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pour l'entretien de ses colonies et pour faire front à la puissance si redoutable de l'Angleterre, n'est pas plus puissante que l'Autriche; et je prie votre excellence de considérer si a conduite que la Russie ose tenir aujourd'hui envers la France dont elle est si éloignée et qu'elle ne peut atteindre, si cet oubli de toute décence qui marque son langage et ses procédés, n'annoncent pas clairement ce qu'elle sera un jour pour l'Autriche, quand le moment lui paraîtra venu de ne plus la ménager..

L'Autriche a éprouvé les Français et dans la guerre et dans la paix. Dans la guerre, elle les a trouvés ennemis loyaux, et s'il m'est permis de le dire, ennemis généraux; dans la paix, amis sincères, pleins de déférence et d'égards.

Elle a trouvé dans les ennemis de la France des alliés infidèles, disposés à lui laisser supporter les revers et à profiter eux-mêmes de ses victoires.

Pour quel étrange fatalité les leçons de l'expérience seraientelles perdues pour elle..

Que demande la France à l'Autriche ? Ce ne sont ni des efforts ni des sacrifices. L'empereur désire le repos du Continent; il est même prêt à faire la paix avec l'Angleterre, quand celle-ci voudra revenir au traité d'Amiens.

Mais dans les dispositions présentes de l'Angleterre, ne pouvant arriver à la paix par la guerre maritime, S. M. veut pouvoir s'y livrer toute entière. Elle demande à l'Autriche de ne point l'en détourner; de ne entrer dans aucun engagement contraire à l'état de paix qui les unit et enfin de la tranquilliser en remettant ses forces sur le pied de paix.

Sa Majesté n'a plus de corps qui soient disponibles pour renforcer son armée d'Italie, si elle était obligée d'en tirer de son armée des côtes, son système de guerre maritime serait entièrement dérangé.

Dans cette extrémité, elle le dit avec douleur, mais avec franchise, après avoir calculé toutes les chances et tout apprécié, elle préfèrerait la guerre et ses maux à une paix indécise et ruineuse; car pour ne pas se trouver prise au dépourvu, elle vient de donner l'ordre d'approvisionner ses places d'Italie; ce qui lui causera d'énormes dépenses. Elle préfèrerait la guerre à une paix pleine de menaces qui contrarierait et rendrait impossible tout système régulier d'administration. Enfin, elle préfèrerait la guerre à une paix qui óterait tent espoir de pacification raisonnable avec l'Angleterre. La paix maritime est entre les mains de l'Allemagne. Qu'au lieu de mouvemens de troupes qui annoncent l'intention de faire la guerre, l'empereur d'Allemagne et d'Autriche dise à l'Europe qu'il veut vivre en paix avec la France; l'Angleterre sentira aussitôt l'impossibilité d'une coalition, elle sentira la nécessité de la paix.

Aussi, l'Angleterre met-elle tout en œuvre pour exciter la

défiancé, pour semer les soupçons, pour amonceler les nuages sur le Continent, parce que si elle ne peut obtenir une coopération plus directe et plus efficace, elle a du moins pour auxiliaires ceux-là mêmes que des alarmes mal conçues pous sent à des préparatifs saus objet, et que les apparences seules de la guerre, si elles ne suffisent point à sa haine, lui paraissent suffire à sa sûreté, sachant bien que Fempereur ne pourra pas se livrer pleinement à l'exécution de ses desseins, tant que la paix.du Continent sera menacée.

. Dans l'état actuel des choses, l'empereur ne remplirait pas son devoir envers ses peuples; il s'exposerait aux reproches des contemporains et de la postérité, si des protestations pacifiques que les faits contredisent lui faisaient négliger de considérer les mesures et les dispositions de l'Autriche sous leur véritable aspect, c'est-à-dire, comme des véritables préparatifs. de guerre dirigée contre lui, surtout lorsqu'en les rapprochent du langage de l'Angleterre et de la conduite de la Russie, il n'est presque plus permis de douter que ces trois puissances ne soient unies dans un concert contre la France.

Si cependant le langage de l'Angleterre n'est de sa part qu'an artifice, si la conduite de la Russie n'est qu'une suite des caprices et de l'inconséquence dont elle a donné tant de preuves, soit à ses ennemis, soit à ses amis; si les protestations de l'Autriche sont sincères, les faits devant alors s'accorder avec elles, l'empereur d'Allemagne et d'Autriche sentira qu'il est juste et conforme à l'esprit de la véritable neutralité de ne point inquiéter la France, de ne point l'obliger à lever ses camps et à porter ses forces sur le Rhin et sur ses autres frontières, il sentira qu'il ne peut rassurer la France qu'en faisant rentrer dans leurs garnisons respectives les troupes qui ont été dirigées vers l'Italie et les provinces limitrophes, et en réduisant au pied de paix tout le matériel de son armée.

