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des cérémonies, et reçus à la porte de la première salle par S. E. le maréchal colonel-général de la garde de service.

Arrivés à la salle du trône, ils ont fait trois profondes révérences, et M. le vice-amiral Verhuel, président de la députation, a prononcé le discours suivant:

Sire,

Les représentans d'un peuple connu par sa patience couragense dans les tems difficiles, célèbre, nous osons le dire, par la solidité de son jugement et par sa fidélité à remplir les engagemens contractés, nous ont donné l'honorable mission de nous présenter devant le trône de V. M.

Ce peuple a long-tems souffert des agitations de l'Europe et des siennes. Témoin des catastrophes qui ont renversé quel ques états, victime des désordres qui les ont ébranlés tous, il a senti que la force des intérêts et des rapports, qui aujour d'hui unissent ou divisent les grandes puissances, lui faisait une loi de se placer, sous la première des sauve-gardes politiques de l'Europe, et que sa faiblesse même lui prescrivait de mettre ses institutions en harmonie avec celles de l'état, dout la protection seule peut le garantir contre le danger de Ja servitude ou de la ruine.

Ces représentans ont mûrement et solennellement délibéré sur les circonstances du tems présent, et sur les effrayantes probabilités de l'avenir; ils ont vu dans le terme même des calamités dont l'Europe a été long-tems affligée, et les causes de leurs propres maux, et le remède auquel ils devaient re

courir.

Nous sommes, Sire, chargés d'exprimer à V. M. le vœu des représentans de notre peuple: nous la prions de nous accorder, comme chef suprême de notre république, comme roi de Hollande, le prince Louis-Napoléon, frère de votre majesté, auquel nous remettons, avec une entière et respectueuse confiance, la garde de nos lois, la défense de nos droits politiques, et tous les intérêts de notre chère patrie.

Sous les auspices sacrés de la Providence, sous la glorieuse protection de votre majesté impériale et royale, enfin sous la puissance du gouvernement paternel que nous lui demandons, nous osons espérer,Sire, que la Hollande, assurée désormais pour toujours de l'affection du plus graud des monarques, et unie étroitement par sa destinée même à celle de votre immense et immortel empire, verra renaître les jours de son ancienue gloire, un repos qu'elle a depuis long-tems perdu, et sa prospérité, que des pertes, qui ne seront plus considérées comme irrépaparables, n'auront que passagèrement alterée.

S. M. a répondu en ces termes:

Messieurs les représentans du peuple batave,

J'ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma couronne de protéger votre patrie. Toutes les fois que j'ai dû intervenir dans vos affaires intérieures, j'ai d'abord été frappé

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des inconvéniens attachés à la forme incertaine de votre goû vernement. Gouvernés par une assemblée populaire, elle eit été influencée par les intrigues et agitée par les puissances voisines. Gouvernés par une magistrature élective, tous les renouvellemens de cette magistrature eussent été des momens de crise pour l'Europe, et le signal de nouvelles guerres ma ritimes. Tous ces inconvéniens ne pouvaient être parés que par un gouvernement héréditaire. Je l'ai appelé dans votre patrie par mes conseils, lors de l'établissement de votre der nière constitution; et l'offre que vous faites de la couronne de Hollande au prince Louis, est conforme aux vrais intérêts de votre patrie, aux miens, et propre à assurer le repos général de l'Europe. La France a été assez généreuse pour renoncer à tous les droits que les événemens de la guerre lui avaient donnés sur vous, mais je ne pouvais confier les places fortes qui couvrent ma frontière du nord à la garde d'une main infidèle ou même douteuse.

MM. les représentans du peuple batave, j'adhère au vœu de LL. HH. PP. Je proclame roi de Hollande le prince Louis. Vous, prince, régnez sur ces peuples; leurs pères n'acquirent leur indépendance que par les secours constans de la France. Depuis, la Hollande fut l'alliée de l'Angleterre; 'elle fut conquise; elle dut encore à la France sou existence,

Qu'elle vous doive donc des rois qui protégent ses libertés, ses lois et sa religion. Mais ne cessez jamais d'être Français, La dignité de connétable de l'empire sera possédée par vous et vos descendans: elle vous retracera les devoirs que vous avez à remplir envers moi, et l'importance que j'attache à la garde des places fortes qui garantissent le nord de mes états, et que je vous confie. Prince, entretenez parmi vos troupes 'cet esprit que je leur ai vu sur les champs de bataille. Entretenez dans vos nouveaux sujets des sentimens d'union et d'amour pour la France. Soyez l'effroi des méchans et le père des bons: c'est le caractère des grands rois.

