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Festime des militaires français, ont publié cette lettre pour leur justification et ont dit partout que les places avaient été vendues par M M. de Ghisilieri et Brady.

Le même jour que M. Ghisilieri écrivait cette lettre aux officiers du régiment de Thurn, voici celle qu'il écrivait au général Molitor (No. 3.) M. de Ghisilieri et ceux qui lui ont donné ces ordres, vendaient leur maître et leur patrie, comme ils la vendirent déjà à la seconde coalition. Il serait tems cependant d'exécuter les traités, de vivre en paix, et de ne pas chercher dans de misérables subtilités, des motifs dé querelle. Nous ne doutons pas que si ces lettres parviennent afa connaissance du ministère de la guerre à Vienne, il ne fasse puuir les hommes qui ont agi avec une aussi insigne mauvaise foi.

(No. I.)

Précis de ce qui s'est passé pour la remise des bouches du Cattaro, aux Russes et Monténégrins.

Le 19 Février 1906, les généraux Molitor, Dumas et M. le marquis de Ghisilieri, commissaire général de S. M. l'empe reur d'Allemagne et d'Autriche, pour la remise de la Dalinatie et des bouches du Cattaro sopt arrivés à Zara.

M. le marquis de Ghisilieri y ayant appris la somination faite par le commandant de l'escadre russe au commandant des troupes autrichiennes, a manifesté qu'il regardait cette sommation comme outrageaute pour son souverain, et a proposé de se rendre de suite à Cattaro, ce qui a été accepté par les généraux. Il s'y est rendu en effet le 25 ou 26 Février.

Pendant ce tems, le général Molitor a fuit mettre en marche ses troups pour les bouches du Cattaro, et avait pris-à cet effet les moyens les plus expéditifs. Ce général était le 7 Mars sur les confins de la république de Raguse, à deux journées de marche de Castelnovo, la première place du ter ritoire, lorsqu'il a appris que les places des bouches de Cattaro avaient été cédées aux Russes et Monténégrins le 4 Mars. H est de notoriété que le commandaut autrichien et M. le mare quis de Ghisilieri n'ont fait au commandant russe aucune pro testation de l'entrée de l'escadre russe dans un port qui leur appartenait, et où ils attendaient les François, qu'ils exposaient sans aucun avis, à tomber dans les maius de l'ennemi, lorsqu'ils auraient cru entrer dans un port ami.

Il est encore notoire que le commandant autrichien et M. le marquis de Ghisilieri u'ont pris aucune mesure pour repousser Taggression des Monténégrins, à moins qu'ils ne les aient regardés aussi comme leurs alliés.

Les officiers autrichiens composant les garnisons des places

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du Cattaro, ont fait des protestations contre la conduite da commandant autrichien, pour remettre les places aux Russes: des officiers ont même été mis aux arrêts, et réclamés par leurs camarades, pour avoir parlé fortement contre une telle détermination, et cela avant l'arrivée de M. le marquis de Ghisilieri. Lorsque ce commissaire est arrivé et qu'il a vu les officiers persister à ne pas remettre le places et à se défendre contre toute agression, il a donné l'ordre, en vertu, a-t-il dit, d'ordres supérieurs, de remettre anx Russes toutes les places et territoires des bouches du Cattaro. Le général Brady, gouverneur en Dalmatie, en Albanie, avait envoyé, dès le mo ment de la connaissance du traité de paix, l'ordre de s'en tenir à des protestations, et de remettre les places au détachement de troupes russes, débarqué de leurs frégates, en cas de sommation. Il a réitéré son ordre pour que les agens russes ne l'ignorassent pas; le commandant autrichien à Cattaro, leur a fait savoir les ordres qu'il aait reçus.

Ceux-ci ne pouvant déterminer le commandant russe à Corfou, à agir sans ordre de sa cour, ont réussi à faire venir dans les bouches du Cattaro, l'escadre russe aux ordres de M. Henry Bayle (Anglais)

Enfin, les places du Cattaro ont été occupées par un petit nombre de Russes, tirés des bâtimens de l'escadre, et par 1500 Monténégrins, environ. La garnison autrichienne était de deux bataillons du régiment de Thurn, formant un total de $1500 hommes.

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Les habitans gémissent sous les vexations qu'ils éprouvent. Des voies de fait ont déjà eu lieu entre eux et les Monténégrins. Les maisons à Cattaro ont été saccagées et pillées.

