'on fabriquait des armes, qu'on faisait des levées de chevaux, qu'on fortifiait les gorges du Tyrol, qu'on fortifiait Venise, qu'on faisait enfin tout ce qui annonce et caractérise une guerre imminente?

L'empereur ne put d'abord croire que l'Autriche voulût sérieusement la guerre, qu'elle voulût se commettre à de nonveaux hasards et condamner à de nouvelles calamités ses peuples fatigués par taut de revers, épuisés par tant de sacrifices.

Maitre par deux fois de priver pour toujours la maison d'Autriche de la moitié de ses états héréditaires, loin de diminuer sa puissance, il l'avait accrue; s'il ne pouvait pas compter sur sa reconnaissance, il croyait pouvoir compter sur sa loyauté, il lui avoit donné la plus haute marque de confiance qu'il lui fût possible de donner, en laissaut dégarnies et désarmées ses frontières continentales il la croyait incapable d'en abuser parce qu'il l'aurait été lui-même; il est des soupçons qui ne peuvent entrer dans les cœurs généreux, ni trouver place dans un esprit réfléchi.

L'empereur se plaisait à s'affermir dans ses favorables présomptions, et il ne craignait pas de manifester à quel point il désirait de les voir fondées, la cour de Vienne ne négligea rien pour en prolonger l'illusion, elle multiplia les déclarations pacifiques, elle protesta de son religieux attachement aux traités, elle autorisa son ambassadeur à faire les déclarations les plus rassurantes, elle chercha enfin, soit par des explications plausibles, soit par des dénégatious formelles, à dissiper les soupçons que ses mesures pouvaient faire naître,

Cependant les préparatifs hostiles redoublant tous les jours d'activité et d'étendue devenaient plus difficiles à justifier, l'empereur ordonna que M. le comte Philippe de Cobentzl, ambassadeur de la cour de Vienne fût invité à de nouvelles conférences et que la correspondance des agens diplomatiques et commerciaux de S. M. lui fût communiquée; quatre jours consécutifs M. de Cobentzl se rendit chez le ministre des relations extérieures, qui mit sous ses yeux les dépêches précédemment reçues et celles qui arrivaient successivement de tous les points de l'Allemagne et de l'Italie. Lec cabinets de l'Eu

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