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étaient réellement l'un ou l'autre. Forts de notre conscience, des sentimens qui nous animent; des maximes que nous pros fessons, nous nous sommes expliqués au sein de la capitale, et pour ainsi dire sous les yeux même de S. M. avec la même franchise, la même liberté d'opinion dont nous aurions usé au sein de nos foyers domestiques, et indépendamment de toute provocation de la part de l'autorité souverainé.

Ce n'était pas un hommage équivoque rendu à l'illustre dé positaire de cette autorité que cet abandon, cette confiance sans bornes dans sa justice et ses hautes vertus. Enfin, il a acquis la certitude que le code religieux de Moyse ne contenait ni dans ses principes, ni dans ses pratiques, rien qui puisse justifier l'exclusion de ses sectateurs de la jouissance des droits civils et politiques des Français.

Mais S. M. pénétrée de ce grand principe, qu'en matière de croyance religieuse, la persuasion seule doit agir, a senti qu'il ne suffisait pas qu'elle fût satisfaite de nos réponses, qu'il fallait encore qu'elles fussent reçues, avouées par les synago gues de France, du royaume d'Italie, et servissent de règle et d'exemple à toutes celles d'occident. C'est en vertu de cette réserve prudente, de cette sage circonspection, digne de nos éternelles bénédictions dans le prince le plus puissant de la chré tienté, qu'il détermine dans sa sagesse la convocation du grandsanhedrin dont il vient de vous être parlé, afin de donner aux décisions de cette assemblée la sanction religieuse qu'elles doivent avoir.

Ainsi le régulateur des destinées de l'Europe, le dispensateur des trônes, ce monarque partout respecté, respecte luimême l'indépendance des opinions religieuses et l'asyle sacré des consciences.

Ainsi s'élève pour S. M. I. et R. un nouveau monument de gloire plus durable que ceux de marbre et d'airain. Son règue sera l'époque de la régénération de nos frères. L'Europe lui devra des millions de citoyens utiles; et ce qui doit être bien doux pour le cœur de sa majesté, elle aura devant les yeux le spectacle des heureux qu'elle aura faits.

Les attributions plus importantes que S. M. daigne nous donner en nous imposant des devoirs plus difficiles à remplir, auraient de quoi nous effrayer, si vous ne nous promettiez, messieurs les commissaires, de nous aider du concours de vos lumières, afin de répondre dignement aux grandes vues de S. M. Eloignés par notre situation passée, par la nature de nos occupations, des études relatives à des objets d'un ordre si relevé, nous n'y pouvons porter que les simples lumières du bon sens, des intentions pures et un zèle soutenu; mais ces dispositions ne suffisent pas nous avons besoin de toute votre indulgence, et nous la réclamons.

(Après ce discours, le président a proposé à l'assemblée de

prendre l'arrêté suivant, qui a été adopté à l'unanimité et per acclamation.)

L'assemblée des représentans des Israélites de France et du royaume d'Italie, après avoir entendu les communications officielles qui viennent de lui être données par MM. les commis saires de sa majesté impériale et royale; considérant que S. M. l'empereur et roi en permettant la réunion d'un nombre de terminé de docteurs de la loi, et de notables parmi les laïques en grand sanhedrin, a prévenu les vœux et pourvu au plus pressant besoin de tous ceux qui professent en Europe la reli gion de Moyse; que sa bienveillance impériale se manifeste tous les jours d'une manière si positi e et si éclatante en fa veur de ses sujets Israélites, qu'elle leur impose le devoir de concourir de tous leurs co-religionnaires d'occident;

Arrête que le bureau de l'assemblée se retirera vers les commissaires de S. M. impériale et royale pour le supplier de porter au pied du trône l'hommage de sa profonde gratitude, et de son entier et respectueux dévouement;

Qu'il sera adressé par l'assemblée une proclamation à toutes les synagogues de l'empire français, du royaume d'Italie et de l'Europe, pour leur annoncer que, le 20 Octobre, un grand sanhedrin s'ouvrira à Paris, sous la protection et par la per mission expresse de sa majesté;

Que M M. les rabbius, membres de l'assemblée seront in vités à faire partie de ce grand sanhédrin;

Que vingt-cinq des députés, membres de l'assemblée, seront élus au scrutin secret pour en faire également partie;