Voilà l'état florissant dans lequel M. le marquis de Ghisilieri voulait laisser les bouches du Cattaro à S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie d'après le traité de Presbourg.

A Zara, le 26 Mars, 1806.

(No. II.)

Copie d'une lettre de M. le marquis de Ghisilieri, à M. de Zanino, officier du régiment de Thurn, et communiquée par cet officier à ses camarades d'après l'invitation de M. le mar quis de Ghisilieri.

Monsieur,

CASTELNOVO, ce 6 Mars, 1806.

Comme dans les circonstances difficiles dans lesquelles je me suis trouvé, rien ne me serait si à cœur que de ne rien décider qui pût déplaire à une garnison aussi brave et aussi estimable que celle de Cattaro, et comme d'ailleurs, d'après ce que M. le lieutenant d'Esemberg vient de me dire, j'ai lieu de

craindre de n'avoir pas rempli entièrement mon but, je profite de la connaissance personnelle que j'ai eu le bonheur de faire de vous, Monsieur, pour vous faire amicalement deux observations seules, et pour vous prier de les communiquer aussi à MM. vos camarades.

1o. Ce n'est pas à la sommation d'une puissance ennemie, de notre auguste maître, et moins encore à la demande des Monténégrins, avec lesquels je ne suis pas même entré en pourparler, mais bien à la sommation réitérée d'un commandant russe que j'ai pris le parti de retirer les troupes de S. M. de cette province, et par conséquent, ce n'est qu'à la volonté expresse d'une cour alliée et amie de la nôtre, et contre laquelle les ordres supérieurs sont bien précis, de ne pas se permettre d'autres moyens que ceux des déclarations et des protestations, et jamais des moyens de défense armée.

2o. Je ne suis pas venu avec le commandant russe à aucune capitulation que je n'aurais jamais conclue sans le consentement du militaire, mais bien je me suis borné à lui faire les protestations et déclarations nécessaires pour mettre notre cour à couvert de tous griefs de la part des Français, et pour assurer les égards dûs en toute circonstance au pavillon et aux troupes de S. M.

D'après ces observations bien simples vous verrez vousmêmes, Monsieur, que le parti que j'ai pris, est une mesure tout-à-fait politique et la seule que les circonstances permettaient, et pas une mesure aucunement militaire; ce qui doit tranquilliser vous-même et vos braves camarades sur toute suite que vous en ponrriez craindre, moins avantageuse à votre renommée, d'ailleurs trop bien assurée et à l'armée et dans le public, pour être entamée par une demarche tout-à-fait étran gère au militaire.

Par mon empressement à entrer avec vous et pour vous avec tous les officiers, dans de pareils détails, vous jugerez tout le prix que je mets à votre estime et à votre bienveillance, et deux lignes de réponse que vous pourriez m'adresser à Raguse, recommandée au consul impérial, me feront beaucoup de plaisir.

Je suis, avec une considération parfaite,

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Copie de la lettre écrite par M. le marquis de Ghisilieri à M. le général Molitor, gouvernenr de la Dalmatie et de l'Albanie.

Monsieur le général,

Zacostaz, le 9 Mars, 1806. Les mêmes motifs de prudence qui m'avaient engagé à précéder les troupes destinées à occuper les bouches du Cattaro,

sous les ordres de votre excellence, m'ont mis dans la nécessité d'en faire retirer les troupes de mon anguste maître, pas tant pour épargner de nouveaux dangers à une garnison courageuse qui ne demandait que de se battre, que pour préserver du pillage et de sa ruine totale une province qui est déjà une propriété de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie.