Alors S. A. I. Mgr. le prince Louis, s'est avancé au pied du trône, et a dit:

Sire,

J'avais placé toute mon ambition à sacrifier ma vie au ser vice de votre majesté. Je faisais consister mon bonheur à admirer de près toutes ces qualités qui la rendent si chère à ceux qui, comme moi, ont été si souvent témoins de la puissance et des effets de son génie. Elle permettra donc que j'é"prouve des regrets en m'éloignant d'elle; mais ma vie et mes volontés lui appartiennent. J'irai régner en Hollande, puis que ces peuples le désirent, et que V. M. l'ordonne.

Sire, lorsque V. M. quitta la France pour aller vaincre l'Europe conjurée contr'elle, elle voulut s'en rapporter à moi pour garantir la Hollande de l'invasion qui la menaçait; j'ai, dans

cette circonstance, apprécié le caractère de ces peuples et les qualités qui les distinguent.

Oui, Sire, je serai fier de régner sur eux; 'mais quelque glorieuse que soit la carrière qui m'est ouverte, l'assuvance de la constante protection de V. M., l'amour et le patriotisme de mes nouveaux sujets peuvent me faire concevoir l'espérance de guérir des plaies occasionnées par tant de guerres et d'évé nemens accumulés en si peu d'années.

Sire, lorsque V. M. mettra le dernier sceau à sa gloire, en donnant la paix au monde, les places qu'elle confiera alors à ma garde, à celle de mes enfans, aux soldats hollandais qui ont combattu à Austerlitz sous ses yeux, ces places seront bien gardées. Unis par l'intérêt, mes peuples le seront aussi par les sentimens d'amour et de reconnaissance de leur roi, à V.M. et à la France.

Ce discours terminé, MM. les ambassadeurs extraordinaires se sont retirés en faisant trois profondes révérences.

L'empereur s'est rendu ensuite dans les appartemens, pour donner audience aux personnes qui s'y trouvaient réunies. Elle était précédée de son auguste frère, et l'huissier, en ouvrant les battans, a annoncé le roi de Hollande.

MM. les ambassadeurs extraordinaires de Hollande ont été conduits à l'audience de S. M. l'impératrice, où il a été observé le cérémonial précédemment décrit.

De là ils sont retournés à leur hôtel avec le même cortége qu'à leur arrivée au palais.

Message de S. M. l'empereur et roi.

Sénateurs,

Nous chargeons notre cousin archi-chancelier de l'empire, de vous faire connaître qu'adhérant au vou de leurs hautes puissances, nous avons proclamé le prince Louis-Napoléon, notre bien-aimé frère, roi de Hollande, pour ladite couronne être héréditaire en toute souveraineté, par ordre de primogéniture, dans sa descendance naturelle, légitime et masculine; notre intention étant en même tems que le roi de Hollande et ses descendans conservent la dignité dé connétable de l'empire. Notre détermination dans cette circonstance nous a paru conforme aux intérêts de nos peuples. Sous le point de vue militaire, la Hollande possédant toutes les places fortes qui garantissent notre frontière du nord, il importait à la sûreté de nos états que la garde en fùt confiée à des personnes sur l'attachement desquelles nous ne pussions concevoir aucun doute. Sous 'le point de vue commercial, la Hollande étant située à l'embouchure des grandes rivières qui arrosent une partie considérable de notre territoire, il fallait que nous eussions la ga rantie que le traité de commerce que nous conclurons avec elle serait fidèlement exécuté, afin de concilier les intérêts de nos manufactures et de notre commerce avec ceux du com

merce de ces peuples. Enfin, la Hollande est le premier intérêt politique de la France. Uue magistrature élective aurait eu l'inconvénient de livrer fréquemment ce pays aux intrigues de nos ennemis, et chaque élection serait devenue le signal d'une guerre nouvelle.

Le prince Louis, n'étant animé d'aucune ambition personnelle, nous a donné une preuve de l'amour qu'il nous porte, et de son estime pour les peuples de Hollande, en acceptant un trône qui lui impose de si grandes obligations.

