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seul moment à agir dans Paris même. Tout doit être préala→ blement préparé et disposé là, au premier instant de cet em← barras et de cette consternation du gouvernement actuel, lors qu'il apprendra les mouvemens dans les provinces.

Puisqu'il est bien constaté qu'une très-grande partie de Farmée, tant officiers que soldats, est très-mécontente de l'arrestation de Moreau, il est naturel que le général la satisfasse à cet égard, afin de s'assurer de leur aide dans le moment critique. Le général ne peut que s'apercevoir qu'il lui sera de la plus haute importance et de la dernière nécessité même, d'adopter pour principe général de profiter de l'assistance des mécontens quelconques, et de les réunir tous, pour le premier moment, de quelque parti qu'ils soient, en décla rant que le grand but de l'insurrection étant de mettre fin à la tyrannie qui pèse sur la France et sur l'étranger, tout ce qui est ennemi du gouvernement actuel sera regardé comme ami par les insurrectionnels, étant très-instant d'ailleurs que toutes les démarches des insurrectionnels soient de la plus grande discrétion, surtout envers les partisans du Consul afin de ne pas réveiller les frayeurs de ce grand nombre de personnes qui se souviennent encore des maux qu'elles ont soufferts à plusieurs époques de la révolution. Le système pourrait être annoncé dans la première proclamation par deux mots: liberté et paix pour la France et pour tout le monde. Ces réflexions sont spécialement recommandées à la considé ration du général, puisqu'une conduite opposée ne pourra pas manquer d'effaroucher le public en général, et parconsé quent d'engager le plus grand hombre à se réunir au gouvernement actuel, tout détesté qu'il est, plutôt que de s'attirer ane répétition de scènes révolutionnaires dont le souvenir est encore frais dans leur esprit.

L'ami doit aussi prévenir le général qu'il a acquis la certitude que l'arrestation de Moreau a excité un mécontenment général et très-prononcé en Alsace. Ce général ayant un grand nombre de partisans dans cette contrée, on pourrait tirer un grand parti de cette dissention, en agissant d'après les bases qui viennent d'être indiquées.

Quant aux secours pécuniaires, l'ami aurait désiré que le général lui eût présenté un aperçu de ce qui lui sera nécessaire pour les premiers mouvemens, ainsi que de ce qui pourrait le devenir par la suite; l'ami doit prévenir le général que cette ville n'étant pas une ville de commerce, il est toujours difficile, et souvent impossible d'y trouver des lettres de change sur Paris (surtout des lettres à courte date) l'ami est presque toujours obligé d'en faire chercher loin d'ici quand il en a besoin. Le général aura donc la bonté d'instruire l'ami sur le champ comment cet objet pourrait être arrangé, en lui marquant les sommes qui lui sont nécessaires, auxquelles elles doivent être fournies,

par quel canal on doit les transmettre, et si les remises doivent être faites en lettres de change sur Paris, ou en espèces sonnantes.

Dans ce dernier cas, on pourrait encore envoyer à l'ami quelqu'un de confiance, muni d'une autorisation pour les recevoir et pour les porter directement soit à Paris, soit à Besançon, selon les besoins; mais il faut observer qu'il ne sera pas possible de ramasser une forte somme tout à la fois, ni en lettres de change ni en espèces : il est donc de toute nécessité que l'on indique le plus précisément que faire se pourra les époques auxquelles l'argent sera nécessaire, pour qu'on ait le tems d'en faire la provision; aussitôt que l'ami aura les indications à cet effet il prendra les mesures pour que les sommes dont on aura besoin soient déposées chez une personne sûre à Offembourg, à Stutgard et dans quelque autre ville plus rapprochée des frontières, qui les délivrera à celui qui sera envoyé par le général, à moins que le général ne trouve bon de stationner une personne à lui et dans laquelle il ait une confiance illimitée, à poste fixe, dans une de ces villes (ou mieux encore à Fribourg en Brisgaw) expréssement pour soigner cette partie; ce qui seroit peut-être le plan le plus convenable.

Ou suppose que le general trouvera quelques fonds dans les caisses de l'état, dont il s'emparera: mais dans le cas (possible) qu'on en ait besoin dans l'instant, avant que les remises arrivent, on pourrait remettre des bons payables au porteur, dans les termes de 15 jours ou trois semaines: les remises arrivant à l'échéance de ce terme, on les acquittera dès lors, et l'exactitude à remplir ses engagemens ne manquera pas de donner un grand crédit aux insurrectionnels. I y a une infinité de détails qu'on ne peut pas toucher dans cette lettre, puisque l'on ne veut pas retenir le voyageur plus longtems; mais il en sera instruit de bouche. De nouvelles instructions sont données au Capitaine Rosey, qui retourne à Munich.

