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colté de l'avoine une multitude de grains qui viennent montrer les pertes éprouvées.

L'année dernière, au moment où les moissonneurs étaient occupés à lier une pièce de très-forte avoine, une pluie violente vint percer les javelots; deux jours après, le soleil reparut, on les retourna; le lendemain, à onze heures, ils étaient à moitié secs; on retourna de nouveau pour pouvoir lier à deux heures; mais une nouvelle pluie vint les percer, et, à trois reprises différentes, on éprouva la même chose; ce ne fut qu'au bout de quinze jours qu'on put parvenir à lier cette avoine qui avait été retournée sept à huit fois, et je suis bien certain que, dans les trois hectares environ qui restaient à lier, il demeura sur la terre au moins trente hectolitres de grain.

Fort contrarié de cette perte, craignant de la voir se renouveler, et désirant trouver les moyens de m'en garantir, je me suis décidé cette année à mettre mes avoines en huttelottes ainsi que cela se pratique assez généralement pour les premiers blés qu'on fait souvent couper avant leur parfaite maturité, et cet essai, sur lequel je crois devoir donner quelques détails, m'a parfaitement réussi.

Le matin, lorsque la rosée était bien dissipée, et le soir, vers la fin de la journée, pour éviter les grandes chaleurs, pendant lesquelles l'avoine s'égrène lorsqu'on la manie, je faisais relever tout ce qui était coupé en tas de neuf javelots; pour former ces tas, on liait trois javelots par le bout avec une poignée d'avoine, on les dressait avec soin, en les mettant bien d'aplomb, et tout autour on plaçait les six autres javelois en les appuyant contre les trois premiers, après quoi le haut était lié fortement avec un lien de seigle.

Lorsque ces huttelottes sont bien faites, qu'on a donné assez de pied aux derniers javelots, et que le lien a été placé

de manière à ce que le bas des tiges touche à la terre, elle sont fort solides, et le vent a si peu de prise sur elles que, sur plus de quatre mille que j'ai fait faire cette année, une vingtaine au plus ont été culbutées, et cependant il y en a qui sont restées plus d'un mois sans être liées. On est, du reste, toujours forcé de les laisser assez long-temps en place, car la dessication des tiges s'opère plus lentement en huttelottes que sur la terre; d'un autre côté, le grain se nourrit du restant de sève qui existe encore dans la tige, il profite des pluies, de la rosée, et, par conséquent, s'avoine, sans être exposé à germer.

Comme il faut laisser assez long-temps les avoines en huttelottes avant de pouvoir les faire lier, je fus forcé de faire changer de place toutes celles qui se trouvaient dans les terres semées en trèfle ou en minette; autrement, ainsi que je l'avais éprouvé, il y a quatre ans, avec des huttelottes de blé, le défaut d'air aurait fait périr tout ce qui se trouvait enfermé sous les huttelottes, et, quoiqu'au printemps les places claires se regarnissent un peu, il reste toujours des vides, et par conséquent une diminution dans le produit de la plante.

En faisant changer mes huttelottes de place, je m'aperçus bientôt qu'elles étaient trop grosses, ce qui les rendait plus difficiles à bien replacer, de sorte qu'elles étaient exposées à être renversées par le vent; je les fis alors réduire à six javelots au lieu de neuf, n'en mettant que deux pour la gerbe du milieu; à cette grosseur, un ouvrier les maniait facilement, et les huttelottes d'une pièce étaient changées de place en moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour retourner les javelots.

Pour la première fois, comme le trèfle est très-faible, c'est le troisième jour, au plus tard, qu'il faut faire ce changement: on peut ensuite attendre quatre ou cinq jours.

Il arrive souvent que ces précautions, qui donnent lieu à une dépense de 3 à 4 francs par hectare sont inutiles; mais, quand la pluie survient, on s'applaudit de les avoir prises. Cette année, par exemple, les trois-quarts des avoines étaient rentrées au 27 août; mais, les 28 et 29, il plut abondamment; les 30 et 31, la pluie continua à des intervalles assez rapprochés pour qu'il fût impossible de rien faire sécher. Le 1 septembre, nous eûmes seulement quelques ondées, et le temps se remit au beau le 2 septem- · bre: on s'empressa alors de retourner les avoines qui étaient sur la terre; une partie était germée, et, si la pluie eût continué encore deux à trois jours, la plus grande partie cût été perdue; celles que j'avais en huttelottes se conservèrent parfaitement; je les fis lier les 4 et 5 septembre; elles étaient bien sèches, seulement dans les pièces semées en trèfle qui était devenu assez fort, il y avait une légère moiteur au pied des huttelottes; mais il suffisait, pour la faire totalement disparaître, de laisser les gerbes une couple d'heures au soleil avant de les ramasser.