L'archi-chancelier de l'empire d'Allemagne, électeur de Ratisbonne et primat de Germanie, nous ayant fait connaître que son intention était de se donner un coadjuteur, et que, d'ac cord avec ses ministres et les principaux membres de son chapitre, il avait pensé qu'il était du bien de la religion et de l'empire germanique qu'il nommât à cette place notre oncle et cousin le cardinal Fesch, notre grand-aumônier et archevêque de Lyon, nous avons accepté ladite nomination au nom du dit cardinal. Si cette détermination de l'électeur archichancelier de l'empire germanique est utile à l'Allemagne, elle n'est pas moins conforme à la politique de la France.

Ainsi le service de la patrie appelle loin de nous nos frères et nos enfans; mais le bonheur et les prospérités de nos peuples composent aussi nos plus chères affections.

En notre palais de Saint-Cloud, le 5 Juin, 1806.

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Le ministre secrétaire d'état, (Signé) H. B. MARET,

TRAITÉ.

S.M. impériale et royale Napoléon, empereur des Français et roi d'Italie, et l'assemblée de leurs hautes puissances, représentant la république batave, présidée par S. Exc. le grandpensionnaire, accompagné du conseil-d'état et des ministres et secrétaire d'état, considérant,

1°. Que vu la disposition générale des esprits et l'organisation actuelle de l'Europe, un gouvernement sans consistance et sans durée certaine, ne peut remplir le but de son institution;

2°. Que le renouvellement périodique du chef de l'état sera toujours en Hollande une source de dissentions, et au-dehors un sujet constant d'agitations et de discorde entre les puissances amies ou ennemies de la Hollande;

3°. Qu'un gouvernement héréditaire peut seul garantir la tranquille possession de tout ce qui est cher au peuple hollandais, le libre exercice de sa religion, la conservation de ses lois, son indépendance politique et sa liberté civile;

4°. Que le premier de ses intérêts est de s'assurer d'une protection puissante, à l'abri de laquelle il puisse exercer

librement son industrie et se maintenir dans la possession de son territoire, de son commerce et de ses colonies;

5°. Que la France est essentiellement intéressée au bonheur du peuple hollandais, à la prospérité de l'état et à la stabilité de ses institutions, tant en considération des frontières septentrionales de l'empire ouvertes et dégarnies de places fortes, que sous le rapport des principes et des intérêts de la politique générale :

Ont nommé pour ministres plénipotentiaires, savoir: S. M. l'empereur des Français et roi d'Italie;

M. Charles-Maurice Talleyrand, grand-chambellan, ministre des relations extérieures, graud-cordon de la légion d'honneur, chevalier des ordres de l'aigle rouge et noire de Prusse, et de l'ordre de Saint-Hubert, etc. etc..

Et S. Exc. M. le grand-pensionnaire;

MM. Charles-Henri Verhuell, vice-amiral et ministre de la marine de la république batave, décoré du grand-aigle de la légion d'honneur;

Isaac-Jean-Alexandre Gogel, ministre des finances;

Jean van Styrum, membre de l'assemblée LL. HH. PP.;
Guillaume Six, membre du conseil-d'état ;

Et Gerard de Brantzen, ministre plénipotentiaire de la république batave auprès de S. M. impériale et royale, décoré du grand-aigle de la légion d'honneur;

Lesquels, après avoir fait l'échange de leurs pleins-pouvoirs, sont convenus de ce qui suit:

Art. 1er. S. M. l'empereur des Français et roi d'Italie, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs à perpétuité, garantit à la Hollande le maintien de ses droits constitutionels, son indépendance, l'intégrité de ses possessions dans les deux mondes, sa liberté politique, civile et religieuse, telle qu'elle est consacrée par les lois actuellement établies, et l'abolition . de tout privilège en matière d'impôt..

2. Sur la demande formelle faite par leurs hautes-puissances, représentant la république batave, que le prince Louis-Napoléon soit nommé et couronné roi héréditaire et constitutionel de la Hollande, sa majesté défère à ce vœu, et autorise le prince Louis-Napoléon à accepter la couronne de Hollande, pour être possédée par lui et sa descendance naturelle, légitime et masculine par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

En conséquence de cette antorisation, le prince Louis-Napoléon possédera cette couronne sous le titre de roi, et avec tout le pouvoir et toute l'autorité qui seront déterminés par les lois constitutionnelles que l'empereur Napoléon a garanties dans l'article précédent.

Néanmoins, il est statué que les couronnes de France et de Hollande ne pourront jamais être réunies sur la même tête.

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