Une somme de 14,976 livres lui est remise; il est envoyé a Stutgard, auprès du ministre Spencer Smith, qui lui donne 113,150 livres en lettres de change, et promet de faire passer ce dont on aura besoin.

Drake écrit une dernière lettre au général, par laquelle il Tui dit, entre autres choses.

Je suis bien charmé d'apprendre que le comité soit d'accord avec moi, quant à l'idée de réunir tous les mécontens sous quelques enseignes qu'ils ayent marché jusqu'ici. Commè les vues que vous annoncez sont entièrement conformes aux miennes, et me paraissent devoir parfaitement remplir l'objet de cette conduite, je n'ai pas besoin de m'étendre davantage sur ce point.

Je suis de plus en plus convaincu de l'extrême importançe du poste d'Huningue pour vos opérations, puisque, si les au

torités constituées de Bonaparte, et le militaire qui se trouve entre la ligne principale de vos opérations et la frontière de Suisse ou Allemagne, sont contre vous, il vous sera extrêmement difficile de tirer les secours pécuniaires de Fribourg, et de les faire arriver à Besançon, puisque, dans un pareil moment d'alarme et d'embarras, il est à présumer que les routes seront obstruées, et qu'aucun voyageur ne pourra passer.

La communication la plus courte avec Fribourg sera de Befort, qui est sur la droite de la ligne que vous vous proposez d'occuper, en passant ou par Bale et la frontière de Suisse, ou par la frontière de l'Alsace, or, si vous trouviez des enne mis sur l'une ou l'autre de ces frontières, le passage devien drait impraticable pour vos envois; sous ce point de vue donc, la possession d'Huningue me parait indispensable, puisque vous n'aurez là que le Rhin à passer pour arriver sur la rive droite de ce fleuve, passage qui vous sera assuré, puisqu'il se trouve sous le canon même de la ville d'Hu pingue.

Mais si vous croyez que l'entreprise sur Huningue pourrait manquer, si même vous n'êtes pas à peu près sûr qu'elle réussira, je ne voudrais pas qu'elle fût tentée, parce qu'il est de la dernière importance, je dirai même de la dernière nécessité, qu'aucune de vos opérations premières ne vienne à manquer, puisqu'un pareil contre-tems jeterait de la défaveur sur tout votre projet, encouragerait le gouvernement actuel, ferait naître l'idée à vos amis et à vos ennemis que vos moyens sont faibles, exciterait peut-être des doutes parmi vos partisans, et découragerait ceux qui sont disposés à se joindre à vous. Il se peut encore que vous regardiez Haningue comme un peu trop éloigné du siége principal de vos opé rations, et il faudra bien se garder de vous affaiblir, en donnant trop d'étendue à votre ligne,

Il est fort à désirer, si cette entreprise se fait, qu'elle se fasse entièrement du côté de la France; et je ne vois pas coinment vous pourriez la faire du côté d'Allemagne, puisque, dans ce cas, il faudrait passer le Rhin deux fois. Vous êtes apparemment dépourvu de pontous et de bateaux, et comment passeriez-vous cette rivière? Il faut de toute nécessité entrer dans la ville par les portes de France, et je ne puis pas deviner quelle utilité vous pourriez tirer du passage de vos gens sur le territoire d'Allemagne. Au reste, je ne peux pas vous conseiller de commencer vos opérations par une violation de territoire.

Ce sera donc à vous et au comité à peser tous les avantages et tous les incoveniens de cette entreprise, soit qu'elle réussise ou qu'elle ne réussisse pas, et je ne doute pas que votre déci sion sur ce point important ne soit pour le mieux; mais dang le cas que vous vous décidiez à ne pas la tenter, il faudrait

alors penser à s'assurer d'une autre voie sûre de communica tion avec Fribourg.

Quant aux pays qui environnent les villes que vous m'avez indiquées, je n'ai pas besoin de vous faire observer que leur occupation demandant la présence d'une partie de vos forces, il ne serait pas convenable de vous affaiblir, en faisant des détachemens pour cet objet, qu'autant que ces pays seraient absolument nécessaires à la marche de vos principales opérations militaires, soit par la position on par les secours en approvisionnemens qu'ils offrent.