S'il en était autrement, ceux-là seuls qui ont fait les premiers des préparatifs hostiles et tiré l'épée du fourreau, devant être considérés comme les véritables auteurs de la guerre, et responsables des maux,

Supplément au No. 4, an 14...

Qui en seront la suite, quelle que soit d'ailleurs celle des deux puissances qui aura frappé les premiers coups, sa majesté n'hésitera point à prendre les mesures qui lui seront conseillées par l'honneur autant que par le soin de sa sûreté, soit qu'elle lève ses camps et qu'elle envoie sur le Rhin et en Italie les forces qu'elle a maintenant sur l'Océan, soit qu'elle appelle tous tous les conscrits de la réserve pour porter au grand complet de guerre son armée qui, jusqu'à présent, est restée toute entière sur le pied de paix, les corps employés contre l'Angleterre n'ayant été mis sur le pied de guerre qu'au moyen des renforts tirés des troisièmes bataillons laissés dans les garnisons.

La réponse que j'aurai reçue de votre excellence réglera ses déterminatious.

La franchise de ses communications ne me fait pas craindre, M. le comte, que les vues dans lesquelles j'ai été chargé de les faire puissent être mai interprétées. Vos lumières ne sont garant que vous y reconnaîtrez le langage de la loyauté. J'ose croire que vous serez frappé de l'exactitude des raisonnemens que j'ai eu l'honneur de vous soumettre; j'ose même espérer que vous leur prêterez une nouvelle force en les développant dans le conseil de votre anguste souverain, et que nou-seulement S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche dissipera toutes les inquiétudes et touts les doutes qui ont pu s'élever sur la conservation de la paix du Continent; que non-seule ment il la maintiendra en replaçant le matériel de ses armées sur le pied de paix, en faisant rentrer dans leurs garnisons ordinaires toutes les troupes dirigées sur l'Italie et les provinces limitrophes, mais encore qu'il aura la gloire de contribuer à la paix maritime qui sera certaine du moment qu'il sera connu de tout le monde que son intention est de persévérer dans la paix et de rester inébranlable au milieu de toutes les sollicitations et de toutes les instances de l'Angleterre.

Ainsi l'Europe, qui compte votre excellence parmi ceux auxquels elle a dû le bienfait de la paix vous devra, Monsieur le comte, le bienfait non moins grand de sa continuation. Recevez, Monsieur le comte, l'assurance de ma haute considération.

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Déclaration de la cour de Vienne, portant offre de sa médiation.

Quoique l'empereur n'ait pris jusqu'ici aucune part directé aux diverses tentatives faites dans le cours de la présente guerre maritime, pour rapprocher les parties belligérantes, et opérer le rétablissement de la paix, S. M. n'en a pas moins toujours vivement désiré qu'un but aussi salutaire puisse être obtenu par les soins des puissances dont l'intervention avait été spécialement requise à cet effet.

Ce désir de la cour de Vienne a dû redoubler depuis que des événemens, impliquant directement les intérêts et l'équi libre du Continent, ont été motivés par des conséquences dérivées de la guerre entre la France et l'Angleterre, et depuis que S. M. l'empereur des François a publiquement déclaré que l'arrangement définitif des affaires de la Lombardie serait ajourné jusqu'à la fin de cette guerre, et lié aux négociations qui auraient lieu pour la terminer; dès lors la cour de Vienne, possessionnée, en Italie, et vis-à-vis de laquelle il a été pris

des engagemens concernant cette partie intéressante de l'Europe, s'est trouvée immédiatement interressée au succès des négociations pacifiques, et elle a témoigné en conséquence. en diverses occasions, combien elle désirait de pouvoir contribuer à en accélérer l'ouverture.

Par une suite de ces dispositions, rien ne lui a été plus agréable que d'apprendre la démarche pacifique faite au commencement de cette année par S. M. l'empereur des Français, vis-à-vis de la cour de Londres, ainsi que celle de cette der nière puissance, par laquelle elle s'en est remise à cet égard à l'intervention de S. M. I. de toutes les Russies; démarches annonçant de part et d'autres des intentions modérées et conciliantes, et dont on se flattoit de voir réaliser le but par la mission de M. Novosilzof à Paris, offerte et acceptée avec un égal empressement.

