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trebande en France. Si l'on a pu encore parvenir à employer avec avantage les mécaniques à la filature des lins fins, ces fils doivent être actuellement fort chers si on les file encore au rouet et par les anciens procédés. Peutêtre cette énorme différence de prix entre les toiles entièrement de fils de lin et les toiles de fils de coton, d'une égale finesse, a-t-elle fait donner partout généralement la préférence aux dernières. Les premières ont toutefois une apparence très-différente des autres. Comme objet de luxe, l'usage ne peut en avoir entièrement cessé, et s'il existe encore, je serais fâché de le savoir totalement perdu pour la France; cette industrie, entièrement d'origine française, pour laquelle elle fut si long-temps sans concurrens, et dont elle a, pendant un si grand nombre d'années, tiré tant d'avantages. A l'usage des fines toiles de lin a succédé celui des toiles et toileries de coton, unies ou ouvrées. La mode est la reine du monde, et certainement les anciens fabricans de toiles batistes et linons ont fait très-sagement de n'être pas les derniers à y sacrifier. Quand on ne peut plus manufacturer les matières premières du pays qu'on habite, il vaut bien mieux manufacturer des matières premières étrangères, telles que le coton, que d'être tributaire de l'étranger, non-seulement du prix de ces matières premières, mais encore du prix de la main-d'œuvre des ouvrages fabriqués avec ces matières. Souvent même l'industrie nationale est telle que l'état qui manufacture les matières premières étrangères, obtient encore un gain considérable par l'exportation des produits provenant de l'emploi de ces matières premières. Telles sont, je l'espère, et telles continueront d'être les fabriques de Saint-Quentin. Mais obligées de lutter avec les fabriques étrangères de même espèce, non-seulement pour le bon

marché, mais encore pour la qualité, la variété et la perfection des produits, elles ont besoin de continuer, de soutenir la concurrence chez l'étranger avec toutes les autres manufactures étrangères et même, s'il se peut, de se former de nouveaux débouchés, et d'obtenir même la préférence partout où il existe une concurrence établie. J'ai été, je l'avoue, souvent inquiet et affligé par le prix extrêmement bas auquel sont tombées et se trouvent encore beaucoup de toiles et toileries de coton. Il faut qu'il y ait on qu'il y ait eu momentanément encombrement de ces marchandises, pour que des marchands colporteurs viennent aussi souvent dans les villes de France, chefs-lieux d'arrondissement, faire de ces marchandises des ventes publiques, dans lesquelles elles sont adjugées à des prix qui paraissent évidemment devoir être au-dessous de ce qu'elles ont coûté de matières premières et de fabrication. On serait disposé à considérer ces sortes de ventes, comme des preuves non équivoques de quelque gêne et embarras pour la vente et le débit de ces marchandises. Telle est heureusement la richesse du sol de notre France, la variété de ses productions et l'industrie française, que nous sommes peut-être le peuple de l'Europe qui peut le plus se suffir à lui-même, et faire un commerce avantageux avec les peuples étrangers. La France n'a donc pas besoin comme la Chine d'une muraille qui la sépare de tous les peuples voisins. Quand elle le voudra, elle n'aura avec eux tous que des transactions favorables à ses intérêts; mais elle a besoin de la paix intérieure et extérieure, de la concorde, de la sagesse et de l'union, sans lesquelles on ferait en vain des vœux pour la prospérité de l'agriculture, des manufactures et du commerce.

Ainsi donc, vous le voyez, Messieurs, loin d'annoncer

dans ce mémoire la prétention d'instruire par la voie de l'impression, j'y déclare tout au contraire le besoin que j'ai de l'être par la communication de vos propres idées, sur les questions principales qui font l'objet de ce mémoire, et que mon attachement à ma ville natale, à ses intéressantes manufactures est bien l'unique moteur des vœux et de tous les sentimens que je vous exprime.

Ce serait un grand avantage, comme je l'ai exprimé dans ce mémoire, de voir partout l'intérêt particulier se sacrifier volontairement à l'intérêt général et les lois exercer un empire réel. C'est sans contredit l'objet de toutes les institutions sages, celui auquel il faut sans cesse tendre comme le plus propre à ras surer le lien social, et à offrir la plus sûre garantie de la prospérité publique.

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PROCÈS-VERBAL

De la Réunion agricole du département de l'Aisne.

CEJOURD'HUI, vingt-cinq octobre mil huit cent trentedeux, à midi,

La Réunion des agriculteurs, convoquée par M. le Préfet du département et par M. le général Baron de Galbois, membre de la Société centrale d'Agriculture, a eu lieu au faubourg de Vaux-sous-Laon, à l'effet d'assister à l'expérience du semoir inventé par M. Hugues, avocat près la cour royale de Bordeaux, qui lui-même s'est livré à l'essai en présence de Messieurs :

Le Baron de Galbois, général commandant le départe

ment;

Théodore Geslin, demeurant à Beaurepaire ;

Bauchart, demeurant à Laon;

MM. Bauchart, de Ferrière et de Laferté-Chevresis;

De Brotonne, de Clermont ;

Malezieux-Briquet, maire de Crépy;

Moret, de Gizy;

Laurent, de Beaurieux;

Pottelin, de Rougemont;

Viéville, de Chéry ;

Vivaise, de Crépy;

Courtefois, de Presles-Thierny ;

Lecat, maître de poste à Vaux-sous-Laon, et d'un con

cours assez nombreux d'amateurs de l'art agricole.

L'expérience a eu lieu sur un terrain appartenant à M. Lecat. Après les essais faits sur cette terre, dont la moitié a été ensemencée avec le semoir nouveau, et l'autre moitié doit être enfouie à la charrue par le propriétaire, afin d'établir plus tard un point de comparaison, les agriculteurs se sont réunis en commission pour délibérer sur la dite expérience, sous la présidence de M. le général Galbois : M. Lecointe, chef du bureau du secrétariat général de la préfecture a été désigné comme secrétaire.

La commission a reconnu que le terrain était d'une bonne qualité; mais qu'il y manquait un labour d'après l'usage du pays, pour le dégager de ses herbes ; qu'il a été employé pour la semence au moyen de l'instrument, moitié moins de grains que la quantité dont le propriétaire se propose de faire l'emploi dans l'autre partie; que quinze ares de terrain ont été ensemencés en moins d'une demi-heure par le semoir de M. Hugues, lequel fonctionne très-bien et n'est traîné que par un seul cheval et conduit par deux hommes. Enfin la commission a reconnu que le nouvel instrument offrait économie de temps, de bras, de chevaux et de semence, et constaté qu'aucun des instrumens de même nature connu jusqu'ici, ne présentait d'aussi grands avantages, sous tous les rapports, tant sous celui de la construction. que sous celui de l'entretien.

La commission s'est ajournée au mois d'avril prochain, époque à laquelle M. Hugues se propose de revenir à Laon à l'effet de faire usage, sur la terre qu'il a ensemencé, d'un sarcloir de son invention, et les membres se sont engagés à surveiller jusque là avec attention la végétation des deux portions de terrain, afin d'être à même de faire un rapport sur les résultats de cette expérience.

Avant de se séparer, la commission croit devoir également

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