Que S. M. impériale et royale sera humblement supplié de vouloir bien donner les ordres nécessaires, afin que vingt-neuf rabbins choisis dans les synagogues de son empire et de son royaume d'Italie, puissent se rendre à Paris pour y assister au grand sanhedrin;

Qu'il sera procédé dans le sein de l'assemblée à l'élection d'un comité de neuf membres au scrutin secret, par trois scrutins de liste, lequel comité sera chargé de préparer, de concert avec MM. les commissaires de S. M. l'empereur et roi les matières qui seront soumises à la délibération du grand sanhedrin ;

Que l'assemblée ne se séparera pas que le grand sanhedrin n'ait clos ses séances; qu'elle prie MM. les commissaires impériaux de transmettre à S. M. impériale et royale le désir qu'elle éprouve de porter en corps à ses pieds l'hommage de son amour et de son respect.

L'assemblée arrête en outre que copie de la présente délibération sera sur-le-champ, séance tenante, transmise à M M. les commissaires de sa majesté.

Paris, le 24 Septembre, 1806.

Lettre de S. M. l'empereur et roi, à S. A. E. le princeprimat.

Mon frère, les formes de nos communications, en notre qua lité de protecteur, avec les souverains réunis en congrès à Francfort n'étant pas encore déterminées, nous avons peusé qu'il n'en était aucune qui fût plus convenable que d'adresser la présente à V. A. Em. afin qu'elle en fasse part aux deux colleges. En effet, quel organe pouvions-nous plus naturellement choisir, que celui d'un prince à la sagesse duquel a été confié le soin de préparer le premier statut fondamental ? Nous aurions attendu que ce statut eùt été arrêté par le congrès et nous eût été donné en communication, s'il ne devait pas contenir des dispositions qui nous regardent personnellement. Cela seuf a dù nous porter à prendre nous-mêmes l'initiative pour soumettre nos sentimens et nos réflexions à la sagesse des princes confédérés. Lorsque nous avons accepté le titre de protecteur de la confédération du Rhin, nous n'avons eu en vue que d'établir en droit ce qui existait de fait depuis plusieurs siècles. En l'acceptant, nous avons contracté la double obligation de garantir le territoire de la confédération coutre les troupes étrangères, et le territoire de chaque confédéré contre les entreprises des autres. Ces obligations, toutes conservatrices, plaisent à notre cœur; elles sont conformes à ces sentimens de bienveillance et d'amitié dont nous n'avons cessé, dans toutes les circonstances, de donner des preuves aux membres de la confédération. Mais là se bornent nos devoirs envers elle. Nous n'entendons en rien nous arroger la portion de souveraineté qu'exerçait l'empereur d'Allemagne comme suzerain. Le gouvernement des peuples que la providence nous a confiés, occupant tous nos momens, nous ne saurions voir croître nos obligations sans en être alarmé. Comme nous ne voulons pas qu'on puisse nous attribuer le bien que les souverains font dans leurs états, nous ne voulons pas non plus qu'on nous impute les maux que la vicissitude des choses hu maines peut y introduire. Les affaires intérieures de chaque état ne nous regardent pas. Les princes de la confédération du Rhin sont des souverains qui n'ont point de suzerain. Nous les avons reconnus comme tels. Les discussions qu'ils pourraient avoir avec leurs sujets ne peuvent donc être portées à un tribunal étranger. La diete est le tribunal politique conservateur de la paix entre les différens souverains qui composent la conféderation. Ayant reconnu tous les autres princes qui formaient le corps germanique, comme souverains indépendans, nous ne pouvons reconnaître qui que ce soit comme leur suzerain. Ce ne sont point des rapports de suzeraineté qui nous lient à

la confédération du Rhin, mais des rapports de simple protection. Plus puissant que les princes confédérés, nous voulons user de la supériorité de notre puissance, non pour restreiadre leurs droits de souveraineté, mais pour leur en garantir la plénitude.

Sur ce, nous prions Dieu, mou frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

Donné en notre palais impérial de Saint-Cloud, le 11 Septembre, 1806.

(Signé)

NAPOLÉOS.

Certifié conforme :

Le ministre des relations extérieures,

(Signé)

CH. MAUR. Talleyrand.

Paris, le 26 Septembre, 1806.

Lettre de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, à S. M. le roi de Bavière.