Parmi mes avoines, il s'en trouva une pièce semée trèstard après de la luzerne que j'avais voulu conserver, mais que j'avais été forcé de défricher, en voyant à la fin d'avril que je n'aurais presque rien, la luzerne étant étouffée par le gazon. A la fin d'août, cette pièce n'était qu'à moitié mûre, et dans quelques endroits encore toute verte; toutefois je la fis couper les 25 et 27 août, dans l'intention de la donner à mon troupeau; les 4/5 environ de la pièce furent mis en huttelottes; mais la pluie ayant commencé le 28 au matin, les ouvriers n'eurent pas le temps d'y mettre le surplus; cette portion reçut, étant étendue par terre, les pluies qui tombèrent les 28, 29, 30 et 31 août, et elle ne put être relevée que le trois septembre, après avoir été retournée trois fois.

Etant relevée, cette portion d'avoine reçut, ainsi que les huttelottes faites aussitôt le fauchage, les averses qui tombèrent les 7, 8 et 10 septembre; elles n'en souffrirent pas, et, le 20 septembre, la journée ayant été très-belle, tout fut lié et charrié; la partie, mise en huttelottes avant la pluie, était parfaitement conservée; celle qui était restée quelques jours sur la terre avait un peu souffert; mais, dans toutes deux, à l'exception des tiges qui avaient été coupées totalement vertes, le grain était gros, bien nourri, et aussi bon que si l'avoine eût été fauchée en parfaite

maturité.

D'après ce résultat, je suis décidé à faire, l'année prochaine, couper la plus grande partie de mes avoines à moitié mûres (ce sera probablement avant qu'on ne fauche les blés); je les laisserai en huttelottes pendant la moisson, et je les ferai lier lorsque les blés seront rentrés.

J'engage fortement d'autres cultivateurs à tenter le même essai, presque certain qu'ils en seront satisfaits, et dans tous les cas, à faire connaître les résultats qu'ils obtiendront.

Je crois aussi devoir ajouter que les terres en avoines, cultivées avec la herse à fers, dont j'ai parlé, no 1er des Annales agricoles, page 94, ont donné une excellente récolte; car j'ai obtenu 6,700 gerbes dans une pièce de terre de 7 hectares.

FOUQUIER-D'HÉROUEL.

DE L'IVRAIE VIVACE ITALIENNE.

DEPUIS plusieurs années le gazon couvre les luzernes et les fait périr, les nouveaux semis réussissent rarement, et dans plusieurs fermes cette plante précieuse est presqu'entièrement disparue. Éprouvant le même sort que mes voisins, et ne pouvant, malgré mes efforts, parvenir à avoir de belles luzernes, je désirais vivement trouver une plante propre à former des prairies artificielles, lorsque je vis dans plusieurs journaux ou ouvrages d'agriculture un grand éloge de l'ivraie vivace italienne, et je résolus d'essayer la culture de cette plante.

A la fin d'avril 1831, je fis venir de Paris 5 kilogrammes de graine qu'on vendait 2 fr. 80 le kilo; on les sema le 12 mai sur 9 à 10 ares de terre de vallée que j'avais fait fouir el bien préparer. La plante leva fort bien et poussa assez vigoureusement. A la fin de juillet elle avait au moins un pied d'élévation; je la fis alors faucher pour donner en vert, ce qui fut renouvelé deux fois avant l'hiver.

Encouragé par cet essai, je me décidai à ensemencer une plus grande étendue de terrain, et ayant lu dans un journal d'agriculture qu'en semant cette plante avant l'hiver j'aurais au printemps une prairie bien fournie, je fis venir, le 22 octobre 1831, 15 kilogrammes de graine qui, dès le lendemain, furent semés dans une terre contiguë à la première, sur laquelle j'avais récolté des pommes de terre et qui avait ensuite été relevée avec la herse à fers.

La terre avait été bien apprêtée; toutefois la levée se fit mal, et, au printemps de 1852, il n'existait de plantes

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