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sc vend ou se loue plus cher que dans les autres pays; de l'autre, les droits qui protégent l'industrie commerciale augmentent beaucoup le salaire des ouvriers nécessaires à l'agriculteur, le prix du fer, du charbon, etc.; el cette élévation des dépenses réagit sur le prix des produits.

Peut-être, si on proclamait la suppression de tous les droits qui protégent le commerce et l'industrie manufacturière, l'agriculture pourrait-elle soutenir la concurrence avec l'étranger; mais, tant qu'on croira devoir conserver à ces deux autres branches la protection dont elles ont besoin, il est juste et nécessaire d'en user de même vis-àvis des cultivateurs.

Jusque-là, la baisse que l'on veut provoquer par un changement des lois de douanes, occasionerait des pertes irréparables, et reculerait indéfiniment les améliorations depuis si long-temps désirées. Ce changement de la législation amenerait indubitablement une baisse de dix ou douze pour cent sur les bestiaux, une diminution de quinze, vingt et même trente pour cent sur les toisons; une diminution de plus de 200 millions sur les capitaux engagés dans l'exploitation des fermes, une baisse de quinze pour cent sur les laines, et pour les cultivateurs une perte annuelle de dix à douze millions.

Certes de pareils intérêts réclament toute l'attention du gouvernement et toute la protection des lois, et sans doute ils ne seraient pas menacés d'en être privés, si, comme ceux de l'industrie commerciale, ils étaient surveillés et défendus par des représentans de leur choix. Mais, sans méconnaître les talens et les intentions des membres qui composent aujourd'hui le conseil d'agriculture, les cultivateurs peuvent craindre qu'il ne manque quelque chose à leur défense, dans un corps qui est en entier à la nomina

tion du ministre; et quand ils considèrent que l'ordonnance du 29 avril 1831 attribue aux chambres de commerce la nomination des membres du conseil-général du commerce; qu'un tiers des membres du conseil-général des arts et des manufactures est élu par les chambres consultatives, il leur est sans doute permis de demander que le principe de l'élection soit introduit dans la composition d'un conseil chargé de représenter le plus général, le plus important et le moins offensif de tous les intérêts.

Par ces motifs recueillis dans la discussion à laquelle elle s'est livrée, la Société arrête les trois résolutions ci-dessus, et décide que la présente délibération sera adressée à la chambre des députés, à M. le ministre du commerce et au conseil d'agriculture.

Fait et arrêté en séance, les jour, mois et an susdits.

PROJET DE PÉTITION.

A MM. les Députés des Départemens.

MESSIEURS,

Alarmés par le projet de loi présenté par M. le ministre du commerce pour diminuer les droits d'entrée sur les bestiaux, par celui qu'il se dispose à vous soumettre sur les laines étrangères, les soussignés, cultivateurs du département de l'Aisne, viennent vous exposer la position dans laquelle ils se trouvent.

Comptant, d'après les dispositions de la loi du 17 mai 1826, obtenir une vente avantageuse de leurs bestiaux, ils ont commencé à en augmenter le nombre, ce qui leur a fourni une plus grande quantité d'engrais et procuré les moyens de supprimer une faible partie de leurs jachères.

Mais à peine ont-ils livré à la consommation les premiers

élèves qu'ils ont faits, qu'un changement de législation va amener une baisse de 10 à 12 pour cent sur les animaux, et les menace d'une diminution de 15 à 20 et même 30 pour cent sur les toisons.

L'adoption de la loi projetée, en faisant baisser la valeur des animaux livrés à la boucherie, occasionerait une diminution de plus de deux cents millions sur le total des capitaux engagés dans l'exploitation de nos fermes, et une baisse de 15 pour cent sur les laines causerait aux cultivateurs une perte annuelle de 10 à 12 millions.

Avec de tels résultats, les cultivateurs pourraient-ils se livrer encore aux dépenses nécessaires pour améliorer le sol et parvenir à la suppression des jachères? Non Messieurs, il ne faut pas l'espérer; en voyant nos capitaux s'anéantir, nos revenus diminuer, sans espoir de bien vendre nos produits, il nous est impossible de nous livrer à l'éducation des bestiaux; nous en réduirons donc le nombre, par conséquent nous obtiendrons moins d'engrais et tout espoir d'amélioration est perdu pour l'agriculture; car, ainsi que l'a si bien dit l'un des hommes dont la France s'honore, M. le comte Chaptal, 'sans bestiaux, pas d'engrais, sans engrais, pas de récoltes.