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La fureur avec laquelle les Monténégrins, levés en masse par leur métropoliste, menaçaient la province, et l'enthou siasme que partageaient avec eux parmi les habitans des bouches, les sectaires du rit grec, qui forment les trois quarts de la population, alarmaient depuis quelque tems le gouvernement, quand une escadre russe, qui jeta l'ancre à Porte-Rose, le 27 au soir du mois passé, vint encore paralyser le peu de moyens qu'on pouvait mettre en œuvre pour déjouer les projets des Monténégrios. Les journées des 28 Février, du ler. et 2 Mars, furent employées à faire inonder la province pa quelques milliers de Monténégrins renforcés par les habitans de Zuppa, Commnoi et Petrocicchio; et quand cette horde était déjà en mesure pour attaquer les places gardées par les troupes autrichienues, le commandant de l'escadre russe somma, le 3 Mars, le gouverneur de Catarro de céder toutes les places, ou bien de se déclarer l'ennemi de S. M. l'empereur de toutes les Russies, et il me réitéra le lendemain la même sommation dans le terme péremptoire d'un quart-d'heure, toujours d'après le principe que les bouches du Cattaro étaient diéjà territoire français, dès le jour que le délai de deux mois fixé à leur occupation par les troupes françaises, était expiré. Dans un moment si pressant, persuadé comme je l'étais que la valeur de la garnison n'aurait pas suffi contre le nombre des Monténégrins infinitement supérieur, ni contre le feu que l'escadre aurait fait sur les places, et persuadé également que la dévastation de la province aurait été la suite immédiate de non refas, j'ai cru devoir céder à la force des circonstances et ne pas en wenir aux moyens de violence, après avoir épuisé inutilement ceux de la persuasion et des protestations et par une telle conduite, j'ai sauvé à mon auguste maître, de braves troupes, et conservé pour le vôtre, M. le général, les bouches du Cattaro dans un état florissant.

Je me flatte, d'après cela, que le parti que j'ai pris ne déméritera pas l'approbation de S. M. mon auguste maître, et n'excitera pas non plus la moindre plainte de la part du gouvernement français; ce qui sera pour moi la récompense la plus douce des peines de toute espèce que j'ai souffertes et des dangers que même j'ai conrus dans ces derniers jours.

J'ai l'honneur, etc. (Signé) GHISILIER!.

No. IV.

Note à M. le marquis de Ghisilieri.

Le soussigné, commissaire-général de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, a eu l'honneur de recevoir de M. le marquis de Ghisilieri, commissaire-général de S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche, la réponse à sa note du 21 Mars, par laquelle il annonce au soussigné qu'il a expédié cette note à sa cour, et qu'il s'en réfère d'ailleurs à la réponse donnée à M. le général Molitor, sur les mêmes griefs.

Le soussigné s'est empressé de demander à M. le général Molitor, la réponse dont parle M. le marquis de Ghisilieri; elle est du 9 Mars, 1806, et datée de Zacostaz.

Dans cette réponse, M. le marquis de Ghisilieri fait connaitre que la garnison de Cattaro ne demandait qu'à se battre; le soussigné en est d'autant plus persuadé, qu'il sait positive ment que des protestations ont été faites par des officiers du régiment du Thurn contre la remise de ces places aux Russes, que des officiers ont été mis aux arrêts pour ces protestations, et que généralement tous les officiers et soldats de ce régiment témoignent de l'indignation d'avoir remis les places des bouches du Cattaro à un petit nombre de Russes, qui n'eussent pas fait la moindre résistance contre le régiment de Thurn composé de 1,500 hommes.

Cependant, malgré ces protestations, les places des bouches du Cattaro ont été cédées aux Russes, d'après l'ordre de M. Je marquis de Ghisilieri.

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Le soussigné a l'honneur de prier M. le marquis de Ghisilieri, de lui faire connaître s'il a agi dans cette circonstance d'après lui-même, ou en vertu d'ordres supérieurs; car il est essentiel qu'il fasse part à sa cour des raisons pour lesquelles le commandant autrichien et M. le marquis de Ghisilieri, ont laissé paisiblement entrer et séjourner dans les ports des bouches du Cattaro, l'escadre armée d'une puissance ennemie de celle à Jaquelle ils devaient remettre les places, et dont ils n'ont pas prévenu les généraux.

Il est important aussi que le soussigné donne connaissance à sa cour, des motifs pour lesquels les bouches du Cattaro ont été cédées aux Russes, au lieu de l'être aux troupes de S. M. J'empereur des Français, roi d'Italie, conformément au traité de Presbourg. La raison que donne M. le marquis de Ghisilieri, dans sa lettre au général Molitor du 9 Mars, ne peut être admise. Il y dit que c'était pour conserver à S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, les bouches du Cattaro dans un état Aorissant, qu'il les a remises aux Russes et Monténégrins.

Cependant deux jours seulement après la remise de ces -places, les Monténégrins ont saccagé et pillé, des maisons; et ees mêmes habitans, que M. le marquis de Ghisilieri dépeint

Ccccc

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