Monsieur mon frère,

Il y a plus d'un mois que la Prusse arme, et il est connu de tout le monde qu'elle arme contre la France et contre la confédération du Rhin. Nous cherchons les motifs sans pouvoir les pénétrer. Les lettres que S. M. prusienne nous écrit sont amicales; son ministre des affaires étrangères a notifié à notre envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire qu'elle reconnaissait la confédération du Rhin, et qu'elle n'avait rien à objecter contre les arrangemens faits dans le midi de l'Alle magne.

Les armemens de la Prusse sont-ils le résultat d'une coalition avec la Russe, ou seulement des intrigues des différens partis qui existent à Berlin, et de l'irréflexion du cabinet? Ont-ils pour objet de forcer la Hesse, la Saxe et les villes anséatiques à contracter des liens que ces deux dernières puissances paraissent ne pas vouloir former? La Prusse voudraitelle nous obliger nous-mêmes à nous départir de la déclaration que nous avons faite, que les villes anséatiques ne pourront entrer dans aucune confédération particulière; déclaration fondée sur l'intérêt du commerce de la France et du midi de l'Allemagne, et sur ce que l'Angleterre nous a fait connaître que tout changement dans la situation présente des villes anséatiques serait un obstacle de plus à la paix générale? Nous avons aussi déclaré que les princes de l'empire germanique qui n'étaient point compris dans la confédération du Rhin, devaient être maîtres de ne consulter que lears intérêts et leurs convenances; qu'ils devaient se regarder comme parfaitement libres; que nous ne ferions rien pour qu'ils entrassent dans la confédération du Rhin, mais que nous ne souffrirons point que qui que ce füt les forçât de faire ce qui serait contraire à leur volonté, à leur politique, aux intérêts de leurs peuples.

Cette déclaration si juste aurait-elle blessé le cabinet de Berlin, et voudrait-il nous obliger à la rétracter? Entre tous ces motifs, quel peut être le véritable? Nous ne saurions le deviner, et l'avenir seul pourra révéler le secret d'une conduite aussi étrange qu'elle était inattendue. Nous avons été un mois sans y faire attention. Notre impassibilité n'a fait qu'enhardir tous les brouillons qui veulent précipiter la cour de Berlin dans la lutte la plus inconsidérée.

Toutefois les armemens de la Prusse ont amené le cas prévu par l'un des articles du traité du 12 Juillet, et nous croyons nécessaire que tous les souverains qui composent la confédération du Rhin, arment pour défendre ses intérêts, pour garantir son territoire et en maintenir l'inviolabilité. Au lieu de 200,000 hommes que la France est obligée de fournir, elle en fournira 300,000, et nous venons d'ordonner que les troupes nécessairės pour compléter ce nombre, soient transportées en poste sur le Bas-Rhin, les troupes de votre majesté, étant toujours restées sur le pied de guerre, nous invitons votre majesté à ordonner qu'elles soient mises, sans délai, en état de marcher avec tous leurs équipages de campagne et de concourir à la défense de la cause commune, dont le succès, nous osons ie croire, répondra à sa justice, si toutefois, contre nos désirs, et même contre nos espérances la Prusse, nous met dans la nécessité de repousser la force par la force.

Sur ce, nous prions Dieu, mon frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

(Signé)

NAPOLÉON.

Donné à Saint-Cloud, le 21 Septembre, 1806.

Pour copie conforme:

Le ministre des relations extérieures,

(Signé)

CH. MAUR. TALLEYRAND,
Prince de Bénévent.

N. B. Une lettre semblable a été écrite à S. M. le roi de Wurtemberg, et d'autres dans le même sens ont été adressées S. A. I. le grand-duc de Berg, à S. A. R. le grand-duc de Bade, à S. A. R. le grand-duc de Hesse-Darmstadt, à S. A. Em. le prince-primat, et au collége des princes de la confédération du Rhin.

Paris, le 14 Octobre, 1806.

Aujourd'hui, à midi, en exécution des ordres de S. M. l'em pereur et roi, S. A. S. Mgr. le prince archi-chancelier de l'empire s'est rendu au sénat.

Le prince a été reçu avec le cérémonial accoutumé; et après avoir pris séance, il a dit:

"Messieurs,

"La lettre que S. M. l'empereur et roi écrit au sénat, et les communications que je viens de faire de sa part, ont pour ob

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