C'est donc avec bien du regret que l'empereur vient d'être informé que cette mission était arrêtée par les nouveaux changemens concernant le sort des républiques de Gènes et de Lucques, trouvant de son côté, dans ces derniers changemens, des motifs d'autant plus urgens de désirer la plus prompte ouverture des voies de la conciliation et ne pouvant abandonner l'espoir qu'elle avoit fondé jusqu'ici sur les dispositions modérées, annoncées et confirmées solennellement par le souverain de la France, la cour de Vienne s'empresse d'offrir ses bons offices, afin que l'attente générale, placée dans les iutentions conciliantes de toutes les puissances intéressées, ne soit pas de nouveau frustrée. En conséquence, elle invite les cours des Thuilleries et de Pétersbourg à ce que la négociation qui était sur le poiut de s'ouvrir, soit immédiatement renouée étant prête à concourir, par ses soins les plus zélés à cette fin désirable, et se flattant que la cour de Berlin voudra bien y contribuer aussi de sa part par une suite du vif intérêt qu'elle a toujours témoigné prendre au rétablissement de la tranquillité publique.

NUMERO CINQ.

Note du ministre des relations extérieures à M. le comte Philippé de Cobenzel, remise le 25 Thermidor, an 13.

Le soussigné s'étant empressé à l'issue de la conférence qu'il a eu l'honneur d'avoir avec M. le comte de Cobenzel, d'envoyer à Bologne la déclaration qui lui a été remise par son excellence, a reçu de l'empereur et roi l'ordre d'y faire la réponse suivante;

L'empereur n'a pu qu'être touché des sentimens de modé ration manifestés par la déclaration susdite, et des dispositions amicales qui portent sa majesté l'empereur d'Allemagne et d'Autriche à vouloir hater par son intervention la fin des maux que la guerre cause à la France; mais plus S. M. attache d'importance et de prix aux bons offices de S. M. l'empereur.

Allemagne et d'Autriche, plus elle est reconnoissante de f'intention qui les a fait offrir, et plus elle sent que sa reconnoissance même lui défend de s'en prévaloir, lorsque, soit par la nature des choses, soit par celle des circonstances, i n'est pas même permis d'espérer qu'ils puissent être employés avec fruit, mi conséquemment sans compromettre la dignité du médiateur. Ce motif seul serait déterminant ponr S. M. quand bien même il lui serait possible d'oublier de quel valeur les cabinets de Londres et de Pétersbourg ont payé tout récemment encore ses procédés les plus nobles et les plus généreux.

M. de Novozilzof venait en France, sans que l'empereur sût avec quelles intentions le roi de Prusse avait demandé des passeports pour ce chambellan de l'empereur de Russie. Les passeports avaient été délivrés sur le champ et sans explication. Quel fruit sa majesté a-t-elle 'retiré de cette extrême déférence. Une note injurieuse et remplie d'assertions mensongères a été l'unique résultat d'une mission que l'empereur n'avoit ni provoquée ni désirée.

Ainsi insulté dans son honneur, il ne lui est plus possible de rien vouloir, ni de rien attendre de la Russie, qui d'ailleurs, Join de désirer la paix trouve son intérêt à la guerre, et fonde sur son renouvellement des espérances qu'elle voudrait en vain dissimuler, quand de toutes parts, sa conduite les dévoile aux regards les moins pénétrans.

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Depuis un an, l'empereur n'a reçu du cabinet russe que des outrages. Son caractère et ses sentimens sont trop connus,' pour que l'on puisse croire qu'il s'exposera à des outrages Houveaux. C'est à l'empereur Alexandre à juger lequel de ces deux partis tui convient, ou de persistes dans le système que des suggestions étrangères lui ont fait embrasser, ou de revenir à des sentimens plus modérés, plus justes et plus sages. Il a plus d'intérêt à y revenir que la France à l'y ramener; ce changement doit être le fruit de ses propres réflexions, et ne peut faire l'objet d'aucune négociation.

Quant à l'Angleterre, S. M. fit, il y a huit mois pour la porter à la paix, des instances que l'Europe sut apprécier, et qui n'auroient paint été vaines si l'Angleterre n'eût compté que sur ses propres ressources; mais par la réponse du cabinet de St. James, il devint évident qu'elle ne penserait à la paix qu'après avoir perda l'espoir d'embraser le Continent, et de couvrir de carnage et de sang l'Allemagne et l'Italie. C'est dans cette vue, et dans cette vue seulement, qu'elle avait appelé l'intervention de la Russie. Le cabinet de Vienne est trop éclairé pour s'y être mépris, quand bien même les projets et les motifs de l'Angleterre ne lui auraient pas été connus par les sollicitations et les offres de subsides dont elle n'a cessé d'obséder la cour de Vienne pour l'engager à reprendre les

armes.

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