Depuis près de 30 ans une prohibition absolue des droits qui s'élèvent à plus de 50 pour cent, ont assuré la prospérité des fabriques d'étoffes, des forges, des mines de charbon; les propriétaires de ces établissemens ont pu, avec la certitude de cette protection, faire de grandes dépenses et engager des capitaux considérables dans l'exploitation de leurs usines; ils en ont retiré les bénéfices qu'ils avaient droit d'espérer, et déjà la concurrence intérieure a fait baisser plusieurs de leurs produits, au point qu'il serait difficile de les obtenir à meilleur marché des mains de l'agriculture,

et nous arriverons aux mêmes résultats. Que pendant vingt ans, une législation invariable nous assure la vente lucrative de nos bestiaux, de nos laines et des autres produits de nos fermes, nous pourrons alors nous procurer les capitaux dont nous avons besoin, et donnant à l'industrie agricole le développement qu'elle peut acquérir, nous parviendrons à supprimer les jachères et à augmenter considérablement nos produits; alors l'augmentation de productions amenera la baisse; mais cette baisse, résultat de la concurrence intérieure, ne sera pas nuisible aux cultivateurs, tandis que celle qu'on veut maintenant provoquer par un changement des lois de douanes, nous occasionerait des pertes irréparables et reculerait indéfiniment l'amélioration de l'agriculture.

Malgré tous nos efforts, il nous est impossible de produire à aussi bon marché que les étrangers; car en France, par suite de la division des propriétés, la terre se vend ou se loue beaucoup plus cher que dans les autres pays, et les droits qui protégent l'industrie commerciale augmentent fortement le salaire des ouvriers que nous employons, le prix du fer dont nous nous servons, du charbon qui nous chauffe, et cette élévation dans nos dépenses réagit sur le prix de nos produits.

Si l'on veut supprimer les droits qui protégent l'agriculture, qu'on agisse de même à l'égard du commerce, peutêtre alors pourrons-nous lutter contre la concurrence étrangère; mais plutôt conservant aux négocians la protection dont ils ont besoin, qu'on agisse de même envers les cultivateurs.

Enfans de la même patrie, supportant les mêmes charges, nous avons droit aux mêmes avantages; aussi, comptant sur les sentimens de justice qui vous animent, nous

venons vous demander d'être traités comme le commerce, d'avoir comme lui des conseils élus par les cultivateurs, qui puissent faire connaître au gouvernement la position et les besoins de l'agriculture, et propager dans leurs cantons toutes les améliorations susceptibles d'être adoptées avec succès. Ces réunions, composées des cultivateurs les plus instruits, exerceraient sur leurs collègues une grande influence, et leur exemple, appuyé de la protection du gouvernement, ne tarderait pas à faire disparaître la stérile jachère et à doubler les productions de notre sol.

S'appuyant sur ce qu'ils viennent de vous exposer, les soussignés espèrent que vous voudrez bien rejeter la diminution proposée sur les droits d'entrée payés par les bestiaux, manifester votre improbation du projet de changer la législation qui régit les laines, et accorder à l'agriculture des conseils agricoles élus par les cultivateurs, dont les fonctions seraient analogues à celles des chambres de com

merce.

Ces deux rédactions sont adoptées.

La Société décide que la pétition restera déposée chez son secrétaire jusqu'au 16 février, pour y être signée, et que ce dépôt sera annoncé par les deux journaux de SaintQuentin. Elle décide également qu'il en sera envoyé copie à chacun des membres correspondans résidant dans le département, avec invitation de recueillir les signatures des personnes qui ne pourraient pas venir les donner à SaintQuentin.

Extraits du procès-verbal du 26 janvier et de celui de ce jour seront insérés aux deux journaux de la ville.

Etaient présens MM. Girard; Salats; D'Estrées; Al. Fouquier; Delvigne, de Caulaincourt; Fouquier-d'Hérouël;

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