Il ne faut pas penser à la citadelle de Strasbourg, elle est trop éloignée du pays où vous agirez, et d'ailleurs il ne nous faut pas entreprendre au delà de nos moyens.

Pour ce qui regarde le moment propice pour commencer votre attaque, j'aurais désiré qu'il fût différé de quelques semaines, afin que j'eusse plus de tems pour faire les dispositions nécessaires de mon côté: mais je sens vivement la force des motifs qui vous engagent à agir promptement et sans délai, et je suis entièrement d'accord avec vous que si vous laissez sa crifier Moreau à la haine et à la jalousie du Premier Consul vous perdrez par là, l'assistance de ses nombreux partisans. Je vous conjure cependant de ne pas vous montrer le moins du monde, avant que vos mesures ne soient toutes préparées et en règle; tout doit être calculé, combiné, et arrêté d'avance afin que le masque une fois levé, on n'erre pas à l'aventure; que chacun sache exactement son poste et ce qu'il a à faire, et que le premier coup parti on agisse d'abord partout, c'est surtout à Paris même, pour ne pas laisser au gouvernement le tems de se remettre de sa première stupeur.

Quoique vous ne me parliez pas des progrès que vos agens ont faits dans leurs tentatives pour gagner des partisans dans F'armée, je dois supposer que ces tentatives ont complètement réussi, et que vous vous êtes assuré d'une puissante diversion de ce côté-là, puisque sans cette aide, vos opérations seront bornées à faire insurger trois à quatre départemens, ce qui ne pourrait guères réussir qu'à la longue, en supposant que le Premier Consul conserve assez de pouvoir sur ses troupes pour les faire marcher contre vous. Votre aide de camp cependant, m'assure que toutes les mesures sont déjà préparées assez à cet égard, et dans le cas qu'elles soient déjà suffisamment muries, on pourrait en augmenter l'effet, en proposant aux soldats un petit surcroît de paye au delà de ce qu'ils reçoivent du gou❤ vernement actuel."

Quel est l'homme de bonne foi qui puisse, d'après les pièces aussi claires et aussi expressives, révoquer en doute que le cabinet britannique est l'âme de la conspiration?

Non, personne ne s'y trompera, ce n'est pas l'intérêt des Bourbons qui le dirige; il ne les pensionne que pour s'en servir comme d'instrumens de haine et de perversité. C'est la

consolidation du gouvernement français qui l'irrite, Ce sont les sentimens de reconnoissance, d'admiration, et de vénéra tion, dont la France entière est pénétrée pour le PremierConsul, qui l'accablent.

Tous ses vœux sont pour que les Français s'entr'égorgent. Il n'a distribué des poignards pour assassiner le Premier Consul, que parce qu'il sent fortement la puissance irrésistible de sa gloire et de ses vertus, même chez les nations étrangères.

TROISIEME POINT.

Tous les individus écroués en vertu de mandats d'arrêts sont auteurs ou complices de la conspiration ou coupables de recèlement de conspirateurs, au mépris de la loi du 9 Ventôse an 12.

C'est en examinant successivement la conduite de chacun de ces individus, que ce vérité va s'établir.

GEORGES CADOUDAL,

Il est né à Brech, département du Morbihan.

A peine avait-il fini ses études à Vannes, lorsque la révolation commença.

Il est passé dans la Vendée, aussitôt que les troubles de l'Ouest éclatèrent.

Il n'y eut pas de grade distingué.

La déroute du Mans le décida à revenir dans son pays.

Lors du passage de la Loire, il contribua à la formation de quelques rassemblemens.

L'ex-comte de Sils qui commandait les révoltés, fut tué dans une action qui eut lieu à Grandchamp, cet événement commença à développer son caractère.

A l'affaire de Quiberon, on le vit à la tête d'un corps de Paysans armés pour faciliter le débarquement.

On le vit ensuite chouanner avec ceux qui avaient échappé, dans cette journée.

Le corps dont il était le chef, se soutint à l'aide d'armes, munitions et d'argent que procura Puisaye.

Ce commandant s'étant retiré à Londres, Georges Cadoudal le remplaça jusqu'à la pacification.

Il alla alors en Angleterre, et eut des relations avec le gou yernement.

Les ci-devant princes français lui donnèrent la croix de St. Louis et le cordon rouge.

Il revint en Bretagne quelque tems avant la dernière insur rection qui eut lieu en Brumaire, an 8.

Après s'être battu, il fit une trève, pendant laquelle il

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